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Homélies - Page 50

  • Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim

    Au commencement du Carême qui constitue un chemin d'entraînement spirituel intense, la liturgie nous propose à nouveau trois pratiques pénitentielles chères à la tradition biblique et chrétienne. La prière, l'aumône et le jeûne servent à nous préparer à mieux célébrer la Pâque et à faire ainsi l'expérience de la puissance de Dieu qui, comme nous l'entendrons au cours de la veillée pascale, triomphe du mal, lave nos fautes, redonne l'innocence aux pécheurs, la joie aux affligés, dissipe la haine, nous apporte la paix et humilie l'orgueil du monde". Le Carême est un temps de pénitence, entre le mercredi des Cendres et Pâques. En ce traditionnel message du Carême, je souhaite cette année me pencher plus particulièrement sur la valeur et le sens du jeûne. Le Carême en effet nous rappelle les quarante jours de jeûne vécus par le Seigneur dans le désert, avant le commencement de sa mission publique.

    Nous lisons dans l'Evangile : Jésus fut conduit au désert par l'Esprit pour être tenté par le démon. Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim. Comme Moïse avant de recevoir les Tables de la loi, comme Elie avant de rencontrer le Seigneur sur le mont Horeb, de même Jésus, en priant et en jeûnant, se prépare à sa mission, dont le début fut marqué par une dure confrontation avec le tentateur. Nous pouvons nous demander quelle valeur et quel sens peuvent avoir pour nous, chrétiens, le fait de se priver de quelque chose qui serait bon en soi et utile pour notre subsistance. L'Ecriture et toute la tradition chrétienne enseignent que le jeûne est d'un grand secours pour éviter le péché et tout ce qui conduit à lui. C'est pourquoi, dans l'histoire du salut, l'invitation à jeûner revient régulièrement. Déjà dans les premières pages de l'Ecriture, le Seigneur commande à l'homme de s'abstenir de manger du fruit défendu: Tu pourras manger de tous les arbres du jardin, mais de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, tu ne mangera pas, car le jour où tu en mangeras, certainement tu mourras. En commentant l'injonction divine, saint Basile observe que le jeûne a été prescrit dans le paradis terrestre, et " ce premier précepte été donné à Adam. Il conclut ainsi: Cette défense, ce tu ne mangeras pas, est une loi de jeûneet d'abstinence. Parce que tous nous sommes appesantis par le péché et ses conséquences, le jeûne nous est offert comme un moyen pour renouer notre amitié avec le Seigneur. C'est ce que fit Esdras avant le voyage du retour de l'exil en Terre promise, quand il invita le peuple réuni à jeûner pour s'humilier devant notre Dieu. Le Tout Puissant écouta leur prière et les assura de sa faveur et de sa protection. Les habitants de Ninive en firent autant quand, sensibles à l'appel de Jonas à la repentance, ils proclamèrent, comme témoignage de leur sincérité, un jeûne en disant: Qui sait si Dieu ne se ravisera pas et ne se repentira pas, s'il ne reviendra pas de l'ardeur de sa colère, en sorte que nous ne périssions point? Là encore, Dieu vit leurs œuvres et les épargna".

    "Dans le Nouveau Testament, Jésus met en lumière la raison profonde du jeûne en stigmatisant l'attitude des pharisiens qui observaient avec scrupule les prescriptions imposées par la loi, alors que leurs cœurs étaient loin de Dieu. Le vrai jeûne, redit encore en d'autre lieux le divin Maître, consiste plutôt à faire la volonté du Père céleste, lequel voit dans le secret et te récompensera. Lui-même en donne l'exemple en répondant à Satan, au terme des quarante jours passés dans le désert: Ce n'est pas de pain seul que vivra l'homme, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Le vrai jeûne a donc pour but de manger la vraie nourriture, qui consiste à faire la volonté du Père. Si donc Adam désobéit à l'ordre du Seigneur de ne pas manger du fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, le croyant entend par le jeûne se soumettre à Dieu avec humilité, en se confiant à sa bonté et à sa miséricorde".

