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Homélies - Page 47

  • Abraham partit sans savoir où il allait

    caravane_desert.jpgIl n’est pas si fréquent d’entendre un extrait de la lettre aux Hébreux. Nous l’entendons ce jour en 2ème lecture. Le chapitre 11 livre une méditation sur la foi des patriarches, Abraham, Sara, Isaac, Jacob et les autres. La foi ou plutôt le chemin de la foi, le pèlerinage dans la foi que Dieu leur fait faire. Ils sont nos pères dans la foi. C’est bien ce que l’on dit d’Abraham en particulier. Père des croyants. Modèle de celui qui se met en marche à la suite de l’appel de Dieu.

    Qu’est-ce donc que la foi dont la lettre aux Hébreux parle : décision de consentir à une parole entendue ; chemin à la suite de cette mise en marche.

    La foi c’est donc d’abord la réponse à une parole entendue. Quitte ton pays et la maison de ton père, pour le pays que je t’indiquerai. L’ordre est surprenant. D’abord parce qu’il n’est annoncé par rien. D’autre part parce que notre mentalité moderne est un peu pris à rebrousse poils. Pour partir il faut savoir où l’on va. C’est la question du GPS. Or ici, c’est l’inverse. On part. Le chemin et la destination sont révélés ensuite.

    Remarquez que c’est un peu le cas de certaines réalités humaines. On va à l’école sans savoir quel sera le terme du chemin, tôt ou tard. On se marie, sans savoir où l’on va. C’est une question de confiance, de foi.

    La foi, c’est également le consentement à cette parole entendue. Pars, viens, suis-moi,… La Bible est remplie de ces paroles de Dieu auxquelles l’homme consent. Consentement intérieur à une parole extérieure, sans savoir, sans connaître, sans mettre la main sur un but, une clé de compréhension qui reste à recevoir.

    Notre mentalité contemporaine ne s’y prête guère non plus. Nous ne voudrions pas seulement être arrivés avant d’être partis. Vous voudrions également connaître, être maître du but pour prudemment ensuite nous mettre en route. Culture du résultat plutôt que culture de moyens. Un article de la Croix sur les routes de St Jacques le disait à sa manière : le chemin importe plus que le but. I don’t ask to see the distant scenes : one step enough for me.

    Sans regarder en arrière. On dit de Cortès qu’il a brûlé ses vaisseaux pour que lui-même et ses marins ne soient pas tentés de retourner sur leurs pas. Chaque vie singulière est vécue avec ce curseur du temps qui fait que l’on avance dans l’existence, sans pouvoir revenir en arrière. C’est une grâce, avant d’être une fatalité. Barbara souffre de cette fatalité dans la chanson ‘l’enfance’ où elle dit : elle dort à jamais notre enfance. Notre enfance, comme tout notre passé dort en nous pour nous faire mieux goûter le pas d’aujourd’hui, celui que nous faisons et qui nous rapproche de la patrie.

    Toute la Bible est tirée par une dynamique profonde, celle qui fait partir du jardin du Paradis pour aller vers la Jérusalem céleste. On ne revient pas en arrière, ni en Egypte pour les Hébreux, ni au métier de pécheur pour les Apôtres. La boucle n’est pas bouclée. Dieu est présent dans ce mouvement dynamique qui ne cesse de tirer l’homme hors de la condition première pour l’amener à son achèvement. Il marche sur cette route quotidienne à nos côtés vers la rencontre. L’homme est pèlerin. Dieu se fait pèlerin avec lui.

    Abraham mourra sans être en possession des promesses. Mais il l’a salué de loin, pèlerin qu’il était sur cette terre. Qui que nous soyons, sédentaire ou nomade, marié ou célibataire, jeune ou vieux, nous sommes des pèlerins dans la foi, des pèlerins qui attendons et veillons, espérons le but de notre pèlerinage, la réalisation et la possession des promesse.

    Elle sont à venir, comme nous le dirons dans un instant : nous attendons ta venue dans la gloire. Rien ici-bas ne nous comblera complètement.

    Elles sont déjà là, parce que Dieu nous donne des arrhes, des prémices : l’amour partagé, donné et reçu ; la joie de notre travail ; le don des sacrements, parcelle de sa gloire, donnés pour la route.

