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Homélies - Page 51

  • Le don et le donateur

    mains.jpg« Alors vous vivrez, vous entrerez en possession du pays que vous donne le Seigneur, le Dieu de vos pères »

    Vous n'avez peut-être pas fait attention à cette phrase de la première lecture. Ce n'est que la première lecture, elle annonce un thème qui sera développé dans l'Evangile. Alors nous attendrons paisiblement l'Evangile et l'homélie intelligente que va nous faire le prédicateur du jour.

    Invitation au voyage : le peuple hébreu avait quitté l'Egypte, il avait erré 39 ans dans le désert et voilà que la dernière année, il se prépare enfin à entrer en Terre promise. Le moment est solennel : il est rapporté dans les premiers chapitres du Deutéronome. Lui qui ne sait pas parler, Moïse prononce un grand discours. Que leur dit-il : souvenez-vous ! Souvenez de ce que Dieu a fait pour vous. Souvenez-vous de l'itinéraire ! Souvenez-vous de l'eau donnée dans le désert, de la manne et des cailles qui vous ont nourris quand vous aviez faim et que vous vous êtes plaint ! Souvenez-vous des peuples que vous avez rencontrés sur votre route et Dieu dont vous a protégés ou contre lequel il a permis votre victoire. Souvenez-vous, souvenez-vous en donc au moment où vous allez enfin entrer en terre promise !

    Autrement dit : souvenez-vous donc de Dieu à travers ce qu'il a fait pour vous. Souvenez de la main qui donne et pas seulement de ce qu'elle a donné ! L'avertissement est solennel. Il peut paraître évident, mais remarquez bien qu'il n'est pas complètement déplacé. C'est que l'expérience de gouvernement de Moïse parlera aux parents ou aux éducateurs que vous êtes : il sait qu'éduquer, c'est répéter !

    On se répète: Souvenez-vous de Dieu et de tout ce qu'il a fait pour vous ! Activez puissamment votre mémoire spirituelle, au moment même où vous allez enfin être les destinataires de tout ce qu'il veut vous donner. La tendance, pour ne pas dire la tentation, est grande de ne retenir que les dons, au détriment du donateur.

    Il ne faut pas croire que cela soit plus facile pour le peuple d'Israël, que pour les disciples du Christ. Il suffit de se souvenir de leur réaction après la multiplication des pains, ou même après la résurrection ("vas-tu rétablir maintenant la royauté en Israël ?").

    Pourtant, il y a un autre aspect plus délicat qui rend cette distinction entre les dons et le donateur difficile.

    L'expérience d'Israël est l'expérience d'un Dieu qui s'est fait proche, au point d'intervenir quand le peuple a crié vers lui. Il a donné le salut. Il a donné la libération d'Egypte. Il a donné la terre. Quand il donne, Dieu manifeste ce qu'il est : tendre et compatissant, miséricordieux. Les dons de Dieu témoignent de ce qu'il est. Les dons sont donnés pour parler de Dieu. Il est prodigue.

    Mais il y a plus. Les dons sont indissociables du donateur. Dieu donne et il se donne. La révélation qu'il fait de sa Loi n'est peut-être qu'une étape dans sa pédagogie d'éducation du peuple hébreu. Il n'empêche, que c'est une révélation de ce qu'il est : saint. D'où l'avertissement : "soyez saints, comme je suis saint". Il donne la Loi, qui sort de lui comme un éclat de sa sainteté.

    Evidemment, cette identité entre les dons et le donateur éclate dans la personne du Fils. Dieu donne et se donne. Il donne son amour et il se donne par amour. C'est vrai dans l'Eucharistie que nous allons recevoir dans un instant. Ce n'est pas moins vrai dans la Parole méditée et célébrée en cet instant. Dieu donne ses dons et il se donne dans ses dons. C'est la modalité profonde de l'alliance qu'il établit pour nous.

    Il faut en tirer une conclusion : Dieu n'a cessé de se donner à nous à travers tout ce qu'il nous a donné jusqu'à ce jour. La vie reçue, l'amour de nos parents, l'affection de nos proches, les talents reçus et entretenus, je laisse à chacun le soin de compléter cette liste, je ne voudrais pas être indiscret. Bref, dans tout ce que nous avons reçu, Dieu s'est donné à nous.