     

    "La pratique du jeûne est très présente dans la première communauté chrétienne. Les Pères de l'Eglise aussi parlent de la force du jeûne, capable de mettre un frein au péché, de réprimer les désirs du vieil homme, et d'ouvrir dans le cœur du croyant le chemin vers Dieu. Le jeûne est en outre une pratique récurrente des saints, qui le recommandent. Saint Pierre Chrysologue écrit: Le jeûne est l'âme de la prière, la miséricorde est la vie du jeûne. Donc, celui qui prie doit jeûner, celui qui jeûne doit avoir pitié, qu'il écoute l'homme qui demande, et qui en demandant souhaite être écouté. Il se fait entendre de Dieu, celui qui ne refuse pas d'entendre lorsqu'on le supplie".

    "De nos jours, la pratique du jeûne semble avoir perdu un peu de sa valeur spirituelle et, dans une culture marquée par la recherche du bien-être matériel, elle a plutôt pris la valeur d'une pratique thérapeutique pour le soin du corps. Le jeûne est sans nul doute utile au bien-être physique, mais pour les croyants, il est en premier lieu une thérapie pour soigner tout ce qui les empêche de se conformer à la volonté de Dieu. Dans la Constitution apostolique Pænitemini de 1966, Paul VI reconnaissait la nécessité de remettre le jeûne dans le contexte de l'appel de tout chrétien à ne plus vivre pour soi-même, mais pour Celui qui l'a aimé et s'est donné pour lui, et aussi à vivre pour ses frères. Ce Carême pourrait être l'occasion de reprendre les normes contenues dans cette Constitution apostolique, et de remettre en valeur la signification authentique et permanente de l'antique pratique pénitentielle, capable de nous aider à mortifier notre égoïsme et à ouvrir nos cœurs à l'amour de Dieu et du prochain, premier et suprême commandement de la Loi nouvelle et résumé de tout l'Evangile".

    "La pratique fidèle du jeûne contribue en outre à l'unification de la personne humaine, corps et âme, en l'aidant à éviter le péché et à croître dans l'intimité du Seigneur. Saint Augustin qui connaissait bien ses inclinations négatives et les définissait comme " des nœuds tortueux et emmêlés, écrivait dans son traité sur L'utilité du jeûne: Je m'afflige certes un supplice, mais pour qu'il me pardonne. Je me châtie de moi-même pour qu'il m'aide, pour plaire à ses yeux, pour arriver à la délectation de sa douceur. Se priver de nourriture matérielle qui alimente le corps facilite la disposition intérieur à l'écoute du Christ et à se nourrir de sa parole de salut. Avec le jeûne et la prière, nous Lui permettons de venir rassasier une faim plus profonde que nous expérimentons au plus intime de nous, la faim et la soif de Dieu".

    "En même temps, le jeûne nous aide à prendre conscience de la situation dans laquelle vivent tant de nos frères. Dans sa première Lettre, saint Jean met en garde: Si quelqu'un possède des richesses de ce monde et, voyant son frère dans la nécessité, lui ferme ses entrailles, comment l'amour de Dieu demeurerait-il en lui? Jeûner volontairement nous aide à suivre l'exemple du Bon Samaritain, qui se penche et va au secours du frère qui souffre. En choisissant librement de se priver de quelque chose pour aider les autres, nous montrons de manière concrète que le prochain en difficulté ne nous est pas étranger. C'est précisément pour maintenir vivante cette attitude d'accueil et d'attention à l'égard de nos frères que j'encourage les paroisses et toutes les communautés à intensifier pendant le Carême la pratique du jeûne personnel et communautaire, en cultivant aussi l'écoute de la Parole de Dieu, la prière et l'aumône. Ceci a été, dès le début, une caractéristique de la vie des communautés chrétiennes où se faisaient des collectes spéciales, tandis que les fidèles étaient invités à donner aux pauvres ce qui, grâce au jeûne, avait été mis à part. Même aujourd'hui, une telle pratique doit être redécouverte et encouragée, surtout pendant le temps liturgique du Carême".


