« Joyeux nous aussi d’aller à la rencontre du Sauveur, nous te chantons… » (préface de la Présentation du Seigneur)
Quarante jours après Noël, la liturgie nous entraîne au Temple pour la Présentation du Seigneur. Acte rituel d’offrande du premier-né (Ex 13, 1), pour lequel la législation mosaïque (Lv 12, 8) permettait aux parents modestes d’un simple couple de colombes. Acte familial d’une solennité bien restreinte. Acte d’une portée messianique qu’il faut méditer.
« Soudain viendra dans mon Temple celui que vous cherchez » (Ml 3, 1)
Dans l’évènement de cette présentation se noue une réalité d’une immense portée : la Gloire de Dieu, sa Présence qui avait quitté le Temple, selon la vision d’Ezéchiel (Ez 11, 22), cette Présence entre dans le Temple. Les portes peuvent s’ouvrir et élever leurs frontons, selon le psalmiste. Les Chérubins peuvent se crier l’un à l’autre : « Saint, Saint, Saint, le Seigneur de l’univers » (Is 6, 1). C’est que Dieu entre dans son Temple.
L’évènement est certes discret. Les montants des portes ne tremblent pas. Les Chérubins ne crient pas. Pas de théophanie. Pas de liturgie solennelle. Pas de cors, ni de harpes, ni de cithares. Et pourtant, Dieu entre dans son Temple. Et il y entre parce qu’il assume le temple d’un corps humain. Le lien entre la Nativité et la Présentation apparaît plus en lumière. « Il parlait du Temple de son corps » (Jn 2, 21). Par cohérence de la révélation, l’évènement enseigne aux témoins et aux lecteurs que l’achèvement est réalisé dans la personne de Jésus, fils de Marie de Nazareth. Discrètement, mais réellement, Dieu qui est entré dans le sanctuaire de l’humanité, entre dans son Temple.
« Voici la lumière qui éclaire les nations » (Lc 2, 32)
La lumière ne pouvait être cachée. Certes, elle a illuminé la grotte ou la crèche de Bethléem, ville royale. Certes, elle a reçu, comme en miroir, l’éclat des cadeaux des mages, prémices des nations. Il faut qu’elle soit mise sur le lampadaire pour qu’elle éclaire. Syméon le prophétise, parce que c’est bien ce qui se réalise à ses yeux fatigués d’avoir attendu, mais espérant contre toute évidence humaine.
La lumière devra être mise sur le lampadaire. Ce ne sera pas les bras du vieillard qui élève l’enfant en cet instant. Ce ne sera pas non plus ceux d’une mère qui apprendra à devenir disciple de Celui qui est la lumière du monde. Ce sera encore moins la montagne où il apparaîtra transfiguré aux yeux endormis de ses apôtres. Ce sera le lampadaire de la Croix où elle-même un glaive lui transpercera le cœur (Lc 2, 35).
La rencontre entre la lumière et celui qui la reconnaît est précieuse : c’est une rencontre de foi où le vieillard reçoit toute l’expérience croyante d’Israël. En cet instant, sa voix rassemble celle de tous les prophètes. Ses yeux condense le regard de foi de tout l’Ancien Testament pour discerner, comme un veilleur attend le jour (Ps 130 (129), 6), l’arrivée du Messie. Heureuse rencontre, parce que nous y sommes comme convoqués.
« Joyeux nous aussi d’aller à la rencontre du Seigneur… » (préface du jour)
Il entre dans son Temple et nous convoque à l’accueillir, telles les vierges sages courrant à la rencontre de l’Epoux qui vient au milieu de la nuit (Mt 25, 10). La liturgie du baptême nous y invite déjà, quand en confiant la lumière du Christ au baptisé ou à ses parents, parrains ou marraines, le ministre précise : « Veillez à l’entretenir : que cet enfant, illuminé par le Christ, avance dans la vie en enfant de lumière et demeure fidèle à la foi de son baptême. Ainsi, quand le Seigneur viendra, il pourra aller à sa rencontre dans son Royaume avec tous les saints du ciel » (Rituel du baptême)
Saint Cyrille de Jérusalem condense en quelques oppositions denses ce retournement où nous sommes convoqués à cette rencontre. Alors que se consommeront nos chandelles, que son homélie pour cette fête nous invite à la réalité de cette rencontre :
« Je vois l’enfant s’avancer de Bethléem vers Jérusalem, sans quitter la Jérusalem d’en haut. Je vois l’enfant sur la terre présenter une offrande au temple selon la prescription de la loi ; mais il reçoit au ciel l’adoration de toutes les créatures ; je le vois porté par les bras du vieillard selon le dessein rédempteur, et dans sa majesté reposer sur le trône des chérubins. Il est offert et consacré, mais c’est lui qui consacre et purifie toutes choses ; il est l’offrande et il est aussi le temple ; il est le prêtre et il est aussi l’autel. Il est l’agneau et il est le feu subsistant. Il est l’holocauste et il est le glaive de l’Esprit. Il est le pasteur et il est l’agneau ; il est le sacrificateur et aussi la victime. Venez tous, vous qui aimez le Christ, vous qui aimez Dieu. Accourrons à la rencontre de notre Seigneur et de notre roi, purifiés et éclatants de lumière, non pour obéir à la Loi, mais poussés par l’Esprit. Oui, aujourd’hui, préparons des lampes brillantes et, comme des fils de lumière, offrons des cierges au Christ, lumière véritable, car il s’est manifesté au monde, lui la lumière qui doit éclairer les nations païennes. » (Homélie sur la manifestation du Seigneur, PG 33, 1202)