UA-63987420-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Homélies - Page 48

  • Si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus

    Le-figuier-st%C3%A9rile.jpg« Nous apprenons que certains parmi vous vivent dans l’oisiveté, affairés sans rien faire : qu’ils travaillent dans le calme pour manger le pain qu’ils auront gagné »

    Avant dernier dimanche de l’année liturgique. Vous avez compris que ces lectures ont une saveur toute particulière : celle de la fin de l’année, celle de la fin des temps. Et alors, cela vous surprend ? Vous avez suffisamment l’expérience de l’année liturgique pour savoir que depuis Pâques, c’est le temps ordinaire, le temps de la croissance lente et paisible du Royaume de Dieu, qui croit jusqu’à son accomplissement, dans le retour glorieux du Christ. Retour glorieux. Retour dans la fin de l’histoire humaine. Voici le jour du Seigneur, selon l’expression du prophète Malachie, jour rayonnant, mais aussi jour du jugement. Au soir de notre vie, c’est sur l’amour que nous serons jugés, dit St Jean de la Croix.

    Pourtant, je veux m’arrêter sur la deuxième lecture, encore plus surprenante. St Paul ne fait pas un discours de politique sociale ), mais il enseigne les chrétiens de la petite communauté de Thessalonique. Un courrier pour les conforter, pour les ranimer et un peu pour les corriger dans leur foi. Que se passe-t-il à Thessalonique ? On attendait la venue du Seigneur. La prédication du retour du Christ dans la gloire avait enflammé les cœurs. Eux qui s’étaient convertis, avaient pris très au sérieux la promesse du Jour du Seigneur, au point que les esprits s’étaient emballés. Du coup, on ne se mariait plus, on ne travaillait plus. Les tâches temporelles, l’occupation de ce monde était superflue, puisque que ce monde doit passer, le Christ venant l’accomplir et tout rassembler en lui.

    Remarquez que les Thessaloniciens ne se démarquaient pas de la culture grecque ambiante, puisque le fin du fin de l’attitude vertueuse, c’est de ne pas travailler pour se consacrer à une saine oisiveté : l’étude de la sagesse. Les tâches temporelles détournent de la recherche du vrai bien, d’où le souci constant de s’en dispenser.

    En bon juif, Paul reconnaît la valeur du travail humain, comme soin réaliste des choses de la terre pour sa subsistance et celle de sa famille. Lui, le prédicateur de l’Evangile, il a travaillé de ses mains. Lui qui a été saisi par le Christ, qui vit pour lui, il n’accepte d’être à la charge de personne. Lui dont le cœur est tendu tout entier vers l’appartenance au seul Maître, comme tout rabbin, il travaille, en particulier comme fabricant de toile de tente en poil de chameaux que l’on tisse finement pour obtenir une toile étanche au vent et aux intempéries. Celui qui ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus. Quel réalisme ! C’est le réalisme de la parole de Dieu !

    Pour me faire comprendre, je cite une phrase du Talmud, ce commentaire oral de la Torah, mis par écrit au IV° siècle. « Quand tu bêche ton champ et qu’on t’annonce l’arrivée du Messie. Finis d’abord de bêcher ton champ, lave-toi les mains, puis va accueillir le Messie ». Sain réalisme. Sain souci des choses temporelles qui réduit un peu le feu sous les esprits échauffés des Thessaloniciens d’hier ou d’aujourd’hui.

    Et vous, êtes-vous plutôt thessaloniciens, ou pauliniens, ou autre chose ? Paul s’adresse à des chrétiens qui attendaient ardemment, fébrilement le retour glorieux du Seigneur ? Posée différemement, la question donne ceci : comment attendez-vous le retour glorieux du Christ, roi de l’Univers ?

    Les lectures du jour sont compliquées. Elles peuvent faire resurgir des prédications anciennes difficiles, angoissantes. Mais tout de même, elles veulent faire surgir dans nos cœurs cette disposition fondamentale qu’est l’attente du jour de Dieu. L’Avent, c’est dans 2 semaines, les amis. On se réveille. L’Avent, c’est la célébration avec toute l’Eglise de cet avènement à venir, et pas d’abord la folie consumériste qui nous prépare à Noël. Celui qui n’attend pas le Seigneur, qu’il ne mange pas non plus. Quand l’Epoux est enlevé, les invités de la Noce jeûnent. Quand il revient à minuit ou plus tard dans la nuit, heureux sera-t-il de les voir éveillé, à l’attendre, alors passant de l’un à l’autre, il les servira.