    Entrons donc en toute confiance dans cette relation d'alliance où nous nous les destinataires de cette donation de Dieu. Demandons pardon pour notre manière maladroite de donner, en reprenant ou en refusant de nous donner plus avant. Apprends-nous Seigneur à vivre de tes dons et à nous donner sans mesure, avec une infinie confiance.

     

  • Maître, nous sommes perdus : cela ne te fait rien ?

    11%20ENLUMINURE%20EV%20HILDA%20TEMPETE%20APAISEE%20DARMST.jpgJe ne sais pas si les Bourguignons ont le pied marin, mais les Hébreux, non. Pas seulement pour des raisons de géographie physique : pas de poisson dans la Mer Morte ; un lac de Galilée qui peut être violent à certains moments de la journée ; une Méditerranée incertaine la moitié de l'année. Le psaume s'en faisait l'écho : ils étaient malades à rendre l'âme.

    Pour le peuple biblique, l'eau, la mer sont des éléments inquiétants. Les animaux qui l'habitent sont une manière de parler des monstres spirituels qui l'environnent. Bref, l'eau c'est la mort. Celle qui rôde sournoisement. Celle dont la terre est séparé par la tenture des firmaments, en craignant  non pas que le Ciel vous tombe sur la tête, mais plutôt que les eaux d'en haut ne se déchaîne et engloutisse à nouveau la terre. L'eau, la mer, le vent, la tempête déchaînent cette peur viscérale : nous allons mourir. Elle amènent un doute : cela ne te fait rien ?

    « Nous allons mourir. Cela ne te fait rien ? » Vous avez reconnu cette interpellation violente des apôtres au Christ. Au milieu du lac, le soir étant venu, la barque rencontre cette mini-tempête connue des pécheurs, connue mais violente tout de même. Les vagues la menace, le naufrage est proche. Nous allons mourir et Jésus semble indifférent.

    Nous aurions vite fait, parce que nous connaissons l'issue, de traiter avec un sourire amusé la peur de ces disciples. Les pauvres, ils manquent de foi !  Et pourtant, ils veulent vivre ! Comme le fils prodigue qui crève de faim loin de chez son père, ils expriment un besoin vital : nous voulons vivre ! Nous ne sommes pas faits pour la mort ! De cela, le Seigneur ne peut être indifférent, lui qui a créé l'homme pour la vie. La vie de l'homme c'est la gloire de Dieu, dit saint Irénée.

    Lieu de la mort, l'eau est aussi le lieu d'un déchaînement, d'un chaos et d'un désordre, alors même que Dieu met constamment de l'ordre dans la création. C'est là que la suite prend toute son signification : Jésus se réveille, se dresse. Il parle et commande au vent et à la mer : Silence, tais-toi. Le miracle se fait dans l'instant, comme nous aurions aimé être là. Comme aux jours de la création où Dieu sépare les eaux d'en haut des eaux d'en bas, les eaux de la mer en leur donnant une limite à ne pas franchir ; comme aux jours de Noé, il y commande aux eaux pendant 40 jours, puis les fait s'arrêter ; comme aux jours de Moïse en dressant des murailles d'eaux à gauche et à droite du peuple, en soufflant un violent vent d'est.  Dieu est le maître de la création. Il est puissant et souverain. Il commande et les eaux de la mort lui obéissent. Maître donc. Maître de la vie et de la mort. Regardez même les termes : ils se réveille. Un autre évangéliste, dit qu'il se dresse. Deux verbes très concret qui sont deux images de la résurrection pour une langue qui ne connaît pas cette réalité. Dans cette barque, il y a déjà le Ressuscité du matin de Pâques qui est vainqueur et manifeste la victoire sur tout mort. Non il n'est pas indifférent. Comme dit le psaume, il ne dort pas, ne sommeille pas le gardien d'Israël

    Pourtant, reste une question : Jésus dort dans la barque. Saint Augustin a une homélie qui s'interroge fortement sur cette réalité : pourquoi Jésus dort-il à ce moment dramatique où tout semble engloutir le disciple.  Jésus dort en toi, parce que tu ne l'as pas réveillé. Jésus dort en toi au moment où les assauts de la mort et du péché t'assaille, parce que tu ne l'a pas réveillé. Tu n'as pas encore crié vers lui ; tu ne lui a pas encore laissé la possibilité de dominer en toi sur ces forces de la mort et du péché.

