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Homélies - Page 46

  • Nous sommes venus nous prosterner devant Lui

    rois-mages.jpgLes voici donc, ces hommes venus de loin pour se prosterner devant le Roi qui vient de naître. Quand je dis qu’ils viennent de loin, c’est un euphémisme. Ils viennent de loin physiquement, du pays du soleil levant. Ils viennent de loin si l’on en croit les cadeaux qu’ils font, l’or, la myrrhe, l’encens. Ils viennent de loin religieusement, des mages, des sages dans leur propre culture, scrutant les astres. Ils viennent de loin par rapport à la Révélation faite par Dieu au peuple hébreu. Bref, eux qui étaient loin, sont venus, ils sont devenus proches, au point de s’approcher du Messie qui vient de naître, de se prosterner devant lui.

    Il faut d’abord mesurer à quel point ces hommes sont étrangers à la Révélation faite à un petit peuple du Proche Orient ancien. Etrangers et non ignares, non sans avoir cultivé une sagesse humaine et religieuse qui a mis leur être et leur intelligence en mouvement, disponibles à un signe : une lumière s’est levée, elle annonce un grand roi qui vient de naître.

    Ces mages pourraient déjà nous aider sur un point : que monte en nos cœurs un certain étonnement et un certain émerveillement. Etonnement parce qu’un évènement nouveau est advenu. Emerveillement parce que cet évènement a la capacité de faire franchir des espaces et des distances immenses, de mettre en route, bref de faire sortir de nous-mêmes. Le bon roi Hérode, lui, fut incapable de cet étonnement et de cet émerveillement. Lui qui est proche de la révélation, saura se la faire confirmer par les scribes. « Pris d’inquiétude », Hérode a perdu cette capacité d’étonnement et d’émerveillement. Inquiet, troublé, il ira jusqu’à annoncer qu’il ira se prosterner. Mais le lecteur sait bien qu’il ment.

    Il nous faut retrouver cette capacité à l’étonnement devant l’évènement de la venue du Fils de Dieu parmi nous. Etonnement, parce qu’advient ce qui a été promis. Emerveillement parce qu’il nous communique la vie que nous ne pouvions nous donner. Admirable échange ! dit un texte de la liturgie. Nous l’avons chanté dans la nuit de Noël.

    Curieusement, voici que des hommes venant de loin nous entraîne par les questions simples qu’ils posent : où est le Roi des juifs qui vient de naître. Le prophète Zacharie l’annonçait déjà : « En ces jours là, dix hommes de toutes les langues des nations saisiront un Juif par le pan de son vêtement en disant : ‘nous voulons aller avec vous, car nous avons appris que Dieu est avec vous’ ». La révélation faite par Dieu à Israël déborde, à un point tel que ceux du dehors entraînent ceux du dedans. Quelle leçon spirituelle !

    Nous sommes souvent en train de nous demander, de façon inquiète et impuissante ce que nous pourrions apporter à ceux du dehors, aux autres cultures. Alors qu’il s’agit d’être disponibles, étonnés, émerveillés au mouvement dans lequel ils nous entraînent : venir nous prosterner devant le Prince de la Paix, le petit Roi de Bethléem.

    Deux critères pour notre discernement, pour nous assurer que nous sommes dans le mouvement qui vient de Dieu et qui va vers Lui, sans quoi nous risquerions d’être des naïfs incorrigibles, ou des girouettes qui varient en fonction du vent :

    1. L’étoile les mène à Jerusalem, à l’Ecriture et à ceux qui l’interprètent. Ce critère est de taille. L’appel de Dieu, le vent de l’Esprit dont on ne sait ni d’où il vient, ni où il va, est en cohérence avec l’Ecriture, avec sa Parole, lue, reçue, interprétée.

