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Homélies - Page 45

  • Pourquoi tarder à devenir ce que nous sommes ?

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    Chaque année, au seuil de l’hiver, alors que l’automne rayonne encore de mille feux, nous voici avec cette fête de tous les Saints. Alors que, comme tous les ans, toute la nature semble se préparer à une longue hibernation, alors que nous mesurons peu à peu la diminution de la lumière du jour, alors que l’hiver s’est installé sur l’heure de nos pendules et de nos montres, voici que la liturgie nous fait regarder plus haut et plus loin que ce monde créé.

    De la fête de Tous les Saints, un voile semble s’entrouvrir et vient une autre lumière, un autre temps, un autre ciel et une autre terre, celle du monde à venir où les saints nous précédent. Oui, la liturgie de ce jour nous l’affirme d’une façon finalement prophétique : ils nous précèdent.

    Un voile s’entrouvre. C’est bien ce que nous pressentons quand nous accompagnons un défunt de nos famille ou dans nos amis. Il, elle quitte ce monde visible, pour un autre monde. Il ou elle nous précède dans ce monde à venir, après un pèlerinage terrestre. C’est ce que nous allons commémorer demain en priant pour tous nos fidèles défunts, en demandant à Dieu qu’il les accueille, comme nous espérons qu’Il nous accueillera au soir, à l’hiver de notre vie terrestre.

    Pour ces saints, canonisés ou connus de Dieu, ce n’est plus l’hiver, c’est l’éternel été de la vie sans fin, de la gloire de Dieu à laquelle ils sont associés, la vie sans fin du face à face avec Dieu dont ils font leur nourriture et leur louange sans fin. Oui, nous avons raison de nous réjouir de les voir nous précéder dans ce monde invisible où la lumière a pris toute la place, et pour cause ! Aujourd’hui, nous avons donc un moment de nous réjouir : le voile qui nous sépare de ce monde invisible s’entrouvre légèrement pour nous faire regarder ceux qui y ont déjà part.

    Mais il y a plus : les saints ne font pas que nous précéder, nous laissant entrevoir ce qui pourra être notre propre destinée. Ils nous attendent, ils nous invitent à leur suite, et ils y nous entraînent. Saint Bernard le dit dans une belle homélie pour ce jour : « Elle nous attend, cette Eglise des premiers nés, et nous n’y prêtons pas attention. Ils nous désirent, les saints, et nous n’en faisons guère de cas. Ils comptent sur nous, les justes et nous restons indifférents ». Voilà qui nous interroge en ce jour : les saints qui nous précèdent, nous invitent, un peu comme des premiers de cordée qui nous aident dans ce pèlerinage de la vie, lente ascension dans une course en haute montagne. Dans cet éternel été de la vie éternelle, ils sont présents à toutes les saisons de notre vie. Présents à tous les magnifiques printemps de nos débuts ; présents à tous les étés de nos progressions ; présents à tous les automnes et les hivers de nos piétinements ou de nos épreuves. Bref, ils nous sont un appui, des frères et des sœurs qui nous accompagnent. Dans une audace inouïe, nous les prions pour qu’ils nous aident à vivre déjà de ce monde invisible, en attendant d’y vivre avec eux.

    Pour être fidèle à la citation de Saint Bernard, il faut dire plus. Ils nous précèdent, certes. Ils nous accompagnent certes. Mais ils nous attendent et nous désirent ! L’amour qui les illumine veut se communiquer. Saint Bernard insiste : « Ce n’est pas seulement la compagnie des saints, c’est aussi leur bonheur qu’il nous faut souhaiter pour nous, de manière à ambitionner avec une extrême ferveur leur gloire, tout comme déjà nous désirons leur présence ».

    Ils nous attendent, et nous n’y prêtons pas attention. Chers amis, l’horizon de notre vie, n’est pas uniquement cet aujourd’hui fugace qui demain ne sera déjà plus. Il n’est pas non plus le mur froid et hivernal d’une mort physique que nous devrons bien vivre d’une manière ou d’une autre. L’horizon de notre vie est cette magnifique compagnie des saints, foule immense que nul ne peut dénombrer.

