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Homélies - Page 48

  • La Sainte Trinité

    trinite.jpgDevant l'ambon se trouve cette icône que vous connaissez. Elle est écrite par un russe du 13° siècle, saint André Roublev. Il a eu l'audace de vouloir représenter la visite des trois anges à Abraham au chêne de Mambré, pour le monastère de la Sainte Trinité à Zagorsk en Russie.

    Trois personnes, éternellement jeunes. Trois visages qui se ressemblent. Avec beaucoup de grâce, ils sont comme entraînés dans un mouvement de regard. Avec noblesse et retenue, ils semblent communier dans une relation de paix et d'amour. Communion, relation, amour. Tout semble même inscrit dans le cercle que décrit la forme des corps et des vêtements. C'est une image, c'est une icône, c'est une présence.

    Le Père, le Fils et l'Esprit. Saint, Saint, Saint, le Seigneur, Dieu de l'univers. Le Père, le Fils, et l'Esprit. Une seule nature, trois personnes. Le risque serait de refuser de comprendre, parce que trop abstrait, trop compliqué, trop mystérieux. Il s'agit plutôt de recevoir.

    Recevoir un mouvement : le Fils qui révèle le Père ; l'Esprit envoyé par le Père et le Fils. L'histoire du salut vient à notre secours pour, très simplement, nous montrer comment le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, s'est révélé aux hommes Ultimement, Il se révèle comme Père, Fils et Esprit. Le Fils ouvre le chemin du Père. Le Père envoie le Fils. Tous deux envoie l'Esprit d'amour et de vérité. Le Maître visible et le Maître invisible. Les deux mains du Père. Saint, Saint, Saint, le Seigneur Dieu de l'Univers.

    Recevoir une communion d'amour : le Père aime le Fils et le Fils aime le Père. Cet amour, c'est l'Esprit. Communion où le Fils est dans le Père et le Père est dans le Fils. Possession réciproque. Amour réciproque. Fécondité réciproque d'où jaillit éternellement l'Esprit d'amour et de vérité. Les premiers versets de la Genèse ne parlent-ils pas de cette communion au moment de la création du couple humain. « Faisons l'homme à notre image... Homme et femme il les créa ». Communion d'amour, dont le couple humaine sera une autre icône.

    Recevoir une invitation. Je reviens à l'icône. La circulation d'amour qui s'opère dans les visages, dans les regards et les mouvements des bras et des mains s'établit autour d'une table où une coupe est dressée. Table à 4 côtés, alors qu'il n'y a que 3 convives. Comme pour notre autel, la 4ème place, c'est celle de chacun qui est invité au festin des Noces de l'Agneau, à cette communion trinitaire, où il s'agit d'aimer le Père et le Fils et de recevoir l'Esprit qui les unit. Venez les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous. En cet instant, comme dans la suite de la célébration eucharistique, il faudrait réaliser que nous sommes en présence de la Trinité, et même plus, que nous sommes invités par la Trinité, à entrer dans une certaine danse trinitaire, une communion d'amour. Venez, et recevez.

    Recevoir des relations nouvelles. Une année, j'étais à un colloque sur la doctrine sociale, où intervenait de brillants théologiens. Un orthodoxe est venu nous parler de la doctrine sociale dans son Eglise orthodoxe russe. Son propos s'est contenté de commenter le fait que leur doctrine sociale, des relations sociales, des échanges, de la politique, que sais-je encore, c'était la Trinité. Déçu, je reparti en me réjouissant des développements catholiques. Les relations trinitaires sont la matrice de nos relations de charité. L'amour qui circule en Dieu est précisément ce qui nous est promis, pour circuler entre nous. Vous imaginer ce que cela serait, ce que cela changerait ?

    Il s'agit de recevoir cet amour qui vient d'en Haut, et qui nous tire vers le haut, vers le meilleur de nous-mêmes. Benoit XVI le dit, dans son encyclique Caritas in caritate : « Dieu veut nous associer nous aussi à cette réalité de communion: 'pour qu'ils soient un comme nous sommes un' (Jn 17, 22). L'Église est signe et instrument de cette unité. Les relations entre les hommes tout au long de l'histoire ne peuvent que tirer avantage de cette référence au divin Modèle » (CIV 54).