    Qu’attendons-nous ? Les choses temporelles ont-elles à ce point émoussé notre désir, notre espérance. Nous qui, apparemment, avons tout, ne manquons de rien. Attendons-nous celui dont l’absence ne saurait être occulté par ses différents modes de présence.

    Celui qui n’attend pas, qu’il ne mange pas non plus. Celui qui ne désire pas, qu’il ne mange pas non plus.

  • Aujourd’hui le salut est arrivé pour cette maison

    2%27%20Jesus%20zachee%20petit.jpgDans sa montée à Jérusalem, Jésus passe à Jérico. Il y fait cette rencontre étonnante que seul l’évangéliste saint Luc rapporte. Zachée est vu, discerné par celui qu’il veut voir.

    Je dis rencontre étonnante, parce qu’elle aurait pu ne pas se produire. L’homme a une fonction publique de collecteur d’impôt, un peu usurpateur, ou au moins usurier, bref un pécheur public. En plus, sa petite taille l’empêchait de voir et d’être vu. Il n’empêche : Zachée est discerné par le seul Maître, alors même qu’il voulait simplement le voir passer. C’est ce qui arrive : Jésus passe dans son existence. Il laisse ses biens aux pauvres, la moitié seulement ; il accueille le Christ dans sa maison, à sa table. Le salut est advenu pour ce pécheur, aujourd’hui même.

    Rencontre étonnante, parce qu’elle ne supporte aucun délai. Vite, il lui faut descendre de l’arbre. Vite, il va à la maison pour accueillir le Christ. Vite il décide la voie de la pauvreté. Vite le Christ reconnaît sa foi de vrai fils d’Abraham. C’est que le salut urge. Comme pour le bon larron, comme pour ceux que le Christ rencontre, lui qui est pressé d’en finir avec la lèpre du péché et de la mort. Aujourd’hui. Pas demain, ni après-demain. Aujourd’hui même.

    On pourrait être étonné de la confrontation avec la lettre aux Thessaloniciens. Saint Paul semble y calmer les ardeurs de ceux qui attendent frénétiquement le retour du Christ. Si le Christ est si pressé, alors (pensent-ils), il n’y a plus qu’à l’attendre, sans plus se marier, ni même travailler. Non, dira Saint Paul, il s’agit de vivre simplement et vraiment l’aujourd’hui de Dieu, sans précipitation, ni attente frénétique.

    Aujourd’hui le salut est arrivé pour cette maison. La maison de Zachée à Jérico résonne de la parole du Seigneur Jésus, comme la synagogue de Nazareth. Aujourd’hui s’accomplit à vos oreilles la parole que vous venez d’entendre. Et pour cause ! Il est la Parole, il est le salut qui advient aujourd’hui.

    Par la grâce de la liturgie, cet aujourd’hui n’est pas et ne peut pas être un évènement du passé, dont nous évoquerions la pieuse mémoire. Il nous faudrait alors aller avec une douce nostalgie nous recueillir devant le sycomore qui trône, encore aujourd’hui à l’entrée de Jérico. Non. L’aujourd’hui de Dieu, c’est cet instant où Sa Parole et Son Salut sont comme réactualisés. Comment cela ? De deux manières :

    Aujourd’hui Jésus passe dans l’existence de chacun, comme il a traversé celle de Zachée. Il venait avec son désir confus, curieux et distant. Le voici rejoint, discerné et surtout converti. Jésus est passé en lui. Il passe en nous. L’Ecriture ne cesse de témoigner de l’invitation de cet Hôte divin : « Voici que je me tiens à la porte et je frappe, si tu m’ouvres, je prendrai mon repas chez toi ». Il s’invite à la table des pécheurs que nous sommes. Lui le Maître de la vie, il fait advenir le salut. Quelles que soient nos désirs et nos motivations, lui, l’Ami des hommes, le Créateur passe en nous pour nous rejoindre, nous discerner et œuvrer en nous en vue d’une conversion, pour nous entraîner vers le Père. Aujourd’hui le salut est arrivé pour la maison que je suis.

