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Homélies - Page 52

  • Présentation au Temple

    100_6437.JPG« Joyeux nous aussi d’aller à la rencontre du Sauveur, nous te chantons… » (préface de la Présentation du Seigneur)

    Quarante jours après Noël, la liturgie nous entraîne au Temple pour la Présentation du Seigneur. Acte rituel d’offrande du premier-né (Ex 13, 1), pour lequel la législation mosaïque (Lv 12, 8) permettait aux parents modestes d’un simple couple de colombes. Acte familial d’une solennité bien restreinte. Acte d’une portée messianique qu’il faut méditer.

    « Soudain viendra dans mon Temple celui que vous cherchez » (Ml 3, 1)

    Dans l’évènement de cette présentation se noue une réalité d’une immense portée : la Gloire de Dieu, sa Présence qui avait quitté le Temple, selon la vision d’Ezéchiel (Ez 11, 22), cette Présence entre dans le Temple. Les portes peuvent s’ouvrir et élever leurs frontons, selon le psalmiste. Les Chérubins peuvent se crier l’un à l’autre : « Saint, Saint, Saint, le Seigneur de l’univers » (Is 6, 1). C’est que Dieu entre dans son Temple.

    L’évènement est certes discret. Les montants des portes ne tremblent pas. Les Chérubins ne crient pas. Pas de théophanie. Pas de liturgie solennelle. Pas de cors, ni de harpes, ni de cithares. Et pourtant, Dieu entre dans son Temple. Et il y entre parce qu’il assume le temple d’un corps humain. Le lien entre la Nativité et la Présentation apparaît plus en lumière. « Il parlait du Temple de son corps » (Jn 2, 21). Par cohérence de la révélation, l’évènement enseigne aux témoins et aux lecteurs que l’achèvement est réalisé dans la personne de Jésus, fils de Marie de Nazareth. Discrètement, mais réellement, Dieu qui est entré dans le sanctuaire de l’humanité, entre dans son Temple.

    « Voici la lumière qui éclaire les nations » (Lc 2, 32)

    La lumière ne pouvait être cachée. Certes, elle a illuminé la grotte ou la crèche de Bethléem, ville royale. Certes, elle a reçu, comme en miroir, l’éclat des cadeaux des mages, prémices des nations. Il faut qu’elle soit mise sur le lampadaire pour qu’elle éclaire. Syméon le prophétise, parce que c’est bien ce qui se réalise à ses yeux fatigués d’avoir attendu, mais espérant contre toute évidence humaine.

    La lumière devra être mise sur le lampadaire. Ce ne sera pas les bras du vieillard qui élève l’enfant en cet instant. Ce ne sera pas non plus ceux d’une mère qui apprendra à devenir disciple de Celui qui est la lumière du monde. Ce sera encore moins la montagne où il apparaîtra transfiguré aux yeux endormis de ses apôtres. Ce sera le lampadaire de la Croix où elle-même un glaive lui transpercera le cœur (Lc 2, 35).

    La rencontre entre la lumière et celui qui la reconnaît est précieuse : c’est une rencontre de foi où le vieillard reçoit toute l’expérience croyante d’Israël. En cet instant, sa voix rassemble celle de tous les prophètes. Ses yeux condense le regard de foi de tout l’Ancien Testament pour discerner, comme un veilleur attend le jour (Ps 130 (129), 6), l’arrivée du Messie. Heureuse rencontre, parce que nous y sommes comme convoqués.