    Ils comptent sur nous ces justes, et nous resterions indifférents… Et pourquoi cela ? Pourquoi nous priver de ce cadeau de leur présence et de leur aide, alors que nous pouvons dès aujourd’hui vivre de cette lumière du monde invisible, de cette joie des Béatitudes. Dès aujourd’hui, l’éternel été s’offre à nous. Dès aujourd’hui, la lumière à venir éclaire nos pauvres existences. Dès aujourd’hui, Dieu fait de nous des saints en puissance. Pourquoi tarder à devenir ce que nous sommes depuis l’éternel printemps de notre baptême ?

  • Heureux les invités au repas du Seigneur

    tableau_base_gde.jpgVous connaissez cette phrase. Nous allons la réentendre juste avant de communier au Corps du Christ. Heureux les invités au festin des Noces de l’Agneau, pourrait-on traduire pour être plus fidèle à l’original latin.

    Il y a un repas. Et quel repas ! Des viandes grasses et succulentes, des vins capiteux et décantés. Les mots humains du prophètes Isaïe sont faibles pour décrire la réalité de la communion que Dieu veut avec les hommes. Le vocabulaire balbutie devant que l’homme pressent. Or c’est la réalité humaine du repas qui nous aide, parce qu’elle nous parle. C’est le repas de nos fêtes humaines, celui de nos familles, celui nos tables d’amis. Un repas où la première joie est celle de recevoir dans son intimité, et de partager, d’offrir le meilleur de soi. C’est moi qui l’ai fait. Et c’est pour moi, l’expression de mon amour.

    Et vous ne l’avez pas vu venir, et pourtant le voici, un film : le festin de Babette. Film merveilleux où la servante va tout offrir de sa récente fortune pour un repas où les Douze convives reçoivent une joie et un pardon qu’ils n’espéraient plus, prémices de la communion des saints qu’ils doivent devenir.

    C’est en partie ce que la Parole de Dieu veut exprimer quand elle évoque tous ces repas qui sont une esquisse de cette communion que le Seigneur veut nous faire partager. Dans le repas par excellence, il n’y aura plus ni deuil, ni mort, ni larmes, parce que dans ce repas, par repas, il nous sauve. Repas communionnel, repas rédempteur, repas sacrificiel, où nous recevons la vie, où nous devenons la vie de cet aliment. Image magnifique pour cette vie de Dieu qui nous divine. Image magnifique qui se réalise dans le sacrement en attendant la vie où Il nous comblera sans fin.

    Nous sommes des invités. Oui, des invités. Pas des ayant droits, pas des usagers, encore moins des consommateurs. L’invitation que l’Evangile de ce dimanche lance au premier cercle est belle, mais elle se heurte à un refus qui est à la fois ingrat et désinvolte. L’invitation est relancée et élargie. Dieu ne résigne pas aux refus de l’humanité. Souvenez vous du magnifique passage de la PE IV que nous allons réentendre : « Comme il avait perdu ton amitié en se détournant de toi, tu ne l´as pas abandonné au pouvoir de la mort. Dans ta miséricorde, tu es venu en aide à tous les hommes pour qu´ils te cherchent et puissent te trouver. Tu as multiplié les alliances avec eux, et tu les as formés, par les prophètes, dans l´espérance du salut. Tu as tellement aimé le monde, Père très saint, que tu nous as envoyé ton propre Fils, lorsque les temps furent accomplis, pour qu´il soit notre Sauveur ».