    Où allons-nous trouver la raison ultime de nos relations, de ce qui nous lie ? L'amour et la communion trinitaire. La grâce de Jésus notre Seigneur, l'amour de Dieu le Père, et la communion de l'Esprit-Saint soient toujours avec nous. Qu'ils demeurent en nous et entre nous. Pour que ce monde croie, que cette icône devienne vivante : voyez comme ils s'aiment !

  • Il vit et il crut

    burnand-pierre-et-jean.jpgCe matin, alors qu'il fait encore nuit dans nos cœurs et toute l'octave de Pâques ne sera pas de trop pour dissiper les ténèbres de nos cœurs, ce matin, nous sommes ramenés au tombeau. Avec toute l'Église, avec Marie-Madeleine, avec Pierre et Jean, nous voici ramenés au tombeau. Toute la nuit et depuis trois jours, l'Église a cherché celui que son cœur aime, elle s'est levée et ne l'a pas trouvé. Elle a parcouru les rues et les places en demandant aux gardes : avez-vous vu celui que mon cœur aime ? Alors dans la brise de ce matin, l'Église revient au jardin du tombeau, pour s'y remplir de la foi aimante au Christ ressuscité.

    Marie-Madeleine, la première a vu le tombeau ouvert. Sans y entrer, elle a perçu l'inouï et à son premier témoignage, les disciples accourent et Jean, dans son zèle ardent de disciple bien-aimé, arrive en tête. Oui, Seigneur, ton amour me fait bondir de joie, comme le feu dans les chaumes, les apôtres courent au tombeau. Si notre amour est encore trop tiède, peu importe, entrons à leur suite dans la foi et l'amour des disciples qui courent au tombeau, alors qu'il fait encore sombre, alors que les cœurs sont encore embrumés par la Passion solitaire du Fils unique, alors que la voix de l'Époux semble s'être éteinte.

    Courrons avec Jean. Avec Pierre, longeons la colline du Golgotha que la peur lui avait fait fuir et entrons dans le jardin du tombeau. Courbons humblement la tête pour franchir la porte du sépulcre où le Seigneur a vaincu la mort. Penchons-nous vers la pierre froide et nue du tombeau pour contempler la pierre où le Fils de l'Homme a reposé la tête. Avec Jean, voyons et croyons.

    Mais me direz-vous, qu'a-t-il vu en ce matin de Pâques ? Il n'a pas vu le Ressuscité remontant des enfers. Il n'a pas vu le Maître de la vie triomphant de la mort. Il n'a même pas entendu la voix de l'ange lui annoncer la Bonne Nouvelle du salut. Non, Jean a vu les linges et cela lui suffit. Jean, qui était resté au pied de la Croix avec Marie qu'il prend désormais chez lui, avait accompagné le Roi de gloire jusque dans son Royaume, jusqu'à cette salle des noces où Il fut embaumé, habillé d'un linceul. Et voilà que Jean voit ce linceul vide et affaissé, libéré du corps qu'il enfermait. Ce linceul ne pouvait pas garder plus longtemps le Dieu fort, le Dieu saint et immortel. Heureux linceul qui a abrité un temps le Bien-aimé. Mais la foi au Christ ressuscité nous fait nous approcher de lui infiniment plus que lui !

    De fait, les yeux de Jean n'ont rien vu d'autre que ce tombeau resté vide jusqu'à aujourd'hui, que ce linceul resté affaissé. Mais le cœur aimant du disciple bien-aimé s'est rempli à ce moment-là d'une lumière intérieure qui dépasse tout enseignement. Il a vu la réalisation des promesses de l'Écriture. Il vit et il crut. Il crut que le Fils de l'Homme devait souffrir beaucoup de la part des grands-prêtres, qu'il meure et que le troisième jour il ressuscite. Il crut qu'après deux jours, le Seigneur nous fera revivre et que le troisième jour il nous relèvera. Oui, il vit et il crut. L'Esprit Saint, qui sonde les profondeurs de Dieu, aura à leur enseigner toutes choses. Le Ressuscité aura à les associer à son intimité encore pendant 40 jours jusqu'à Son ascension. Mais tout cela viendra en son temps. Pour l'heure, il voit et il croit.

