Ce dimanche encore, les lectures ne sont pas confortables. Le juste de la première lecture qui est persécuté. L’homme intérieur de la deuxième lecture en proie à un combat intérieur sans relâche. Et puis l’Evangile avec cette deuxième annonce de la Passion (il y en aura trois en tout) et la remontrance faite aux disciples en quête d’une promotion.« Qui est le plus grand ? » s’interrogeaient-ils entre eux.
Homélies - Page 32
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« Qui est le plus grand ? »
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Des lèvres au coeur
« Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi »
Après le long discours sur le pain de vie à la synagogue de Capharnaüm, nous voici ce dimanche avec cette controverse avec les Pharisiens, la partie la plus pieuse, la plus fervente du peuple Juif, celle-là même qui a voulu intérioriser la Loi de Dieu au point de la déployer de façon concrète dans tous les gestes de la vie quotidienne : le rapport à la nourriture, le rapport à la cuisine, le rapport à l’argent, le rapport au travail, le rapport à la sexualité.
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Le pain de vie
Voici déjà le 3ème dimanche que nous lisons un extrait du long discours du pain de vie. Après avoir nourri les foules en multipliant les pains, le Seigneur Jésus revient à la synagogue de Capharnaüm pour les enseigner longuement sur le sens de ce miracle. Et nous aussi avons besoin d’être enseignés longuement.
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1515-2015 : la grâce d'être né
Vous avez compris que ce 26 mai 2015 a une saveur toute spéciale, parce que c’est l’année où nous fêtons le Jubilé des 500 ans de la naissance de St Philippe. La date exacte est le 22 juillet. Sans en faire un anniversaire prématuré, nous anticipons un peu sur l’évènement, en nous unissant par la prière aux 85 autres maisons de la Confédération qui, comme celle de Dijon, entrent dans l’action de grâce pour le don que Dieu nous a fait dans la figure, la vie et la sainteté de notre fondateur.
Et c’est un peu paradoxal en ce jour, qui est en fait le jour anniversaire de sa mort, le 26 mai 1595 à Rome, 80 ans après sa naissance à Florence. Naissance sur terre, naissance au ciel. Pour Philippe, mais pour tous ceux que l’Eglise nous donnent comme modèles et comme compagnons, ces 2 dates jalonnent l’itinéraire d’une vie. 2 naissances qui chacune ouvre une grâce particulière : la grâce d’être né, la grâce d’une vie qui mérite d’être vécue et puis la grâce d’entrer dans ce qui est espéré, la grâce d’accomplir sa course tendue vers ce qui est attendu.
La grâce d’être né. Nous remercions donc le Seigneur de nous avoir donné Saint Philippe. Comme pour chacun de nous, il sera marqué par sa singularité. Il est de quelque part, de Florence, né d’un père notaire désargenté et d’une mère aimante morte trop tôt. Il est d’une époque précise, la fin de la Renaissance, la gloire ambiguë des Medicis, les troubles politiques et sociaux de son époque. Il est d’un tempérament, enjoué, pieux, taquin, facétieux, bref un vrai florentin. En recueillant ce que ses contemporains ont pu dire de lui, on ne peut que remercier le Seigneur de la manière dont il a fait fructifier les dons qu’il avait reçus en venant au monde.
La grâce d’être né au ciel. 80 ans plus tard, au terme de sa course, le voilà qu’il jouit du Paradis, celui qu’il a désiré, celui qu’il a préféré. C’est que pendant toute sa vie, il vit en ayant le Ciel dans le cœur. Et c’est bien dans la juste ligne des choses qu’alors il ait le cœur au Ciel. On peut dire que saint Philippe est l’homme du Ciel. Enfant, il a le regard perdu vers les lointains et sa sœur Elisabeth fera les frais de l’avoir taquiné sur ce point. Avant d’arriver Rome, il passera un temps au pied du mont Cassin, à Gaète entre ciel et mer pour une retraite prolongée qui lui donnera le goût des promesses du ciel. Et à Rome, il s’aura de cesse de se dérober à la ville, à l’agitation, et même à sa communauté (!) pour entrer dans la solitude, dans le cœur à cœur qui l’attachera toujours plus à ce ciel qui sans cesse l’engendre à la condition de disciple. S’il naît au ciel à sa mort, c’est bien pour être pleinement engendré à cette condition d’enfant de Dieu dont son pèlerinage terrestre n’aura été qu’une lente gestation.
Mais il y aura la grâce d’une autre naissance, d’un autre enfantement, celui de tous ceux qu’il aura enfanté au Christ. Ce soir, nous allons entendre le témoignage d’un de ses disciples, de ses fils. Il dit qu’au moment de la mort de saint Philippe « les pères arrivaient les uns après les autres dans la chambre de celui qui en avait tant, et au prix de tant de peines, enfanté au Christ ». La grâce de Philippe, c’est bien c’est d’avoir fait naître, ou plutôt renaître à la vie d’enfant de Dieu. Son charisme, c’est bien celui-ci. Son œuvre, sans qu’il l’ait vraiment projetée, c’est bien celle-là. Faire naître ou renaître à la vie baptismale. Enfanter au Christ et à l’amour de Dieu, avec joie, simplicité et ferveur.
Dans les différents instituts, il est fréquent d’appeler le fondateur « notre Père ». Pour nous, que peut signifier cette expression « notre Père saint Philippe ». Un modèle ? Mais il est plus admirable qu’imitable… Un fondateur ? Mais qui, bien malgré lui, laissera une œuvre et un institut qui va assez s’exporter hors de Rome, lui de l’influence immédiate de ce Père. Un Père très doux comme nous le chantons dans les litanies écrites par le bx John Henry Newman. Un Père qui enfante des disciples, libres et fervents. Un Père pour lesquels ses disciples voueront une certaine gratitude, celle d’être enfanté à leur propre vocation par sa présence et sa prière.