    "Il ressort clairement que le jeûne représente une pratique ascétique importante, une arme spirituelle pour lutter contre tous les attachements désordonnés. Se priver volontairement du plaisir de la nourriture et d'autres biens matériels, aide le disciple du Christ à contrôler les appétits de sa nature affaiblie par la faute originelle, et dont les effets négatifs investissent entièrement la personne humaine. Une hymne antique de la liturgie du Carême exhorte avec pertinence: Nous utilisons plus sobrement les paroles, les nourritures, les boissons, le sommeil et les jeux, et avec plus d'attention, nous demeurons vigilants".

    "A bien y regarder, le jeûne a comme ultime finalité d'aider chacun d'entre-nous, comme l'écrivait Jean-Paul II, à faire un don total de soi à Dieu. Que le Carême soit donc mis en valeur dans toutes les familles et dans toutes les communautés chrétiennes, pour éloigner de tout ce qui distrait l'esprit et intensifier ce qui nourrit l'âme en l'ouvrant à l'amour de Dieu et du prochain. Je pense en particulier à un plus grand engagement dans la prière, la Lectio Divina, le recours au sacrement de la Réconciliation et dans la participation active à l'Eucharistie, par dessus tout à la messe dominicale".


    "Avec cette disposition intérieure, nous entrons dans le climat de pénitence propre au Carême. Que la Bienheureuse Vierge Marie, Causa Nostrae Laetitiae, nous accompagne et nous soutienne dans nos efforts pour libérer notre cœur de l'esclavage du péché et pour en faire toujours plus un tabernacle vivant de Dieu. En formulant ce souhait, j'assure de ma prière tous les croyants et chaque communauté ecclésiale afin que tous suivent avec profit l'itinéraire quarésimal".
  • "Il y avait un mariage à Cana en Galilée"

    NocesdeCana.JPGNous sommes à Cana en Galilée, à environ 10 km de Nazareth sur la route du lac. Il y a un mariage, une fête humaine, la célébration de l'amour humain d'un couple. Il y a Marie. Et il y a Jésus avec ses disciples.

    Cette page d'Evangile a saveur des débuts. Les commencements d'une vie nouvelle pour ce couple. Les prémices d'une vie nouvelle pour les disciples de Jésus. Au seuil de cette vie nouvelle, comme un sacrement, il y a ce miracle de Cana que nous connaissons par cœur. L'eau changée en vin, pour la joie des convives et la surprise des assistants. Premier des signes de Jésus. Signe inaugural du ministère public de Jésus. Voilà donc Jésus : il guérira les sourds, les muets, les aveugles et les estropiés de toutes sortes, il chassera les démons, il pardonnera les péchés, il ressuscitera les morts. Mais voilà ce premier miracle, modeste en apparence, mais d'une portée qu'il nous faut redécouvrir.

    Tout d'abord l'invitation. Jésus est invité et ne n'invite pas. Comme dans le livre de l'Apocalypse, il ne force pas la porte. « Voici que je me tiens à la porte et je frappe, si tu m'ouvre ton cœur, je ferai chez toi ma demeure, et je prendrai chez toi mon repas » (Ap 3,16). Il frappe à la porte de notre être, sollicitant notre réponse, c'est-à-dire notre liberté. Te rendras tu de lui ouvrir, de répondre à sa présence, bref de l'inviter. Mais il est invité à une fête humaine. Invité à partager la joie profonde de ce couple et de cette famille. Invité à la table commune, invité à cette profonde familiarité. Voilà qui pourrait nous suffire pour la portée de ce miracle.

    Il aurait pu se contenter de partager à notre table nos joies humaines, mais il a voulu combler leur indigence. L'indigence profonde à laquelle il va remédier. Ils manquent de vin. Ils n'ont pas de vin dit Marie, et peut-être n'en ont-ils jamais eu. Il leur manque profondément cette joie, ce bonheur, ce salut auquel ils aspirent et qu'ils ne peuvent se donner à eux-mêmes. Le Christ seul peut leur donner, pardon nous donner, cette ivresse profonde, signe du salut que Dieu veut pour nous. Encore faut-il que nous connaissions et reconnaissions devant lui notre indigence, nos manques les plus profonds et précis. Nous donner ce dont nous manquons radicalement, voilà qui nous aurait suffit.

