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Homélies - Page 42

  • Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas

    05beaun.jpgDans ces derniers dimanches de l’année liturgiques, nous touchons le terme de ce que la liturgie veut nous faire entrevoir du mystère du Christ. Dimanche prochain, la fête du Christ-Roi clôturera notre année liturgique, en nous faisant méditer la figure royale du Christ dans sa Passion, dans le mystère de l’accomplissement de la volonté du Père.

    Aujourd’hui, nous voici devant cet enseignement du Christ lui-même, à propos de sa venue. C’est la conclusion qui retient mon attention en ce dimanche ; elle sonne comme une promesse : « Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas »

    Le Christ annonce donc une fin, la fin du ciel et de la terre, la fin d’une création dont le moment initial a été voulu par Dieu. « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre ». Souvenez-vous du récit de la création, quand au terme des 6 jours de l’œuvre créatrice Dieu contemple sa création et se repose de toute l’œuvre entreprise. Cette création est devenue comme un écrin : écrin de la vocation de l’homme, écrin de l’incarnation du Verbe, écrin du salut réalisé par le Fils. Cette création, ce ciel et cette terre, doivent passer. De même que le commencement appartient à Dieu, il faut entendre qu’il y a une fin et qu’elle appartient également à Dieu : « Quant au jour et à l'heure, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père »

    Mais qu’est-ce que cette fin ? Nul ne le sait. Ne croyons pas trop rapidement en avoir une description dans l’Evangile de ce jour : « Après une terrible détresse, le soleil s’obscurcira et la lune perdra son éclat. Les étoiles tomberont du ciel et les puissances célestes seront ébranlées ». L’Ecriture elle-même parle en des termes qui sont et qui restent dans l’univers de celui qui écrit ou du destinataire premier de ces lignes. Ils sont nombreux sont qui ont annoncé la fin du monde, parce qu’ils interprétaient ainsi des évènements catastrophiques advenus ou à venir. C’était vrai au moment de la chute du Temple en 70, c’était vrai lors de la grande peste du XIVème siècle, c’était encore vrai au moment de l’an 2000 et de son grand bug annoncé, ou de l’éclipse du soleil en 2001. Que n’a-t-on pas entendu ! Et que dire du 21 décembre 2012 ?

    Notre curiosité, ou plutôt notre inquiétude, la nôtre et celle de nos contemporains est grande à ce sujet. Elle est quelquefois insatiable, et même tellement fébrile qu’elle devient irrationnelle. Le succès et la séduction des sectes, des gnoses, des comportements extrêmes de tout genre n’est pas loin.

    Le service que nous pourrions nous rendre, et le rendre à nos contemporains serait de convertir notre rapport à la fin des temps, à l’eschatologie comme on dit. Trois points peuvent nous y aider.

    Dieu qui est la cause première de tout, n’est pas la cause unique de tout. En particulier, il n’est pas la cause de toutes les catastrophes qui arrivent dans l’humanité, dont en plus les medias se délectent, attisant par là le sentiment que nous sommes à la fin du monde chaque soir à 20h. L’imprévisibilité des éléments, la folie et le péché des hommes ne sont pas sans lien avec nombre de catastrophes, parce que Dieu n’empêche pas sa création d’exister dans son dynamisme, il n’empêche pas l’homme au milieu d’elle d’être libre. Arrêtons de pleurer comme des enfants en pensant que Dieu est perpétuellement en colère et qu’il nous punit par mille et une catastrophe. Sinon nous en serions à prier Toutatis pour que le ciel ne nous tombe pas sur la terre !

    « Le ciel et la terre passeront ». La réalité de cette affirmation doit nous habiter. Elle doit habiter notre prière, notre existence. Le quand et le comment ne nous appartiennent pas. Ce peut être ce soir ou dans 100 ans. Peu importe. La réalité de la remise de ce monde à Dieu est une certitude dans la foi. Et donc l’enjeu de la remise de moi à Dieu est entière. Je passerai à Dieu. Voilà la Pâque à venir pour chacun de nous et pour toute la création. Il s’agira donc désormais de vivre avec cette garde du cœur, cet appel profond à passer de ce monde au Père.

