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Homélies - Page 45

  • « Je suis le chemin, la vérité et la vie »

    Vosges-224--600x450-.jpgNous connaissons bien cette affirmation du Christ. Elle nous est tour à tour évidente, ou intrigante. Evidente, parce que lumineuse. Intrigante, parce que difficile à comprendre au regard de notre culture contemporaine. Qu’est-ce que la vérité ? Qu’est-ce que ce chemin ? Chemin vers quoi ?

    Cette affirmation suppose pour nous d’être des nomades, des pèlerins. Notre vie humaine est déjà un chemin. Chemin de lente maturité, de lente autonomie. Chemin d’une vie qui se déploie et grandit. Chemin où nous cheminons, aisément ou difficilement, seul ou avec des compagnons de route. Chemin qui nous fait avancer dans la vie, de la naissance, vers notre patrie.

    La foi est également un chemin. Abraham, le père des croyants, est précisément un nomade. « Pars, quitte ton pays et la maison de ton père et va vers le pays que je t’indiquerai ». Cette condition de pèlerin dans la foi est renforcée par le fait que Dieu lui promet une terre qu’il verra mais dont il ne profitera jamais, où il n’arrivera pas. Le plus important est le route, le chemin. La patrie, ce sera autre chose. Dieu met en route, et la promesse est le moteur de cette route, ce qui met le pèlerin en mouvement dans ce chemin de foi.

    Mais qu’el est pour nous le chemin de la foi ? C’est celui tracé et ouvert par le Fils lui-même. Il est le chemin vers le Père. Notre condition de croyants est celle d’enfants du Père, disciples du Fils et temple de l’Esprit. Nous voici en route vers le Père dans le lent pèlerinage de notre vie de fils et de filles de Dieu. En route ! En route vers le Père. En route vers la vie d’union en Lui et avec Lui. En route ! C’est le sens du mot heureux qui ouvrent les 8 béatitudes. Il n’y a rien de statique, au contraire, c’est une mise en mouvement dynamique !

    Ce chemin, c’est celui du Père, avec le Fils comme compagnon et avec l’Esprit comme guide intérieur. L’icône si connue de la trinité de Roublev nous montre ces 3 personnages autour d’une table, semblant comme attendre le 4ème, le croyant invité à la table trinitaire. Cela, c’est la patrie, c’est le terme du pèlerinage. Pour l’heure, n’anticipons pas, nous voici lancé sur ce chemin.

    Or, le Christ se présente comme le chemin. Celui qui nous achemine et celui qu’il faut emprunter. Celui qui nous amènera auprès du Père, et celui qu’il faut suivre jour après- jour. Mais pour bien comprendre cela, il faut ajouter quelque chose d’essentiel. Jésus est le chemin, parce qu’il est le Chemin que Dieu prend pour nous rejoindre.

    Toute l’histoire de la révélation nous montre Dieu en chemin vers l’humanité. Dieu vient vers l’homme. Quelle merveille, et surtout quelle miséricorde de sa part ! Il crée par amour. Il se révèle, Il sauve, Il donne des rois, des prophètes, un Temple, un culte. Et au sommet de cette intervention, de ce lent cheminement vers les hommes, Il donne son Fils. Le Fils est le chemin que Dieu prend pour nous rejoindre. Chemin discret et pauvre. Chemin éprouvant, puisqu’il s’humilie lui-même jusqu’à la mort et la mort de la Croix. Mais chemin de vie qui triomphe, c’est bien ce que nous fêtons en ce temps pascal. Chemin où la divinité vient s’associer une humanité en désarroi et sans guide. Dieu prend part à notre humanité, pour que nous participions de sa divinité.

    Jésus est le chemin que le Père prend pour nous parler et nous sauver. Le chemin et pas un chemin. Le chemin, parce qu’il parle au nom du Père, il agit au nom du Père. En lui culmine la promesse de Dieu faite à Israël et à toute l’humanité. Et l’on comprend mieux pourquoi il est le chemin, et non un chemin qui nous conduit vers le Père. Je suis littéralement fasciné par le fait que Jésus est sans cesse en chemin dans l’Evangile. Ca commence avec le départ en hâte de Marie de Nazareth pour la Judée chez sa cousine. Ensuite de Palestine en Egypte. Mais surtout, en chemin en Galilée, vers Jérusalem. La Parole prend les chemins des hommes pour aller jusqu’au plus intime des êtres. Elle a son chemin à faire dans des cœurs sédentaires, fermés et mais quelquefois sclérosés.  