    Quelque fois nous comprenons mal cette invitation. C’est trop, je n’en suis pas digne. Ce n’est pas assez, qu’en est-il des autres, ceux qui ne sont pas baptisés, ceux qui ne sont pas croyants ? Nous sommes des invités, par amour, par miséricorde envers nous parce que c’est la joie de Dieu dans laquelle il veut nous faire entrer. Que nous soyons confus c’est une chose. Que nous refusions par ce que nus pensons que nous n’en sommes pas dignes, c’est autre chose. Arrêtons de nous regarder, regardons la joie de celui qui nous invite. Tous, vous m’entendez, tous sont invités, le premier cercle, comme le second, comme le troisième. L’invitation est lancée, reste à chacun à répondre, quel qu’il soit, où qu’il en soit. C’est bien le problème de cet homme de la parabole qui ne répond pas, qui n’a pas révêtu le vêtement de noces, qui n’est pas entré dans la joie du Roi qui invite.

    Répondront-ils ? C’est leur problème, pas le vôtre. Comment répondront-ils ? C’est leur problème, pas le vôtre. La théologie peut vous rassurez sur un point : la puissance de Dieu n’est pas enchaînée à la grâce des sacrements. Grâce comme moyen ordinaire, mais la puissance peut prendre les moyens extraordinaires qu’elle veut, quand elle veut comme elle veut. Ce n’est pas notre affaire.

    C’est notre bonheur. Encore faut-il le croire et l’espérer. C’est notre bonheur. Heureux : l’expression revient suffisamment dans la Parole de Dieu, et nous allons le réentendre le jour de la Toussaint. Heureux, mais pas à la manière du monde. Heureux, mais pas forcément à la manière dont nous nous représentons le bonheur. Heureux tout de même : heureux d’être nourris, invités, comblés. Heureux d’être associés à Lui, redonnés à nous, envoyés vers les autres. Heureux tous les invités au repas du Seigneur. Heureux ceux qui répondent. Heureux ceux qui sauront être des invitants à la joie du Père.

  • Ne gardez aucune dette envers personne, sauf celle de l’amour mutuel

    77d61a3b3b342a3b83d653f127ee8b16Voilà que le fougueux Saint Paul nous invite à l’amour fraternel, à la dette même de l’amour mutuel. Je dis fougueux parce que l’Ecriture garde le souvenir de quelques querelles ou différents entre Paul et Pierre, ou avec le futur évangéliste Marc.

    Pourtant le conseil de l’Apôtre fait directement écho aux paroles du Christ dans l’Evangile de ce jour, qui est tiré du long discours de Jésus sur l’Eglise, où il donne quelques principes simples de vie en commun dans la communauté des croyants. Le péché, les contentieux, les querelles pouvaient malheureusement faire leur apparition entre les membres des futures communautés chrétiennes. Plutôt que l’infamie d’aller régler ces conflits devant les païens, Saint Paul conseillera d’abord aux premiers chrétiens de régler ces manquements à la charité entre eux. Pensez donc au scandale : ceux dont on dit « Voyez comme ils s’aiment », ceux-la mêmes se divisent ! Quel contre-témoignage rendu à la foi ! Quel contre-témoignage rendu au Christ. Certains pourraient avoir raison, ceux qui disent, finalement les chrétiens ne sont pas meilleurs que les autres…

    Au premier rang des principes de l’Evangile de ce dimanche : la correction fraternelle. Celle qui nous fait aller trouver un frère ou une sœur pour l’avertir, le corriger, le reprendre sur une parole, un acte, une attitude qui ne nous a pas semblée juste, ou vraie, ou belle. Lequel ou laquelle d’entre nous n’a pas été libéré(e) un jour par le fait d’avoir été repris pour telle parole ou tel acte dont il n’avait mesuré son caractère blessant ? Même si sur le moment, cela a été difficile à encaissé, quelle libération et quelle joie ensuite !

    C’est que notre foi, notre appartenance au Christ, est nécessairement ecclésiale. Le pape Benoit XVI l'a redit aux jeunes à Madrid il y a précisément 2 semaines à Madrid : « On ne peut suivre Jésus en solitaire. Celui qui cède à la tentation de marcher ‘à son propre compte’ ou de vivre la foi selon la mentalité individualiste qui prédomine dans la société, court le risque de ne jamais rencontrer Jésus-Christ, ou de finir par suivre une image fausse de Lui » (homélie de la messe du 21 août).