    « Mes paroles ne passeront pas ». Quand bien même l’écrin qu’est la création passe, le Verbe, la Parole du Dieu vivant, la personne même du Christ elle ne passe pas. Elle demeure la même hier, aujourd’hui et dans l’éternité. Le visage lumineux et miséricordieux de Dieu ne saurait pas. Voilà une autre certitude de foi. Voilà une certitude qui doit nous habiter également. Si nous passons comme cette création, nous passons en lui. Notre Pâque à venir sera un passage à ce qui ne passe pas. L’Eucharistie que nous allons recevoir en est comme les arrhes, comme une avance. Recevons-la avec confiance. Tout passe. Lui et nous avec lui, ne passeront pas.

  • Jésus, Fils de David, aie pitié de moi !

    P1090955x.jpgNous connaissons bien ce passage de l’Evangile (Mc 10, 46-52). La montée de Jésus à Jérusalem passe par la ville de Jéricho. Après la dernière annonce de la Passion, dans le climat passionné qui précède son entrée triomphale à Jérusalem, le voici sortant de Jéricho, et prenant résolument la route de la Passion, la route du dépouillement, la route du salut, qui n’a rien de la gloire humaine, et encore moins d’un long fleuve tranquille. C’est le moment où ce qu’il vient apporter se dévoile, le moment où le salut vient en pleine lumière.

    Et voici cet aveugle, suffisamment bien repéré, puisque même son nom a été gardé jusqu’à aujourd’hui. Bartimée, lui qui croupissait au bord de la route à mendier ; lui on écarte, qu’on ne voit plus ; lui qui ne voit plus. Et la rencontre est fulgurante pour cet homme. Jésus qui passe, pressé d’en découdre, pressé que son heure advienne, voici qu’il est rencontré par cet homme qui ne lui demande tout et rien. Rien de précis, mais tout : aide pitié de moi. Et il le demande, non pas au fils de Joseph, non pas au Nazaréen dont on connaît l’oeuvre de thaumaturge. Non, il le demande au fils de Dieu, le Messie Roi, celui qui vient instaurer un règne de justice et de paix. Celui là même que les foules vont acclamer à l’arrivée à Jérusalem.

    Restons quelques instants avec ce sympathique Bartimée. Encore en cet instant, son apostrophe peut nous aider.

    D’abord, il reconnaît son indigence et sa fragilité. A la question du Christ : Que veux-tu que je fasse pour toi, la réponse fuse, évidente pour les témoins de la scène : Que je voie ! Réponse égoïste dirons certains. Et alors. Il est aveugle. Il présente au Seigneur, le Maître de la vie, son manque, sa souffrance. Il veut vivre ! Il veut voir ! Que présentons-nous d’autre dans notre prière, sinon ces manques, ces souffrances, nos désirs de vivre

    Ensuite, il confesse que seul son interlocuteur pourra le sauver. Il l’a fait pour tant d’autres, ne le fera-t-il pas pour lui ? Et quand bien même, si Jésus est le Fils de David, le Messie attendu par les prophètes, alors il réalisera ce que Dieu a promis : les aveugles verront la lumière, les sourds entendront, les boiteux marcheront, bref, tout homme verra le salut de Dieu. Le salut et non pas la santé. La foi qui ouvre le chemin de la communion avec Dieu et de la divinisation, et pas le chômage des médecins.

    C’est que le miracle suppose la foi et la suscite. Il suppose la foi de celui qui demande la guérison. Il suscite la foi de ceux qui en sont témoins. Bartimée ne va-t-il pas suivre le Christ, dans sa montée à Jérusalem, dans Passion, et pourquoi pas plus vu l’affinité ?