    2. A Bethléem, ils retrouvent l’étoile. La continuité dans les signes. Le même est annoncé. Le même est contemplé. C’est la même lumière intérieure, déposée dans les cœurs, qui fait reconnaître la lumière  invisible émanant de cet Enfant. La lumière de la foi nous fait dire : c’est Lui le Messie. « Venez, courbons-nous, prosternons nous ; à genoux devant le Dieu qui nous a faits », chante le psaume 94.

    « Nous sommes venus nous prosterner devant Lui » disent les mages en ce jour. Peu importe l’état de nos genoux ! Comme les bergers, ils nous entraînent à leur suite : « Allons jusqu’à Bethléem voir ce qui est arrivé et que le Seigneur nous a fait connaître ». Nous avons joué de la flûte et vous avez dansé avec nous. Laissons là toute inquiétude, toute réserve, tout obstacle de l’intelligence. Allons à la crèche pour reconnaître notre Sauveur, pour nous prosterner devant Celui qui seul est digne de ce geste. Avec les mages, venez, adorons-le !

  • Quand l'invisible se rend visible

    Georges_de_la_tour_nativite.jpgLe Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire.

    Ce matin, il s’agit de voir. Cette nuit, il s’agissait de croire avec les bergers. Entendre la voix des anges dans le ciel, avoir foi dans leur parole et se mettre en route pour la crèche. Ce matin, donc il s’agit de regarder et de voir. Voir l’invisible qui se rend visible. Voir Dieu qui se fait homme. Voir le Verbe parmi nous. Ni plus, ni moins.

    Vous vous souvenez peut-être d’un autre passage de St Jean, dans sa première lettre, où il insiste : ce que nous avons entendu, ce que nos yeux ont vu, ce que nos mains ont touché du Verbe de Vie, nous vous l’annonçons. La vie s’est manifesté et nous avons vu sa gloire.

    Les mages verront un enfant et se prosterneront devant le Messie attendu par les nations. Les disciples verront Jésus de Nazareth et ils confesseront leur foi dans le Seigneur Jésus Christ. Marie Madeleine verra un jardinier et se prosternera aux pieds de son Maître, le Ressuscité. La vision fait toujours appel à la foi.

    C’est donc qu’il y a une nouveauté propre au mystère de Noël : c’est qu’il y a à voir. Un visible se montre, dévoilant l’invisible. La préface de Noël va nous le redire dans un instant : maintenant , nous connaissons dans le mystère du verbe incarné Dieu qui s’est rendu visible à nos yeux, et nous sommes entraînés par lui à aimer ce qui demeure invisible.

    Notre société s’est habitué à ce que tout soit visible. Elle laisse bien peu de place, en apparence, à ce qui est invisible. Et je ne parle même pas de la difficulté de la place de la foi chrétienne dans l’espace public.  La magie de Noël, comme on dit, habille nos rues, nos magasins, nos centres commerciaux. Un grand manteau consumériste s’étend et rend visible des tonnes de biens. Un soupçon d’invisible vient enchanter les bambins qui entrevoient dans un vieillard bonhomme et rougeoyant quelque chose de la bonté et de la justice distributive.

    Mais, rendez nous Noël, le mystère de Noël où le Verbe se rend visible et nous entraîne à aimer ce qui demeure invisible. Il se rend visible, parce que son Incarnation vient toucher notre humanité en se faisant l’un de nous. Travaillant avec des mains d’hommes, aimant avec un cœur d’homme, s’unissant en quelque manière à tout homme, comme dit un texte du Concile Vatican II.

    Dieu prend un visage d’homme et nous pourrons le contempler et même le représenter, sans craindre que la distance entre lui et nous soit abolie. Dans son incarnation, le Verbe donne aux hommes le sacrement ultime du salut dans l’humanité du Christ, signe et moyen efficace. Tout homme peut alors le voir, l’entendre, le toucher. Il entre dans un réseau dense des relations humaines pour nous élever à Lui.

