Voici donc que le seul Juste, qu’est Jésus est sommé d’apprendre à prier à ses disciples. Dans la version de l’Evangile selon saint Luc, il apprend à dire Père. Il apprend à s’adresser à Dieu. Trois traits de la prière pourraient nous aider ce matin :
La prière que Jésus apprend à ses disciples est une prière vocale. Il s’agit de s’exprimer, c'est-à-dire de dire ce que l’on porte intérieurement. Parce que Dieu est parole, il attend de l’homme une parole, un dialogue. Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus dira qu’elle lui parle « cœur à cœur en attendant de le voir face à face ». Paroles de confiance, paroles de louange, parole de détresse, paroles de demande, parole de supplication… toutes sortes de paroles. Mais des paroles adressée au Dieu silencieux qui voit ce que tu fais dans le secret et qui te le revaudra.
Un exemple parmi d’autres pour illustrer cela. Les 150 psaumes sont 150 modulations différentes d’une parole humaine adressée à Dieu. Paroles de croyant, qui module sur les cordes de son cœur un chant adressé à Dieu qui attend que le croyant exprime, sorte de sa singularité pour s’entretenir cœur à cœur.
Autre trait de la prière : une prière tournée vers le Père. Avant de demander, il s’agit de se tourner vers celui à qui s’adresse notre demande. Père, je me mets en ta présence. Et je te loue. Gratuitement, sans autre raison. Que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne. Comment son Nom sera-t-il sanctifié ? Comment son règne adviendra-t-il ? Ce sera le travail de cette journée. Ce sera ma maigre contribution à cette œuvre. Mais ce trait de la prière suppose d’être un tournesol tourné vers le Soleil levant de qui vient toute chose et vers qui vont toutes choses. Prier, c’est donc se décentrer. Sortir de son expérience singulière, du monologue quotidien pour entrer dans une relation. Relation à Dieu, relation au Père, relation à notre identité profonde de fils et d’enfants de Dieu, relation de créatures au Créateur. Tout change et nous en faisons l’expérience, que ce soit dans une prière personnelle du soir, ou dans la liturgie commune.
Autre trait de la prière : une prière de demande. Donne-nous. Pardonne-nous. Ne nous soumets pas. Une demande fébrile. Une demande de pauvre. Une demande de mendiant. On peut discuter des heures sur le fait que Dieu attend notre collaboration. Qu’il est la cause première qui permet à des causes secondes d’agir. Et du reste le dicton ne dit-il pas « aide-toi et le Ciel d’aidera ». N’empêche. Jésus apprend à demander, avec audace et insistance : « Demandez et vous obtiendrez. Cherchez et vous trouverez. Frappez et l’on vous ouvrira ».
L’audace de la prière est magnifiquement illustrée par la négociation d’Abraham. Le Seigneur qui a décidé de détruire Sodome et Gomorrhe à cause de leur crime laisse jaillir sa miséricorde devant l’audace de l’intercession d’Abraham. Peut-être qu’il y 50 justes… Tu pardonneras peut-être à cause des 50 justes, à cause des 40, des 30, des 20, des 10. Il s’est arrêté à 10. Il aurait du aller jusqu’à 6, le nombre des membres de la famille de Lot. Jusqu’à 1. Un seul Juste qui justifie toute l’humanité.
Prière de demande et d’intercession. Je vous en laisse une qui pourrait vous aider dans ces vacances. Il m’a été laissé par un maître des novices trappiste. Elle m’aide à porter au Seigneur tout ce que je ne peux pas dire ou faire :
Ce que mon cœur désire pour ceux que j'aime, d'une ardeur inquiète et impuissante, Seigneur Jésus, Tu le leur donneras mieux que moi, si cela est bon pour eux. Ce que ma bouche ne saurait leur faire comprendre, j'ai la ressource de Te le confier, ô Christ, qui le leur diras quelque jour à leur cœur. C'est sur cette réalité invisible de la grâce divine et de Ton action toute puissante, Seigneur Jésus, que sont fondées ma foi et ma prière.