    Au début de ce miracle si déroutant, où la lumière se fait pour cet homme,  où il devient un homme debout, où le mendiant se fait disciple, il y a cette phrase, cette prière instante qui est une confession de foi. « Fils de Dieu, aie pitié de moi ! » Il y a l’audace d’un priant qui crie vers son Seigneur.

    Vous savez peut-être que cette prière a largement inspiré son développement dans la tradition de nos frères d’Orient. « Seigneur Jésus Christ, fils du Dieu vivant, prends pitié de moi pécheur ! », ce qu’on appelle la prière du cœur. Elle tient lieu de chapelet pour tous les pèlerins des routes d’Orient. Elle est le bréviaire de ceux qui travaillent dans les champs ou dans les bibliothèques. Elle est le souffle des malades et des mourants. Elle est l’âme de tous ceux, jeunes et vieux, hommes et femmes, qui quémandent de Dieu, et de Dieu seul, le salut et la paix qu’Il veut donner à ceux qui le suivent et se confient en Lui.

    « Seigneur Jésus Christ, fils du Dieu vivant, prends pitié de moi pécheur ! ». C’est la prière du cœur, qui vient reconnaître ce besoin existentiel d’être sauvés. Mais nous avons besoin d’être sauvés, n’est-ce pas ? C’est la prière qui vient consentir à ce que Dieu seul nous sauvera. Mais nous ne cultivons plus l’illusion que nous nous donnerons le bonheur à nous-mêmes, n’est-ce pas ? C’est la prière qui reconnaît en Jésus plus qu’un prophète, plus qu’un thaumaturge, plus que Jonas, plus que Salomon, mais le Christ le Fils du Dieu vivant. C’est bien de lui dont nous parlons, n’est-ce pas ?

    Ce même Fils de David, Fils du Dieu vivant continue de passer dans les profondeurs de notre petite Jéricho, cette ville située bien au dessous du niveau de la mer. Il passe en nous, pour monter à Jérusalem et nous mener à sa suite. Ce cri de Bartimée, cette prière du cœur est plus qu’une invitation pieuse. Elle est notre bouée, notre respiration. A une et une seule condition, celle de crier vers Lui.

  • "Je le dis en pensant au Christ et à l'Eglise"

    visuel_humain_couple_42.png« Soyez soumis les uns aux autres… les femmes à leur mari… les hommes aimez votre femme ». Le voici donc le texte tant redouté et tant guetté. On le lit en le murmurant, on lui préféreraistpresque l’Evangile et ce dialogue entre Jésus et les apôtres. Bref, on serait tenter d’en faire l’impasse, comme un étudiant avant ses examens. .

    Quelques mots du contexte, cela n’est jamais superflu. Saint Paul écrit à une communauté d’Asie mineure où les relations hommes/femmes, les relations familiales et conjugales n’étaient pas plus un long fleuve tranquille que maintenant. L’Antiquité grecque connaît des structures sociales qui font violence à notre mentalité contemporaine. Elle considérait ainsi les femmes comme n’ayant pas de droits civiques, comme les esclaves, les poètes et les marchands. L’Evangile était arrivé dans ces villes et dans cette culture de façon presque révolutionnaire. Il faut toute la fougue missionnaire et apostolique de Saint Paul pour aider ces chrétiens à réaliser toutes les conséquences du choix du Christ, non seulement en paroles, mais aussi en acte. Il affirmera ainsi : « Dans le Christ, il n’y a plus ni homme ni femme, ni esclave, ni homme libre, ni Juif, ni Grec ».

    Il faut lire l’exhortation forte et exigeante dans ce contexte. Maris, aimez vos femmes ! Respectez les ! Prenez en soin ! Aimez les comme le Christ a aimé l’Eglise, en s’unissant à elle, en se livrant pour elle. Et vous, les femmes, qui êtes tentés d’aller chercher votre reconnaissance et votre confiance ailleurs que dans le couple, que dans ce pauvre amour conjugal, soyez unies à votre époux, faites lui confiance (autre manière de parler de cette ‘soumission’). Vivez l’alliance, vivez cette réciprocité dans l’amour, vivez cette belle union à laquelle vous êtes promis. Le voici l’Evangile de l’amour humain, de l’alliance entre un homme et une femme. Et Saint Paul le dit en le référant, en le greffant à une alliance qui est à regarder et à contempler : celle du Christ et de l’Eglise.