    Nous ne sommes pas seuls devant Dieu. Nous sommes membres d'un corps, d'un corps vivant dont les membres sont solidaires. Si un souffre, tout le corps souffre. Si un est à l'honneur, tout le corps est à l'honneur. 

    Membres de ce corps, nous recevons par lui la grâce, celle du salut, celle de la réconciliation. Les ministres de cette grâce sont, pour une part, nos frères et nos sœurs. Ils nous aident, et nous les aidons, à grandir dans ce chemin de sainteté qui nous est commun. Le pape insiste dans la même homélie aux JMJ : « Avoir la foi, c’est s’appuyer sur la foi de tes frères, et que ta foi serve également d’appui pour celle des autres ».

    Ce service de la correction fraternelle est un enjeu dans une communauté religieuse, si petite soit elle. C'est un enjeu dans un couple, dans une famille. C'est un enjeu dans un groupe d'ami et finalement dans tout groupe humain. Mais le fait que ce soit un enjeu, quelque fois difficile à faire, ne doit pas nous arrêter.

    La raison en est simple. Dans son encyclique Caritas in Veritate, le pape Benoit XVI insiste sur une raison qui est un horizon pour nous : que nos relations humaines soient l'icône des relations trinitaires. Je m'explique. Nos relations humaines sont promises à cette belle ressemblance de la Trinité. L'amour et la circularité des relations trinitaires, du père du fils et de l'esprit sont le modèle de nos relations ici-bas. Nous avons à devenir des amis. 

    C'est bien parce que nous avons à devenir des amis que nous ne pouvons être des complices. La correction fraternelle va donc corriger ce qui manque à la charité pour nous aider mutuellement à grandir, pour honorer cette belle dette de l'amour mutuel. C'est un chantier. A nous d'en prendre les moyens. Concrètement, je vous en laisse trois :

    Nous le ferons d’abord seul à seul, comme le dit l’Evangile, et jamais d'abord en public qui nous défausserait d'une implication personnelle et surtout qui ferait perdre la face à nos frère. Les parents éducateurs le savent bien.

    Nous le ferons avec douceur et jamais avec l'ironie qui nous permet de contourner le nœud à l'estomac qui nous empêche d'être vrai. 

    Nous le ferons au moment opportun et rarement à chaud pour éviter de donner prise à la colère.

    Seul à seul. Avec douceur. Au moment opportun. Bonne correction !

  • Quel avantage un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il le paye de sa vie ?

    PorterSaCroix.jpgNous avons entendu ces deux dimanches successifs ce passage de l'Évangile selon saint Matthieu, où le Christ interroge ses disciples à Césarée de Philippe. La première partie du dialogue – qui culmine dans la profession de foi de Pierre : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant – est intimement liée à la seconde qui nous est donné en ce dimanche : la révélation que le Fils de l’homme doive souffrir ; celle des exigences de la suite du Christ.

    La révélation faite à Pierre, révélation issue non pas de la chair et du sang, mais du Père qui est aux cieux, semble s’entendre pleinement à la lumière de l’un enseignement du Christ, qui corrige l’interprétation de chair et de sang de Pierre : « Non, cela ne t’arrivera pas ! »

    Première annonce de la Passion, cette prophétie du Christ est précise : il lui faut « aller à Jérusalem, y souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être tué et, le troisième jour, ressusciter ». Comme les deux autres annonces, elle est destinée aux disciples comme un secret messianique, dont ils n’auront la clé d’interprétation qu’après les événements pascals. Et pour cause !

