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Homélies - Page 51

  • Tous furent remplis de l'Esprit Saint

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    Pâques-Pentecôte. 50 jours marqués par la Résurrection du Christ et le don de l'Esprit. 50 jours qui sont plus que les 40 du Carême. 50 jours qui sont ceux qui séparent les deux fêtes juives de Pessah et de Chavouoth, la Pâque et les moissons, la première gerbe d'orge et la première gerbe de blé, et surtout 50 jours, selon le Pentateuque, entre le passage de la Mer Rouge et le don de la Loi au Sinaï.

    La tradition juive fête donc en ce jour celui où Dieu donne sa Loi sur la haute montagne dans une théophanie : nuée, vent, éclairs, feu et surtout la voix qui se fait entendre et grave elle-même les Dix paroles sur les tables, avant qu'elle ne soit inscrits sur les cœurs.

    Le feu, les paroles, le vent, les mêmes éléments à la chambre haute du Cénacle. Vous connaissez suffisamment cette scène des Actes que nous venons de réentendre. 12 hommes autour de Marie, embrasés au point que les paroles fusent, dans toutes les langues et plus tard dans toutes les directions du monde antique. Le feu veut se propager. L'amour les brûle et les presse.

    Mais pour l'heure, saint Luc note très simplement qu'ils furent tous remplis de l'Esprit-Saint. Cela m'étonne. Peut-être que mon étonnement vous étonne ? Je m'explique : ils sont remplis. 9 fois dans les Actes (et 4 fois dans son Evangile), Luc en parle. Il ne dit pas qu'ils reçoivent ou qu'ils accueillent l'Esprit versé en eux. Encore moins qu'ils bénéficient de l'Esprit-Saint. Non, remplis, comme un récipient est rempli à raz bords de son contenant.

    S'ils sont remplis au point d'être devenus les témoins hardis du Christ, c'est dire que l'Esprit-Saint a pris toute la place en eux. Pleinement remplis. Remplis à raz bord comme les barques lors de la pèche miraculeuse, comme Jean Baptiste dont l'ange annonce qu'il sera rempli d'Esprit-Saint dès le sein de sa mère.  Remplis jusqu'à en être rassasiés, dit le dictionnaire grec-français. Mais c'est dire aussi s'ils étaient disponibles à sa venue, à son envahissement. En eux, le vide s'était creusé. Ils sont devenus capacité.

    L'Ancien Testament annonce déjà cette plénitude, quand la Gloire de Dieu emplit toute la Demeure (Ex 40,34 ou ou Is 6,1 ou Ez 43,5 44,4), ou que les écrits de sagesse annonce  que l'Esprit du Seigneur emplit tout l'univers. Dieu habite la Création de l'intérieur. Lui le Tout-puissant, le très-haut, habite la création par son Esprit qui renouvelle en acte toutes choses.

    La liturgie de ce jour nous fait demander, et même depuis 10 jours, que l'Esprit vienne en nous. Nous le demandons dans cette belle séquence : qu'il vienne, qu'il lave, purifie, réchauffe, inonde, baigne, fortifie, console... Et il le fera. Mais comment peut-il venir, si notre disponibilité n'est pas au rendez-vous ? Comment peut-il habiter notre être, si cet être n'est pas en capacité d'en être rempli ? Pas seulement de lui faire une petite place, en le rangeant bien dans un coin comme un bibelot acheté au bric à brac en attendant le prochain. Non, comme un hôte qu'on accueille et qui vient prendre toute la place, parce qu'on y consent. Au point de s'y livrer, de s'abandonner à sa conduite, à sa gouvernance.

    Au terme de ces 50 jours du temps pascal, nous avons pris le temps de méditer la beauté du Ressuscité, de mesurer les contours du salut qu'il nous offre, de recevoir la dignité d'enfants de Dieu. Aujourd'hui, c'est le moment décisif de l'embrasement : ce salut, c'est pour toi. Ce salut, je le place au plus profond de toi pour qu'il envahisse toute ta vie, chacun de tes choix, de tes actes. Je te le donne pour que tu me connaisses de l'intérieur et que tu me reconnaisses.

    Fais toi capacité. C'est ce que Dieu avait dit à saint Catherine de Sienne, je me ferai torrent.