    C’est qu’il s’agit d’une alliance avec le Dieu vivant. Ce mystère est grand, je le dis en pensant au Christ et à l’Eglise. En fait, l’enseignement de St Paul n’est pas d’abord moral, il est théologique. L’Alliance : l’Alliance de Dieu avec l’humanité ; l’Alliance du Dieu d’Abraham d’Isaac et de Jacob avec son peuple Israël ; l’Alliance de Jésus avec ses disciples ; l’Alliance du Dieu vivant avec chacun de nous. Ce mystère est grand, je le dis en pensant au Christ et à l’Eglise.

    Le mystère, encore ce mot !, c’est celui qui parcourt toute la Bible, et en particulier les lectures de ce dimanche. C’est bien la question de l’Alliance que Josué pose au peuple, au, moment où il vont se disperser chacun dans son territoire, après l’entrée en Terre promise. Suivrez-vous l’alliance avec le Dieu unique ? Oui, répondent-ils en chœur.

    C’est la même question de l’Alliance posée par le Verbe incarné, le Maître de Galilée qui avait multiplié les pains, fait des prodiges et enseigné dans la synagogue de Carpharnaüm. Les termes de l’Alliance sont exigeants : il faut manger sa chair et boire son sang, le suivre sans réserve. Ecouterez vous, suivrez-vous ? La réponse des foules est sans ambage : ils partent sur la pointe des pieds. C’en est trop pour eux. Comme le jeune riche, les voilà partir tout triste, incapable de lâcher ce qu’il ont pour recevoir ce qu’il leur donne. Et vous, voulez-vous partir vous aussi, demande le Maître de l’Alliance ? A qui irions-nous, tu as les paroles de la vie éternelle.

    Le Christ Suscite une réponse à l’Alliance qu’il propose. Il attend un assentiment profond à l’Alliance qui scelle de sa propre vie, de sa chair et de son sang. Voilà comment il aime ceux qu’il associe à sa vie. Voilà comment il fait alliance avec ceux avec lesquels il s’unit. L’époux qui aime son épouse, qui la respecte et notamment qui respecte sa liberté ; l’époux qui se donne pour elle ; c’est Lui. L’épouse qui est appelée à donner sa confiance, à vivre en profonde relation avec celui dont elle reçoit la vie et le salut, c’est bien l’Eglise.

    Commet voudrions-nous faire l’impasse sur ce texte qui nous parle à ce point de l’union du Christ et de l’Eglise ? L’amour humain, l’amour conjugal en reçoit une grande dignité, une force. Il devient ce qui est : icône de la charité divine.

  • "Vivre, c'est changer !"

    philippe-de-champaigne-le-sommeil-delie-1656.jpgUne fois n’est pas coutume, revenons à la première lecture. Le prophète Elie fuit la reine Jézabel dont il a prophétisé la mort. Le désert accueille sa fuite, avant qu’il n’arrive au terme d’une marche de 40 jours à l’Horeb, la montagne du Sinaï où Dieu avait parlé à Moïse. Au début même de cette marche, voici qu’il est saisi de façon assez naturelle par la fatigue, par un épuisement qui emporte tout : son énergie, son espérance, sa raison de vivre. Lui que le Seigneur a gratifié de miracle et de prodiges, le voici réduit à marcher et à souffrir. Le voilà réduit à la lassitude et à la désespérance que le fait préférer la mort. « Maintenant, Seigneur, c’en est trop, reprends ma vie, je ne vaux pas mieux que mes pères ! ». La vocation prophétique semble être un trop lourd fardeau. Il préfère rendre à Dieu ce qui vient de lui.