    Il se rend visible, pour nous entraîner à aimer ce qui demeure invisible. L’incarnation reste la porte qui nous sépare du monde invisible. Nous n’aurons pas trop de la fête de l’Ascension pour le réaliser. Dès maintenant, devant nos crèches, et encore plus devant le Saint Sacrement de sa présence eucharistique, le visible renvoie à un invisible qu’il s’agit d’aimer et d’espérer.

    Aujourd’hui, la vue du Verbe incarné est déjà une grande joie. Il se donne à voir, à entendre à être touché pour nous sauver. Ce temps de l’Incarnation est prolongé par les sacrements. Chaque Eucharistie nous donne à voir et nous entraîne à aimer ce qui demeure invisible.

    Désormais, il ne nous est plus possible de vivre de façon aveugle ou myope. Ouvrons les yeux devant ce don immense qui se donne à voir. Il est la porte sur ce qui reste promis. C’est en ce sens qu’il faut comprendre la phrase écrite sur la tombe de Newman : Ex umbris et imaginibus in veritatem (« Des ombres et des images vers la vérité »). Du visible à l’invisible. Voilà le pèlerinage de notre foi qui s’ouvre aujourd’hui. Il nous entraîne à un discernement pour que les yeux se dessillent sur la vocation invisible de chacun et de chaque communauté.

    Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire.

    Seigneur Jésus, Fils du Dieu vivant, ouvre les yeux de notre intelligence pour que puissions te reconnaître quand tu te donnes à voir. Entraîne notre volonté à aimer Celui qui demeure invisible.

  • La Vierge concevra

    l-annonciation.jpgUn sondage réalisé en 2006 pour le Monde des religions donnait un chiffre intéressant : 64 % des catholiques croient aux miracles (91 % même pour les pratiquants de chaque dimanche).

    Le roi Acaz ne faisait pas partie des sondés de l’époque et pour cause !! Et pourtant, quand le prophète Isaïe, qui est pourtant un familier de la cour et du roi, vient le voir de la part du Seigneur, la réaction est vive. « Demande un signe ! », autrement dit « demande un miracle. Au fait, pourquoi demanderait-il un miracle. C’est que le bon roi Acaz, pas si bon que cela en vérité si on lit le texte du livre des Rois, n’a pas d’héritier. La promesse d’un Messie accordée à la lignée de David s’arrêterait-elle avec lui ? Lui qui est un mécréant pour avoir introduit les coutumes étrangères au culte au Dieu unique, voilà qu’en plus il ferait mourir la promesse de Dieu avec lui.

    Demande un miracle ! Demande un fils au Seigneur ! Et voici la prophétie qui arrive : la jeune femme concevra et elle enfantera un fils. On l’appellera Emmanuel. Voilà que Dieu retourne tout. D’un mal, il fait un bien. Il relance la promesse. Il annonce qu’il donnera le salut à la terre. Ezechias naîtra. Il régnera. Un grand règne même. Mais il se couchera avec ses pères. Et le salut n’est pas arrivé. Dieu avec nous attend pour se manifeste.

    Vous comprenez mieux maintenant pourquoi cette promesse trouve son accomplissement dans la naissance de l’Enfant qui seul donne le salut à la terre. Jésus, l’Emmanuel, Dieu avec nous,  Dieu qui se fait l’un de nous. Le voici le miracle tant attendu, celui que nous allons fêter dans quelques jours. Demandons un signe au Seigneur, demandons lui qu’il comble toute l’humanité de sa présence et de ses bienfaits.

    J’utilise un pluriel, parce que vous savez combien Dieu est riche. Riche en bienfaits, riche en grâce, riche en miséricorde. A venue humaine, la naissance de Jésus n’est pas un miracle. C’est la conception virginale qui en est un ! Le même sondage révélait que seulement 39 % des catholiques croyait en la virginité de Marie, 72 % des pratiquants réguliers.