    Aujourd’hui encore, dans la liturgie de l’Eglise, Jésus passe en s’invitant à la table de l’Eglise. Il passe en se rendant présent dans l’assemblée que nous formons, dans la Parole que nous recevons, dans les sacrements que nous célébrons. Il s’invite à la table que nous formons, pour demeurer en nous. Voilà qui pourrait vérifier, et peut-être changer notre regard sur la liturgie. C’est le moment où Il passe pour demeurer en nous et nous faire passer vers le Père. L’Eucharistie, sommet de cette invitation de Dieu, est bien l’actualisation de ce salut qui advient aujourd’hui, en cet instant, pour chacun de nous et pour l’Eglise. L’Eucharistie vient tout autant de l’évènement pascal en traversant le temps. Mais elle vient également de la gloire à venir en s’approchant de nous. Dieu vient aujourd’hui. Le salut advient ici et aujourd’hui. Sans regarder nostalgiquement en arrière, ni anxieusement en avant, accueillons aujourd’hui Celui qui vient au nom du Seigneur. Il est le Salut.

  • Abraham partit sans savoir où il allait

    caravane_desert.jpgIl n’est pas si fréquent d’entendre un extrait de la lettre aux Hébreux. Nous l’entendons ce jour en 2ème lecture. Le chapitre 11 livre une méditation sur la foi des patriarches, Abraham, Sara, Isaac, Jacob et les autres. La foi ou plutôt le chemin de la foi, le pèlerinage dans la foi que Dieu leur fait faire. Ils sont nos pères dans la foi. C’est bien ce que l’on dit d’Abraham en particulier. Père des croyants. Modèle de celui qui se met en marche à la suite de l’appel de Dieu.

    Qu’est-ce donc que la foi dont la lettre aux Hébreux parle : décision de consentir à une parole entendue ; chemin à la suite de cette mise en marche.

    La foi c’est donc d’abord la réponse à une parole entendue. Quitte ton pays et la maison de ton père, pour le pays que je t’indiquerai. L’ordre est surprenant. D’abord parce qu’il n’est annoncé par rien. D’autre part parce que notre mentalité moderne est un peu pris à rebrousse poils. Pour partir il faut savoir où l’on va. C’est la question du GPS. Or ici, c’est l’inverse. On part. Le chemin et la destination sont révélés ensuite.

    Remarquez que c’est un peu le cas de certaines réalités humaines. On va à l’école sans savoir quel sera le terme du chemin, tôt ou tard. On se marie, sans savoir où l’on va. C’est une question de confiance, de foi.

    La foi, c’est également le consentement à cette parole entendue. Pars, viens, suis-moi,… La Bible est remplie de ces paroles de Dieu auxquelles l’homme consent. Consentement intérieur à une parole extérieure, sans savoir, sans connaître, sans mettre la main sur un but, une clé de compréhension qui reste à recevoir.

    Notre mentalité contemporaine ne s’y prête guère non plus. Nous ne voudrions pas seulement être arrivés avant d’être partis. Vous voudrions également connaître, être maître du but pour prudemment ensuite nous mettre en route. Culture du résultat plutôt que culture de moyens. Un article de la Croix sur les routes de St Jacques le disait à sa manière : le chemin importe plus que le but. I don’t ask to see the distant scenes : one step enough for me.

    Sans regarder en arrière. On dit de Cortès qu’il a brûlé ses vaisseaux pour que lui-même et ses marins ne soient pas tentés de retourner sur leurs pas. Chaque vie singulière est vécue avec ce curseur du temps qui fait que l’on avance dans l’existence, sans pouvoir revenir en arrière. C’est une grâce, avant d’être une fatalité. Barbara souffre de cette fatalité dans la chanson ‘l’enfance’ où elle dit : elle dort à jamais notre enfance. Notre enfance, comme tout notre passé dort en nous pour nous faire mieux goûter le pas d’aujourd’hui, celui que nous faisons et qui nous rapproche de la patrie.

    Toute la Bible est tirée par une dynamique profonde, celle qui fait partir du jardin du Paradis pour aller vers la Jérusalem céleste. On ne revient pas en arrière, ni en Egypte pour les Hébreux, ni au métier de pécheur pour les Apôtres. La boucle n’est pas bouclée. Dieu est présent dans ce mouvement dynamique qui ne cesse de tirer l’homme hors de la condition première pour l’amener à son achèvement. Il marche sur cette route quotidienne à nos côtés vers la rencontre. L’homme est pèlerin. Dieu se fait pèlerin avec lui.

    Abraham mourra sans être en possession des promesses. Mais il l’a salué de loin, pèlerin qu’il était sur cette terre. Qui que nous soyons, sédentaire ou nomade, marié ou célibataire, jeune ou vieux, nous sommes des pèlerins dans la foi, des pèlerins qui attendons et veillons, espérons le but de notre pèlerinage, la réalisation et la possession des promesse.