    En Jésus, les deux chemins se croisent. Chemin de Dieu vers nous. Chemin de nous vers le Père. Cette Parole nous met en chemin à sa suite, si nous le voulons. Et surtout elle nous met en route, si nous ne posons pas de condition. Si nous acceptons de ne pas préjuger et encore moins mettre la main sur le terme du chemin. Il s’agit de se laisser faire par la route et le pèlerinage.

    Que l’Esprit Saint, guide et boussole intérieur nous y aide. Que tous les saints nous soient des compagnons amicaux et délicaux à notre égards. Amen.

  • Il y eut un soir, il y eut un matin et ce fut le 8ème jour

    arcabas-resurrection.jpg

    Ce matin, dans la clarté de ce jour nouveau, nous vivons un événement. C’est la pâque, le jour de la résurrection, le jour ou la vie surgit du tombeau, le jour ou le ressuscite se dresse victorieux de la mort. C’est aujourd’hui. C’est ce jour de la nouvelle semaine. C’est le 8ème  jour

    Vous allez me dire que je ne sais pas compter. Une semaine a 7 jours et le lendemain du 7ème, on recommence une nouvelle semaine. Hier soir nous avons entendu ce long récit de la création où Dieu crée en 6 jours et se repose dans sa création le 7ème. Chaque jour est rythme par ce refrain , il y eut un soir  y eut un matin et ce fut le énième jour. Voilà la semaine de 7 jours dans son ordre, dans sa belle succession des jours de la création et c’est déjà très bon et très beau.

    Mais cette création attendait un salut, une délivrance. C’est bien toutes les promesses faites à Israël et a travers elle à toute l’humanité : « je vous sauverai, je vous délivrerai, je vous libèrerai ». Cette création est belle, mais elle était en attente d’un salut, d’une guérison. Dieu l’avait dit lui-même dans un psaume : il n’entreront pas dans mon repos. Les promesses semblaient démenties, de la faute de l’homme qui avait préféré un semblant de repos sans Dieu, plutôt qu’un repos avec Dieu. L’homme ! Le cœur de l’homme créé a l’image de Dieu s’était révélé compliqué et malade. La belle amitié de l’homme avec Dieu avait été rompue par un homme qui avait voulu faire son salut seul. Non l’homme ne se donne pas le salut à lui-même : cruelle découverte et cruelle désillusion. La belle semaine de 7 jours était devenue une routine, une roue dans laquelle l’humanité tournait, dépensait son énergie sans trouver le bonheur pourtant promis. Il fallait la délivrance. Il fallait l’achèvement. 

    Il y eut un soir, il y eut un matin, et ce fut le 8ème jour. Et nous y voici. Le jour de fête et de joie. Le jour que fit pour nous le Seigneur. Le jour de la Résurrection du Sauveur. Celui où le Christ ressuscite. Le jour tant attendu et qui accomplit enfin toutes les promesses de Dieu. L’homme est recréé. L’homme est rétabli dans sa dignité, dans sa beauté d’enfant de Dieu. Enfin il peut entrer dans l’amitié et la vie divine. C’est enfin le jour du repos de Dieu.

    Aujourd’hui, tout est neuf. Vraiment neuf, parce que Dieu recrée, reprend tout. Tout. Tout dans l’humanité, tout dans tout homme. A ce cœur compliqué et malade, une nouvelle promesse est faite : tu es fait pour la vie de Dieu. Courage relève-toi !

    Aujourd’hui tout est lumineux, clarteux dit-on en lorrain. Pas seulement à cause de la météo ou du calendrier si tardif de Pâque cette année. Non, tout est lumineux, parce que la lumière a triomphé des ténèbres. Par que la vraie lumière qu’est le Christ se lève sur tout homme, lui apportant paix et joie et faisant luire sur lui son visage.