    Frères et sœurs, nous aussi, voyons et croyons. Avec l'Église du matin de Pâques, voyons la gloire du Ressuscité qui vient à nous dans la lumière de ce Cierge pascal, présence lumineuse du Christ le même hier, aujourd'hui et à jamais. Accueillons la présence du Seul Seigneur dans ses sacrements qui nous font revivre. Dans le baptême qui nous fait des fils dans le Fils, dans l'Eucharistie qui nous nous nourrit et dans le Pardon qui nous réconcilie. Contemplons avec toute l'Église Celui que la mort n'a pu engloutir, et qui est remonté triomphant des enfers. Adorons Celui qui vient vers chacun de nous en montrant ses mains et ses pieds et nous apportant sa paix. Mais surtout, accueillons avec crainte et tremblement le témoignage de toute l'Église. Au soir de Pâques, le Seigneur se montrera à ses Apôtres. En attendant qu'il se manifeste à nous au soir de notre vie, il nous faut vivre ce matin avec la foi venue des Apôtres. Certes, au jardin de Gethsémani, les Apôtres étaient à distance, à un jet de pierre du Seigneur. Mais au jardin du tombeau, Jean et Pierre sont déjà infiniment proches du Seigneur ressuscité dans la foi en voyant et en croyant. En ce matin de la foi, tout est déjà donné.

    Il vit et il crut. Mais heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru. Nous sommes de ceux-là, chers amis. En allant au tombeau ce matin, nous ne voyons pas plus que Pierre ou que Jean. Mais avec l'Église qui médite les Écritures et qui nous donne la présence du Christ ressuscité, nous voyons et nous croyons. On nous l'a annoncé : Jésus, mon Sauveur est en vie. Cela me suffit.

  • Qu'il nous est bon d'être ici !

    transfiguration.jpg

    La scène nous est familière : transfiguration du Christ devant ses disciples ; dévoilement passager de la gloire de Dieu avant l'épreuve de la Passion, où seul le visage tuméfié du crucifié apparaîtra au témoin.

    Le Christ dévoile donc sa gloire de Messie annoncé par les prophètes. Moïse et Elie présents sur la montagne en sont comme l'authentification. La voix du Père vient ensuite sceller ce dévoilement glorieux. Celui-ci est mon Fils bien aimé. Ecoutez-le !

    Pour les 3 (et non pas 12) disciples témoins de la scène, la surprise humaine est de taille. Ils sortent de leur sommeil. Pierre balbutie une proposition, ne sachant ce qu'il dit. Ils redescendront dans le quotidien de la vallée, gardant le silence sur ce qu'ils ont vu. Mais sans aucun doute, remplis d'une rencontre transformante. Ils ont vu le Verbe de vie. Ils ont entendu la voix du Père. Ils ont cru.

    Cette rencontre arrive au bon oment pour nous. Dans notre marche de Carême, nous avons été témoin la semaine dernière de l'humanité éprouvée du Christ. Le Christ sujet au tentation, vainqueur des pièges du mal, nous donne l'espérance d'être nous aussi libéré de cette emprise sournoise.

    L'Evangile de la Transfiguration vient dévoiler la gloire à venir, tout comme pour les disciples, elle les prépare à vivre l'épreuve de la Passion et de la mort du Christ en la traversant par la gloire à venir. Rencontre transformante qui fonde la foi. Rencontre transformante qui consolide la foi reçue. Mais si les apôtres ont gardé le silence dans un premier temps, il ne leur a plus été possible de se taire après l'évènement par exemple, c'est-à-dire l'évènement pascal de la mort et de la résurrection. Il leur faut transmettre ce qu'ils ont reçu. C'est une nécessité impérieuse. « Malheur à moi si je n'évangélise pas » dira saint Paul.

    Depuis 2.000 ans, les disciples de Jésus, les successeurs des Apôtres, bref toute l'Eglise n'a cessé de transmettre ce qu'elle a reçu, ce trésor de la foi, d'une rencontre transformante, bref l'évènement toujours actuel du mystère pascal. L'Eglise a rencontré des épreuves, des persécutions. Elle a été en contact avec des langues, des cultures aussi diverse que la variété des peuples. La sympathie des princes et des pouvoirs politiques a pu même être un obstacle. Mais toujours elle a transmis ce qu'elle a reçu : l'attraction séduisante du Christ qui vient illuminer nos vies et les sauver.

