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Homélies - Page 47

  • Quand l'invisible se rend visible

    Georges_de_la_tour_nativite.jpgLe Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire.

    Ce matin, il s’agit de voir. Cette nuit, il s’agissait de croire avec les bergers. Entendre la voix des anges dans le ciel, avoir foi dans leur parole et se mettre en route pour la crèche. Ce matin, donc il s’agit de regarder et de voir. Voir l’invisible qui se rend visible. Voir Dieu qui se fait homme. Voir le Verbe parmi nous. Ni plus, ni moins.

    Vous vous souvenez peut-être d’un autre passage de St Jean, dans sa première lettre, où il insiste : ce que nous avons entendu, ce que nos yeux ont vu, ce que nos mains ont touché du Verbe de Vie, nous vous l’annonçons. La vie s’est manifesté et nous avons vu sa gloire.

    Les mages verront un enfant et se prosterneront devant le Messie attendu par les nations. Les disciples verront Jésus de Nazareth et ils confesseront leur foi dans le Seigneur Jésus Christ. Marie Madeleine verra un jardinier et se prosternera aux pieds de son Maître, le Ressuscité. La vision fait toujours appel à la foi.

    C’est donc qu’il y a une nouveauté propre au mystère de Noël : c’est qu’il y a à voir. Un visible se montre, dévoilant l’invisible. La préface de Noël va nous le redire dans un instant : maintenant , nous connaissons dans le mystère du verbe incarné Dieu qui s’est rendu visible à nos yeux, et nous sommes entraînés par lui à aimer ce qui demeure invisible.

    Notre société s’est habitué à ce que tout soit visible. Elle laisse bien peu de place, en apparence, à ce qui est invisible. Et je ne parle même pas de la difficulté de la place de la foi chrétienne dans l’espace public.  La magie de Noël, comme on dit, habille nos rues, nos magasins, nos centres commerciaux. Un grand manteau consumériste s’étend et rend visible des tonnes de biens. Un soupçon d’invisible vient enchanter les bambins qui entrevoient dans un vieillard bonhomme et rougeoyant quelque chose de la bonté et de la justice distributive.

    Mais, rendez nous Noël, le mystère de Noël où le Verbe se rend visible et nous entraîne à aimer ce qui demeure invisible. Il se rend visible, parce que son Incarnation vient toucher notre humanité en se faisant l’un de nous. Travaillant avec des mains d’hommes, aimant avec un cœur d’homme, s’unissant en quelque manière à tout homme, comme dit un texte du Concile Vatican II.

    Dieu prend un visage d’homme et nous pourrons le contempler et même le représenter, sans craindre que la distance entre lui et nous soit abolie. Dans son incarnation, le Verbe donne aux hommes le sacrement ultime du salut dans l’humanité du Christ, signe et moyen efficace. Tout homme peut alors le voir, l’entendre, le toucher. Il entre dans un réseau dense des relations humaines pour nous élever à Lui.

    Il se rend visible, pour nous entraîner à aimer ce qui demeure invisible. L’incarnation reste la porte qui nous sépare du monde invisible. Nous n’aurons pas trop de la fête de l’Ascension pour le réaliser. Dès maintenant, devant nos crèches, et encore plus devant le Saint Sacrement de sa présence eucharistique, le visible renvoie à un invisible qu’il s’agit d’aimer et d’espérer.

    Aujourd’hui, la vue du Verbe incarné est déjà une grande joie. Il se donne à voir, à entendre à être touché pour nous sauver. Ce temps de l’Incarnation est prolongé par les sacrements. Chaque Eucharistie nous donne à voir et nous entraîne à aimer ce qui demeure invisible.

    Désormais, il ne nous est plus possible de vivre de façon aveugle ou myope. Ouvrons les yeux devant ce don immense qui se donne à voir. Il est la porte sur ce qui reste promis. C’est en ce sens qu’il faut comprendre la phrase écrite sur la tombe de Newman : Ex umbris et imaginibus in veritatem (« Des ombres et des images vers la vérité »). Du visible à l’invisible. Voilà le pèlerinage de notre foi qui s’ouvre aujourd’hui. Il nous entraîne à un discernement pour que les yeux se dessillent sur la vocation invisible de chacun et de chaque communauté.

    Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire.

    Seigneur Jésus, Fils du Dieu vivant, ouvre les yeux de notre intelligence pour que puissions te reconnaître quand tu te donnes à voir. Entraîne notre volonté à aimer Celui qui demeure invisible.

  • La Vierge concevra

    l-annonciation.jpgUn sondage réalisé en 2006 pour le Monde des religions donnait un chiffre intéressant : 64 % des catholiques croient aux miracles (91 % même pour les pratiquants de chaque dimanche).