    Réveille-le et écoute sa parole, comme les vents et la mer l'écoute et lui obéissent parce qu'il est le Maître. Réveille le en rappelant son souvenir, le souvenir de ses paroles et de ses actions. Souviens-toi de lui et pense à lui, insiste saint Augustin.

    Les barques de nos existences nous font aborder des mers plus ou moins changeantes, plus ou moins rassurantes, plus ou moins dangereuses. C'est une évidence. Les tempêtes extérieures sont là. Elles ne sont pas moins violentes que nos tempêtes intérieures. Il n'est pas indifférent de découvrir que, quoi qu'il arrive, Dieu est présent. Il est là, au fond de la barque, ne violentant pas notre liberté. Dieu est là et je ne le savais pas, dit Jacob que sortir de son songe. J'avais même oublié que sa simple présence pouvait être une douce consolation. Du Seigneur, nous attendrons aisément de lui qu'il domine la mort, le mal et les tempêtes qui semblent nous engloutir. Si ce n'est pas le cas, nous nous réjouirons déjà qu'il soit présent avec nous, au fond de la barque. Il est avec nous, le Seigneur de l'univers.

     

  • Un soldat lui perça le côté et il en sortit de l’eau et du sang

    franckechristus.jpgAvec cet Evangile (Jn 19, 31-37), nous sommes avec Jésus en Croix et ce côté ouvert dans le geste prophétique de ce soldat. Un homme en croix. Des mains cloués. Celles-là même qui avaient guéri les malades, consolé les affligés, multiplié les pains. Des pieds réduits à l'inactivité. Ceux-là même qui avaient marché sur les eaux, qui avaient parcouru les villages de Galilée, les routes de Samarie, les rues de Jérusalem. Une bouche muette : celle qui avait enseigné, expulsé des démons, pardonné les péchés. L'homme en croix est désespérément immobile, apparemment inactif. Une oreille attentive a entendu qu'il remettait sa vie entre les mains du Père. L'instant d'après, il est mort. Le coeur s'est arrêté de battre. C'est fini : tout est accompli.

    Puis, une source ouverte par ce coup de lance anonyme. De l'eau et du sang coule de son côté. Déjà 6 siècles auparavant, le prophète Ezéchiel avait vu une source couler du côté droit du Temple, une source grandissante au point de couler vers la Mer Morte et en assainir les eaux. Ce soir, la voici la vraie source qui coule, enfle, purifie les eaux mortes et donne nourriture et remède. De son sein jailliront des fleuves d'eau vive, avait prévenu saint Jean.

    La tradition de ceux qui nous ont précédés, les Pères de l'Eglise, y ont reconnu l'Eglise qui naît de ce côté ouvert comme Eve du côté d'Adam. Ils y ont vu le jaillissement de la vie que donnent les sacrements. L'eau et le sang. L'eau qui lave et purifie. Le sang qui vivifie et nourrit. Le baptême et l'Eucharistie.

    De fait, par la vie de l'Eglise, par l'énergie des sacrements, cette vie coule et continue de couler jusqu'à nous, jusqu'à ce soir. La fête du Sacré-Cœur vient nous montrer ce mystère de notre foi : l'évènement vient à nous ; Dieu ne cesse de déployer pour nous le fleuve de sa miséricorde. Je lui parlerai cœur à cœur, avait annoncé le prophète Osée. Ce soir, notre action de grâce, qui que nous sommes, est grande pour cela : le cœur de Jésus est ouvert ; il veut se déverser dans le nôtre pour y laisser couler sa vie et son amour. Une source est ouverte et part de son cœur pour atteindre le mien, à condition qu'il trouve une brèche, une blessure pour l'irriguer.