    Aujourd'hui, nous sommes comme les fils des Hébreux qui assistent à l'embrasement de la montagne et qui accueillent le don intérieur de la Parole de Dieu. Ils virent une voix, dit le deutéronome. Ils sont emplis par cette Parole qui habite dès lors chacun de leur acte.

    Nous sommes comme les Apôtres qui, dans cette chambre haute sont remplis, à la mesure de la disponibilité de leur être, au point d'être conduits, non plus par les aller et venues du Maître de Galilée, mais par la présence intérieure de l'Esprit qu'il donne.

    Laissons-nous conduire par l'Esprit, concluait saint Paul. C'est séduisant. C'est risqué également. Prendrez-vous ce risque ? Ecoutez-le parler encore une fois : fais-toi capacité, je me ferai torrent.

     

  • Il fut enlevé au ciel

    Christi_Himmelfahrt_17_2008.jpgAprès leur avoir parlé, le Seigneur Jésus fut enlevé au ciel et s'assit à la droite de Dieu.

    Presqu'au terme de ce temps pascal, la liturgie nous place sous nos regards le Christ enlevé au ciel pour s'asseoir à la droite de son Père. Et nous sommes un peu comme les Apôtres regardant le ciel, attendant d'entrer dans l'intelligence du cœur de ce mystère de l'Ascension.

    L'Ancien Testament connaît quelques figures qui ont été enlevés au ciel. Et pas des moindres, puisque parmi eux il y a Élie. Élie le grand prophète, celui qui doit venir comme précurseur du Messie. Et la liturgie juive attend toujours cet Élie qui précédera de peu le Messie de Dieu. L'enlèvement d'Élie sur son char de feu nous est familier. Pour lui, c'est une glorification. Comme dit un des livres des Maccabées, c'est pour avoir brûlé du zèle de la Loi, qu'il fut enlevé au ciel. Ainsi glorifié il est mis en réserve pour annoncer les temps messianiques où tous partageront la gloire destiné jusqu'alors à un seul.

    Notre Seigneur Jésus, lui le Verbe qui était auprès de Dieu, remonte à la droite de Dieu en ce jour. Lui, la lumière véritable qui éclaire tout homme avait été mis sur le lampadaire de la Croix pour éclairer les ténèbres du péché. Aujourd'hui, Il remonte auprès de la lumière éternelle, non sans illuminer et enflammer nos cœurs obscurcis. L'Église à partir d'aujourd'hui attend cet embrasement que donnera l'Esprit-Saint pour porter au monde cette flamme brûlante. La lumière du cierge pascal vient nous éclairer de l'intérieur.

    Comme le dit saint Jean, la Vie s'est manifestée. Nous l'avons vu et nous en rendons témoignage. Cette Vie qui était auprès du Père et qui remonte vers le Père nous a communiquée cette vie éternelle. Nous ne sommes donc pas rendus en arrière, avant l'Incarnation. Non, la grâce de l'Incarnation continue à se déployer dans tout le corps du Christ alors même que son corps ressuscité est enlevé au ciel.

    Aujourd'hui, se réalise ce que le Christ avait dit de lui : Moi, Je suis le chemin, la vérité, la vie. La vie avait triomphé de la mort au matin de Pâques. La vérité avait triomphé du mensonge dès les premiers mots du Verbe incarné. Aujourd'hui le chemin nous entraîne vers le Père.

    Si le Christ est le chemin du Père, alors il nous montre aujourd'hui le terme de notre destinée : être avoir lui auprès du Père. Et son Ascension nous prend déjà avec lui, puisqu'il remonte avec toute son humanité à la droite de Dieu. Son humanité que le Christ porte plutôt qu'il ne l'endoisse, à laquelle il est profondément unit, cette humanité est désormais en Dieu. Notre humanité demeure désormais en Dieu, parce que Dieu est demeuré parmi nous, en nous. Pour tout homme, pour chacun de nous, une patrie est proposée : demeurer en Dieu, comme le Fils demeure auprès du Père. Saint Augustin ne dit pas autre chose quand il confesse : Tu nous as faits pour Toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu'il ne demeure en Toi.