    « Joyeux nous aussi d’aller à la rencontre du Seigneur… » (préface du jour)

    Il entre dans son Temple et nous convoque à l’accueillir, telles les vierges sages courrant à la rencontre de l’Epoux qui vient au milieu de la nuit (Mt 25, 10). La liturgie du baptême nous y invite déjà, quand en confiant la lumière du Christ au baptisé ou à ses parents, parrains ou marraines, le ministre précise : « Veillez à l’entretenir : que cet enfant, illuminé par le Christ, avance dans la vie en enfant de lumière et demeure fidèle à la foi de son baptême. Ainsi, quand le Seigneur viendra, il pourra aller à sa rencontre dans son Royaume avec tous les saints du ciel » (Rituel du baptême)

    Saint Cyrille de Jérusalem condense en quelques oppositions denses ce retournement où nous sommes convoqués à cette rencontre. Alors que se consommeront nos chandelles, que son homélie pour cette fête nous invite à la réalité de cette rencontre :

    « Je vois l’enfant s’avancer de Bethléem vers Jérusalem, sans quitter la Jérusalem d’en haut. Je vois l’enfant sur la terre présenter une offrande au temple selon la prescription de la loi ; mais il reçoit au ciel l’adoration de toutes les créatures ; je le vois porté par les bras du vieillard selon le dessein rédempteur, et dans sa majesté reposer sur le trône des chérubins. Il est offert et consacré, mais c’est lui qui consacre et purifie toutes choses ; il est l’offrande et il est aussi le temple ; il est le prêtre et il est aussi l’autel. Il est l’agneau et il est le feu subsistant. Il est l’holocauste et il est le glaive de l’Esprit. Il est le pasteur et il est l’agneau ; il est le sacrificateur et aussi la victime. Venez tous, vous qui aimez le Christ, vous qui aimez Dieu. Accourrons à la rencontre de notre Seigneur et de notre roi, purifiés et éclatants de lumière, non pour obéir à la Loi, mais poussés par l’Esprit. Oui, aujourd’hui, préparons des lampes brillantes et, comme des fils de lumière, offrons des cierges au Christ, lumière véritable, car il s’est manifesté au monde, lui la lumière qui doit éclairer les nations païennes. » (Homélie sur la manifestation du Seigneur, PG 33, 1202)

     

     

  • Ils étaient frappés de son enseignement

    Christ-en-majeste.jpgIl les enseignait comme quelqu’un qui a l’autorité, et non pas comme les scribes. Car il ne disait pas: «Le Seigneur dit ceci», ni: «Celui qui m’a envoyé dit cela»; il parlait en son nom, lui qui primitivement avait parlé par les prophètes. Il y a une nuance entre les expressions: Il est écrit et: Le Seigneur dit cela; mais il est encore différent de dire: En vérité, je vous le dis. Voyez par exemple: Il est écrit dans la Loi: «Tu ne tueras pas, tu ne commettras pas l’adultère.» Il est écrit; mais par qui? Par Moïse, Dieu le faisant son mandataire. Si cela est écrit de la main de Dieu, comment oses-tu dire, toi: En vérité, je vous le dis, dans la mesure où tu n’es pas le premier à avoir formulé la loi? Nul n’est habilité à changer la loi, hormis le roi en personne. Mais est-ce le Père ou le Fils qui a donné cette loi? Pour moi, c’est équivalent. Si le Père a donné cette loi, c’est également lui qui la transforme; or le Fils est son égal, lui qui change ce que l’autre a ordonné. Que ce soit lui qui ait donné la loi ou qui l’ait transformée, il faut une égale autorité pour donner et pour modifier: nul ne peut le faire hormis le roi.

    Et ils étaient frappés de son enseignement. Qu’avait-il donc enseigné de nouveau? Qu’avait-il proféré d’inouï? Il disait, lui personnellement, ce qu’il avait fait dire auparavant par les prophètes. Et ils s’étonnaient, car son enseignement donnait à penser qu’il détenait l’autorité, contrairement aux scribes. Il ne parlait pas comme un maître, mais en tant que Seigneur. Son propos ne se référait à aucune autorité supérieure, il parlait en son nom propre. Il le disait d’ailleurs; lui qui s’adressait à eux en ce moment était celui qui avait parlé par les prophètes: Je suis celui qui parlais: me voici.