    PS : l'illustration sonore avec la chanson "L'enfance" de Barbara

  • Seigneur, enseigne-nous à prier

    priere.jpgVoici donc que le seul Juste, qu’est Jésus est sommé d’apprendre à prier à ses disciples. Dans la version de l’Evangile selon saint Luc, il apprend à dire Père. Il apprend à s’adresser à Dieu. Trois traits de la prière pourraient nous aider ce matin :

    La prière que Jésus apprend à ses disciples est une prière vocale. Il s’agit de s’exprimer, c'est-à-dire de dire ce que l’on porte intérieurement. Parce que Dieu est parole, il attend de l’homme une parole, un dialogue. Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus dira qu’elle lui parle « cœur à cœur en attendant de le voir face à face ». Paroles de confiance, paroles de louange, parole de détresse, paroles de demande, parole de supplication… toutes sortes de paroles. Mais des paroles adressée au Dieu silencieux qui voit ce que tu fais dans le secret et qui te le revaudra.

    Un exemple parmi d’autres pour illustrer cela. Les 150 psaumes sont 150 modulations différentes d’une parole humaine adressée à Dieu. Paroles de croyant, qui module sur les cordes de son cœur un chant adressé à Dieu qui attend que le croyant exprime, sorte de sa singularité pour s’entretenir cœur à cœur.

    Autre trait de la prière : une prière tournée vers le Père. Avant de demander, il s’agit de se tourner vers celui à qui s’adresse notre demande. Père, je me mets en ta présence. Et je te loue. Gratuitement, sans autre raison. Que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne. Comment son Nom sera-t-il sanctifié ? Comment son règne adviendra-t-il ? Ce sera le travail de cette journée. Ce sera ma maigre contribution à cette œuvre. Mais ce trait de la prière suppose d’être un tournesol tourné vers le Soleil levant de qui vient toute chose et vers qui vont toutes choses. Prier, c’est donc se décentrer. Sortir de son expérience singulière, du monologue quotidien pour entrer dans une relation. Relation à Dieu, relation au Père, relation à notre identité profonde de fils et d’enfants de Dieu, relation de créatures au Créateur. Tout change et nous en faisons l’expérience, que ce soit dans une prière personnelle du soir, ou dans la liturgie commune.

    Autre trait de la prière : une prière de demande. Donne-nous. Pardonne-nous. Ne nous soumets pas. Une demande fébrile. Une demande de pauvre. Une demande de mendiant. On peut discuter des heures sur le fait que Dieu attend notre collaboration. Qu’il est la cause première qui permet à des causes secondes d’agir. Et du reste le dicton ne dit-il pas « aide-toi et le Ciel d’aidera ». N’empêche. Jésus apprend à demander, avec audace et insistance : « Demandez et vous obtiendrez. Cherchez et vous trouverez. Frappez et l’on vous ouvrira ».

    L’audace de la prière est magnifiquement illustrée par la négociation d’Abraham. Le Seigneur qui a décidé de détruire Sodome et Gomorrhe à cause de leur crime laisse jaillir sa miséricorde devant l’audace de l’intercession d’Abraham. Peut-être qu’il y 50 justes… Tu pardonneras peut-être à cause des 50 justes, à cause des 40, des 30, des 20, des 10. Il s’est arrêté à 10. Il aurait du aller jusqu’à 6, le nombre des membres de la famille de Lot. Jusqu’à 1. Un seul Juste qui justifie toute l’humanité.

    Prière de demande et d’intercession. Je vous en laisse une qui pourrait vous aider dans ces vacances. Il m’a été laissé par un maître des novices trappiste. Elle m’aide à porter au Seigneur tout ce que je ne peux pas dire ou faire :

    Ce que mon cœur désire pour ceux que j'aime, d'une ardeur inquiète et impuissante, Seigneur Jésus, Tu le leur donneras mieux que moi, si cela est bon pour eux. Ce que ma bouche ne saurait leur faire comprendre, j'ai la ressource de Te le confier, ô Christ, qui le leur diras quelque jour à leur cœur. C'est sur cette réalité invisible de la grâce divine et de Ton action toute puissante, Seigneur Jésus, que sont fondées ma foi et ma prière.

  • Va et fais de même

    van_gogh.jpgUn homme descendait de Jérusalem à Jérico.