    Il aurait pu se contenter de donner ce vin, mais il a voulu le faire en changeant l'eau apportée par les serviteurs. Il réalise ce miracle à partir de ce que nous apportons, comme les cinq pains et les deux poissons apportés par le petit garçon lors de la multiplication des pains. Le miracle suppose une collaboration humaine, des serviteurs quelconques que nous sommes. Il ne fait rien sans nous. Il ne nous donne pas ce vin de sa charité toute divine sans que nous-mêmes n'apportions l'eau de nos pauvres désirs, de nos amours humains. Il ne vient pas nous sauver de notre humanité, mais il vient nous sauver dans notre humanité. La goutte d'eau que je verserai tout à l'heure dans le calice de vin en est comme le signe muet. Et c'est là le miracle profond : il nous divinise. Les pères orientaux sont comme éblouis, fascinés par cette réalité, là où les théologiens occidentaux y verront le rachat des nos fautes. Divinisés par le feu qui nous associe à lui. Divinisés par une grâce qui vient nous associer à elle. Et c'est vrai, c'est réel, sans quoi il faut partir en courrant. Changer notre eau en vin, voilà qui aurait pu nous suffire.

    Mais il l'a fait dans un mariage. Le premier des signes de Jésus a lieu pendant un mariage, pendant des noces humaines. Comme le prophète Isaïe et d'autres prophètes en parlent, Dieu veut des Noces pour son peuple : les noces de la joie, les Noces où il s'unit à l'humanité pour sa joie et pour Sa gloire. Dieu est l'Ami des hommes. Il est le Bien Aimé qui veut combler Sa bien-aimée. Dans ce repas des Noces, l'eau est changée en vin en est la préfiguration, en attendant les Noces où il sera lui-même la nourriture de ce repas. Déjà le vin rouge de Cana annonce le sang versé à la Croix, ce sang qui nous sauve, nous lave et nous purifie.

    Déjà nous participons à ces Noces de l'Agneau, chaque dimanche, chaque jour même. Ici, dans cette Eucharistie, nous sommes à Cana. Ici, aujourd'hui même, nous l'invitons à notre table et il consent à être familier avec nous. Ici il comble notre indigence la plus profonde. Ici, il change l'eau de notre amour en vin de sa charité. Ici, il se révèle comme l'Epoux des Noces éternelles en appelant chacun : Celui qui a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive ! Avez-vous soif de lui ? Accepterez-vous d'être à ce point associés à lui ? Tout est prêt : venez aux Noces !

     

  • La Sainte Famille

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    « Les bergers vinrent en hâte et ils trouvèrent Marie et Joseph avec le nouveau-né couché dans une crèche » (Lc 2, 16)

    Cette fête de Noël vient à nous avec son cortège extérieur et tout ce qu'elle représente pour nous. Et il est bon qu'il en soit ainsi. Nous nous sommes en quelque sorte appropriés cette fête de la Naissance du Sauveur. Pour beaucoup, c'est l'occasion de retrouvailles familiales précieuses. Noël réunit nos familles, elle réunit les parents et les enfants dispersés, elle réunit les fratries, elle rassemble les générations. Grâce familiale. Douceur et joie de nos familles. Epreuve également pour ceux et celles qui en sont privés, à cause de la solitude, à cause de l'éloignement ou à cause de différents ou de mésentente. Dans ces moments, Noël devient le rappel douloureux de cette solitude. L'atmosphère environnante peut même accroître cette blessure.

    Et la liturgie de Noël nous présente une famille, celle de Nazareth. Famille particulière certes, mais Sainte famille que l'Evangile suit de Nazareth à Bethléem, puis en Egypte avant son installation à Nazareth, et les pèlerinages où l'on monte à Jérusalem.