    Aujourd’hui, tout est vie. Vie ! Nous sommes faits pour la vie. La vie de Dieu qui coule en nous. La vie du Christ qui entre en nous. La vie, mes amis. La vie goûteuse et savoureuse en lui. La vie grande, belle et riche à cause de lui. Bien au delà de nos petitesses, de nos mesquineries, de nos petites morts, de nos échecs, de nos épreuves. La vie, mes amis. La vie de Dieu qui nous est donnée, et qu’il suffit d’accueillir en tendant les mains.

    Aujourd’hui, tout est grâce. Tout est don gratuit de Dieu. La lumière de cette nuit. L’eau qui nous régénère. Le pain qui nous nourrit, et l’amour ! L’amour qui nous est puissamment redonné.

    La longue semaine est finie. Celle de la semaine sainte, celle du Carême. L’hiver est passé. C’en est fini. Aujourd’hui, avec toute l’Eglise, nous entrons dans le Jour du Seigneur. Nous nous en souviendrons chaque dimanche à venir. C’est le jour du Seigneur donné à son Eglise. C’est le jour de l’Eglise.

    En ce matin de Pâques, elle paraît bien petite cette Eglise autour du tombeau vide ! Marie, Pierre et Jean. Marie, l’apôtre des apôtres, Pierre et Jean, les témoins du tombeau vide. Marie, l’Eglise des disciples qui vient à son Epoux. Pierre et Jean, l’Eglise des Apôtres qui vient à son Maître et Seigneur. Imaginez tout de même que la clarté de ce jour s’est transmise comme un feu dans les chaumes depuis 2.00 ans. Ce huitième jour ne finit pas. Notre joie est de le goûter pour le faire goûter à d’autres. Qu’ils entrent eux aussi dans la joie de ce jour sans couchant.

  • D’âge en âge vous la fêterez

    fea4ea1bc81ea216ecb881a1e2efcf5a.jpgCe soir, nous obéissons à deux consignes du Christ. Deux consignes données à ses disciples le soir même de ce grand jeudi, au cœur du repas pascal, avant le drame de la Passion volontaire. Deux consignes simples, mais exigeantes. Vous les connaissez : « vous ferez cela en mémoire de moi », et « c’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous »

    La consigne sonne comme un ordre aux oreilles des apôtres, habitués peut-être à des paroles du Christ qui dépassent de loin leur intelligence humaine. Pour que vous fassiez vous aussi à votre tour. Paroles et gestes énigmatiques au soir de ce qui ne devait être qu’un repas pascal de plus, celui où l’on célèbre la libération d’Egypte, en buvant le vin de la liberté et en mangeant le pain non levé. Le repas rituel était déjà l’obéissance à une consigne donnée par Dieu. D’âge en âge vous la fêterez. Vous mangerez, vous fêterez, vous vous souviendrez. Ce n’est pas un anniversaire, c’est un mémorial : en célébrant la fête, en refaisant les gestes que Dieu laisse, vous revivrez l’évènement.

    Il y avait déjà ce mémorial qui rendait présent l’évènement. Pourquoi de nouvelles consignes ? Pourquoi faire cela en mémoire de Lui ? Pourquoi réitérer le geste du lavement des pieds ?

    La lumière qui a été donnée à ses hommes de Galilée a du attendre la Pâque du Christ pour qu’ils comprennent le sens profond de cet ordre. Et voici cette lumière. : comme l’évènement de la Pâque d’Israël advient à chaque fois qu’une maisonnée célèbre le repas rituel du Séder, l’évènement de la Pâque du Christ advient pour tous ceux qui, unis à l’Eglise apostolique, réitèrent les gestes qu’il a posés : sacrement de sa présence eucharistique, quasi sacrement de la charité pastorale. Dès le premier jour de la semaine, et le huitième, ils se réunissent. Les Actes ont sont le témoin, les apôtres sont fidèles à la fraction du pain et à la communion fraternelle.

    L’ordre donné aux Apôtres survit dans l’humble obéissance qui fait qu’à travers les siècles, à travers la diversité universelle des cultures, un lointain successeur des apôtres ou un de ses collaborateurs rompt le pain, boit à la coupe, et il lave les pieds de quelques hommes.

    Parce que ces deux gestes sont réitérés, nous avons l’assurance qu’Il est là. Il est là pour nourrir son peuple du pain de sa Pâque, Il est là pour servir son peuple de l’eau débordante de sa charité. La vie que nous ne pouvions nous donner, Il nous le donne aujourd’hui dans ce pain et ce vin donnés que nous ne prenons pas, mais que nous recevons. L’amour que nous ne pouvions nous donner, Il nous le donne encore aujourd’hui dans ce signe de sa charité pastorale.