    C’est le début de cette magnifique parabole du Bon Samaritain, que seul l’Evangile selon saint Luc rapporte. C’est la réponse du Christ à la mise à l’épreuve. Vous me demandez qui est mon prochain. Je vais vous dire de qui vous êtes le prochain. Retournement complet auquel le docteur de la Loi ne s’attendait pas d’autant plus que le voilà concerné, à cause de la finale : « va et fais de même ». Retournement que nous connaissons (ou nous découvrons), retournement auquel il ne faudrait pas nous habituer, parce qu’évidemment cela nous concerne et cela concerne celui qui parle. Cela Le concerne parce que la parabole parle d’abord de Lui, avant de parler de nous. Mais n’anticipons pas.

    C’est donc l’histoire de 4 hommes. Le premier est à demi-mort au bord du chemin. Rien ne ressemble plus à un mort qu’un demi-mort, c’est important pour la suite. Le deuxième est un fils d’Aaron, un prêtre. Les règles de pureté rituelle l’empêchent tout contact avec un mort. Mort, à demi-mort, dans le doute il change de trottoir, avec une certaine énergie sportive quand on connaît les lieux, et celui qui parle connaît les lieux, tout comme ceux qui écoutent. Le troisième, un lévite, c'est-à-dire un fils de la vaste tribu de Levi. Même règles pour lui. Même prudence. Même comportement.

    Et le quatrième : un Samaritain. Que vient-il faire sur cette route de coupe-gorge, dans la vallée étroite du Wadi Kelt, loin de sa terre refuge de Samarie. Voyage improbable pour une rencontre improbable. Il rencontre un demi-mort, il voit un demi-vivant. Il panse ses plaies. Il le porte sur sa monture. Il le mène à l’auberge et il paie pour deux jours supplémentaires.

    Là où la Loi voit un demi-mort, il voit un demi-vivant. Et un demi-vivant, c’est un vivant. Le texte ajoute qu’il fut saisit de pitié. Traduction bien misérable pour une expression forte de la tendresse et de la compassion : il fut remué jusqu’au entrailles. Ce mot doit nous arrêter. A plusieurs reprises dans l’Evangile, il est utilisé soit pour le Christ, soit pour un personnage central d’une parabole, comme le père dans celle du fils prodigue. Remué dans ses entrailles de miséricorde. Profondément blessé d’amour et de tendresse devant la situation de cet humanité blessé, laissé à demi-mort, mais dont le demi-vivant aspire à ressusciter. L’Ancien Testament rayonne de cette expression de la tendresse de Dieu pour les hommes, et en particulier pour Israël. Dieu proche qui s’abaisse. Dieu, le Très-Haut, qui attire ses enfants sur ses genoux ou contre sa joue. Dieu qui écoute et répond aux prières. Dieu qui se laisse fléchir.

    Mais il y a plus : le Très-Haut se fait se fait Très-Bas. Il descend, c'est-à-dire qu’il s’abaisse vers notre humanité, de la Jérusalem céleste à la Jérico de notre condition humaine. Il prend la route de l’homme pour se pencher vers lui, déployer sa tendresse et sa miséricorde, soigner ses plaies par l’huile et le vin des sacrements, le porter sur sa propre monture, et enfin l’emmener à l’auberge de l’Eglise.

    Paraphrasant l’Evangile selon saint Matthieu, on pourrait ajouter : « Venez à moi vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, vous les demi-morts. Vous êtes des demi-vivants que je veux soulager, par ma tendresse et ma miséricorde ».

    Va et fais de même, dit le Christ au docteur de la Loi qui pensait le mettre en défaut. Fais de même. Imite-moi. Ce que je fais, je le fais pour que vous le fassiez les uns aux autres (cela ne vous rappelle rien ?). Consents à descendre vers le demi-mort qui reste un demi-vivant. Communie à son état intérieur et montre le lui par un geste, une parole, une présence, que sais-je encore. C’est le sacrement de l’amour par excellence, celui d’une charité qui descend et qui consent. Qui s’abaisse devant celui qui en a besoin et qui consent à agir pour lui.

    Le Bon Samaritain, c’est le Christ. C ’est toi si tu le veux. Va et fais de même

  • Il prit avec courage la route de Jérusalem

    Après les miracles qui guérissent les corps, après les enseignements qui enflamment les cœurs, après les foules qui le suivent en Galilée et dans toute la région, voici une nouvelle étape dans l’Evangile. Jésus monte à Jérusalem. Avec noblesse, avec détermination, peut-être avec gravité, il prend résolution le chemin de Jérusalem. C’est le chemin de la Croix, celui de la Passion et de la Résurrection. Il le sait. Il le prend. N’avait-il pas dit que pour le suivre il fallait renoncer à soi-même, prendre sa croix et le suivre ?