    Une source est ouverte qui veut nous rejoindre chacun. En cet instant, je pense à l'ensemble des sacrements par lesquels ce cœur veut toucher notre cœur.  Parmi ces sacrements le baptême est la porte, l'Eucharistie la source et le sommet. Et le sacrement de l'ordre ? Celui par lequel aujourd'hui, ici encore, le Christ rend présent sa vie. Avec vous, nous recevons cette vie, mais également pour vous, nous en sommes les ministres, les intendants, les gérants de cette source.

    En ce 19 juin,  4 intendants des mystères de Dieu rendent grâce pour le don du sacerdoce qui leur a été fait il y a dix ans. Il y a dix ans, dans le cœur de ces quatre hommes, configurés au Christ, une source a été ouverte, celle d'où s'écoule au nom même du Christ Tête et Pasteur, la vie de Dieu pour vous.

    Il n'est pas banal que ce soir nous rendions grâce pour le don du sacerdoce en cette fête du Sacré-Cœur de Jésus, jour d'ouverture de l'année sacerdotale pour toute l'Eglise. Le curé d'Ars est donné comme figure de père à tous les prêtres. Une de ses phrases célèbres est justement : « Le sacerdoce, c'est l'amour du cœur de Jésus ». Tout prêtre est un pasteur selon le cœur de Dieu, tout prêtre est précisément un don de la miséricorde divine qui actualise, rend présente la vie que Dieu veut pour tous. Par le sacerdoce, le pain de Dieu n'est jamais plus loin que la bouche du prêtre qui le consacre et la main qui le donne. Le pardon de Dieu n'est pas plus loin que l'oreille du prêtre qui reçoit les péchés et ses paroles qui pardonnent. « Qui est-ce qui a reçu notre âme à son entrée dans la vie ? Le prêtre. Qui la nourrit pour lui donner la force de faire son pèlerinage ? Le prêtre. Qui la préparera à paraître devant Dieu, en lavant cette âme pour la dernière fois dans le sang de Jésus-Christ ? Le prêtre, toujours le prêtre (...) C'est le prêtre qui continue l'œuvre de rédemption sur la terre. A quoi servirait une maison remplie d'or, si vous n'aviez personne pour ouvrir la porte. C'est lui qui ouvre la porte, il est l'économe du bon Dieu, l'administrateur de ses biens... Le prêtre n'est pas prêtre pour lui, il est pour vous »

    Dieu ouvre des sources pour vous. Nous rendons grâce ce soir pour cette source qui a été ouverte en nous, pour tous ceux qui sont venus y boire. Nous rendons grâce pour tout le bien que qu'il nous a été donné de faire et que nous n'avons pas vu. Nous demandons pardon également pour être des intendants quelquefois négligents, tièdes, impatients. Il nous arrive d'être comme l'âne de la fable de La Fontaine. Transportant des reliques, il se flatte que les honneurs lui soient rendus.

    Dieu ouvre des sources dans des cœurs de prêtres et veut continuer à en ouvrir. Dieu le veut en toi. Il le veut pour toi et pour le bien que tu feras en te mettant complètement à son service. Il te fait confiance. Laisse ton cœur être touché par le cœur de Jésus.

  • Tous furent remplis de l'Esprit Saint

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    Pâques-Pentecôte. 50 jours marqués par la Résurrection du Christ et le don de l'Esprit. 50 jours qui sont plus que les 40 du Carême. 50 jours qui sont ceux qui séparent les deux fêtes juives de Pessah et de Chavouoth, la Pâque et les moissons, la première gerbe d'orge et la première gerbe de blé, et surtout 50 jours, selon le Pentateuque, entre le passage de la Mer Rouge et le don de la Loi au Sinaï.

    La tradition juive fête donc en ce jour celui où Dieu donne sa Loi sur la haute montagne dans une théophanie : nuée, vent, éclairs, feu et surtout la voix qui se fait entendre et grave elle-même les Dix paroles sur les tables, avant qu'elle ne soit inscrits sur les cœurs.

    Le feu, les paroles, le vent, les mêmes éléments à la chambre haute du Cénacle. Vous connaissez suffisamment cette scène des Actes que nous venons de réentendre. 12 hommes autour de Marie, embrasés au point que les paroles fusent, dans toutes les langues et plus tard dans toutes les directions du monde antique. Le feu veut se propager. L'amour les brûle et les presse.