    Mais il se trouvait un esprit impur qui avait été le premier dans la synagogue, qui avait conduit tous ces hommes à l’idolâtrie et à propos duquel il est écrit: Un esprit de fornication vous égare; il s’agit de cet esprit qui était sorti de l’homme et s’en allait dans le désert en quête d’un repos qu’il ne trouva pas, et qui revint dans sa demeure primitive en compagnie de sept autres démons. Quelle entente entre le Christ et Béliar? Le Christ et Béliar ne pouvaient être associés l’un à l’autre.

     

    Homélie de saint Jérôme, prêtre (Homélies sur Marc 1, 21-24)

  • Gloire à Dieu au plus haut des cieux !

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    Gloire à Dieu, le seul sage, par Jésus Christ et pour les siècles des siècles.

    1. Cette citation de l’Ecriture vous surprend peut-être. Nous venons de l’entendre à la fin de u passage de la lettre de Paul aux Romains. Paul semble être comme ravi par le fait que Dieu s’est manifesté. Resté dans le silence depuis toujours, voilà qu’aujourd’hui, dans l’incarnation de son Fils, il s’est manifesté en notre faveur. Et ceci est motif de louange. Gloire à Dieu au plus haut des cieux chanterons-nous mercredi soir.

    2. Justement, dans notre méditation des différentes parties chantées de la messe, nous en arrivons ce dimanche au chant du Gloria. Nous en sommes un peu privés en ce temps d’Avent, pour que justement nous le goûtions avec le chant des anges à Noël. Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’il aime.

    3. Je pourrais vous en parler de façon plus historique : une hymne dont on trouve déjà trace au IV° siècle, comme prière du matin ; un chant liturgique adopté très vite dans la liturgie de Noël et étendu ensuite au reste des dimanches de l’année. Je pourrais vous en parler de façon plus détaillée : louange au Dieu Trinitaire pour ce qu’Il est, louange au Dieu Créateur et Rédempteur pour ce qu’il fait en notre faveur. En ce temps de l’avent, je choisis de regarder avec vous l’attitude qu’il suppose : la louange.

    4. Il s’agit donc de louer. Mais qu’est-ce que louer ? me direz-vous. Selon le Petit Robert, c’est déclarer quelqu’un de grande estime. Estimer quelqu’un et le lui dire. Aimer, c’est être séduit par l’autre qui est beau et aimable, digne d’amour. L’amour pousse à cette estime de l’être aimé, et à le lui dire, d’une manière ou d’une autre, sinon il manque quelque chose. Pour Dieu, les motifs de cette estime peuvent être divers, j’en relève deux.

    5. Louer Dieu pour ce qu’Il fait pour nous. C’est justement le cri de saint Paul. Une lecture des lettres de cet apôtre pourrait relever toutes les occasions où sa lettre se fait louange et prière, à cause des œuvres de Dieu. Œuvre de création de celui qui a fait le ciel et la terre. Œuvre de rédemption, de salut parce qu’il a envoyé son Fils par tendresse envers nous. « Il m’a aimé et s’est livré pour moi » dit-il aux Galates (2,20). Cette louange, cette bénédiction de Dieu est typique de la prière juive. Tout évènement, toute liturgie commence d’abord par remercier et louer Dieu pour ses multiples dons, pour son intervention constante en faveur du peuple, et même pour le fait qu’il nous ait fait parvenir à ce jour. Avec confusion devant la grandeur de ce qu’il fait, la louange non seulement regarde ses hauts faits, mais remercie Dieu pour ce motif. Toute l’Ecriture en est le témoin, en particulier les psaumes. Marie dans son Magnificat laisse elle-même monter ce chant de louange : il élève les humbles, il renverse les puissants de leur trône, le puissant fit pour moi des merveilles, il se souvient de la promesse faite à nos pères. En nous préparant à Noël, nous pourrions énumérer nos motifs d’action de grâce : ce qu’il a fait pour nous. Ce travail de mémoire sera précieux pour notre prière.