    Jésus prend avec courage la route de Jérusalem. Littéralement, il durcit sa face. C'est-à-dire qu’avec détermination, il consent et emprunte ce chemin, et ce sans regarder en arrière. L’enseignement arrive tout de suite. Vous avez entendu chacun de ses trois hommes présenter des objections légitimes à cette suit du Christ.

    Le premier, le téméraire, confesse généreusement qu’il ira partout où Jésus ira. Les disciples n’en diront-ils pas autant à la Passion. Le Christ prévient : Le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer sa tête, tout au plus le linteau d’une Croix, où la pierre d’un tombeau. Partout où il ira ? En est-il encore sûr cet homme téméraire ?

    Le deuxième, l’hésitant, veut remplir son devoir de fils en honorant la sépulture de son père. Tobie n’en faisait-il pas autant quand il enterrait les morts au risque même de sa réputation et de sa propre vie ? Pourtant, l’urgence est posée. Laisse les morts enterrer leurs morts. C’est la vie du règne de Dieu qui urge. La vie des pécheurs qui attendent un pardon, la vie des malades qui attendent une guérison, la vie des possédés qui espèrent une délivrance. Bref, la vie de tous ceux qui attendent le salut.

    Le troisième, l’indécis, demande un peut de temps pour embrasser les siens. Elisée n’en a-t-il pas fait autant, exerçant la patience d’Elie, qu’il a rejoint ensuite. Et la remarque tombe, cinglante : Celui qui regarde en arrière n’est pas fait pour le Royaume de Dieu. Dieu l’avait dit à Lot et sa famille qui fuyait Sodome. Sa femme a été changée en statue de sel pour avoir désobéi à l’ordre divin. Les Hébreux eux-mêmes ont connu cette tentation au désert.

    Alors, comment comprendre cette exigence radicale que pose le Seigneur Jésus, au long de ce chapitre 9 ? Exigence de le suivre sans condition, sans préalable, dans une obéissance, une pauvreté et une disponibilité sans réserve, ni retour sur soi ?

    Après tout, ceux qui, dans l’Eglise, vivent une vie consacrée ne sont-ils pas les premiers et les seuls concernés ? Les vœux qu’ils prononcent ne réalisent-ils pas cette radicalité de la condition du disciple par excellence, celle du Christ lui-même ? Qu’ils vivent cette exigence au milieu de nous. Qu’ils en témoignent, et cela rayonnera dans l’Eglise.

    Non, non. Il n’est pas possible que cet Evangile nous laisse indemnes, qui que nous soyons. Il n’est pas possible que cet Evangile ne nous altère pas un peu.

    Il y a de ce premier téméraire en nous, qui veut bien suivre Jésus, mais qui rebroussera chemin dès que cela ne sera plus confortable, dès que cette suite suppose une conversion : aller où Jésus veut nous emmener. Quand tu seras vieux,…

    Il y a en nous quelque chose de ce second, qui dit oui et qui dit non, qui ne voit pas l’urgence parce qu’il n’entend pas l’imminence de l’appel du Christ à le suivre et à se mettre au service d’une vie plus grande que les petites morts quotidiennes.

    Il y a en nous quelque chose de ce troisième, qui exerce la patience de Dieu, alors que cela urge. Cœur lent et partagé, cœur double et nostalgique, cœur attaché à ce qui est vieux et connu, alors que ce qui est neuf et inconnu lui fait peur.

    Prendras-tu avec courage la route du Christ, sans te soucier du respect humain, même dans ta famille, dans ton groupe d’ami, dans ton milieu professionnel. Prendras-tu avec courage la suite du Christ, qui t’appelle à infiniment plus que tu ne sauras te donner à toi-même ?

  • Un homme, une femme

    pecheresse.jpgUn homme, une femme. Un hôte, une passante. Un pharisien, une pécheresse. Il avait invité Jésus à la table du festin, pensant honorer le Maître de Galilée, le Rabbi qui interprète la Loi de façon si originale. Elle vient honorer son Maître de la seule manière qu’elle peut, en lui offrant sa foi, celle de la pécheresse qui attend le pardon de Dieu.