    Cette révélation complétée par le Christ vise sans doute à purifier leur foi messianique, emprunt de désir de chair et sang, désirs qui subsisteront peu ou prou jusqu’après la résurrection : « Nous espérions, nous, qu’il allait délivrer Israël ». Que le Fils de l’homme restaure la royauté en Israël ! Qu’il sauve magnanimement et triomphalement le peuple du péché ! Qu’il siège et que ses ennemis se dispersent ! Vanité des vanités. Ce ne sont que désirs de chair et de sang. Ces pensées « ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes »

    Messie triomphant, ou Messie souffrant ? Les plans de Dieu dépassent les projets et les représentations humaines. Ici, la volonté de Dieu quant au salut doit faire son lent chemin dans l’intelligence des apôtres. Lent chemin, à cause de l’inouï du Messie souffrant : le Fils devra souffrir, mourir et ressusciter le troisième jour, pour faire de sa vie l’unique offrande. Lente préparation que l’Esprit Saint avait déposé comme des pierres d’attente, par exemple dans le prophète Jérémie. Après la résurrection, les Apôtres sauront recueillir ces pierres pour en faire l’allée droite de l’annonce de la foi. Pour l’heure, restent à être purifiés ces désirs de chair et de sang.

    Autre purification, celle de la suite du Christ. Pour ceux qui ont répondu à l’invitation pressante de tout laisser et de le suivre, la sequela Christi se montre tout d’abord sous un jour heureux : l’eau est changé en vin, les boiteux marchent, les aveugles voient, les foules écoutent et suivent, le Maître lui-même l’affirme : « heureux…, heureux…, heureux… ».

    Or, suivre le Christ n’est pas que confortable. C’est également exigeant. La suite du Christ prend tout de celui qui s’y engage ; le jeune homme riche l’a appris tristement. Il s’agit d’abord de renoncer à soi-même : renoncer à ses projets, renoncer à être maître de soi, renoncer à son honneur, à sa réputation, à ses biens, renoncer même à se comprendre soi-même. La pauvreté de cœur ainsi décrite est radicale : elle est celle de la première des béatitudes ; elle est celle du Fils. Il est celui qui renonce à lui-même pour prendre sa croix. Par là, il fonde l’unique chemin du renoncement, ou plutôt, pour le dire autrement, chemin de l’offrande.

    Gagner pour finalement perdre ou perdre pour finalement gagner ? Cette alternative traverse encore aujourd’hui les siècles avec une actualité tout aussi frappante. Pas plus que l’homme grec ou romain, pas plus que celui de la Renaissance ou celui des Lumières, l’homme contemporain renoncerait à gagner pour accepter de perdre en offrant. Tout lui est promis. Tout semble lui sourire : l’argent qui donne le bonheur, l’amour qui rend heureux, les biens multiples et dispersés qui participent au bien recherché.

    Vanité des vanités, crie encore aujourd’hui Qohélet. Pour le Christ, comme pour l’apôtre, ou le disciple, le chemin reste celui de l’offrande : offrande sans réserve et sans mesure, l’offrande entière et sans retour, parce qu’il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir. Le suivre, signifiera entrer dans un chemin de liberté qui implique cette offrande de soi. « Quel avantage un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il le paye de sa vie ? »Le Bx Charles de Foucault avait écrit cette phrase sur les murs de sa cabane à Nazareth. Il l’a vécu dans l’acte d’abandon que nous connaissons. Oui, Seigneur, tout ma vie, je vais te bénir. Dans cet offertoire, accueille l’offrande de ma vie.

  • Dieu est silence

    9632-vacances-2006-coucher-soleil-neguev-img.jpgAu cœur de l’été, je vous fais une confidence : Dieu est silencieux. Confidence qui vous rassure, ou qui vous surprend. Dieu est silencieux. J’en veux pour preuve l’apparition à Elie dans cette magnifique première lecture que nous avons entendu tout à  l’heure. Il est silencieux, ne fait pas de bruit, il se tient dans le silence, alors que l’homme l’attend dans les manifestations grandioses, deus ex machina, comme on dit en mise en scène.

    Relisons : Et voici que le Seigneur passa. Le Seigneur n’était pas dans l’ouragan, pas dans le tremblement de terre, pas dans le feu, mais dans le murmure d’une brise légère. A Moïse et au peuple hébreu, Dieu s’était manifesté de façon aussi grandiose et sensible. Pensez donc : des éléments aussi tempétueux, voilà qui nous parle de al grandeur de Dieu, de sa force, et donc voilà qui peut rassurer le peuple : ce Dieu là c’est du solide. Il est fort et grand, il saura nous protéger.