    6. Louer Dieu pour ce qu’Il est. Il ne s’agit plus de regarder les dons que la main nous tend, mais la main qui nous donne ses dons. Passer des dons au donateur. Passer des cadeaux à celui qui les offre. Voilà le travail spirituel que nous pourrions faire en ce fête de Noël. Je sais bien que dans la foi, nous affirmons que Dieu se donne lui-même, et que c’est le sommet de l’amour. Mais en cet instant distinguons. Dieu grand, Dieu fort, Dieu immortel, comme le chante la liturgie orientale. Dieu trois fois saint, comme nous l’a commenté le P. Matthieu. Dieu est digne de louange et il nous faut lui dire, lui chanter : nous te louons, nous te bénissons, nous t’adorons, nous te glorifions, nous te rendons grâce pour ton immense gloire,. Vous le voyez : louange gratuite, louange libre : car toi seul est saint, toi seul est Seigneur

    7. Je vous propose de ne passer cet avent, de ne pas arriver à Noël sans activer ou réactiver cette louange. Louange pour ce qu’il fait, louange pour ce qu’il est. La prière de chacun puisera trouver des motifs personnels à cette louange. La prière communautaire prendra le relais, parce que les motifs peuvent quelquefois faire défaut à notre conscience. Cette louange dilatera notre prière d’intercession ou de demande. Elle nous entraînera tantôt vers le ciel avec tous les hommes de tous les temps et de toutes les cultures (gloire à Dieu au plus haut des cieux), tantôt vers la terre illuminée par le ciel, vers tous les hommes de bonnes volontés connus ou inconnus. (et paix sur la terre aux hommes qu’il aime). Comme les anges sur l’échelle de Jacob, notre prière et toute notre montera et descendra sans cesse. Le chant des anges à Noël nous y prépare déjà

  • "Tu es bénie entre toutes les femmes"

    que_so14.jpg « Il nous a choisis avant la création du monde pour que nous soyons saints et irréprochables sous son regard »

    Vous connaissez peut-être ce verset de l’hymne aux Ephésiens, que je choisis parce qu’il exprime d’une manière très dense le sens de la solennité de l'Immaculée Conception.

    La clarté du mystère de notre salut est telle, que nous ne pouvons y accommoder notre regard qu’en le contemplant par de multiples facettes. Déjà la fête de Noël nous permet une forme d’anticipation de la célébration du mystère pascal, sous l’angle de l’Incarnation et de notre divinisation. Mais la liturgie est très miséricordieuse pour nous. Elle nous présente aussi loin que possible les préparatifs de ce mystère : l’annonciation de Marie, et même sa naissance, et aujourd’hui le mystère de son Immaculée Conception.

    Aujourd’hui, il nous est donnée de pouvoir dire avec l’ange Gabriel : « tu as trouvé grâce auprès de Dieu », ou avec Elisabeth «  Tu es bénie entre toutes les femmes ». Aujourd’hui, nous fêtons l’aurore du salut. L’aurore avant l’aube, certes, avant même le lever du Soleil du justice, mais l’aurore tout de même. Et il nous faut entrer de plein pied dans la joie de Dieu quand il a posé son regard sur son humble servante.

    Aujourd’hui s’ouvre donc la porte du Paradis fermée par le péché d’Adam. Le péché du premier couple, des premières créatures humaines avait fermé l’accès à la gloire du ciel. Aujourd’hui nous fêtons Marie, créature de Dieu, qui est introduite dans cette gloire et nous ouvre le chemin. Ces deux aspects sont intimement liés dans la fête de ce jour. Marie est à la fois celle qui est introduite dans la demeure céleste et celle qui nous donne une promesse de résurrection. Parce qu’elle est la première des sauvés, elle laisse derrière elle un chemin qui nous est offert.

    J’insiste : par le Christ et avec Marie, nous avons à nouveau accès à cette sainteté immaculée promise aux enfants de Dieu. Parce qu’il nous destine à sa ressemblance, Dieu nous appelle, il fait de nous des justes et il nous donne sa gloire. Cette vocation à la gloire, Marie la réalise parfaitement dès l’instant de sa conception et chaque jour de son existence terrestre jusqu’au jour de son élévation, de son assomption.