Et le message de ce jour du pape François aux Congrégations de l’Oratoire insiste : « Sa paternité spirituelle transparaît de toute son action, caractérisée par la confiance dans les personnes, la fuite des tonalités sombres et austères, l’esprit de fête et de joie, et la conviction que la grâce ne supprime pas la nature mais l’assainit, la fortifie et la perfectionne ».
Alors en cet instant, monte une prière dans nos cœurs : que ce doux père nous enfante au Christ. Qu’il nous enseigne plus encore sa pédagogie spirituelle. Qu’il nous fasse à ce qu’il nous a appelés. Qu’il nous fasse devenir ce que nous sommes !
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« Père saint, garde mes disciples »
Nous voici au cœur de la prière sacerdotale de Jésus. Au soir de sa Passion, à l’heure la plus intense et la plus ultime de son ministère public, le Christ prie son Père. Nous connaissons par ailleurs ce dialogue intime : « Si cette coupe pouvait passer loin de moi, cependant non pas ma volonté, mais la tienne ». Mais avec ce long chapitre 17 de saint Jean, nous voyons que la prière du Christ s’élargit de façon ample. Il ne prie pas seulement pour lui-même. Il prie pour ses disciples et pour tous ceux qui croiront en son nom par la parole des disciples. Déjà le Grand Prêtre qui chaque année entrait dans le Saint des saints dans le Temple intercédait pour lui-même, pour sa famille et pour tout Israël. A Gethsémani et dans une grande prière d’intercession, le Fils unique porte devant le Père les siens et tous ceux qui croient en son nom. Et que demande-t-il ?
« Garde-les dans la fidélité à ton nom ». Au moment crucial de la Passion, la demande est précise, parce que le Christ sait bien ce qu’il y a dans le cœur de l’homme,, qui est « compliqué et malade » comme dit le prophète Jérémie. La fidélité voilà bien ce qui nous manque. Nous voudrions être performant, voir les résultats de nos efforts et de nos initiatives. En fait, il s’agit d’être simplement, si je puis dire, fidèles. C’est d’ailleurs notre dénomination, d’être des fidèles du Christ, ceux qui le suivent, dans le chemin qui est le sien. Au total, ce sera bien le chemin des Apôtres, de le suivre dans son chemin, même si ce chemin a pu être sinueux et tortueux. Ce chemin des Apôtres est le nôtre. Fidélité pour ceux qui reçoivent le baptême, la communion, la confirmation ; fidélité dans les épreuves multiples de la vie ; fidélité à celui qui ne nous assure pas un chemin pas plus confortable que le sien. La fidélité est un don et un cadeau de Dieu. Et nous avons besoin que le Christ intercède pour nous.
« Qu’ils aient en eux ma joie, et qu’ils en soient comblés ». Autre demande du Christ : que nous obtenions non seulement la joie, mais la même joie que celle qui l’habite. Joie du Fils de se recevoir du Père et d’être aimé de lui. Joie de travailler à sa vigne. Joie de faire sa volonté. Joie de le faire connaître et de mener tout homme sur ce chemin de bonheur. Voilà bien des joies qui renouvelle c que pourrait être l’horizon de notre propre joie. C’est bien cela la joie de l’Evangile dont nous parle le pape François. Cette joie parfaite dont le Christ veut que nous soyons comblés. Pensez-vous que le Christ demanderait en vain ce don du Père ? Pensez-vous que le Père ne soit pas assez puissant pour nous faire ce cadeau, cette grâce dans toutes les situations de notre vie, telle qu’elle est.
« Garde-les du Mauvais ». A l’heure de la Passion et du Vendredi Saint, il semble bien que le mal et la violence ait le dernier mot, que les ténèbres engloutissent le Fils comme un trou noir avale la matière qu’il attire à lui. Or, nous avons chanté dans la nuit de Pâques la victoire de la Vie sur la mort, de l’amour sur la haine, de la lumière sur les ténèbres. Le Christ entend bien que nous soyons garde de cette emprise du Mal sur nous, quelle qu’elle soit : emprise du malin, emprise du monde, mais aussi emprise de ce mal qui est également en nous. On peut vraiment dire que le Christ s’occupe de nous de façon délicate et miséricordieuse. Les parents font l’expérience de cet amour inquiet et impuissant qui souhaite que leurs enfants soient préservés de tout danger, de tout malheur. A plus forte raison, le Maître de nos vies qui veut notre bonheur demande au Père que nous soyons préservés. « Délivre-nous du Mal ».
« Sanctifie-les ». Comme lui-même est saint, le Saint de Dieu, il veut que nous soyons associés à Lui. C’est trop peu de le suivre de loin, C’est trop peu d’être des auditeurs, il s’agit d’être des disciples aimants, des enfants du Père. En cette nuit sainte de Gethsémani, il veut nous prendre en Lui. Que nous soyons associés à Lui, incorporés en Lui. Fils dans le Fils disait Origène au IVè siècle.
Cette nuit sainte de Gethsémani n’a pas de fin. Elle dure éternellement, parce qu’éternellement, le Fils intercède auprès du Père pour nous. A l’Ascension il a emporté notre humanité dans la gloire du Ciel. Son humanité, ses plaies, son côté ouvert ont été assumé dans la gloire de la divinité. Eternellement, et donc en cet instant unique, il s’occupe de nous. Il nous présente au Père. Chaque Eucharistie en est l’écrin. Chaque RDV de cœur à cœur peut également en devenir le réceptacle. La base est dans notre camp.