    Le roi Acaz ne faisait pas partie des sondés de l’époque et pour cause !! Et pourtant, quand le prophète Isaïe, qui est pourtant un familier de la cour et du roi, vient le voir de la part du Seigneur, la réaction est vive. « Demande un signe ! », autrement dit « demande un miracle. Au fait, pourquoi demanderait-il un miracle. C’est que le bon roi Acaz, pas si bon que cela en vérité si on lit le texte du livre des Rois, n’a pas d’héritier. La promesse d’un Messie accordée à la lignée de David s’arrêterait-elle avec lui ? Lui qui est un mécréant pour avoir introduit les coutumes étrangères au culte au Dieu unique, voilà qu’en plus il ferait mourir la promesse de Dieu avec lui.

    Demande un miracle ! Demande un fils au Seigneur ! Et voici la prophétie qui arrive : la jeune femme concevra et elle enfantera un fils. On l’appellera Emmanuel. Voilà que Dieu retourne tout. D’un mal, il fait un bien. Il relance la promesse. Il annonce qu’il donnera le salut à la terre. Ezechias naîtra. Il régnera. Un grand règne même. Mais il se couchera avec ses pères. Et le salut n’est pas arrivé. Dieu avec nous attend pour se manifeste.

    Vous comprenez mieux maintenant pourquoi cette promesse trouve son accomplissement dans la naissance de l’Enfant qui seul donne le salut à la terre. Jésus, l’Emmanuel, Dieu avec nous,  Dieu qui se fait l’un de nous. Le voici le miracle tant attendu, celui que nous allons fêter dans quelques jours. Demandons un signe au Seigneur, demandons lui qu’il comble toute l’humanité de sa présence et de ses bienfaits.

    J’utilise un pluriel, parce que vous savez combien Dieu est riche. Riche en bienfaits, riche en grâce, riche en miséricorde. A venue humaine, la naissance de Jésus n’est pas un miracle. C’est la conception virginale qui en est un ! Le même sondage révélait que seulement 39 % des catholiques croyait en la virginité de Marie, 72 % des pratiquants réguliers.

    A l’annonce de l’ange, Marie avait demandé : « comment cela va-t-il se faire parce que je ne connais pas d’homme ? ». La tradition de l’Eglise a lu avec beaucoup de respect cette détermination de Marie, à appartenir uniquement à Dieu. La fête de la présentation de Marie au Temple nous le rappelle chaque 21 novembre. Sa vocation, c’est d’être la Vierge. Vierge Mère certes, mais Vierge avant d’être Mère. Tout comme elle sera disciple de son Fils, exerçant ensuite sa maternité pour tout disciple.

    Quand les juifs d’Alexandrie ont traduit la Bible hébraïque en grec, un autre miracle s’est produit. Les 70 traducteurs sont tous tombés sur la même traduction. La révélation de Dieu est la même quand elle passe à une autre langue. C’est cette traduction du prophète Isaïe que cite St Matthieu : « la vierge concevra ». Demande un signe ! Voici le signe : la vierge concevra. Par l’Esprit Saint, il a pris chair de la Vierge Marie disons-nous dans le Credo. « Ce qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint » précise l’ange à Joseph.

    Cette virginité a une grande importante pour sa vocation : elle consent par excellence à l’œuvre de Dieu, toute disponible à sa volonté. Cette virginité, cette totale obéissance de la foi fonde sa maternité divine et sa maternité pour chacun de nous. A la crèche chacun s’entendre dire : « voici ta mère ».

    Demande un signe ! Le voici, c’est celui de la virginité Marie. Le Nouveau Testament s’ouvre sur un nouveau rapport à la foi. Ce n’est plus la simple filiation, la simple transmission biologique de la vie qui fait entrer dans le peuple de Dieu. C’est la foi dans l’Esprit Saint, consentement à la volonté de Dieu. La virginité éternelle de Marie vient justement sceller cette nouvelle économie de la foi au seuil de la nouvelle alliance. Le signe, le miracle serait-il plus inaccessible à la foi que la résurrection : un mort de 3 jours revenu à la vie ? Certes non.

    Avec ce dimanche, nous entrons un peu plus dans la foi : pas seulement la connaissance d’une histoire sainte qui se déroule sous nos yeux enchantés. Non, bien plutôt comme le consentement intérieur à une volonté divine qui vient prendre chair. Il vient aussi naître en nous. Nous n’aurons pas trop de cette semaine pour rendre tout notre être disponible, à l’image du cœur virginal de Marie, pour qu’il fasse de nous, de nos familles, de nos communautés, son humble demeure.