    Cet enjeu reste actuel : transmettre ce que nous avons reçu. Non qu'entre temps, ce trésor de la foi fasse son œuvre de salut en nous, au point même que nous y ajoutions une compréhension nouvelle. Mais tout de même transmettre ce que nous avons reçu.

    Mes amis, je vous le dis sans précaution de langage : c'est une question de vie ou de mort. Si nous ne transmettons pas ce que nous avons reçu. Si nous ne témoignons pas explicitement, si nous n'oeuvrons pas explicitement pour cette transmission, alors la prophétie de Jérémie se réalisera : « la foi est morte, on n'en parle plus » ou encore « quand le Fils de l'homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? ». Nous serons les derniers des Mohicans. Le dernier n'oubliera pas d'éteindre en partant.

    La parabole des talents est là pour nous rappeler la responsabilité qui est la nôtre devant les trésors qui nous sont confiés. Nous l'interprétons souvent avec la clé de nos qualités, de nos biens. Dans le contexte eschatologique des paraboles précédents la passion du Christ, elle indique autre chose : celle du don de la foi, de la Parole de Dieu confiée aux serviteurs que nous sommes. Les serviteurs que le maître récompense sont ceux qui ont fait fructifier ce qu'ils ont reçu. Celui qui a caché son talent pour l'enfouir et qui pense naïvement ou peureusement pouvoir rendre ce qu'il a reçu se verra enlever même ce qu'il a. Curieuse ruse de l'histoire !

    Transmettre ce que nous avons reçu en le faisant fructifier. Ecclesia21, le RDV diocésain d'hier a été une grâce. La grâce de se remettre dans le souffle de la Parole de Dieu qui nous est confiée, pour qu'elle fasse son œuvre en nous, et que nous la transmettions explicitement. La grâce de recevoir la foi comme un trésor à transmettre : « la foi grandit quand nous la transmettons ».

    Chers amis, en ce temps précis, en ce lieu précis, pour vous précisément, il appartient à la vie organique de notre foi que nous annoncions Jésus Christ, mort et ressuscité. Oui il nous est bon d'être ici rassemblé par Sa Parole et par Son pain. Oui il nous est bon de parler de toi pour que l'âge à venir te connaisse.

     

  • Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim

    Au commencement du Carême qui constitue un chemin d'entraînement spirituel intense, la liturgie nous propose à nouveau trois pratiques pénitentielles chères à la tradition biblique et chrétienne. La prière, l'aumône et le jeûne servent à nous préparer à mieux célébrer la Pâque et à faire ainsi l'expérience de la puissance de Dieu qui, comme nous l'entendrons au cours de la veillée pascale, triomphe du mal, lave nos fautes, redonne l'innocence aux pécheurs, la joie aux affligés, dissipe la haine, nous apporte la paix et humilie l'orgueil du monde". Le Carême est un temps de pénitence, entre le mercredi des Cendres et Pâques. En ce traditionnel message du Carême, je souhaite cette année me pencher plus particulièrement sur la valeur et le sens du jeûne. Le Carême en effet nous rappelle les quarante jours de jeûne vécus par le Seigneur dans le désert, avant le commencement de sa mission publique.