    En disant cela, je pense à cette fameuse icône de la Trinité de Roublev. Vous vous souvenez qu'elle représente les trois anges accueillis par Abraham au chêne de Mambré. Andrei Roublev. Les trois personnes divines sont autour de la table trinitaire. Mais cette table a 4 côtés, elle est ouverte vers celui qui contemple l'icône, vers le croyant attendu à cette table trinitaire. Voilà frères et sœurs, le terme de notre chemin, le terme du chemin ouvert aujourd'hui par le Christ qui monte vers son Père. Mais dans ce chemin, nous sommes déjà saisis par l'humanité glorifié du Verbe incarné qui se présente au Père. Nos pauvres corps sont précédés par ce corps glorieux en attendant que nous le voyons face à face.

    Alors, Il essuiera les larmes de nos visages ; nous lui serons semblables et nous le chanterons éternellement. Je vous laisse pour finir cette finale de l'Oratorio de l'Ascension de Bach. Le dernier choral lance comme une prière ce cri de l'âme :

    Quand cela arrivera-t-il, quand viendra l'heureux temps où je le verrai dans sa gloire ? Ô jour, quand viendras-tu, où nous saluerons le Sauveur, où nous embrasserons le Sauveur ? Viens présente-toi enfin !

     

  • Il prit le pain, le bénit, le rompit et le donna

    maaloula_fresque_marsarkis_03.jpgEn ce Jeudi-Saint, nous communions à ce pain. C'est le pain de la Pâque, le pain pris par le Christ dans le repas de cette nuit pour en faire le sacrement de son Corps et de son Sang. C'est le pain azyme qui n'a pas levé, que Dieu donne aux enfants d'Israël comme mémorial de leur libération. C'est le mémorial de la Pâque, au point que tous ceux qui consomment cet Agneau immolé au Temple, revivent la Pâque, sortent à nouveau d'Egypte. Manger l'Agneau, c'est manger la Pâque. Manger ce pain et boire à cette coupe, c'est recevoir ce qui est donné pour que tous aient la vie.

    Vous le savez, ce pain et ce vin, c'est le Corps et le Sang du Christ. Déjà dans le Séder, le repas rituel juif, l'arrivée du Messie est signifiée au moment où l'on consomme en silence le pain tenu caché et la dernière coupe, celle du Messie justement. Par ces paroles « Ceci est mon corps, ceci est mon sang », le Christ en a fait le sacrement de sa présence : celle qui vient de cette nuit de la Cène, ou celle qui vient de la fin des temps. Je vous propose de lui appliquer ce que l'Evangile dit du pain, pris, béni, rompu et donné. Il est Celui qui est pris du milieu des hommes, qui habite parmi nous. Il est Celui qui est béni du Père, consacré par l'Esprit qui est sur Lui, béni, consacré, glorifié par le Père comme le rapporte les Evangiles où sa vie suinte les œuvres du Père comme une huile qui déborde. Il est Celui qui est rompu, s'abaissant dans l'incarnation rédemptrice, dans la mort et la mort de la croix, homme de douleurs, agneau immolé qui répond sa vie. Il est Celui qui est donné à ses disciples qui nous le donnent aujourd'hui. Il n'est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime.

    Ce soir, nous commémorons l'institution de l'Eucharistie qui est précisément ce sacrement de la présence du Corps et du Sang du Christ. Il est donné à toute l'Eglise, pour que chacun de nous en fasse, non seulement sa nourriture, mais également la règle de sa vie baptismale. Comment cela ? Reprenons ces quatre verbes du récit. Chacun de nous peut se découvrir pris, béni, rompu et donné. Pris de façon personnelle, c'est-à-dire appelé chacun par son nom, discerné, élu, aimé. Béni, lavé et consacré dans les eaux du baptême et par l'huile de la confirmation, objet de la sollicitude du Père. Rompu à notre péché, à notre amour-propre, désincarcéré de la gangue qui emprisonne nos capacités à aimer et à pardonner. Donné là où nous sommes, pour que le monde croie et qu'il ait la vie.

    Ce soir, il vous est proposé ce soir de regarder l'Eucharistie, avant d'y communier dans la nuit sainte. En la regardant vous pourrez peu à peu devenir ce que vous recevez membre du Corps du Christ. Toute votre vie peut devenir eucharistique si vous acceptez dimanche après dimanche, et plus si affinité, de vous unir à ce pain pris, béni, rompu et donné. Comment vous unir, par cette participation intérieure, cette présentation intérieure de vous-même qui vous associe à cette offrande du Christ dans ce pain et ce pain. Le voici, ce sacerdoce baptismal dont la liturgie du baptême nous parlera samedi.