    Demande un signe !

  • Si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus

    Le-figuier-st%C3%A9rile.jpg« Nous apprenons que certains parmi vous vivent dans l’oisiveté, affairés sans rien faire : qu’ils travaillent dans le calme pour manger le pain qu’ils auront gagné »

    Avant dernier dimanche de l’année liturgique. Vous avez compris que ces lectures ont une saveur toute particulière : celle de la fin de l’année, celle de la fin des temps. Et alors, cela vous surprend ? Vous avez suffisamment l’expérience de l’année liturgique pour savoir que depuis Pâques, c’est le temps ordinaire, le temps de la croissance lente et paisible du Royaume de Dieu, qui croit jusqu’à son accomplissement, dans le retour glorieux du Christ. Retour glorieux. Retour dans la fin de l’histoire humaine. Voici le jour du Seigneur, selon l’expression du prophète Malachie, jour rayonnant, mais aussi jour du jugement. Au soir de notre vie, c’est sur l’amour que nous serons jugés, dit St Jean de la Croix.

    Pourtant, je veux m’arrêter sur la deuxième lecture, encore plus surprenante. St Paul ne fait pas un discours de politique sociale ), mais il enseigne les chrétiens de la petite communauté de Thessalonique. Un courrier pour les conforter, pour les ranimer et un peu pour les corriger dans leur foi. Que se passe-t-il à Thessalonique ? On attendait la venue du Seigneur. La prédication du retour du Christ dans la gloire avait enflammé les cœurs. Eux qui s’étaient convertis, avaient pris très au sérieux la promesse du Jour du Seigneur, au point que les esprits s’étaient emballés. Du coup, on ne se mariait plus, on ne travaillait plus. Les tâches temporelles, l’occupation de ce monde était superflue, puisque que ce monde doit passer, le Christ venant l’accomplir et tout rassembler en lui.

    Remarquez que les Thessaloniciens ne se démarquaient pas de la culture grecque ambiante, puisque le fin du fin de l’attitude vertueuse, c’est de ne pas travailler pour se consacrer à une saine oisiveté : l’étude de la sagesse. Les tâches temporelles détournent de la recherche du vrai bien, d’où le souci constant de s’en dispenser.

    En bon juif, Paul reconnaît la valeur du travail humain, comme soin réaliste des choses de la terre pour sa subsistance et celle de sa famille. Lui, le prédicateur de l’Evangile, il a travaillé de ses mains. Lui qui a été saisi par le Christ, qui vit pour lui, il n’accepte d’être à la charge de personne. Lui dont le cœur est tendu tout entier vers l’appartenance au seul Maître, comme tout rabbin, il travaille, en particulier comme fabricant de toile de tente en poil de chameaux que l’on tisse finement pour obtenir une toile étanche au vent et aux intempéries. Celui qui ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus. Quel réalisme ! C’est le réalisme de la parole de Dieu !

    Pour me faire comprendre, je cite une phrase du Talmud, ce commentaire oral de la Torah, mis par écrit au IV° siècle. « Quand tu bêche ton champ et qu’on t’annonce l’arrivée du Messie. Finis d’abord de bêcher ton champ, lave-toi les mains, puis va accueillir le Messie ». Sain réalisme. Sain souci des choses temporelles qui réduit un peu le feu sous les esprits échauffés des Thessaloniciens d’hier ou d’aujourd’hui.

    Et vous, êtes-vous plutôt thessaloniciens, ou pauliniens, ou autre chose ? Paul s’adresse à des chrétiens qui attendaient ardemment, fébrilement le retour glorieux du Seigneur ? Posée différemement, la question donne ceci : comment attendez-vous le retour glorieux du Christ, roi de l’Univers ?

    Les lectures du jour sont compliquées. Elles peuvent faire resurgir des prédications anciennes difficiles, angoissantes. Mais tout de même, elles veulent faire surgir dans nos cœurs cette disposition fondamentale qu’est l’attente du jour de Dieu. L’Avent, c’est dans 2 semaines, les amis. On se réveille. L’Avent, c’est la célébration avec toute l’Eglise de cet avènement à venir, et pas d’abord la folie consumériste qui nous prépare à Noël. Celui qui n’attend pas le Seigneur, qu’il ne mange pas non plus. Quand l’Epoux est enlevé, les invités de la Noce jeûnent. Quand il revient à minuit ou plus tard dans la nuit, heureux sera-t-il de les voir éveillé, à l’attendre, alors passant de l’un à l’autre, il les servira.