    C’est alors que le miracle intervient : du pain, de l’eau et la voix de l’ange. Du ciel, l’intervention divine vient rompre la désespérance d’Elie. Elle vient le remettre en route. C’est le pain de la route qui lui est donnée pour son pèlerinage terrestre en vue de l’accomplissement de sa vocation. Il lui faut devenir ce qu’il est. Et pour cela, le Seigneur donne de manière surnaturelle un simple moyen naturel pour le remettre sur la route de son pèlerinage.

    De la même manière, Dieu avait donné à Israël le pain de la manne. Vous vous souvenez, c’était la première lecture de la semaine dernière. Chaque matin, le peuple en marche dans le désert trouvait la manne pour la journée. Juste pour la journée. A chacun selon ses besoins et ses capacités. Le miracle a duré pendant les 40 années du désert, jusqu’au jour où ils sont entré en terre promise, et où ils ont mangé les premiers fruits de cette terre.

    Voici donc 2 pains de la route donnés sur ce chemin en attendant le but du pèlerinage. La préfiguration de l’Eucharistie est frappante. Le voici le pain du Ciel, le pain des anges, le pain de la route. Le voici ce pain donné pour notre pèlerinage terrestre, en attendant le terme de notre route. Dans ce pèlerinage, on pourrait dire, que le plus important n’est pas tant le terme, que le pas de chaque jour. Notre cardinal Newman disait cela d’une façon ramassée : I don’t ask to see the distant scenes, one step enough for me. Nos vies de compagnonnage avec le Seigneur sont faites de ce lent pèlerinage où nous avançons pas à pas. Et l’important, est justement le pas de chaque jour. Et justement, Dieu se donne chaque jour. Chaque jour, chaque instant, il nous donne de façon surnaturelles les moyens naturels dont nous avons besoin. C’est en cela qu’il est Providence. Et l’Eucharistie en est le magnifique témoignage, le mémorial le plus parlant. Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour. Rien que pour aujourd’hui Dieu nous donne ce pain de la route qui nous fait avancer, qui nous fait devenir ce que nous sommes, des enfants du Père, ou ce que nous recevons des membres du Corps du Christ.

    En ce sens, chaque jour, nous avançons, nous progressons. Chaque jour, à chaque halte, à chaque étape où Dieu nous restaure, nous grandissons et nous changeons. Le même cardinal Newman le dit d’une autre manière : « Vivre, c’est changer ; et pour être parfait, il faut changer souvent ». Vivre, c’est changer. A 10 ans, on ne peut le concevoir. A 20 ans, on le découvre mais c’est trop frais. A 40 ans, on pense que rien ne peut être mieux qu’aujourd’hui. A 60 ans, A 80 ans, peut-être qu’on ne voit plus ce qui pourrait changer, sinon que l’on décline.

    Mais c’est bien tout l’inverse qui se passe, parce que le Seigneur, qui lui ne change pas, nous appelle et nous attire à lui. Et le temps qui passe est ce vecteur merveilleux où notre histoire personnelle se déroule, où nous pouvons, si nous le voulons, avancer vers la réalisation de notre vocation, de notre être spirituel. Vivre, c’est changer en ce sens, qu’il s’agit de faire grandir l’homme nouveau et décliner le vieil homme. Il s’agit qu’il grandisse et que je diminue.

    Pour cela, nous n’avons pas de trop de ce viatique, pain de la route qui nous aide à devenir ce que nous sommes appelés à être. Avec espérance, avec joie également, nous reprenons le pas de chaque jour. Accueillons ce que Dieu donne aujourdh'ui : le pain, le vin, les paroles de l'ange, donnée pour cet instant, rien que pour aujourd'hui.

  • On mangera et il en restera

    mod_article39510410_4f39983a694a7.jpg?540Au cours de cet été, nous voici au bord du lac de Galilée, avec l’Evangile selon St Jean. Pendant 5 dimanches, nous lisons et méditons ce long chapitre 6, la multiplication des pains au bord du lac et le discours du pain de vie dans la synagogue de Capharnaüm.