    Nous ne pouvons vraiment percevoir la sainteté immaculée à laquelle nous sommes appelés, qu’en regardant la Vierge Marie dans la splendeur même de sa virginité et de sa maternité. Pour la percevoir, il faut scruter attentivement la présence discrète de Marie dans l’Evangile. Un verset de l’Ecriture me ravit toujours à son sujet, vous le connaissez, c’est celui qui précise que Marie gardait toutes ses choses et les méditait dans son cœur. L’intériorité de Marie, voilà bien un secret auquel seul Dieu a accès, et ce depuis (et même à cause) de son immaculée conception. Cette intériorité, je vous propose de la regarder comme son trésor, sa beauté, qui justement a trouvé grâce aux yeux du Seigneur, au point de la bénir entre toutes les femmes pour être la mère du Sauveur. De cette intériorité, qui a ravit le cœur de Dieu, je veux retenir deux traits.

    C’est d'abord l’intériorité d’un être qui appartient à son Seigneur, sans retenue, sans réserve, sans mesure. Elle est devenue mère, parce qu’elle est fille, et pas seulement fille d’Israël au sens générique, mais vraiment fille, vraiment vierge. Puisse la Vierge Marie nous enseigner cette offrande sans réserve de nous-même au Seigneur. Puisse-t-elle nous apprendre ce don généreux qui réjouira le cœur de Dieu.

    Cette intériorité est également le fruit d’une grande humilité, d’une grande patience, d’une grande pauvreté. L’Ancien Testament montre une certaine prédilection de Dieu pour les pauvres. Il ne s’agit non pas tant des indigents matériellement parlant, que des pauvres de cœur, ceux qui attendent tout de leur Seigneur. La Vierge Marie est de ces pauvres-ci, de ceux qui ont mis leur unique espoir dans le Seigneur, lui qui renverse les puissants de leur trône et qui élève les humbles. Puisse la Vierge Marie nous enseigner cette humilité de l’esprit, cette pauvreté de cœur, qui nous fera trouver grâce auprès de Dieu. Puisse-t-elle nous apprendre à aimer la pauvreté et l’humilité !

    Aujourd’hui, plus que jamais, Marie se tient à la droite du Fils. Dans son intériorité glorifiée, elle n’est pas qu’un lointain exemple, Vierge et Mère, elle devient notre Mère qui intercède pour nous et qui nous obtiendra cette sainteté immaculée à venir, maintenant et à l’heure de notre mort.