    Or à Elie, il se révèle dans le murmure d’une brise légère. Le traducteur liturgique a un peu simplifié le texte original. Ne pensez pas que je sois spécialement pédant, mais le texte hébreu ne dit pas tout à fait cela : la voix d’un silence ténu. Dieu est dans la voix d’un silence ténu.

    D’un point de vue biblique, nous retrouvons ce Dieu qui vient à la brise du soir pour être avant Adam et Eve. Dieu est dans le silence de l’intimité d’un entretien avec son prophète. Dieu est dans le silence d’une complicité, où il parle cœur à cœur. Dieu est dans le silence amoureux avec son peuple, pour l’éduquer en plaçant au plus profond de lui son amour et sa Loi.

    Mais allons plus loin. Dieu est dans un long silence ténu, parce qu’il convient que l’homme se taise, pour entrer dans le dialogue. Dieu se tait pour amener l’homme à ce recueillement, cette paix du cœur. Dieu est dans le silence, parce que c’est là que le croyant doit venir le rencontrer. Dieu amène l’homme sur son terrain. Dieu est tranquille, et il veut amener l’homme dans cette paix.

    Pour ceux qui rentrent de vacances, vous en avez peut-être fait l’expérience. Le silence des grands espaces, de la montagne, ou du littoral, ce sont des lieux où que nous aimons, que nous recherchons, parce qu’il nous semble que ce silence permet de nous rejoindre, de mieux coïncider avec nous-mêmes, alors que dans le tumulte de l’année, le bruit, les activités, apporte leur lot de dispersion.

    Ah, ce silence, la grandeur de ces instants, où il nous semble que nous sommes rejoints par celui qui nous épie et nous cherche dans le silence. Evidemment, je parle de ce silence, qui n’est pas seulement celui des paroles, mais aussi un certain silence intérieur, où les listes de courses, le bricolage, où les soucis du travail n’ont plus leur place. Vous avez droit à ce silence, où cette paix du cœur, où Dieu vient vous rejoindre.

    Nous y avoir droit : voilà un maître mot. Dès lors, il faudra le protéger, parce que ce silence n’a pas bonne presse dans un monde où le bruit, au sens propre comme au sens figuré règne en maître. Sacré concurrent à Dieu, que ce bruit omniprésent. Concurrent coriace et indolore. Concurrent sournois et efficace. Oui, nous avons droit à ce silence, dans nos maisons, dans nos liturgies, dans nos voitures,…

    Si nous y avons droit, ce sera également un devoir. Rien ne se fait sans silence : un certain retrait, une certaine silence, une certaine siponibilité. Silence de la langue (hé oui !), silence de l’activité naturelle et légitime par ailleurs (attention à l’activisme, aux distractions qui ne construisent pas, à la frénésie des yeux ou des oreilles…), silence intérieur (des pensées, des facultés). Bref c’est un devoir pour nous d’être en silence, seul avec le Seul, comme dit la Bse Elisabeth de la Trinité.

    Pour Élisabeth, afin de pouvoir vivre avec Dieu une ascèse du silence est nécessaire : en effet tous les bruits extérieurs ou intérieurs (l’imagination, la sensibilité ou l’intellectualisme) sont autant d’obstacles à la présence de Dieu « Si mes désirs, mes craintes, mes joies, mes douleurs, si tous les mouvements provenant de ces quatre puissances ne sont pas parfaitement ordonnés à Dieu, je ne serais pas solitaire : il y aura du bruit en moi » (dernière retraite, 10ème jour).

    Il est tranquille, lui qui tranquilise tout, c’est au autre bourguignon, St Bernard, qui l’affirme. Dans le silence, il apaise tout, il habite de sa présence. C’est une promesse, à nous de la saisir.