    Nous lisons dans l'Evangile : Jésus fut conduit au désert par l'Esprit pour être tenté par le démon. Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim. Comme Moïse avant de recevoir les Tables de la loi, comme Elie avant de rencontrer le Seigneur sur le mont Horeb, de même Jésus, en priant et en jeûnant, se prépare à sa mission, dont le début fut marqué par une dure confrontation avec le tentateur. Nous pouvons nous demander quelle valeur et quel sens peuvent avoir pour nous, chrétiens, le fait de se priver de quelque chose qui serait bon en soi et utile pour notre subsistance. L'Ecriture et toute la tradition chrétienne enseignent que le jeûne est d'un grand secours pour éviter le péché et tout ce qui conduit à lui. C'est pourquoi, dans l'histoire du salut, l'invitation à jeûner revient régulièrement. Déjà dans les premières pages de l'Ecriture, le Seigneur commande à l'homme de s'abstenir de manger du fruit défendu: Tu pourras manger de tous les arbres du jardin, mais de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, tu ne mangera pas, car le jour où tu en mangeras, certainement tu mourras. En commentant l'injonction divine, saint Basile observe que le jeûne a été prescrit dans le paradis terrestre, et " ce premier précepte été donné à Adam. Il conclut ainsi: Cette défense, ce tu ne mangeras pas, est une loi de jeûneet d'abstinence. Parce que tous nous sommes appesantis par le péché et ses conséquences, le jeûne nous est offert comme un moyen pour renouer notre amitié avec le Seigneur. C'est ce que fit Esdras avant le voyage du retour de l'exil en Terre promise, quand il invita le peuple réuni à jeûner pour s'humilier devant notre Dieu. Le Tout Puissant écouta leur prière et les assura de sa faveur et de sa protection. Les habitants de Ninive en firent autant quand, sensibles à l'appel de Jonas à la repentance, ils proclamèrent, comme témoignage de leur sincérité, un jeûne en disant: Qui sait si Dieu ne se ravisera pas et ne se repentira pas, s'il ne reviendra pas de l'ardeur de sa colère, en sorte que nous ne périssions point? Là encore, Dieu vit leurs œuvres et les épargna".

    "Dans le Nouveau Testament, Jésus met en lumière la raison profonde du jeûne en stigmatisant l'attitude des pharisiens qui observaient avec scrupule les prescriptions imposées par la loi, alors que leurs cœurs étaient loin de Dieu. Le vrai jeûne, redit encore en d'autre lieux le divin Maître, consiste plutôt à faire la volonté du Père céleste, lequel voit dans le secret et te récompensera. Lui-même en donne l'exemple en répondant à Satan, au terme des quarante jours passés dans le désert: Ce n'est pas de pain seul que vivra l'homme, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Le vrai jeûne a donc pour but de manger la vraie nourriture, qui consiste à faire la volonté du Père. Si donc Adam désobéit à l'ordre du Seigneur de ne pas manger du fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, le croyant entend par le jeûne se soumettre à Dieu avec humilité, en se confiant à sa bonté et à sa miséricorde".

     

    "La pratique du jeûne est très présente dans la première communauté chrétienne. Les Pères de l'Eglise aussi parlent de la force du jeûne, capable de mettre un frein au péché, de réprimer les désirs du vieil homme, et d'ouvrir dans le cœur du croyant le chemin vers Dieu. Le jeûne est en outre une pratique récurrente des saints, qui le recommandent. Saint Pierre Chrysologue écrit: Le jeûne est l'âme de la prière, la miséricorde est la vie du jeûne. Donc, celui qui prie doit jeûner, celui qui jeûne doit avoir pitié, qu'il écoute l'homme qui demande, et qui en demandant souhaite être écouté. Il se fait entendre de Dieu, celui qui ne refuse pas d'entendre lorsqu'on le supplie".

    "De nos jours, la pratique du jeûne semble avoir perdu un peu de sa valeur spirituelle et, dans une culture marquée par la recherche du bien-être matériel, elle a plutôt pris la valeur d'une pratique thérapeutique pour le soin du corps. Le jeûne est sans nul doute utile au bien-être physique, mais pour les croyants, il est en premier lieu une thérapie pour soigner tout ce qui les empêche de se conformer à la volonté de Dieu. Dans la Constitution apostolique Pænitemini de 1966, Paul VI reconnaissait la nécessité de remettre le jeûne dans le contexte de l'appel de tout chrétien à ne plus vivre pour soi-même, mais pour Celui qui l'a aimé et s'est donné pour lui, et aussi à vivre pour ses frères. Ce Carême pourrait être l'occasion de reprendre les normes contenues dans cette Constitution apostolique, et de remettre en valeur la signification authentique et permanente de l'antique pratique pénitentielle, capable de nous aider à mortifier notre égoïsme et à ouvrir nos cœurs à l'amour de Dieu et du prochain, premier et suprême commandement de la Loi nouvelle et résumé de tout l'Evangile".