    Elle sont à venir, comme nous le dirons dans un instant : nous attendons ta venue dans la gloire. Rien ici-bas ne nous comblera complètement.

    Elles sont déjà là, parce que Dieu nous donne des arrhes, des prémices : l’amour partagé, donné et reçu ; la joie de notre travail ; le don des sacrements, parcelle de sa gloire, donnés pour la route.

    PS : l'illustration sonore avec la chanson "L'enfance" de Barbara

  • Seigneur, enseigne-nous à prier

    priere.jpgVoici donc que le seul Juste, qu’est Jésus est sommé d’apprendre à prier à ses disciples. Dans la version de l’Evangile selon saint Luc, il apprend à dire Père. Il apprend à s’adresser à Dieu. Trois traits de la prière pourraient nous aider ce matin :

    La prière que Jésus apprend à ses disciples est une prière vocale. Il s’agit de s’exprimer, c'est-à-dire de dire ce que l’on porte intérieurement. Parce que Dieu est parole, il attend de l’homme une parole, un dialogue. Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus dira qu’elle lui parle « cœur à cœur en attendant de le voir face à face ». Paroles de confiance, paroles de louange, parole de détresse, paroles de demande, parole de supplication… toutes sortes de paroles. Mais des paroles adressée au Dieu silencieux qui voit ce que tu fais dans le secret et qui te le revaudra.

    Un exemple parmi d’autres pour illustrer cela. Les 150 psaumes sont 150 modulations différentes d’une parole humaine adressée à Dieu. Paroles de croyant, qui module sur les cordes de son cœur un chant adressé à Dieu qui attend que le croyant exprime, sorte de sa singularité pour s’entretenir cœur à cœur.

    Autre trait de la prière : une prière tournée vers le Père. Avant de demander, il s’agit de se tourner vers celui à qui s’adresse notre demande. Père, je me mets en ta présence. Et je te loue. Gratuitement, sans autre raison. Que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne. Comment son Nom sera-t-il sanctifié ? Comment son règne adviendra-t-il ? Ce sera le travail de cette journée. Ce sera ma maigre contribution à cette œuvre. Mais ce trait de la prière suppose d’être un tournesol tourné vers le Soleil levant de qui vient toute chose et vers qui vont toutes choses. Prier, c’est donc se décentrer. Sortir de son expérience singulière, du monologue quotidien pour entrer dans une relation. Relation à Dieu, relation au Père, relation à notre identité profonde de fils et d’enfants de Dieu, relation de créatures au Créateur. Tout change et nous en faisons l’expérience, que ce soit dans une prière personnelle du soir, ou dans la liturgie commune.

    Autre trait de la prière : une prière de demande. Donne-nous. Pardonne-nous. Ne nous soumets pas. Une demande fébrile. Une demande de pauvre. Une demande de mendiant. On peut discuter des heures sur le fait que Dieu attend notre collaboration. Qu’il est la cause première qui permet à des causes secondes d’agir. Et du reste le dicton ne dit-il pas « aide-toi et le Ciel d’aidera ». N’empêche. Jésus apprend à demander, avec audace et insistance : « Demandez et vous obtiendrez. Cherchez et vous trouverez. Frappez et l’on vous ouvrira ».

    L’audace de la prière est magnifiquement illustrée par la négociation d’Abraham. Le Seigneur qui a décidé de détruire Sodome et Gomorrhe à cause de leur crime laisse jaillir sa miséricorde devant l’audace de l’intercession d’Abraham. Peut-être qu’il y 50 justes… Tu pardonneras peut-être à cause des 50 justes, à cause des 40, des 30, des 20, des 10. Il s’est arrêté à 10. Il aurait du aller jusqu’à 6, le nombre des membres de la famille de Lot. Jusqu’à 1. Un seul Juste qui justifie toute l’humanité.

    Prière de demande et d’intercession. Je vous en laisse une qui pourrait vous aider dans ces vacances. Il m’a été laissé par un maître des novices trappiste. Elle m’aide à porter au Seigneur tout ce que je ne peux pas dire ou faire :

    Ce que mon cœur désire pour ceux que j'aime, d'une ardeur inquiète et impuissante, Seigneur Jésus, Tu le leur donneras mieux que moi, si cela est bon pour eux. Ce que ma bouche ne saurait leur faire comprendre, j'ai la ressource de Te le confier, ô Christ, qui le leur diras quelque jour à leur cœur. C'est sur cette réalité invisible de la grâce divine et de Ton action toute puissante, Seigneur Jésus, que sont fondées ma foi et ma prière.