    A l’annonce de l’ange, Marie avait demandé : « comment cela va-t-il se faire parce que je ne connais pas d’homme ? ». La tradition de l’Eglise a lu avec beaucoup de respect cette détermination de Marie, à appartenir uniquement à Dieu. La fête de la présentation de Marie au Temple nous le rappelle chaque 21 novembre. Sa vocation, c’est d’être la Vierge. Vierge Mère certes, mais Vierge avant d’être Mère. Tout comme elle sera disciple de son Fils, exerçant ensuite sa maternité pour tout disciple.

    Quand les juifs d’Alexandrie ont traduit la Bible hébraïque en grec, un autre miracle s’est produit. Les 70 traducteurs sont tous tombés sur la même traduction. La révélation de Dieu est la même quand elle passe à une autre langue. C’est cette traduction du prophète Isaïe que cite St Matthieu : « la vierge concevra ». Demande un signe ! Voici le signe : la vierge concevra. Par l’Esprit Saint, il a pris chair de la Vierge Marie disons-nous dans le Credo. « Ce qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint » précise l’ange à Joseph.

    Cette virginité a une grande importante pour sa vocation : elle consent par excellence à l’œuvre de Dieu, toute disponible à sa volonté. Cette virginité, cette totale obéissance de la foi fonde sa maternité divine et sa maternité pour chacun de nous. A la crèche chacun s’entendre dire : « voici ta mère ».

    Demande un signe ! Le voici, c’est celui de la virginité Marie. Le Nouveau Testament s’ouvre sur un nouveau rapport à la foi. Ce n’est plus la simple filiation, la simple transmission biologique de la vie qui fait entrer dans le peuple de Dieu. C’est la foi dans l’Esprit Saint, consentement à la volonté de Dieu. La virginité éternelle de Marie vient justement sceller cette nouvelle économie de la foi au seuil de la nouvelle alliance. Le signe, le miracle serait-il plus inaccessible à la foi que la résurrection : un mort de 3 jours revenu à la vie ? Certes non.

    Avec ce dimanche, nous entrons un peu plus dans la foi : pas seulement la connaissance d’une histoire sainte qui se déroule sous nos yeux enchantés. Non, bien plutôt comme le consentement intérieur à une volonté divine qui vient prendre chair. Il vient aussi naître en nous. Nous n’aurons pas trop de cette semaine pour rendre tout notre être disponible, à l’image du cœur virginal de Marie, pour qu’il fasse de nous, de nos familles, de nos communautés, son humble demeure.

    Demande un signe !

  • Si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus

    Le-figuier-st%C3%A9rile.jpg« Nous apprenons que certains parmi vous vivent dans l’oisiveté, affairés sans rien faire : qu’ils travaillent dans le calme pour manger le pain qu’ils auront gagné »

    Avant dernier dimanche de l’année liturgique. Vous avez compris que ces lectures ont une saveur toute particulière : celle de la fin de l’année, celle de la fin des temps. Et alors, cela vous surprend ? Vous avez suffisamment l’expérience de l’année liturgique pour savoir que depuis Pâques, c’est le temps ordinaire, le temps de la croissance lente et paisible du Royaume de Dieu, qui croit jusqu’à son accomplissement, dans le retour glorieux du Christ. Retour glorieux. Retour dans la fin de l’histoire humaine. Voici le jour du Seigneur, selon l’expression du prophète Malachie, jour rayonnant, mais aussi jour du jugement. Au soir de notre vie, c’est sur l’amour que nous serons jugés, dit St Jean de la Croix.

    Pourtant, je veux m’arrêter sur la deuxième lecture, encore plus surprenante. St Paul ne fait pas un discours de politique sociale ), mais il enseigne les chrétiens de la petite communauté de Thessalonique. Un courrier pour les conforter, pour les ranimer et un peu pour les corriger dans leur foi. Que se passe-t-il à Thessalonique ? On attendait la venue du Seigneur. La prédication du retour du Christ dans la gloire avait enflammé les cœurs. Eux qui s’étaient convertis, avaient pris très au sérieux la promesse du Jour du Seigneur, au point que les esprits s’étaient emballés. Du coup, on ne se mariait plus, on ne travaillait plus. Les tâches temporelles, l’occupation de ce monde était superflue, puisque que ce monde doit passer, le Christ venant l’accomplir et tout rassembler en lui.