    Ce soir, nous nous sommes à nouveau des mendiants qui allons recevoir tout de Lui : Sa vie offerte dans ce pain et ce vin ; Sa charité au service de notre existence. Voilà l’assurance qu’il ne nous abandonne pas, puisque c’est précisément par le ministère des apôtres que l’Eglise nous donne au quotidien cette vie et cette charité, charité qui nourrit, charité qui se met au service. Parmi vous et face à vous, les prêtres reçoivent ces deux consignes comme leur feuille de mission. Ils y sont fidèles pour nous enseigner, célébrer les sacrements et servir la vie de tous, quels qu’ils soient.

    Ces prêtres ne sont ni plus méritoires, ni plus saints, ni moins pécheurs que tout autre. Comme les apôtres, ils ont été personnellement choisis par le Christ pour réitérer ses deux gestes de charité, celle qui nourrit et celle qui sert, les gestes du don de soi jusqu’au bout. Ces prêtres deviennent les pauvres sacrements de sa présence de Pasteur dans toute l’Eglise, pour toute l’Eglise.

    Ce soir, chacun de nous est doublement un mendiant. D’ abord, parce que chacun reçoit une vie qu’il ne pouvait se donner à lui-même. Ensuite, parce qu’il la reçoit de ceux qu’il ne pouvait même pas se donner à lui-même. C’est parce que nous sommes ces mendiants, que nous mesurons à quel point le Christ veut être présent, par Son mystère pascal, à nos vies qui ont d’autant plus besoin de Sa présence nourrissante et aimante.

    Sois béni, Seigneur Jésus Christ, parce que Tu aimes jusqu’au bout. Tu te donnes à tous ceux qui te suivent comme nourriture et breuvage, pour la vie en ton nom. Sois béni, parce que, par tes prêtres tu exerces encore aujourd’hui ton ministère de consolation et de miséricorde. Sois béni de nous avoir donné les sacrements de la vie nouvelle et parmi eux, ces deux sacrements de l’Eucharistie et de l’Ordre. Nous les recevons et nous les désirons, comme des pauvres qui recevons tout de toi, comme des humbles qui nous offrons avec toi. Aimer, c’est tout donner et se donner soi-même.

  • Il est midi

    samaritaine.jpg« Il était environ midi. Arrive une femme qui venait puiser de l’eau »

    La voici donc, cette femme de Samarie. Le voici donc ce dialogue qui nous fait entendre la révélation que le Christ fait de lui-même à cette femme. Elle venait chercher de l’eau. Il l’abreuve de l’eau vive de la foi. Il se présente comme le Messie. Elle le reconnaît.

    Nous pourrions regarder Jésus fatigué par la route, s’asseyant au soleil de midi sur la margelle, comme il s’asseyera sur le trône de la Croix à une autre heure de midi. Pour l’heure, regardons cette femme qui vient à la rencontre du Christ. Réécoutons le récit de cette rencontre en trois temps.

    Premier temps. Elle arrive. Elle arrive à une heure improbable (qui vient chercher de l’eau à l’heure la plus chaude de la journée ?). Elle arrive avec une attitude presque désinvolte (toi, qui es juif tu me demandes à boire à moi une samaritaine). Elle arrive avec son bon sens (tu veux me donner à boire, tu n’as rien pour puiser). Elle arrive enfin avec toute son histoire personnelle. Il faut écouter comment, le Christ traverse patiemment les résistances et l’ironie que cette femme met dans un dialogue dont elle se protège. Dès la première question (donne-moi à boire), il lui fait la mendicité. Mais peu à peu, il l’amène au centre d’elle-même et de sa situation.

    C’est le deuxième temps. Par une question toute simple (appelle ton mari), il lui révèle son péché (je n’en ai pas. Tu as raison : tu en as eu cinq et celui-ci n’est pas ton mari). Elle a eu cinq maris, elle la Samaritaine dont les ancêtres ont adoré le Dieu Baal, l’époux qui donne la fertilité à la terre. Elle a eu cinq maris, elle la Samaritaine dont le peuple a voulu rester fidèle aux seuls 5 livres de la loi donnés à Moïse. Elle a eu 5 époux et le 6ème est comme le reproche vivant de son péché.