    Pour l'exercer, tous nous avons besoin des ministres choisis par le Christ. Ce jour, ce soir est également l'anniversaire de l'institution du sacerdoce apostolique. Les prêtres ont renouvelé à la messe chrismale les promesses de leur ordination, en mémoire de ce jour où ils sont nés. « Vous ferez cela en mémoire de moi », c'est la consigne intimée par le Christ à ses apôtres et à leurs successeurs. Dans la liturgie de l'ordination, l'évêque leur a demandé de « prendre conscience de ce qu'ils feront, de vivre ce qu'ils accompliront et de se conformer au mystère de la croix ». Vivre ce que nous accomplissons. Là encore, l'Eucharistie nous donne la clé. Ils sont pris du milieu des hommes, pris dans une histoire personnelle, une culture, une formation, des qualités, des défauts. Ils sont bénis non seulement par l'amitié du Christ qui les prend pour être avec lui, mais par une consécration qui les fait agir en sa personne même. Ils sont rompus par leur célibat, par leur ministère, dans leur volonté propre, leur exercice de l'autorité. Enfin, ils sont donnés. Ils vous sont donnés pour être à votre service et celui du bien commun de toute l'Eglise. Ils vous sont donnés pour votre communion. Ils ne sont pas des miroirs de la communauté, mais plutôt des icônes du Christ qui se donne à vous, ou mieux encore : des sacrements de la charité pastorale du Christ qui vous donne de vivre la charité fraternelle. Leur sacerdoce ministériel est au service de votre sacerdoce baptismal.

    Dans un instant, cette condition de serviteur de la charité de Dieu pour vous va nous être rappelée par ce geste d'une haute portée spirituelle qu'est le lavement des pieds. Le Christ nous sauve en s'abaissant. Ce soir, ce n'est pas un acte du passé. C'est aujourd'hui qu'il se dépouille dans l'Eucharistie et dans le lavement des pieds. Là est la source de l'amour et de la charité. Il est grand le mystère de la foi !

     

  • Il crut et... il vit !

    christ_healing_blind.jpgSur notre marche, nous voici avec cet aveugle de Jérusalem. Nous lisons cet Evangile en Carême, dans notre progression vers Pâques. Le fait du miracle est déjà éloquent. Un aveugle recouvre la vue. Il ne voyait pas, il voyait. Comme celui de Jérico, comme les paralytiques, les lépreux, les sourds et muets, comme tant d'autres, il est guéri, comme rétabli dans sa beauté première, dans son intégrité de créature créée et aimée de Dieu. Le Christ montre sa puissance de créateur. Comme dans le récit symbolique de la création, la vie surgit à partir de la boue, la glaise dont sort Adam qui en portera désormais le nom.

    La guérison est admirable, mais tous les aveugles du temps de Jésus n'ont pas été guéris. Je pense qu'il nous faut aller chercher plus loin la portée de cet Evangile pour notre chemin de Carême. C'est son chemin qui peut nous enseigner : guéri sans l'avoir demandé, il proclame Jésus prophète dont on est disciple, puis il confesse la divinité du Christ (je le crois, Seigneur) et se prosterne devant lui.

    Ce n'est pas neutre qu'il soit un aveugle pour cet itinéraire de foi. Il était dans la nuit, noire et épaisse. Jamais la lumière du soleil n'était entrée au fond de son âme. D'autres lumière avait peut-être fait leur chemin en lui : lumière de l'amour reçu de ses parents, lumière des sens qui informe par la douceur d'une caresse, le bruit d'un cri ou la chaleur d'une parole, l'odeur d'un épice ou d'un plat. De l'intérieur, il apprit à voir d'une autre manière. Sans pouvoir de vérifier par ses yeux, c'est comme si déjà il voyait de l'intérieur. Depuis son enfance, une autre manière de voir lui avait peut-être permis de voir ce que les autres eux-mêmes ne voyaient pas. Au fond, sa nuit humaine était déjà comme éclairée, par une autre manière de voir que celle de ses contemporains.