  • Va et fais de même

    van_gogh.jpgUn homme descendait de Jérusalem à Jérico.

    C’est le début de cette magnifique parabole du Bon Samaritain, que seul l’Evangile selon saint Luc rapporte. C’est la réponse du Christ à la mise à l’épreuve. Vous me demandez qui est mon prochain. Je vais vous dire de qui vous êtes le prochain. Retournement complet auquel le docteur de la Loi ne s’attendait pas d’autant plus que le voilà concerné, à cause de la finale : « va et fais de même ». Retournement que nous connaissons (ou nous découvrons), retournement auquel il ne faudrait pas nous habituer, parce qu’évidemment cela nous concerne et cela concerne celui qui parle. Cela Le concerne parce que la parabole parle d’abord de Lui, avant de parler de nous. Mais n’anticipons pas.

    C’est donc l’histoire de 4 hommes. Le premier est à demi-mort au bord du chemin. Rien ne ressemble plus à un mort qu’un demi-mort, c’est important pour la suite. Le deuxième est un fils d’Aaron, un prêtre. Les règles de pureté rituelle l’empêchent tout contact avec un mort. Mort, à demi-mort, dans le doute il change de trottoir, avec une certaine énergie sportive quand on connaît les lieux, et celui qui parle connaît les lieux, tout comme ceux qui écoutent. Le troisième, un lévite, c'est-à-dire un fils de la vaste tribu de Levi. Même règles pour lui. Même prudence. Même comportement.

    Et le quatrième : un Samaritain. Que vient-il faire sur cette route de coupe-gorge, dans la vallée étroite du Wadi Kelt, loin de sa terre refuge de Samarie. Voyage improbable pour une rencontre improbable. Il rencontre un demi-mort, il voit un demi-vivant. Il panse ses plaies. Il le porte sur sa monture. Il le mène à l’auberge et il paie pour deux jours supplémentaires.

    Là où la Loi voit un demi-mort, il voit un demi-vivant. Et un demi-vivant, c’est un vivant. Le texte ajoute qu’il fut saisit de pitié. Traduction bien misérable pour une expression forte de la tendresse et de la compassion : il fut remué jusqu’au entrailles. Ce mot doit nous arrêter. A plusieurs reprises dans l’Evangile, il est utilisé soit pour le Christ, soit pour un personnage central d’une parabole, comme le père dans celle du fils prodigue. Remué dans ses entrailles de miséricorde. Profondément blessé d’amour et de tendresse devant la situation de cet humanité blessé, laissé à demi-mort, mais dont le demi-vivant aspire à ressusciter. L’Ancien Testament rayonne de cette expression de la tendresse de Dieu pour les hommes, et en particulier pour Israël. Dieu proche qui s’abaisse. Dieu, le Très-Haut, qui attire ses enfants sur ses genoux ou contre sa joue. Dieu qui écoute et répond aux prières. Dieu qui se laisse fléchir.

    Mais il y a plus : le Très-Haut se fait se fait Très-Bas. Il descend, c'est-à-dire qu’il s’abaisse vers notre humanité, de la Jérusalem céleste à la Jérico de notre condition humaine. Il prend la route de l’homme pour se pencher vers lui, déployer sa tendresse et sa miséricorde, soigner ses plaies par l’huile et le vin des sacrements, le porter sur sa propre monture, et enfin l’emmener à l’auberge de l’Eglise.

    Paraphrasant l’Evangile selon saint Matthieu, on pourrait ajouter : « Venez à moi vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, vous les demi-morts. Vous êtes des demi-vivants que je veux soulager, par ma tendresse et ma miséricorde ».

    Va et fais de même, dit le Christ au docteur de la Loi qui pensait le mettre en défaut. Fais de même. Imite-moi. Ce que je fais, je le fais pour que vous le fassiez les uns aux autres (cela ne vous rappelle rien ?). Consents à descendre vers le demi-mort qui reste un demi-vivant. Communie à son état intérieur et montre le lui par un geste, une parole, une présence, que sais-je encore. C’est le sacrement de l’amour par excellence, celui d’une charité qui descend et qui consent. Qui s’abaisse devant celui qui en a besoin et qui consent à agir pour lui.

    Le Bon Samaritain, c’est le Christ. C ’est toi si tu le veux. Va et fais de même