  • Christ-Roi

    n656172207_951811_6769.jpgDans l’Évangile selon saint Matthieu que nous avons entendu tout au long de cette année A, nous sommes rendus au chapitre 25 : le Christ est entré à Jérusalem, y subit la controverse rude et piégée des pharisiens et des docteurs de la Loi, juste avant les événements déterminants de la Passion, où le Fils de l’homme vient pour juger du trône de la Croix. La liturgie nous fait lire cet évangile dans la perspective eschatologique du Christ Roi. Roi de l’univers, Roi de la Création, Roi d’amour et Roi de gloire, Roi de toute puissance et de toute l’humanité, qui à la fin des temps vient juger et tout remettre à son Père.
    La perspective plonge et soutient notre regard de foi dans cette direction, chose à laquelle nous ne sommes pas naturellement enclins. Le Christ qui vient de la fin des temps. La science fiction nous présente souvent un futur très loin, une galaxie perdue et des personnages qui traversent le temps menaçant tel ou tel équilibre, finalement un gentil réussit toujours (même si c’est au dernier) à contrer une menace qui nous a fait tant tremblé. Il ne s’agit pas de cela : il s’agit du vrai Dieu, du Christ annoncé par les prophètes, du Seigneur Jésus advenu lorsque les temps étaient accomplis pour inaugurer un règne de grâce. Il viendra à nouveau, comme il l’a annoncé, dans sa gloire pour établir définitivement son règne de justice et de paix, d’amour et de vérité.
    Aujourd’hui, nos regards sont tournés vers cette fin qui vient à nous, vers cette royauté instaurée où le royaume nous est donné en héritage. Mais nos regards sont également tournés vers nous-mêmes, vers la manière dont nous avançons les arrhes de cet héritage. Ce que vous avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. St Jean de la Croix commente à sa manière cette sentence du Christ : c’est sur l’amour que nous serons jugés.
    L’eschatologie est donc en germe dès ici-bas, dès maintenant. Ce que nous serons dans et avec le Royaume du Père Céleste, dépend dès aujourd’hui de ce que nous faisons. Et c’est bien en ce sens précis qu’il faut comprendre la royauté sociale du Christ, qui est un autre aspect de cette fête. Le Pape Pie XI a institué cette fête liturgique en 1929 en souhaitant que les hommes en viennent à « reconnaître l’autorité royale du Christ dans leur vie privée et dans leur vie publique ». L’autorité sociale du Christ est bien là : parce que nous sommes des personnes, c'est-à-dire des êtres sociaux (un animal social), le déploiement de notre vocation à recevoir l’héritage du Royaume passe nécessairement par la vérification de notre toute notre vie à l’aune de la royauté du Christ : Ce que vous avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. Cette sentence du Christ vient après la question : Quand t’avons-nous vu nu, en prison, affamé ? Les réactions des uns et des autres sont relativement touchantes, elles traduisent soit une certaine candeur, soit un certain aveuglement.
    La voilà la vraie royauté sociale du Christ : agir comme si nous avions envers le Christ ou comme si le Christ agissait en nous. Agir comme si nous servions le Roi, ou comme si le Roi agissait par nous mains et nos lèvres.
    Beaucoup de systèmes politiques ou idéologiques ont voulu résumer, même incarner, la royauté sociale du Christ. Royauté de droite ou de gauche, mais toujours royauté défigurée. Il est plus exigeant, et sans doute plus conforme à la vigueur de l’Évangile que cette royauté sociale commence avec la dimension intérieure et sociale de chaque cœur et d’abord (pourquoi pas ?) par ceux qui ont la charge du bien commun. De là, la royauté sociale du Christ peut alors toucher peu à peu, comme un feu qui court sur les chaumes, une famille, une communauté de travail humaine, une culture, un peuple. Il ne suffit pas de mettre une croix sur un drapeau pour étendre la royauté sociale du Christ. On ne baptise pas les nations, les entreprises comme on baptise les personnes. Souvenons-nous du slogan de l’action catholique : nous referons chrétiens nos frères : Nos frères, et pas nos institutions ou nos sociétés.
    Et pourtant, le paradoxe est que, à la lumière de l’Évangile de ce dimanche, nous découvrons que ce que nous réalisons, construisons dès ce monde-ci anticipe et annonce le Royaume à venir. Jean-Paul II résumait ce paradoxe dans un très beau passage de son encyclique Sollicitudo Rei Socialis de 1989 : L’Église sait qu’aucune réalisation temporelle ne s’identifie avec le Royaume de Dieu, mais que toutes les réalisations ne font que refléter et, en un sens, anticiper la gloire du royaume que nous attendons à la fin de l’Histoire, lorsque le Seigneur reviendra.
    Dans cette Eucharistie, sur cet autel même, c’est ce Seigneur de gloire qui dans un instant va venir de la fin des temps. Dans un instant nous allons anticiper l’histoire et accueillir le Maître des temps et de l’Histoire. Il va venir sur le trône de nos mains et de nos lèvres pour nous communiquer son Royaume et dire à chacun de nous : Venez les bénis de mon Père, recevez le seul, l’unique royaume celui qui ne passe pas, préparé pour vous depuis la création du monde.