    Et à partir de ce moment du dialogue, tout change, parce qu’elle s’ouvre peu à peu à la vérité de cet homme qui lui révèle à la fois son péché et plus tard son désir. le Seigneur Jésus montre à cette femme comment elle est connue de Dieu et comment elle désire Dieu. Voilà qui la retourne, au point qu’elle dira aux siens : « venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Messie ? ».

    N’anticipons pas, parce qu’il y a le troisième temps. Mais ce péché révélé n’est qu’une étape dans le dialogue. C’est son plus profond désir qui peut enfin pointer, comme les braises sous la cendre, comme l’eau sous le rocher. Le Christ lui fait le don merveilleux de la foi qui monte en elle : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorez le Père. L’heure vient où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité.  Elle se découvre désirant adorer le Père en esprit et en vérité. Le voilà le don de la foi. Elle découvre en elle qu’elle veut ce que le Christ lui présente. Elle désire ce que le Christ lui donne à connaître. La suite du dialogue est sans équivoque : quand le Messie viendra, il nous fera connaître toutes choses. Je le suis moi qui te parles.

    Tout est dit. Nous voudrions entendre le long silence qui suit, nous voudrions croiser cet échange de regard. Imaginons ce que cette femme a pu laisser monter en elle au moment même (et c’est la seule fois dans tout l’Evangile) où le Christ se dévoile ouvertement comme le Messie. Admirable silence de l’Evangile où nous pouvons comme nous y glisser, nous pouvons y placer notre propre confession de foi, à condition de laisser le Christ révéler notre péché et qu’il étanche une soif qu’il suscite en nous.

    Cette révélation de notre péché nous est peut-être familier. Encore faut-il nous y livrer loyalement et humblement dans ce Carême où nous sommes entrés en faisant publiquement profession de pénitence. Les cendres sur notre front ont été peut-être vite nettoyées, mais il nous faut garder au cette disposition du cœur de nous convertir.

    L’autre aspect est le don la foi que le Christ suscite en nous et qu’il étanche dans le même moment. Si nous mesurons devant Lui à quel point nous sommes une terre altérée, aride, sans eau, des citernes lézardées qui laissent s’écouler  leur trésor, alors Lui-même éveillera notre foi, il nous donnera l’eau vive gratuitement sans rien payer. L’eau vive qui sort éternellement de son côté nous abreuve, elle nous nourrit, elle nous porte. Si en ce jour, nous pouvions toucher à quel point notre existence dépend radicalement et essentiellement de lui, la source d’eau vive, alors plus rien n’aurait prise sur nos cœurs et nos esprits tortueux et rebelles, compliqués et malades. Nos petites rebellions, nos ironies, nos désinvoltures, même nos résistances fondraient comme neige au soleil, dès lors que nous confesserons notre péché et notre foi : Seigneur, Jésus, fils du Dieu vivant, prends pitié de moi pécheur. Je viens à toi Jésus, toi la source d’eau vive. Je viens vers toi Jésus, toi qui es doux et humble de cœur. Je viens puiser l’eau de l’Esprit à l’unique Source.  Il est midi, je viens vers Toi.

  • Les Cendres sur notre front

    cendres.jpg« Seigneur… dis seulement une parole et je serai guéri ». Nous connaissons cette phrase de l’Evangile. Nous la redisons à chaque Eucharistie, quelques instants avant de nous approcher du Corps du Christ. Cette année, cette phrase va nous aider au long de cette quarantaine, pour nous permettre d’entrer un peu plus dans cette demande adressée au Christ, Maître de nos vies, Maître et pédagogue de ce Carême.

    Mais, en ce jour des Cendres, il ne s’agit pas d’abord de parole, ni même de guérison, au moins en apparence. Dans un instant, les Cendres vous recouvrir notre tête ou notre front : ce sont les cendres que la Bible réserve à Job, Judith, Esther et tant d’autres, tous ceux qui font pénitence ou qui prennent le deuil. On déchire son vêtement, on se couvre de cendres et on implore la miséricorde, pour demander pardon et pour s’approcher à nouveau du Dieu trois fois saint. Ces cendres, ce sont également la poussière du livre de la Genèse, glaise primordiale qui nous rattache à la condition originelle et fragile du premier homme : Adam, pétri de la poussière, tiré de la terre et, à qui il est promis qu’il y retournera.