    "La pratique fidèle du jeûne contribue en outre à l'unification de la personne humaine, corps et âme, en l'aidant à éviter le péché et à croître dans l'intimité du Seigneur. Saint Augustin qui connaissait bien ses inclinations négatives et les définissait comme " des nœuds tortueux et emmêlés, écrivait dans son traité sur L'utilité du jeûne: Je m'afflige certes un supplice, mais pour qu'il me pardonne. Je me châtie de moi-même pour qu'il m'aide, pour plaire à ses yeux, pour arriver à la délectation de sa douceur. Se priver de nourriture matérielle qui alimente le corps facilite la disposition intérieur à l'écoute du Christ et à se nourrir de sa parole de salut. Avec le jeûne et la prière, nous Lui permettons de venir rassasier une faim plus profonde que nous expérimentons au plus intime de nous, la faim et la soif de Dieu".

    "En même temps, le jeûne nous aide à prendre conscience de la situation dans laquelle vivent tant de nos frères. Dans sa première Lettre, saint Jean met en garde: Si quelqu'un possède des richesses de ce monde et, voyant son frère dans la nécessité, lui ferme ses entrailles, comment l'amour de Dieu demeurerait-il en lui? Jeûner volontairement nous aide à suivre l'exemple du Bon Samaritain, qui se penche et va au secours du frère qui souffre. En choisissant librement de se priver de quelque chose pour aider les autres, nous montrons de manière concrète que le prochain en difficulté ne nous est pas étranger. C'est précisément pour maintenir vivante cette attitude d'accueil et d'attention à l'égard de nos frères que j'encourage les paroisses et toutes les communautés à intensifier pendant le Carême la pratique du jeûne personnel et communautaire, en cultivant aussi l'écoute de la Parole de Dieu, la prière et l'aumône. Ceci a été, dès le début, une caractéristique de la vie des communautés chrétiennes où se faisaient des collectes spéciales, tandis que les fidèles étaient invités à donner aux pauvres ce qui, grâce au jeûne, avait été mis à part. Même aujourd'hui, une telle pratique doit être redécouverte et encouragée, surtout pendant le temps liturgique du Carême".


    "Il ressort clairement que le jeûne représente une pratique ascétique importante, une arme spirituelle pour lutter contre tous les attachements désordonnés. Se priver volontairement du plaisir de la nourriture et d'autres biens matériels, aide le disciple du Christ à contrôler les appétits de sa nature affaiblie par la faute originelle, et dont les effets négatifs investissent entièrement la personne humaine. Une hymne antique de la liturgie du Carême exhorte avec pertinence: Nous utilisons plus sobrement les paroles, les nourritures, les boissons, le sommeil et les jeux, et avec plus d'attention, nous demeurons vigilants".

    "A bien y regarder, le jeûne a comme ultime finalité d'aider chacun d'entre-nous, comme l'écrivait Jean-Paul II, à faire un don total de soi à Dieu. Que le Carême soit donc mis en valeur dans toutes les familles et dans toutes les communautés chrétiennes, pour éloigner de tout ce qui distrait l'esprit et intensifier ce qui nourrit l'âme en l'ouvrant à l'amour de Dieu et du prochain. Je pense en particulier à un plus grand engagement dans la prière, la Lectio Divina, le recours au sacrement de la Réconciliation et dans la participation active à l'Eucharistie, par dessus tout à la messe dominicale".


    "Avec cette disposition intérieure, nous entrons dans le climat de pénitence propre au Carême. Que la Bienheureuse Vierge Marie, Causa Nostrae Laetitiae, nous accompagne et nous soutienne dans nos efforts pour libérer notre cœur de l'esclavage du péché et pour en faire toujours plus un tabernacle vivant de Dieu. En formulant ce souhait, j'assure de ma prière tous les croyants et chaque communauté ecclésiale afin que tous suivent avec profit l'itinéraire quarésimal".
  • "Il y avait un mariage à Cana en Galilée"

    NocesdeCana.JPGNous sommes à Cana en Galilée, à environ 10 km de Nazareth sur la route du lac. Il y a un mariage, une fête humaine, la célébration de l'amour humain d'un couple. Il y a Marie. Et il y a Jésus avec ses disciples.

    Cette page d'Evangile a saveur des débuts. Les commencements d'une vie nouvelle pour ce couple. Les prémices d'une vie nouvelle pour les disciples de Jésus. Au seuil de cette vie nouvelle, comme un sacrement, il y a ce miracle de Cana que nous connaissons par cœur. L'eau changée en vin, pour la joie des convives et la surprise des assistants. Premier des signes de Jésus. Signe inaugural du ministère public de Jésus. Voilà donc Jésus : il guérira les sourds, les muets, les aveugles et les estropiés de toutes sortes, il chassera les démons, il pardonnera les péchés, il ressuscitera les morts. Mais voilà ce premier miracle, modeste en apparence, mais d'une portée qu'il nous faut redécouvrir.

