« Nous apprenons que certains parmi vous vivent dans l’oisiveté, affairés sans rien faire : qu’ils travaillent dans le calme pour manger le pain qu’ils auront gagné »
Avant dernier dimanche de l’année liturgique. Vous avez compris que ces lectures ont une saveur toute particulière : celle de la fin de l’année, celle de la fin des temps. Et alors, cela vous surprend ? Vous avez suffisamment l’expérience de l’année liturgique pour savoir que depuis Pâques, c’est le temps ordinaire, le temps de la croissance lente et paisible du Royaume de Dieu, qui croit jusqu’à son accomplissement, dans le retour glorieux du Christ. Retour glorieux. Retour dans la fin de l’histoire humaine. Voici le jour du Seigneur, selon l’expression du prophète Malachie, jour rayonnant, mais aussi jour du jugement. Au soir de notre vie, c’est sur l’amour que nous serons jugés, dit St Jean de la Croix.
Pourtant, je veux m’arrêter sur la deuxième lecture, encore plus surprenante. St Paul ne fait pas un discours de politique sociale ), mais il enseigne les chrétiens de la petite communauté de Thessalonique. Un courrier pour les conforter, pour les ranimer et un peu pour les corriger dans leur foi. Que se passe-t-il à Thessalonique ? On attendait la venue du Seigneur. La prédication du retour du Christ dans la gloire avait enflammé les cœurs. Eux qui s’étaient convertis, avaient pris très au sérieux la promesse du Jour du Seigneur, au point que les esprits s’étaient emballés. Du coup, on ne se mariait plus, on ne travaillait plus. Les tâches temporelles, l’occupation de ce monde était superflue, puisque que ce monde doit passer, le Christ venant l’accomplir et tout rassembler en lui.
Remarquez que les Thessaloniciens ne se démarquaient pas de la culture grecque ambiante, puisque le fin du fin de l’attitude vertueuse, c’est de ne pas travailler pour se consacrer à une saine oisiveté : l’étude de la sagesse. Les tâches temporelles détournent de la recherche du vrai bien, d’où le souci constant de s’en dispenser.
En bon juif, Paul reconnaît la valeur du travail humain, comme soin réaliste des choses de la terre pour sa subsistance et celle de sa famille. Lui, le prédicateur de l’Evangile, il a travaillé de ses mains. Lui qui a été saisi par le Christ, qui vit pour lui, il n’accepte d’être à la charge de personne. Lui dont le cœur est tendu tout entier vers l’appartenance au seul Maître, comme tout rabbin, il travaille, en particulier comme fabricant de toile de tente en poil de chameaux que l’on tisse finement pour obtenir une toile étanche au vent et aux intempéries. Celui qui ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus. Quel réalisme ! C’est le réalisme de la parole de Dieu !
Pour me faire comprendre, je cite une phrase du Talmud, ce commentaire oral de la Torah, mis par écrit au IV° siècle. « Quand tu bêche ton champ et qu’on t’annonce l’arrivée du Messie. Finis d’abord de bêcher ton champ, lave-toi les mains, puis va accueillir le Messie ». Sain réalisme. Sain souci des choses temporelles qui réduit un peu le feu sous les esprits échauffés des Thessaloniciens d’hier ou d’aujourd’hui.
Et vous, êtes-vous plutôt thessaloniciens, ou pauliniens, ou autre chose ? Paul s’adresse à des chrétiens qui attendaient ardemment, fébrilement le retour glorieux du Seigneur ? Posée différemement, la question donne ceci : comment attendez-vous le retour glorieux du Christ, roi de l’Univers ?
Les lectures du jour sont compliquées. Elles peuvent faire resurgir des prédications anciennes difficiles, angoissantes. Mais tout de même, elles veulent faire surgir dans nos cœurs cette disposition fondamentale qu’est l’attente du jour de Dieu. L’Avent, c’est dans 2 semaines, les amis. On se réveille. L’Avent, c’est la célébration avec toute l’Eglise de cet avènement à venir, et pas d’abord la folie consumériste qui nous prépare à Noël. Celui qui n’attend pas le Seigneur, qu’il ne mange pas non plus. Quand l’Epoux est enlevé, les invités de la Noce jeûnent. Quand il revient à minuit ou plus tard dans la nuit, heureux sera-t-il de les voir éveillé, à l’attendre, alors passant de l’un à l’autre, il les servira.
Qu’attendons-nous ? Les choses temporelles ont-elles à ce point émoussé notre désir, notre espérance. Nous qui, apparemment, avons tout, ne manquons de rien. Attendons-nous celui dont l’absence ne saurait être occulté par ses différents modes de présence.
Celui qui n’attend pas, qu’il ne mange pas non plus. Celui qui ne désire pas, qu’il ne mange pas non plus.