Quatrième dimanche. Quatrième marche de l'Avent. Quatrième bougie, celle qui illumine complètement notre couronne. Et voici que Noël arrive bientôt. Tout s'emballe. La météo vient solliciter nos souvenirs d'enfance. Un vrai Noël. Un Noël blanc. Les vacances, les déplacements des uns et des autres. Les achats de Noël. Les projets. Les idées à trouver. Les cadeaux, la table du 24 et celle du 25. Vivement le 25 soir que tout cela soit passé !
Or, pour le moment c'est le temps de Marie, le temps de l'attente. Attendre ce que l'on l'espère ce n'est pas encore posséder ce que l'on espère. Aujourd'hui il nous faut attendre ce que nous ne pouvons nous donner. C'est d'ailleurs le principe d'un cadeau et non celui de donner une liste que seuls les initiés ou les vendeurs de Carrefour ou la Fnac peuvent comprendre. Au moins je l'aurai dit.
Dieu vient visiter son peuple. La réalité est massive et s'impose à nous. Le cœur de notre attente est celle d'être visité par un Dieu qui réalise ses promesses et qui l'a fait une fois pour toutes dans l'incarnation rédemptrice de son Fils.
Dieu vient visiter son peuple. La réalité est tellement massive, qu'elle nous impose de vérifier l'ordre logique que nous pouvons mettre. L'initiative de la relation de Dieu et de l'homme ne vient pas l'homme, mais de Dieu. C'est lui qui crée. C'est lui qui sauve. C'est lui qui « visite et rachète son peuple. Il a fait surgir une force qui nous sauve dans la maison de David son serviteur », comme le chantera le cantique de Zacharie.
Dieu agit en faveur de son peuple. Il rend possible à l'homme ce qui lui était impossible. Donner un enfant au couple âgé qu'étaient Zacharie et Elisabeth. Faire concevoir une vierge. Donner le salut et la joie à la terre.
Nous pouvons mieux comprendre le cri qui résonne dans la liturgie de l'Avent : Viens, reviens. Le psaume 79 le dit d'une façon imagée : Dieu de l'univers reviens ! Du haut des cieux, regarde et vois : visite cette vigne, protège-là, celle qu'a plantée ta main puissante. Cri fébrile et douloureux à certains moments, surtout quand tout semble s'obscurcir. Cri joyeux et confiant quand l'ami attend l'ami. Cri impatient et inquiet du malade qui appelle son médecin et son sauveur. Vous choisirez. Mais c'est un cri qui révèle le désir.
Autrement dit, la question de ce dimanche pourrait être la suivante : quel est notre désir au seuil de la fête de Noël ? Qu'attendons-nous ? Y a-t-il encore de la place pour une attente, pour recevoir ce que nous ne pouvons nous donner ? Voici le 22ème jour que l'Avent nous place en situation d'attente du Sauveur. Mais la question radicale de l'attente doit elle-même être posée, un peu comme un examen de ce qu'il y a en vérité dans notre cœur.
Attendons-nous le Sauveur ? Sommes-nous à ce point rassasiés et repus que le désir d'être visité soit anesthésié en nous ? Sommes-nous à ce point autarciques et autosuffisants que Noël ravive le pieux souvenir de la naissance du bon Jésus et sans plus ? Sommes-nous à ce point confiants dans nos propres forces ou inconscients sur nos propres besoins que la perspective d'un Sauveur devienne un point aveugle ?
Chers amis, sous différentes formes, la liturgie ne cesse de nous le dire : on se réveille. L'heure est venue de sortir de notre sommeil. Dieu vient visiter son peuple. Et le signe donné aujourd'hui est justement cette merveilleuse visite de Marie à sa cousine. En hâte, elle entre dans la masure d'Ein Karim, comme plus tard dans l'auberge de Bethléem ou la maison de Nazareth. En elle, Dieu vient visiter les hommes. Et ici, c'est Jean-Baptiste dans le sein de sa mère.
La scène peut conforter la réalité de la visite : l'Esprit-Saint qui remplit Elisabeth ; l'allégresse qui déborde d'elle ; la reconnaissance immédiate que c'est bien son Sauveur qui vient au devant d'elle ; le tressaillement de l'enfant.
Ces deux figures peuvent nous y aider : Marie et Elisabeth. Marie parce qu'elle est la demeure de Dieu parmi les hommes. Mère et Vierge, elle est celle par qui Dieu vient nous visiter. Elisabeth, la vieille femme qui ne pouvait pas donner la vie, conçoit et reçoit. Elle conçoit dans la vieillesse et elle reçoit la visite de Dieu, par l'ange et par Marie.
L'une et l'autre sont figures de l'attente joyeuse d'Israël. L'une et l'autre sollicitent notre attente et notre désir, dans un contexte contemporain qu ne s'y prête guère. L'une et l'autre témoignent de l'absolue gratuité de Dieu qui vient combler et surpasser notre attente.
Haut les cœurs et patience ! Dieu vient nous visiter. Il se fait attendre pour que soit creusé en nous le désir d'être visités.