    Noël vient donc insister sur le réalisme de l'Incarnation. « Il a pris chair de la Vierge Marie » proclamons nous dans le symbole de Nicée-Constantinople. Il s'est fait homme. « Il a aimé avec un cœur d'homme. Il a travaillé avec des mains d'homme » (GS 22). Nous pourrions continuer : il a habité une terre ; il a reçu la culture et la langue de ses pères ; il a grandit dans une famille humaine,... Il s'est fait semblable à nous en tout, à l'exception du péché.

    Une famille. Un père adoptif, certes, mais un homme qui s'est montré à lui comme le père. Une mère qui l'a enfanté. Les vocations de cette homme et de cette femme sont uniques, et pour cause ! La vocation de cette famille est unique, et pour cause ! Elle est le creuset humain où le Fils de Dieu devient l'un de nous.

    Aujourd'hui, les textes nous invitent à regarder cette famille, comme les bergers ou les mages qui en entrant dans la maison voient tout à la fois l'Enfant et ses parents. Ils ne voient pas l'Enfant sans Marie et Joseph. L'Evangile ne nous donne pas à voir l'Enfant en dehors du réalisme de l'Incarnation dont ses propres parents sont comme le garant.

    On peut fêter la sainte Famille en regardant les vertus propres à elle : de silence, de travail et de prière, comme le chante une très belle homélie de Paul VI à Nazareth en 1964. On peut regarder la qualité spirituelle et théologale de leur relation. On peut en faire le modèle moral de nos familles.

    Mais en plaçant l'Enfant-Dieu dans la crèche, au début de la nuit de Noël, nous avons refait symboliquement ce que Dieu lui-même a voulu faire. Nous avons inséré le salut de Dieu au cœur de l'humanité. Un couple. Un homme et une femme reçoivent le salut donné à la terre. Rien d'humain n'est étranger au Sauveur. Ni la réalité d'une famille. Ni la réalité d'une terre, d'une culture, d'une langue, du travail, de la souffrance. Et tout cela commence à Bethléem, entre Joseph et Marie.

    Tout est assumé par Lui. Tout est porté par Lui. Voilà l'enseignement de Bethléem et de Nazareth. Voilà la leçon de ces 30 années de silence. Il porte en lui notre humanité, et en particulier cette dimension familiale.

    Vous allez me dire que la famille de Dieu, c'est chacun de nous. Qui est ma mère, mes frères, mes sœurs, sinon celui qui fait la volonté de mon père ? Par le baptême, et déjà par l'entrée en catéchuménat, nous sommes devenus membres de l'Eglise, frères et sœurs dans la suite commune du Christ. Le fait d'être des disciples crée entre nous un lien de fraternité qui ne peut s'effacer. Nous sommes de la famille de Dieu.

    Mais permettez-moi d'insister : l'incarnation du Fils de Dieu assume la réalité de la famille. Il vient sauver toute la famille humaine. Il vient également sauver la structure de la famille, les relations familiales. L'Eglise est l'intendante de ce salut là, de manière prophétique. Notre société, nos familles sont parfois très malmenées, très blessées dans ce domaine. Aujourd'hui, je vous propose de renouveler notre confiance et notre prière au Christ. Qu'Il vienne consoler ceux qui pleurent dans nos familles. Qu'Il redonne la parole à ceux qui ne communiquent plus. Qu'Il vienne réunir ceux qui sont séparés et désunis. Qu'Il éclaire ceux qui doutent. Qu'Il donne la force à ceux qui peinent. Qu'Il sauve nos familles.

     

  • Éveille-toi (sermon de saint Augustin pour Noël)

    nativite_studenica.jpgHomme, éveille-toi : pour toi, Dieu s’est fait homme. Réveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera. Pour toi, je le répète, Dieu s’est fait homme.

    Tu serais mort pour l’éternité, s’il n’était né dans le temps. Tu n’aurais jamais été libéré de la chair du péché, s’il n’avait pris la ressemblance du péché. Tu serais victime d’une misère sans fin, s’il ne t’avait fait cette miséricorde. Tu n’aurais pas retrouvé la vie, s’il n’avait pas rejoint ta mort. Tu aurais succombé, s’il n’était allé à ton secours. Tu aurais péri, s’il n’était pas venu.