    Remarquez que les Thessaloniciens ne se démarquaient pas de la culture grecque ambiante, puisque le fin du fin de l’attitude vertueuse, c’est de ne pas travailler pour se consacrer à une saine oisiveté : l’étude de la sagesse. Les tâches temporelles détournent de la recherche du vrai bien, d’où le souci constant de s’en dispenser.

    En bon juif, Paul reconnaît la valeur du travail humain, comme soin réaliste des choses de la terre pour sa subsistance et celle de sa famille. Lui, le prédicateur de l’Evangile, il a travaillé de ses mains. Lui qui a été saisi par le Christ, qui vit pour lui, il n’accepte d’être à la charge de personne. Lui dont le cœur est tendu tout entier vers l’appartenance au seul Maître, comme tout rabbin, il travaille, en particulier comme fabricant de toile de tente en poil de chameaux que l’on tisse finement pour obtenir une toile étanche au vent et aux intempéries. Celui qui ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus. Quel réalisme ! C’est le réalisme de la parole de Dieu !

    Pour me faire comprendre, je cite une phrase du Talmud, ce commentaire oral de la Torah, mis par écrit au IV° siècle. « Quand tu bêche ton champ et qu’on t’annonce l’arrivée du Messie. Finis d’abord de bêcher ton champ, lave-toi les mains, puis va accueillir le Messie ». Sain réalisme. Sain souci des choses temporelles qui réduit un peu le feu sous les esprits échauffés des Thessaloniciens d’hier ou d’aujourd’hui.

    Et vous, êtes-vous plutôt thessaloniciens, ou pauliniens, ou autre chose ? Paul s’adresse à des chrétiens qui attendaient ardemment, fébrilement le retour glorieux du Seigneur ? Posée différemement, la question donne ceci : comment attendez-vous le retour glorieux du Christ, roi de l’Univers ?

    Les lectures du jour sont compliquées. Elles peuvent faire resurgir des prédications anciennes difficiles, angoissantes. Mais tout de même, elles veulent faire surgir dans nos cœurs cette disposition fondamentale qu’est l’attente du jour de Dieu. L’Avent, c’est dans 2 semaines, les amis. On se réveille. L’Avent, c’est la célébration avec toute l’Eglise de cet avènement à venir, et pas d’abord la folie consumériste qui nous prépare à Noël. Celui qui n’attend pas le Seigneur, qu’il ne mange pas non plus. Quand l’Epoux est enlevé, les invités de la Noce jeûnent. Quand il revient à minuit ou plus tard dans la nuit, heureux sera-t-il de les voir éveillé, à l’attendre, alors passant de l’un à l’autre, il les servira.

    Qu’attendons-nous ? Les choses temporelles ont-elles à ce point émoussé notre désir, notre espérance. Nous qui, apparemment, avons tout, ne manquons de rien. Attendons-nous celui dont l’absence ne saurait être occulté par ses différents modes de présence.

    Celui qui n’attend pas, qu’il ne mange pas non plus. Celui qui ne désire pas, qu’il ne mange pas non plus.

  • Aujourd’hui le salut est arrivé pour cette maison

    2%27%20Jesus%20zachee%20petit.jpgDans sa montée à Jérusalem, Jésus passe à Jérico. Il y fait cette rencontre étonnante que seul l’évangéliste saint Luc rapporte. Zachée est vu, discerné par celui qu’il veut voir.

    Je dis rencontre étonnante, parce qu’elle aurait pu ne pas se produire. L’homme a une fonction publique de collecteur d’impôt, un peu usurpateur, ou au moins usurier, bref un pécheur public. En plus, sa petite taille l’empêchait de voir et d’être vu. Il n’empêche : Zachée est discerné par le seul Maître, alors même qu’il voulait simplement le voir passer. C’est ce qui arrive : Jésus passe dans son existence. Il laisse ses biens aux pauvres, la moitié seulement ; il accueille le Christ dans sa maison, à sa table. Le salut est advenu pour ce pécheur, aujourd’hui même.