    Mais pour l'heure, saint Luc note très simplement qu'ils furent tous remplis de l'Esprit-Saint. Cela m'étonne. Peut-être que mon étonnement vous étonne ? Je m'explique : ils sont remplis. 9 fois dans les Actes (et 4 fois dans son Evangile), Luc en parle. Il ne dit pas qu'ils reçoivent ou qu'ils accueillent l'Esprit versé en eux. Encore moins qu'ils bénéficient de l'Esprit-Saint. Non, remplis, comme un récipient est rempli à raz bords de son contenant.

    S'ils sont remplis au point d'être devenus les témoins hardis du Christ, c'est dire que l'Esprit-Saint a pris toute la place en eux. Pleinement remplis. Remplis à raz bord comme les barques lors de la pèche miraculeuse, comme Jean Baptiste dont l'ange annonce qu'il sera rempli d'Esprit-Saint dès le sein de sa mère.  Remplis jusqu'à en être rassasiés, dit le dictionnaire grec-français. Mais c'est dire aussi s'ils étaient disponibles à sa venue, à son envahissement. En eux, le vide s'était creusé. Ils sont devenus capacité.

    L'Ancien Testament annonce déjà cette plénitude, quand la Gloire de Dieu emplit toute la Demeure (Ex 40,34 ou ou Is 6,1 ou Ez 43,5 44,4), ou que les écrits de sagesse annonce  que l'Esprit du Seigneur emplit tout l'univers. Dieu habite la Création de l'intérieur. Lui le Tout-puissant, le très-haut, habite la création par son Esprit qui renouvelle en acte toutes choses.

    La liturgie de ce jour nous fait demander, et même depuis 10 jours, que l'Esprit vienne en nous. Nous le demandons dans cette belle séquence : qu'il vienne, qu'il lave, purifie, réchauffe, inonde, baigne, fortifie, console... Et il le fera. Mais comment peut-il venir, si notre disponibilité n'est pas au rendez-vous ? Comment peut-il habiter notre être, si cet être n'est pas en capacité d'en être rempli ? Pas seulement de lui faire une petite place, en le rangeant bien dans un coin comme un bibelot acheté au bric à brac en attendant le prochain. Non, comme un hôte qu'on accueille et qui vient prendre toute la place, parce qu'on y consent. Au point de s'y livrer, de s'abandonner à sa conduite, à sa gouvernance.

    Au terme de ces 50 jours du temps pascal, nous avons pris le temps de méditer la beauté du Ressuscité, de mesurer les contours du salut qu'il nous offre, de recevoir la dignité d'enfants de Dieu. Aujourd'hui, c'est le moment décisif de l'embrasement : ce salut, c'est pour toi. Ce salut, je le place au plus profond de toi pour qu'il envahisse toute ta vie, chacun de tes choix, de tes actes. Je te le donne pour que tu me connaisses de l'intérieur et que tu me reconnaisses.

    Fais toi capacité. C'est ce que Dieu avait dit à saint Catherine de Sienne, je me ferai torrent.

    Aujourd'hui, nous sommes comme les fils des Hébreux qui assistent à l'embrasement de la montagne et qui accueillent le don intérieur de la Parole de Dieu. Ils virent une voix, dit le deutéronome. Ils sont emplis par cette Parole qui habite dès lors chacun de leur acte.

    Nous sommes comme les Apôtres qui, dans cette chambre haute sont remplis, à la mesure de la disponibilité de leur être, au point d'être conduits, non plus par les aller et venues du Maître de Galilée, mais par la présence intérieure de l'Esprit qu'il donne.

    Laissons-nous conduire par l'Esprit, concluait saint Paul. C'est séduisant. C'est risqué également. Prendrez-vous ce risque ? Ecoutez-le parler encore une fois : fais-toi capacité, je me ferai torrent.

     

  • Il fut enlevé au ciel

    Christi_Himmelfahrt_17_2008.jpgAprès leur avoir parlé, le Seigneur Jésus fut enlevé au ciel et s'assit à la droite de Dieu.

    Presqu'au terme de ce temps pascal, la liturgie nous place sous nos regards le Christ enlevé au ciel pour s'asseoir à la droite de son Père. Et nous sommes un peu comme les Apôtres regardant le ciel, attendant d'entrer dans l'intelligence du cœur de ce mystère de l'Ascension.