    En image, en figure, la nuit de cet homme nous parle de la foi. Dans la nuit que nous sommes, en ce chemin de Carême, nous marchons vers le jour clarteux (lumineux) où nous verrons Dieu face à face dans l'éblouissement de l'avènement du Fils de l'Homme. Qui est-il donc, c'est Jésus que cet homme voit face à face et qui lui parle. Il a vu et il a cru, comme Jean au Tombeau.

    La foi vient éclairer notre nuit de l'intérieur. Par la foi, nous croyons, mais nous ne savons pas. Nous croyons parce que nous faisons confiance en cet autre mode de connaissance, en attendant le jour où nos yeux seront ouverts.

    Le baptême nous a donné cette foi lumineuse, qui nous malgré la nuit, nous fait reconnaître le Corps et le Sang du Christ dans ce pain et ce vin, qui nous fait reconnaître la Parole de Dieu dans ce livre, qui nous fait reconnaître un frère à aimer dans ce voisin acariâtre et insupportable,... les exemples pourraient suivre.

    De la même manière que la vue n'est pas le seul mode de relation au monde extérieur, pour cet aveugle de naissance, la seule expérience sensible et intellective, celle qui s'arrête aux apparences, ne peut être le seul mode de connaissance. Cet homme nous est donc précieux parce qu'il nous enseigne que la foi est possible et qu'elle débouche sur le jour où nous voyons celui auquel nous donnons notre foi. Nous serons d'autant plus comblés que nous découvrirons qu'il est l'auteur de notre foi, celui qui nous l'a donné en plénitude au jour de notre baptême, alors que le cierge a été allumé au cierge pascal.

    Lumière née de la lumière, il chasse toute ténèbre. Il éclaire tout homme, il transforme ceux desquels il t'approche. Il nous communique sa lumière, pour que nous vivions en enfants de lumière. Comme une veilleuse, il dépose en nous la lumière de la foi, pour qu'elle nous éclaire de l'intérieur.

    Il cru et il vit. Pour nous qui avons reçu le baptême, pour les catéchumènes, nous croyons et alors nous voyons différemment. Parce que cette douce lumière lave notre regard et le transforme en profondeur. Nous regardons Jésus comme le Fils du Dieu vivant et pas uniquement comme un prophète des temps anciens, un guérisseur. Nous regardons l'Eglise comme une communauté de foi, son peuple saint en marche vers la sanctification de tous les pécheurs qui la composent, et non comme l'association loi 1901 des amis du charpentier, où tout nous séparerait (ciné, politique, codes sociaux, revenus,...). Nous regardons notre liturgie comme une action commune pour lui rendre grâce et non comme une auto célébration.

    Il cru et il vit. Ce Carême vient comme rénover et guérir notre vision, celle que donne la lumière de la foi. Dans nos obscurités, allume le feu qui ne s'éteint jamais, dit le chant de Taizé.  Que cette douce lumière fasse son chemin en nous, pour que nous croyons et que dans la nuit de Pâques, nous voyons.

     

  • Vous avez dit jeûne ?

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    1. Chers amis, nous voici donc embarqués, tous ensemble, dans cette montée vers Pâques. Dans quarante jours, nous serons au seuil du mystère pascal, mourrant et ressuscitant avec le Christ. Largement et comme une mesure débordante, la grâce pascale inondera nos pieds au soir du Jeudi-Saint, elle illuminera nos visages au seuil de la Vigile pascale, elle nous rassasiera de son amour au matin de Pâques. Au long de ces quarante jours, grâce et avec tous les catéchumènes, nous allons nous y préparer activement.

    2. Pour l'heure, nous nous mettons en route pour cette montée, avec finalement peu de bagages.  L'Évangile du jour des Cendres semble n'en admettre que trois : l'aumône, la prière et le jeûne. Trois bagages qui sont là pour nous alléger dans cette montée à Jérusalem. Et même, ces trois bagages n'ont qu'une seule fonction : nous désencombrer de tout ce qui nous empêche d'accueillir la grâce pascale. Nous n'aurons pas trop que ces 40 jours pour ce vaste travail de désencombrement, avec ces seuls bagages. Si vous le voulez bien, c'est à propos du jeûne que je vous voudrais m'arrêter. Le message de Carême de Benoît XVI sera plus explicite encore.

