Voilà que le fougueux Saint Paul nous invite à l’amour fraternel, à la dette même de l’amour mutuel. Je dis fougueux parce que l’Ecriture garde le souvenir de quelques querelles ou différents entre Paul et Pierre, ou avec le futur évangéliste Marc.
Pourtant le conseil de l’Apôtre fait directement écho aux paroles du Christ dans l’Evangile de ce jour, qui est tiré du long discours de Jésus sur l’Eglise, où il donne quelques principes simples de vie en commun dans la communauté des croyants. Le péché, les contentieux, les querelles pouvaient malheureusement faire leur apparition entre les membres des futures communautés chrétiennes. Plutôt que l’infamie d’aller régler ces conflits devant les païens, Saint Paul conseillera d’abord aux premiers chrétiens de régler ces manquements à la charité entre eux. Pensez donc au scandale : ceux dont on dit « Voyez comme ils s’aiment », ceux-la mêmes se divisent ! Quel contre-témoignage rendu à la foi ! Quel contre-témoignage rendu au Christ. Certains pourraient avoir raison, ceux qui disent, finalement les chrétiens ne sont pas meilleurs que les autres…
Au premier rang des principes de l’Evangile de ce dimanche : la correction fraternelle. Celle qui nous fait aller trouver un frère ou une sœur pour l’avertir, le corriger, le reprendre sur une parole, un acte, une attitude qui ne nous a pas semblée juste, ou vraie, ou belle. Lequel ou laquelle d’entre nous n’a pas été libéré(e) un jour par le fait d’avoir été repris pour telle parole ou tel acte dont il n’avait mesuré son caractère blessant ? Même si sur le moment, cela a été difficile à encaissé, quelle libération et quelle joie ensuite !
C’est que notre foi, notre appartenance au Christ, est nécessairement ecclésiale. Le pape Benoit XVI l'a redit aux jeunes à Madrid il y a précisément 2 semaines à Madrid : « On ne peut suivre Jésus en solitaire. Celui qui cède à la tentation de marcher ‘à son propre compte’ ou de vivre la foi selon la mentalité individualiste qui prédomine dans la société, court le risque de ne jamais rencontrer Jésus-Christ, ou de finir par suivre une image fausse de Lui » (homélie de la messe du 21 août).
Nous ne sommes pas seuls devant Dieu. Nous sommes membres d'un corps, d'un corps vivant dont les membres sont solidaires. Si un souffre, tout le corps souffre. Si un est à l'honneur, tout le corps est à l'honneur.
Membres de ce corps, nous recevons par lui la grâce, celle du salut, celle de la réconciliation. Les ministres de cette grâce sont, pour une part, nos frères et nos sœurs. Ils nous aident, et nous les aidons, à grandir dans ce chemin de sainteté qui nous est commun. Le pape insiste dans la même homélie aux JMJ : « Avoir la foi, c’est s’appuyer sur la foi de tes frères, et que ta foi serve également d’appui pour celle des autres ».
Ce service de la correction fraternelle est un enjeu dans une communauté religieuse, si petite soit elle. C'est un enjeu dans un couple, dans une famille. C'est un enjeu dans un groupe d'ami et finalement dans tout groupe humain. Mais le fait que ce soit un enjeu, quelque fois difficile à faire, ne doit pas nous arrêter.
La raison en est simple. Dans son encyclique Caritas in Veritate, le pape Benoit XVI insiste sur une raison qui est un horizon pour nous : que nos relations humaines soient l'icône des relations trinitaires. Je m'explique. Nos relations humaines sont promises à cette belle ressemblance de la Trinité. L'amour et la circularité des relations trinitaires, du père du fils et de l'esprit sont le modèle de nos relations ici-bas. Nous avons à devenir des amis.
C'est bien parce que nous avons à devenir des amis que nous ne pouvons être des complices. La correction fraternelle va donc corriger ce qui manque à la charité pour nous aider mutuellement à grandir, pour honorer cette belle dette de l'amour mutuel. C'est un chantier. A nous d'en prendre les moyens. Concrètement, je vous en laisse trois :
Nous le ferons d’abord seul à seul, comme le dit l’Evangile, et jamais d'abord en public qui nous défausserait d'une implication personnelle et surtout qui ferait perdre la face à nos frère. Les parents éducateurs le savent bien.
Nous le ferons avec douceur et jamais avec l'ironie qui nous permet de contourner le nœud à l'estomac qui nous empêche d'être vrai.
Nous le ferons au moment opportun et rarement à chaud pour éviter de donner prise à la colère.
Seul à seul. Avec douceur. Au moment opportun. Bonne correction !