    Rencontre étonnante, parce qu’elle ne supporte aucun délai. Vite, il lui faut descendre de l’arbre. Vite, il va à la maison pour accueillir le Christ. Vite il décide la voie de la pauvreté. Vite le Christ reconnaît sa foi de vrai fils d’Abraham. C’est que le salut urge. Comme pour le bon larron, comme pour ceux que le Christ rencontre, lui qui est pressé d’en finir avec la lèpre du péché et de la mort. Aujourd’hui. Pas demain, ni après-demain. Aujourd’hui même.

    On pourrait être étonné de la confrontation avec la lettre aux Thessaloniciens. Saint Paul semble y calmer les ardeurs de ceux qui attendent frénétiquement le retour du Christ. Si le Christ est si pressé, alors (pensent-ils), il n’y a plus qu’à l’attendre, sans plus se marier, ni même travailler. Non, dira Saint Paul, il s’agit de vivre simplement et vraiment l’aujourd’hui de Dieu, sans précipitation, ni attente frénétique.

    Aujourd’hui le salut est arrivé pour cette maison. La maison de Zachée à Jérico résonne de la parole du Seigneur Jésus, comme la synagogue de Nazareth. Aujourd’hui s’accomplit à vos oreilles la parole que vous venez d’entendre. Et pour cause ! Il est la Parole, il est le salut qui advient aujourd’hui.

    Par la grâce de la liturgie, cet aujourd’hui n’est pas et ne peut pas être un évènement du passé, dont nous évoquerions la pieuse mémoire. Il nous faudrait alors aller avec une douce nostalgie nous recueillir devant le sycomore qui trône, encore aujourd’hui à l’entrée de Jérico. Non. L’aujourd’hui de Dieu, c’est cet instant où Sa Parole et Son Salut sont comme réactualisés. Comment cela ? De deux manières :

    Aujourd’hui Jésus passe dans l’existence de chacun, comme il a traversé celle de Zachée. Il venait avec son désir confus, curieux et distant. Le voici rejoint, discerné et surtout converti. Jésus est passé en lui. Il passe en nous. L’Ecriture ne cesse de témoigner de l’invitation de cet Hôte divin : « Voici que je me tiens à la porte et je frappe, si tu m’ouvres, je prendrai mon repas chez toi ». Il s’invite à la table des pécheurs que nous sommes. Lui le Maître de la vie, il fait advenir le salut. Quelles que soient nos désirs et nos motivations, lui, l’Ami des hommes, le Créateur passe en nous pour nous rejoindre, nous discerner et œuvrer en nous en vue d’une conversion, pour nous entraîner vers le Père. Aujourd’hui le salut est arrivé pour la maison que je suis.

    Aujourd’hui encore, dans la liturgie de l’Eglise, Jésus passe en s’invitant à la table de l’Eglise. Il passe en se rendant présent dans l’assemblée que nous formons, dans la Parole que nous recevons, dans les sacrements que nous célébrons. Il s’invite à la table que nous formons, pour demeurer en nous. Voilà qui pourrait vérifier, et peut-être changer notre regard sur la liturgie. C’est le moment où Il passe pour demeurer en nous et nous faire passer vers le Père. L’Eucharistie, sommet de cette invitation de Dieu, est bien l’actualisation de ce salut qui advient aujourd’hui, en cet instant, pour chacun de nous et pour l’Eglise. L’Eucharistie vient tout autant de l’évènement pascal en traversant le temps. Mais elle vient également de la gloire à venir en s’approchant de nous. Dieu vient aujourd’hui. Le salut advient ici et aujourd’hui. Sans regarder nostalgiquement en arrière, ni anxieusement en avant, accueillons aujourd’hui Celui qui vient au nom du Seigneur. Il est le Salut.