    Ces cendres, nous allons simplement les recevoir, pour entrer tous ensemble dans ce temps si particulier du Carême. Tous ensemble, en Eglise, à un moment qu’aucun d’entre nous n’a choisi. L’Eglise nous fait donc entrer en ce jour dans le temps du désert propice à la conversion, lente marche laborieuse et ascétique vers l’homme nouveau que le Maître de nos vies veut restaurer en nous.

    Je me permets de vous faire remarquer que pour faire ces cendres, il faut que le feu ait embrasé le buis que vous avez déposé. Il y a eu feu et braises, avant qu’elles ne refroidissent pour être déposé sur nos fronts. Ces cendres nous rappellent donc le feu et les braises ardentes de la foi de notre baptême, que nous avons laissé s’éteindre peu à peu. C’est donc un peu avec confusion que ce soir nous recevons la trace sur notre front de notre tiédeur, de nos lâchetés, de notre orgueil, bref de tout ce que le péché a éteint en nous. Du coup, ces 40 jours ne seront pas de trop pour qu’un vent puissant vienne souffler sur elles pour faire rejaillir le feu qui couvait encore sous la cendre. Et quel feu, puisque ce sera le feu de la Vigile pascale ! Ce soir, nous voici donc entre deux feux, deux foyers ardents : celui de notre baptême et sa réactualisation dans celui de Pâques. Entre temps, nous avons besoin d’être secoués, réveillés. Le jeûne, la prière et le partage vont nous y aider. Je ne saurais que trop vous recommander la méditation de l’Evangile de ce soir et la mise en œuvre de ce programme.

    Mais en cette instant, je veux seulement insister sur ce moment si précieux dans l’année où nous décidons tous ensemble de réponse à l’appel de l’Eglise et du Christ de nous convertir. C’est le moment favorable. C’est le moment de notre salut. Laissons-nous réconcilier avec Dieu. Voici le vent puissant qui saura raviver les braises sous la cendres. Pour vous y aider, je vous propose une lecture toute simple, tirée du livre de l’Apocalypse.

    Tu dis : « Je suis riche, je me suis enrichi, je ne manque de rien », et tu ne sais pas que tu es malheureux, pitoyable, pauvre, aveugle et nu ! Alors je te donne un conseil :viens acheter chez moi de l'or purifié au feu, pour devenir riche, des vêtements blancs pour te couvrir et cacher la honte de ta nudité, un remède pour te frotter les yeux afin de voir clair. Sois donc fervent et convertis-toi. (3,17-19) Voici un chemin pour ce soir : reconnaître que nous sommes pauvres, que nous sommes nus, que nous sommes aveugles.

    Pauvres. Soyons simples : acceptons d’être pauvres pour être enrichi par Dieu. Le jeûne, la prière et le partage sont là pendant 40 jours pour creuser en nous la pauvreté, pour que nous soyons disponibles à Dieu, aux autres et à nous-même. Réjouissons-nous : c’est avec toute l’Eglise que nous prenons ce chemin d’appauvrissement.

    Nus. « Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtus le Christ », chantons-nous avec Saint Paul à chaque baptême. Le Carême veut restaurer le vêtement blanc de notre baptême, la robe des noces de cette belle relation d’amitié avec Dieu. Allons-nous consentir à cette œuvre de rénovation intérieure où nous recevons notre dignité et notre beauté de la part de celui nous a créé sans nous, mais qui ne nous guérira pas sans nous ?

    Aveugles. Une guérison à demander pendant ce Carême est celui de notre cécité : aveuglement devant nous-même, devant les autres ou devant Dieu. Notre regard est souvent obscurci par des filtres, un manque de réalisme, des imprudences, des fausses idées, des jugements malveillants. Demandons aujourd’hui de regarder comme Dieu regarde : avec bienveillance.

    Curieusement, les cendres de ce soir ne nous enrichiront pas, ne nous vêtiront pas, ne guériront pas notre vue. Elles diront seulement à Dieu que nous nous disposons à son œuvre de guérison. Et c’est déjà cela notre Carême.