    3. Qu'est-ce que jeûner ? Jeûner, c'est se priver de tout aliment pendant un espace donné (une journée, une semaine...) ou encore ne manger qu'une seule fois par jour; c'est le sens du jeûne que demande l'Église pour deux jours de l'année: le Vendredi-Saint et le mercredi des Cendres. Concrètement, si vous avez déjà fait un repas ce midi, inutile de vous encombrer l'imagination (carpe farcie ou quiche aux deux saumons,...) pour ce soir. Le jeûne est donc différent de l'abstinence des vendredis de Carême (et même de tous les vendredis de l'année sous certains aspects) consiste à s'abstenir de certains aliments plus substantiels (ce qui est pratiquement défini pour la viande). Voilà le minimum défini par l'Église. Charge à chacun d'en faire sa loi et d'y ajouter ce qui lui semble approprié pour cette tâche de désencombrement.

    4. C'est que le jeûne a quelque chose qui relève de l'expérience spirituelle et non pas de la thérapie de bien-être corporel ou de l'héroïsme. Il s'agit de se priver de nourriture pour être empli d'une nourriture spirituelle. Être en quelque sorte creusé pour manifester notre ouverture, notre disponibilité à ce que Dieu veut mettre en nous. Dans son message de Carême 2009, le pape Benoît XVI ajoute : "nous Lui permettons de venir rassasier une faim plus profonde que nous expérimentons au plus intime de nous : la faim et la soif de Dieu". Vous pourriez me dire que l'intention suffirait, que tout cela se passe entre Dieu et moi, et qu'il voit bien le fond de mon cœur et de mon âme. Ce serait perdre de vue trois aspects du jeûne.

    5. Le premier est qu'il implique notre corps. C'est bien parce que notre personne unifiée, corps et âme, qui est en relation avec les autres et avec Dieu. Or, le corps est le support concret de ma relation aux autres qu'il est également le moyen de ma relation à Dieu. Tout passe par la médiation de notre corps : nos sentiments, nos émotions, nos paroles, nos actes, notre travail,... Et même notre relation à Dieu passe par cette médiation corporelle. Notre rapport à la nourriture exprime quelque chose de nous-mêmes, tous les psychologues le savent. Or, cela exprime également quelque chose de notre âme. C'est pour cela que le jeûne, comme pratique de pénitence corporelle, fait partie de cette médiation-là.

    6. Le second élément va plus loin. C'est que notre jeûne est un acte de solidarité. Par notre jeûne, nous nous souvenons que des millions de nos contemporains n'ont pas de quoi manger. Dans cette société faite de consommation et de distraction, de pain et de jeux, nous dosons notre nourriture et notre boisson. Par là, nous expérimentons librement ce que tant d'hommes et de femmes subissent, quelque fois à quelques dizaines de mètres de nous. Et nous nous plaindrions de ces quelques efforts qui nous ouvrent corporellement à la souffrance d'autrui. Isaïe le prophétisait déjà quand il disait que le jeûne qui plaît à Dieu c'est de « partager ton pain avec l'affamé, héberger chez toi les pauvres, vêtir celui qui est nu, ne pas se dérober devant celui qui est ta propre chair » (Is 58,7) Par le jeûne et le partage qui en découle, nous nous désencombrons de l'égoïsme, nous acceptons d'être le gardien de notre frère. Nous nous rendons sensibles à sa souffrance et nous proclamons l'injustice.

    7. Le dernier élément est le sens ecclésial du jeûne de ce jour et du Carême : c'est l'ensemble de toute l'Église qui aujourd'hui se prive de nourriture pour s'entraîner au combat spirituel comme le disait la prière d'ouverture. Chacun est libre d'y ajouter un jeûne d'ordinateur, de voiture, de tabac, de paroles, que sais-je encore. L'aspect ecclésial de notre jeûne est à prendre à compte, parce ce Carême concerne toute l'Église qui veut revenir au Seigneur son Dieu de tout son cœur. Toute l'Église reçoit les Cendres sur son front en signe de pénitence, toute l'Église prie et toute l'Église jeûne. L'émulation communautaire est donc une aide puissante pour ce jeûne et ce Carême. C'est ensemble que nous serons renouvelés dans notre foi pascale. C'est ensemble que nous nous y désencombrerons. C'est ensemble que nous jeûnons aujourd'hui. Et déjà cela nous aide.