    Célébrons dans la joie l’avènement de notre salut et de notre rédemption. Célébrons le jour de fête où, venant du grand jour de l’éternité, un grand jour éternel s’introduit dans notre jour temporel et si bref.

    C’est lui qui est devenu pour nous justice, sanctification, rédemption. Ainsi, comme il est écrit : Celui qui veut se glorifier, qu’il mette sa gloire dans le Seigneur. ~ Donc, la Vérité a germé de la terre : le Christ, qui a dit : Moi, je suis la Vérité, est né de la Vierge. Et du ciel s’est penchée la justice, parce que, lorsque l’homme croit en celui qui vient de naître, il reçoit la justice, non pas de lui-même, mais de Dieu.

    La Vérité a germé de la terre, parce que le Verbe s’est fait chair. Et du ciel s’est penchée la justice, parce que les présents les meilleurs, les dons parfaits, proviennent tous d’en haut.

    La Vérité a germé de la terre : la chair est née de Marie. Et du ciel s’est penchée la justice, parce qu’un homme ne peut rien s’attribuer, sinon ce qui lui est donné du Ciel.~

    Nous qui sommes devenus justes par la foi, nous voici en paix avec Dieu parce que justice et paix se sont embrassées. Par notre Seigneur Jésus Christ : car la Vérité a germé de la terre. C’est lui qui nous a donné, par la foi, l’accès à cette grâce dans laquelle nous sommes établis ; et nous mettons notre fierté dans l’espérance d’avoir part à la gloire de Dieu. Paul ne dit pas : « à notre gloire » ; mais à la gloire de Dieu parce que la justice n’est pas sortie de nous mais s’est penchée du ciel. Donc, celui qui cherche la gloire, qu’il mette sa gloire non en lui, mais dans le Seigneur.

    De là vient que la louange angélique pour le Seigneur né de la Vierge a été : Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes comblés de sa bienveillance.

    En effet, d’où vient la paix sur la terre, sinon de ce que la Vérité a germé de la terre, autrement dit, que le Christ est né de la chair ? Et c’est lui qui est notre paix : des deux, il a fait une seule réalité, pour que nous soyons des hommes pleins de bienveillance, tendrement attachés les uns aux autres par le lien de l’unité.

    En ce jour de grâce, réjouissons-nous, pour trouver notre gloire dans le témoignage de notre conscience ; alors, ce n’est pas en nous, mais en Dieu que nous mettrons notre gloire. C’est pour cela qu’il est dit : Ma gloire, tu tiens haute ma tête. Dieu pouvait-il faire briller sur nous une grâce plus grande que celle-ci : son Fils unique, il en fait un fils d’homme et, en retour, il transforme des fils d’hommes en fils de Dieu ?

    Cherche où est le mérite, où est le motif, où est la justice, et vois si tu découvres autre chose que la grâce.

  • Dieu vient visiter son peuple

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    Quatrième dimanche. Quatrième marche de l'Avent. Quatrième bougie, celle qui illumine complètement notre couronne. Et voici que Noël arrive bientôt. Tout s'emballe. La météo vient solliciter nos souvenirs d'enfance. Un vrai Noël. Un Noël blanc. Les vacances, les déplacements des uns et des autres. Les achats de Noël. Les projets. Les idées à trouver. Les cadeaux, la table du 24 et celle du 25. Vivement le 25 soir que tout cela soit passé !

    Or, pour le moment c'est le temps de Marie, le temps de l'attente. Attendre ce que l'on l'espère ce n'est pas encore posséder ce que l'on espère. Aujourd'hui il nous faut attendre ce que nous ne pouvons nous donner. C'est d'ailleurs le principe d'un cadeau et non celui de donner une liste que seuls les initiés ou les vendeurs de Carrefour ou la Fnac peuvent comprendre. Au moins je l'aurai dit.