    Qu’attendons-nous ? Les choses temporelles ont-elles à ce point émoussé notre désir, notre espérance. Nous qui, apparemment, avons tout, ne manquons de rien. Attendons-nous celui dont l’absence ne saurait être occulté par ses différents modes de présence.

    Celui qui n’attend pas, qu’il ne mange pas non plus. Celui qui ne désire pas, qu’il ne mange pas non plus.

  • Aujourd’hui le salut est arrivé pour cette maison

    2%27%20Jesus%20zachee%20petit.jpgDans sa montée à Jérusalem, Jésus passe à Jérico. Il y fait cette rencontre étonnante que seul l’évangéliste saint Luc rapporte. Zachée est vu, discerné par celui qu’il veut voir.

    Je dis rencontre étonnante, parce qu’elle aurait pu ne pas se produire. L’homme a une fonction publique de collecteur d’impôt, un peu usurpateur, ou au moins usurier, bref un pécheur public. En plus, sa petite taille l’empêchait de voir et d’être vu. Il n’empêche : Zachée est discerné par le seul Maître, alors même qu’il voulait simplement le voir passer. C’est ce qui arrive : Jésus passe dans son existence. Il laisse ses biens aux pauvres, la moitié seulement ; il accueille le Christ dans sa maison, à sa table. Le salut est advenu pour ce pécheur, aujourd’hui même.

    Rencontre étonnante, parce qu’elle ne supporte aucun délai. Vite, il lui faut descendre de l’arbre. Vite, il va à la maison pour accueillir le Christ. Vite il décide la voie de la pauvreté. Vite le Christ reconnaît sa foi de vrai fils d’Abraham. C’est que le salut urge. Comme pour le bon larron, comme pour ceux que le Christ rencontre, lui qui est pressé d’en finir avec la lèpre du péché et de la mort. Aujourd’hui. Pas demain, ni après-demain. Aujourd’hui même.

    On pourrait être étonné de la confrontation avec la lettre aux Thessaloniciens. Saint Paul semble y calmer les ardeurs de ceux qui attendent frénétiquement le retour du Christ. Si le Christ est si pressé, alors (pensent-ils), il n’y a plus qu’à l’attendre, sans plus se marier, ni même travailler. Non, dira Saint Paul, il s’agit de vivre simplement et vraiment l’aujourd’hui de Dieu, sans précipitation, ni attente frénétique.

    Aujourd’hui le salut est arrivé pour cette maison. La maison de Zachée à Jérico résonne de la parole du Seigneur Jésus, comme la synagogue de Nazareth. Aujourd’hui s’accomplit à vos oreilles la parole que vous venez d’entendre. Et pour cause ! Il est la Parole, il est le salut qui advient aujourd’hui.

    Par la grâce de la liturgie, cet aujourd’hui n’est pas et ne peut pas être un évènement du passé, dont nous évoquerions la pieuse mémoire. Il nous faudrait alors aller avec une douce nostalgie nous recueillir devant le sycomore qui trône, encore aujourd’hui à l’entrée de Jérico. Non. L’aujourd’hui de Dieu, c’est cet instant où Sa Parole et Son Salut sont comme réactualisés. Comment cela ? De deux manières :

    Aujourd’hui Jésus passe dans l’existence de chacun, comme il a traversé celle de Zachée. Il venait avec son désir confus, curieux et distant. Le voici rejoint, discerné et surtout converti. Jésus est passé en lui. Il passe en nous. L’Ecriture ne cesse de témoigner de l’invitation de cet Hôte divin : « Voici que je me tiens à la porte et je frappe, si tu m’ouvres, je prendrai mon repas chez toi ». Il s’invite à la table des pécheurs que nous sommes. Lui le Maître de la vie, il fait advenir le salut. Quelles que soient nos désirs et nos motivations, lui, l’Ami des hommes, le Créateur passe en nous pour nous rejoindre, nous discerner et œuvrer en nous en vue d’une conversion, pour nous entraîner vers le Père. Aujourd’hui le salut est arrivé pour la maison que je suis.

    Aujourd’hui encore, dans la liturgie de l’Eglise, Jésus passe en s’invitant à la table de l’Eglise. Il passe en se rendant présent dans l’assemblée que nous formons, dans la Parole que nous recevons, dans les sacrements que nous célébrons. Il s’invite à la table que nous formons, pour demeurer en nous. Voilà qui pourrait vérifier, et peut-être changer notre regard sur la liturgie. C’est le moment où Il passe pour demeurer en nous et nous faire passer vers le Père. L’Eucharistie, sommet de cette invitation de Dieu, est bien l’actualisation de ce salut qui advient aujourd’hui, en cet instant, pour chacun de nous et pour l’Eglise. L’Eucharistie vient tout autant de l’évènement pascal en traversant le temps. Mais elle vient également de la gloire à venir en s’approchant de nous. Dieu vient aujourd’hui. Le salut advient ici et aujourd’hui. Sans regarder nostalgiquement en arrière, ni anxieusement en avant, accueillons aujourd’hui Celui qui vient au nom du Seigneur. Il est le Salut.