    Tout d'abord l'invitation. Jésus est invité et ne n'invite pas. Comme dans le livre de l'Apocalypse, il ne force pas la porte. « Voici que je me tiens à la porte et je frappe, si tu m'ouvre ton cœur, je ferai chez toi ma demeure, et je prendrai chez toi mon repas » (Ap 3,16). Il frappe à la porte de notre être, sollicitant notre réponse, c'est-à-dire notre liberté. Te rendras tu de lui ouvrir, de répondre à sa présence, bref de l'inviter. Mais il est invité à une fête humaine. Invité à partager la joie profonde de ce couple et de cette famille. Invité à la table commune, invité à cette profonde familiarité. Voilà qui pourrait nous suffire pour la portée de ce miracle.

    Il aurait pu se contenter de partager à notre table nos joies humaines, mais il a voulu combler leur indigence. L'indigence profonde à laquelle il va remédier. Ils manquent de vin. Ils n'ont pas de vin dit Marie, et peut-être n'en ont-ils jamais eu. Il leur manque profondément cette joie, ce bonheur, ce salut auquel ils aspirent et qu'ils ne peuvent se donner à eux-mêmes. Le Christ seul peut leur donner, pardon nous donner, cette ivresse profonde, signe du salut que Dieu veut pour nous. Encore faut-il que nous connaissions et reconnaissions devant lui notre indigence, nos manques les plus profonds et précis. Nous donner ce dont nous manquons radicalement, voilà qui nous aurait suffit.

    Il aurait pu se contenter de donner ce vin, mais il a voulu le faire en changeant l'eau apportée par les serviteurs. Il réalise ce miracle à partir de ce que nous apportons, comme les cinq pains et les deux poissons apportés par le petit garçon lors de la multiplication des pains. Le miracle suppose une collaboration humaine, des serviteurs quelconques que nous sommes. Il ne fait rien sans nous. Il ne nous donne pas ce vin de sa charité toute divine sans que nous-mêmes n'apportions l'eau de nos pauvres désirs, de nos amours humains. Il ne vient pas nous sauver de notre humanité, mais il vient nous sauver dans notre humanité. La goutte d'eau que je verserai tout à l'heure dans le calice de vin en est comme le signe muet. Et c'est là le miracle profond : il nous divinise. Les pères orientaux sont comme éblouis, fascinés par cette réalité, là où les théologiens occidentaux y verront le rachat des nos fautes. Divinisés par le feu qui nous associe à lui. Divinisés par une grâce qui vient nous associer à elle. Et c'est vrai, c'est réel, sans quoi il faut partir en courrant. Changer notre eau en vin, voilà qui aurait pu nous suffire.

    Mais il l'a fait dans un mariage. Le premier des signes de Jésus a lieu pendant un mariage, pendant des noces humaines. Comme le prophète Isaïe et d'autres prophètes en parlent, Dieu veut des Noces pour son peuple : les noces de la joie, les Noces où il s'unit à l'humanité pour sa joie et pour Sa gloire. Dieu est l'Ami des hommes. Il est le Bien Aimé qui veut combler Sa bien-aimée. Dans ce repas des Noces, l'eau est changée en vin en est la préfiguration, en attendant les Noces où il sera lui-même la nourriture de ce repas. Déjà le vin rouge de Cana annonce le sang versé à la Croix, ce sang qui nous sauve, nous lave et nous purifie.

    Déjà nous participons à ces Noces de l'Agneau, chaque dimanche, chaque jour même. Ici, dans cette Eucharistie, nous sommes à Cana. Ici, aujourd'hui même, nous l'invitons à notre table et il consent à être familier avec nous. Ici il comble notre indigence la plus profonde. Ici, il change l'eau de notre amour en vin de sa charité. Ici, il se révèle comme l'Epoux des Noces éternelles en appelant chacun : Celui qui a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive ! Avez-vous soif de lui ? Accepterez-vous d'être à ce point associés à lui ? Tout est prêt : venez aux Noces !