    Dieu vient visiter son peuple. La réalité est massive et s'impose à nous. Le cœur de notre attente est celle d'être visité par un Dieu qui réalise ses promesses et qui l'a fait une fois pour toutes dans l'incarnation rédemptrice de son Fils.

    Dieu vient visiter son peuple. La réalité est tellement massive, qu'elle nous impose de vérifier l'ordre logique que nous pouvons mettre. L'initiative de la relation de Dieu et de l'homme ne vient pas l'homme, mais de Dieu. C'est lui qui crée. C'est lui qui sauve. C'est lui qui « visite et rachète son peuple. Il a fait surgir une force qui nous sauve dans la maison de David son serviteur », comme le chantera le cantique de Zacharie.

    Dieu agit en faveur de son peuple. Il rend possible à l'homme ce qui lui était impossible. Donner un enfant au couple âgé qu'étaient Zacharie et Elisabeth. Faire concevoir une vierge. Donner le salut et la joie à la terre.

    Nous pouvons mieux comprendre le cri qui résonne dans la liturgie de l'Avent : Viens, reviens.  Le psaume 79 le dit d'une façon imagée : Dieu de l'univers reviens ! Du haut des cieux, regarde et vois : visite cette vigne, protège-là, celle qu'a plantée ta main puissante.  Cri fébrile et douloureux à certains moments, surtout quand tout semble s'obscurcir. Cri joyeux et confiant quand l'ami attend l'ami. Cri impatient et inquiet du malade qui appelle son médecin et son sauveur. Vous choisirez. Mais c'est un cri qui révèle le désir.

    Autrement dit, la question de ce dimanche pourrait être la suivante : quel est notre désir au seuil de la fête de Noël ? Qu'attendons-nous ? Y a-t-il encore de la place pour une attente, pour recevoir ce que nous ne pouvons nous donner ? Voici le 22ème jour que l'Avent nous place en situation d'attente du Sauveur. Mais la question radicale de l'attente doit elle-même être posée, un peu comme un examen de ce qu'il y a en vérité dans notre cœur.

    Attendons-nous le Sauveur ? Sommes-nous à ce point rassasiés et repus que le désir d'être visité soit anesthésié en nous ? Sommes-nous à ce point autarciques et autosuffisants que Noël ravive le pieux souvenir de la naissance du bon Jésus et sans plus ? Sommes-nous à ce point confiants dans nos propres forces ou inconscients sur nos propres besoins que la perspective d'un Sauveur devienne un point aveugle ?

    Chers amis, sous différentes formes, la liturgie ne cesse de nous le dire : on se réveille. L'heure est venue de sortir de notre sommeil. Dieu vient visiter son peuple. Et le signe donné aujourd'hui est justement cette merveilleuse visite de Marie à sa cousine. En hâte, elle entre dans la masure d'Ein Karim, comme plus tard dans l'auberge de Bethléem ou la maison de Nazareth. En elle, Dieu vient visiter les hommes. Et ici, c'est Jean-Baptiste dans le sein de sa mère.

    La scène peut conforter la réalité de la visite : l'Esprit-Saint qui remplit Elisabeth ; l'allégresse qui déborde d'elle ; la reconnaissance immédiate que c'est bien son Sauveur qui vient au devant d'elle ; le tressaillement de l'enfant.

    Ces deux figures peuvent nous y aider : Marie et Elisabeth. Marie parce qu'elle est la demeure de Dieu parmi les hommes. Mère et Vierge, elle est celle par qui Dieu vient nous visiter. Elisabeth, la vieille femme qui ne pouvait pas donner la vie, conçoit et reçoit. Elle conçoit dans la vieillesse et elle reçoit la visite de Dieu, par l'ange et par Marie.

    L'une et l'autre sont figures de l'attente joyeuse d'Israël. L'une et l'autre sollicitent notre attente et notre désir, dans un contexte contemporain qu ne s'y prête guère. L'une et l'autre témoignent de l'absolue gratuité de Dieu qui vient combler et surpasser notre attente.

    Haut les cœurs et patience ! Dieu vient nous visiter. Il se fait attendre pour que soit creusé en nous le désir d'être visités.