  • Abraham partit sans savoir où il allait

    caravane_desert.jpgIl n’est pas si fréquent d’entendre un extrait de la lettre aux Hébreux. Nous l’entendons ce jour en 2ème lecture. Le chapitre 11 livre une méditation sur la foi des patriarches, Abraham, Sara, Isaac, Jacob et les autres. La foi ou plutôt le chemin de la foi, le pèlerinage dans la foi que Dieu leur fait faire. Ils sont nos pères dans la foi. C’est bien ce que l’on dit d’Abraham en particulier. Père des croyants. Modèle de celui qui se met en marche à la suite de l’appel de Dieu.

    Qu’est-ce donc que la foi dont la lettre aux Hébreux parle : décision de consentir à une parole entendue ; chemin à la suite de cette mise en marche.

    La foi c’est donc d’abord la réponse à une parole entendue. Quitte ton pays et la maison de ton père, pour le pays que je t’indiquerai. L’ordre est surprenant. D’abord parce qu’il n’est annoncé par rien. D’autre part parce que notre mentalité moderne est un peu pris à rebrousse poils. Pour partir il faut savoir où l’on va. C’est la question du GPS. Or ici, c’est l’inverse. On part. Le chemin et la destination sont révélés ensuite.

    Remarquez que c’est un peu le cas de certaines réalités humaines. On va à l’école sans savoir quel sera le terme du chemin, tôt ou tard. On se marie, sans savoir où l’on va. C’est une question de confiance, de foi.

    La foi, c’est également le consentement à cette parole entendue. Pars, viens, suis-moi,… La Bible est remplie de ces paroles de Dieu auxquelles l’homme consent. Consentement intérieur à une parole extérieure, sans savoir, sans connaître, sans mettre la main sur un but, une clé de compréhension qui reste à recevoir.

    Notre mentalité contemporaine ne s’y prête guère non plus. Nous ne voudrions pas seulement être arrivés avant d’être partis. Vous voudrions également connaître, être maître du but pour prudemment ensuite nous mettre en route. Culture du résultat plutôt que culture de moyens. Un article de la Croix sur les routes de St Jacques le disait à sa manière : le chemin importe plus que le but. I don’t ask to see the distant scenes : one step enough for me.

    Sans regarder en arrière. On dit de Cortès qu’il a brûlé ses vaisseaux pour que lui-même et ses marins ne soient pas tentés de retourner sur leurs pas. Chaque vie singulière est vécue avec ce curseur du temps qui fait que l’on avance dans l’existence, sans pouvoir revenir en arrière. C’est une grâce, avant d’être une fatalité. Barbara souffre de cette fatalité dans la chanson ‘l’enfance’ où elle dit : elle dort à jamais notre enfance. Notre enfance, comme tout notre passé dort en nous pour nous faire mieux goûter le pas d’aujourd’hui, celui que nous faisons et qui nous rapproche de la patrie.

    Toute la Bible est tirée par une dynamique profonde, celle qui fait partir du jardin du Paradis pour aller vers la Jérusalem céleste. On ne revient pas en arrière, ni en Egypte pour les Hébreux, ni au métier de pécheur pour les Apôtres. La boucle n’est pas bouclée. Dieu est présent dans ce mouvement dynamique qui ne cesse de tirer l’homme hors de la condition première pour l’amener à son achèvement. Il marche sur cette route quotidienne à nos côtés vers la rencontre. L’homme est pèlerin. Dieu se fait pèlerin avec lui.

    Abraham mourra sans être en possession des promesses. Mais il l’a salué de loin, pèlerin qu’il était sur cette terre. Qui que nous soyons, sédentaire ou nomade, marié ou célibataire, jeune ou vieux, nous sommes des pèlerins dans la foi, des pèlerins qui attendons et veillons, espérons le but de notre pèlerinage, la réalisation et la possession des promesse.

    Elle sont à venir, comme nous le dirons dans un instant : nous attendons ta venue dans la gloire. Rien ici-bas ne nous comblera complètement.

    Elles sont déjà là, parce que Dieu nous donne des arrhes, des prémices : l’amour partagé, donné et reçu ; la joie de notre travail ; le don des sacrements, parcelle de sa gloire, donnés pour la route.

    PS : l'illustration sonore avec la chanson "L'enfance" de Barbara