    L'Ancien Testament connaît quelques figures qui ont été enlevés au ciel. Et pas des moindres, puisque parmi eux il y a Élie. Élie le grand prophète, celui qui doit venir comme précurseur du Messie. Et la liturgie juive attend toujours cet Élie qui précédera de peu le Messie de Dieu. L'enlèvement d'Élie sur son char de feu nous est familier. Pour lui, c'est une glorification. Comme dit un des livres des Maccabées, c'est pour avoir brûlé du zèle de la Loi, qu'il fut enlevé au ciel. Ainsi glorifié il est mis en réserve pour annoncer les temps messianiques où tous partageront la gloire destiné jusqu'alors à un seul.

    Notre Seigneur Jésus, lui le Verbe qui était auprès de Dieu, remonte à la droite de Dieu en ce jour. Lui, la lumière véritable qui éclaire tout homme avait été mis sur le lampadaire de la Croix pour éclairer les ténèbres du péché. Aujourd'hui, Il remonte auprès de la lumière éternelle, non sans illuminer et enflammer nos cœurs obscurcis. L'Église à partir d'aujourd'hui attend cet embrasement que donnera l'Esprit-Saint pour porter au monde cette flamme brûlante. La lumière du cierge pascal vient nous éclairer de l'intérieur.

    Comme le dit saint Jean, la Vie s'est manifestée. Nous l'avons vu et nous en rendons témoignage. Cette Vie qui était auprès du Père et qui remonte vers le Père nous a communiquée cette vie éternelle. Nous ne sommes donc pas rendus en arrière, avant l'Incarnation. Non, la grâce de l'Incarnation continue à se déployer dans tout le corps du Christ alors même que son corps ressuscité est enlevé au ciel.

    Aujourd'hui, se réalise ce que le Christ avait dit de lui : Moi, Je suis le chemin, la vérité, la vie. La vie avait triomphé de la mort au matin de Pâques. La vérité avait triomphé du mensonge dès les premiers mots du Verbe incarné. Aujourd'hui le chemin nous entraîne vers le Père.

    Si le Christ est le chemin du Père, alors il nous montre aujourd'hui le terme de notre destinée : être avoir lui auprès du Père. Et son Ascension nous prend déjà avec lui, puisqu'il remonte avec toute son humanité à la droite de Dieu. Son humanité que le Christ porte plutôt qu'il ne l'endoisse, à laquelle il est profondément unit, cette humanité est désormais en Dieu. Notre humanité demeure désormais en Dieu, parce que Dieu est demeuré parmi nous, en nous. Pour tout homme, pour chacun de nous, une patrie est proposée : demeurer en Dieu, comme le Fils demeure auprès du Père. Saint Augustin ne dit pas autre chose quand il confesse : Tu nous as faits pour Toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu'il ne demeure en Toi.

    En disant cela, je pense à cette fameuse icône de la Trinité de Roublev. Vous vous souvenez qu'elle représente les trois anges accueillis par Abraham au chêne de Mambré. Andrei Roublev. Les trois personnes divines sont autour de la table trinitaire. Mais cette table a 4 côtés, elle est ouverte vers celui qui contemple l'icône, vers le croyant attendu à cette table trinitaire. Voilà frères et sœurs, le terme de notre chemin, le terme du chemin ouvert aujourd'hui par le Christ qui monte vers son Père. Mais dans ce chemin, nous sommes déjà saisis par l'humanité glorifié du Verbe incarné qui se présente au Père. Nos pauvres corps sont précédés par ce corps glorieux en attendant que nous le voyons face à face.

    Alors, Il essuiera les larmes de nos visages ; nous lui serons semblables et nous le chanterons éternellement. Je vous laisse pour finir cette finale de l'Oratorio de l'Ascension de Bach. Le dernier choral lance comme une prière ce cri de l'âme :

    Quand cela arrivera-t-il, quand viendra l'heureux temps où je le verrai dans sa gloire ? Ô jour, quand viendras-tu, où nous saluerons le Sauveur, où nous embrasserons le Sauveur ? Viens présente-toi enfin !