    Il semble que tout oppose ces deux personnes, contemporains du Christ, héros de la même soirée dans la douceur moite de la maison des hauteurs de Galilée. Les voilà en présence du Christ et c’est comme si cette présence révélait à eux-mêmes le fond de leur cœur.

    D’abord, notre Simon le Pharisien. C’est un juif pieux. Il scrute les écritures. Il se met à l’école des maîtres pour connaître la Loi de Moïse et la mettre en pratique. Les Maîtres pharisiens du 1er siècle ont dénombré jusqu’à 613 commandements. Ils encadrent la vie quotidienne. Ils définissent ce qu’il faut manger, comment le cuisine. Ils définissent les rapports sociaux, les relations entre les hommes et les femmes. Ils concernent les manières de prier, de travailler, de s’habiller, de se déplacer. Bref la Loi est un chemin, une nourriture quotidienne qui donne le chemin du salut, le chemin de Dieu.

    Rude chemin que celui de Simon. Il lui faudra découvrir que la Loi ne donne pas le salut. Tout au plus, Paul, un autre pharisien, lui enseignera (en difficile du Christ et non en maître de la Loi) que la Loi enseigne ce qu’il faut faire mais ne permet pas de le faire. Seule la foi au Christ sauve. C’est ce que découvre la pécheresse. Regardons-la.

    La voici arrivant dans la grande salle, sans se soucier des convenances. Elle se penche, essuie les pieds du Christ avec ses cheveux et son parfum. La foi la pousse. La foi à celui qui peut la pardonner. Parce que si elle est là, dans cette attitude inconvenante, voire scandaleuse, c’est qu’elle attend le salut de Dieu. Son salut, ce sera son pardon. Et le voici, dans une parole : « tes péchés sont pardonnés », et la seconde un peu plus tard : « ta foi t’a sauvé, va en paix ». Ta foi t’a sauvé ! La foi, plutôt que la Loi.

    Alors, vous allez me dire : j’ai tout compris. L’important, c’est l’intention, le cœur que nous mettons dans les actes. Nos œuvres, nos rites, nos formalismes, Dieu ne s’en soucie pas. Cela ne lui apporte rien. Et bien non ! Vous n’avez pas encore compris !

    Ici, il s’agit d’une discussion théologique qui va traîner tout au long du 1er siècle. Seule la foi au Christ sauve. La Loi de Moïse est impuissante à donner le salut : « personne ne devient juste en pratiquant la Loi » ajoute Saint Paul dans la lecture de ce jour. Les Galates, comme d’autres communautés chrétiennes du bassin méditerranéens comportaient beaucoup de judéo-chrétiens. Ces communautés avaient été tentés de réintégrer des éléments de la Loi juive dans les pratiques chrétiennes et à en faire des préalables pour la conversion des chrétiens issus du paganisme, comme la circoncision ou les pratiques alimentaires. Saint Paul aura des mots durs sur ce qu’il estime être une trahison de l’unicité de la foi au Christ pour donner la grâce.

    Une autre discussion aura lieu : la foi ou les œuvres. C’est un autre débat, celui de l’épître de Jacques et surtout de Luther avec les conséquences radicales qu’il en tirera. Finalement, ce qui nous sauve, ce sont nos œuvres ou notre foi ? L’énergie que nous dépensons dans l’activité, caritative ou sociale (dans tous les sens du terme), nos pratiques multiples et variées, ou simplement notre foi exprimée simplement dans la lecture de la Parole ou la prière intime ? Les deux mon général. Ou plutôt les deux en temps qu’elles sont les deux faces d’une même réalité : les œuvres de la foi, la foi qui pousse aux œuvres. Comme un cœur qui vit en permanence ce double mouvement de systole et de diastole.

    Je reviens à cet homme et à cette femme. L’homme écoute la Loi et la met en pratique. La femme aime son Seigneur et attend de lui le pardon. L’amour de la femme accomplit l’écoute et l’attente de la femme, parce que la foi accomplit la Loi. Voilà qui devrait nous suffire. L’amour accomplit l’écoute. Accomplit, et donc n’abolit pas. De quel côté sommes-nous ? De celui de l’homme fidèle à son écoute et à son attente, jusqu’à des détails qui nous paraissent scrupuleux ? Du côté de cette femme qui épanche son amour comme elle avait épanché son péché. Les deux, comme David, ont besoin du pardon de Dieu. Retiendrons-nous Dieu de nous l’accorder ?