    Voici Jésus au milieu des disciples, rattrapée par une foule nombreuse qui le suit et attend de lui des prodiges, en particulier des miracles. Voici Jésus qui semble être maître d’une situation un peu dramatique sur le plan de la logistique des pèlerinages. Pensez-donc : ils sont près de 5.000 hommes, sans compter les femmes et les enfants et ils n’ont rien à manger pour le soir, si ce n’est 5 pains d’orge et 2 poissons. Il est maître de la situation parce qu’il savait ce qu’il allait faire. Et le miracle le voici : il nourrit et il en reste. Déjà le prophète Elisée avait nourrit 100 personnes avec 20 pains d’orge, et il en était resté. Miracle important sur l’on sait qu’un pain, ce n’est jamais qu’une galette cuite sur des pierres chaudes. Ce n’est pas le gros pain d’une livre de nos boulangeries.

    « On mangera et il en restera » prophétise Elisée, et c’est bien ce qui se réalisera. On mangera et il en restera. Et c’est bien ce qui se réalise à nouveau sur les bords du lac, pour cette foule qui ne lâche plus le Maître. Il les a enseigné, il fait des guérisons, il a même chassé des démons. Voici qu’il les nourrit.

    On mangera et il en restera. Voilà qui dévoile quelque chose de la pédagogie de Dieu à l’égard de l’humanité. Il pourrait se contenter de nourrir une foule, cela suffirait. Mais en plus de ce miracle, il ajoute celui de la surabondance. Dieu ne compte pas. Dieu ne donne pas chichement. Dieu est large, magnanime. Le Seigneur l’enseigne lui-même : « Donnez, il vous sera donné : une mesure bonne, bien tassée, secouée, débordante on donnera dans votre tablier. Car la mesure par laquelle vous mesurez, il sera mesuré en retour pour vous » (Lc 6, 38). Il l’enseigne et il le fait lui-même. Il est le Maître de l’impossible, de l’excès, du débordement.

    Il aurait pu créer le monde. De son point de vue, cela nous aurait suffit. Il aurait pu donner restaurer la Création par le don de la Loi. Cela nous aurait suffit. Il aurait pu permettre l’Incarnation de son Fils, cela nous aurait suffit. Il aurait pu permettre la mort et la mise au tombeau de son Fils, cela nous aurait suffit. Il aurait pu le ressusciter pour l’élever à sa droite, cela nous aurait suffit. Mais il a voulu que nous soyons associer à cette amour débordant. Voilà l’immense cohérence de l’amour débordant de Dieu. Voilà ce mouvement inouï de Dieu qui nous sauve et nous libère. Voilà cet amour fou dont nous sommes bénéficiaires en le recevant à mains ouvertes.

    Et où le recevons nous à main ouvertes, sinon dans ce pain partagé et multiplié. Vous avez peut-être remarqué que Jésus nourrit cette foule en prenant le pain, rendant grâce et le donnant. Geste eucharistique avant l’heure. Geste qui annonce le geste débordant d’amour du Fils qui se donne en nourriture. On a beau le consommer, il reste principe actif de vie en nous. On en mangera et il restera. Depuis 2000 ans, la consommation de l’Eucharistie vient en nous produire ses fruits de grâce. Sans cesse, cette nourriture, ce pauvre pain d’orge est multiplié par les paroles eucharistiques. Il est distribué. Il est consommé dans ce beau geste du partage et de la communion. Et il en reste, parce qu’il ne cesse de grandir en nous. Il n’a de cesse de nous communiquer sa vie et sa grâce.

    En Galilée, c’était la Pâque, c’était le printemps pour l’amour débordant de Dieu. L’été, le sommet, ça a été ce mystère pascal où s’est réalisé tout ce qui était en germe jusqu’alors. Mais, à la différence des saisons et du cycle du soleil, il n’y a ni automne, ni hiver. Par l’eucharistie, c’est l’éternel été de Dieu, l’éternel été du Christ, le pain qui est mangé et qui reste, qui demeure, pour que nous demeurerions en lui et par lui.