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Homélies - Page 32

  • « Père saint, garde mes disciples »

    21074839_p.jpg&sa=X&ei=VElYVcPGC4fdUY_4gKAE&ved=0CAkQ8wc&usg=AFQjCNEgsWxraaPtVoNxTD6oVADbctBy_QNous voici au cœur de la prière sacerdotale de Jésus. Au soir de sa Passion, à l’heure la plus intense et la plus ultime de son ministère public, le Christ prie son Père. Nous connaissons par ailleurs ce dialogue intime : « Si cette coupe pouvait passer loin de moi, cependant non pas ma volonté, mais la tienne ». Mais avec ce long chapitre 17 de saint Jean, nous voyons que la prière du Christ s’élargit de façon ample. Il ne prie pas seulement pour lui-même. Il prie pour ses disciples et pour tous ceux qui croiront en son nom par la parole des disciples. Déjà le Grand Prêtre qui chaque année entrait dans le Saint des saints dans le Temple intercédait pour lui-même, pour sa famille et pour tout Israël. A Gethsémani et dans une grande prière d’intercession, le Fils unique porte devant le Père les siens et tous ceux qui croient en son nom. Et que demande-t-il ?

    « Garde-les dans la fidélité à ton nom ». Au moment crucial de la Passion, la demande est précise, parce que le Christ sait bien ce qu’il y a dans le cœur de l’homme,, qui est « compliqué et malade » comme dit le prophète Jérémie. La fidélité voilà bien ce qui nous manque. Nous voudrions être performant, voir les résultats de nos efforts et de nos initiatives. En fait, il s’agit d’être simplement, si je puis dire, fidèles. C’est d’ailleurs notre dénomination, d’être des fidèles du Christ, ceux qui le suivent, dans le chemin qui est le sien. Au total, ce sera bien le chemin des Apôtres, de le suivre dans son chemin, même si ce chemin a pu être sinueux et tortueux. Ce chemin des Apôtres est le nôtre. Fidélité pour ceux qui reçoivent le baptême, la communion, la confirmation ; fidélité dans les épreuves multiples de la vie ; fidélité à celui qui ne nous assure pas un chemin pas plus confortable que le sien. La fidélité est un don et un cadeau de Dieu. Et nous avons besoin que le Christ intercède pour nous.

    « Qu’ils aient en eux ma joie, et qu’ils en soient comblés ». Autre demande du Christ : que nous obtenions non seulement la joie, mais la même joie que celle qui l’habite. Joie du Fils de se recevoir du Père et d’être aimé de lui. Joie de travailler à sa vigne. Joie de faire sa volonté. Joie de le faire connaître et de mener tout homme sur ce chemin de bonheur. Voilà bien des joies qui renouvelle c que pourrait être l’horizon de notre propre joie. C’est bien cela la joie de l’Evangile dont nous parle le pape François. Cette joie parfaite dont le Christ veut que nous soyons comblés. Pensez-vous que le Christ demanderait en vain ce don du Père ? Pensez-vous que le Père ne soit pas assez puissant pour nous faire ce cadeau, cette grâce dans toutes les situations de notre vie, telle qu’elle est.

    « Garde-les du Mauvais ». A l’heure de la Passion et du Vendredi Saint, il semble bien que le mal et la violence ait le dernier mot, que les ténèbres engloutissent le Fils comme un trou noir avale la matière qu’il attire à lui. Or, nous avons chanté dans la nuit de Pâques la victoire de la Vie sur la mort, de l’amour sur la haine, de la lumière sur les ténèbres. Le Christ entend bien que nous soyons garde de cette emprise du Mal sur nous, quelle qu’elle soit : emprise du malin, emprise du monde, mais aussi emprise de ce mal qui est également en nous. On peut vraiment dire que le Christ s’occupe de nous de façon délicate et miséricordieuse. Les parents font l’expérience de cet amour inquiet et impuissant qui souhaite que leurs enfants soient préservés de tout danger, de tout malheur. A plus forte raison, le Maître de nos vies qui veut notre bonheur demande au Père que nous soyons préservés. « Délivre-nous du Mal ».

    « Sanctifie-les ». Comme lui-même est saint, le Saint de Dieu, il veut que nous soyons associés à Lui. C’est trop peu de le suivre de loin, C’est trop peu d’être des auditeurs, il s’agit d’être des disciples aimants, des enfants du Père. En cette nuit sainte de Gethsémani, il veut nous prendre en Lui. Que nous soyons associés à Lui, incorporés en Lui. Fils dans le Fils disait Origène au IVè siècle.

    Cette nuit sainte de Gethsémani n’a pas de fin. Elle dure éternellement, parce qu’éternellement, le Fils intercède auprès du Père pour nous. A l’Ascension il a emporté notre humanité dans la gloire du Ciel. Son humanité, ses plaies, son côté ouvert ont été assumé dans la gloire de la divinité. Eternellement, et donc en cet instant unique, il s’occupe de nous. Il nous présente au Père. Chaque Eucharistie en est l’écrin. Chaque RDV de cœur à cœur peut également en devenir le réceptacle. La base est dans notre camp.

  • « Un grand prophète s’est levé parmi nous ! »

    gigi-proietti-e-san-filippo-neri-nella-fiction-rai-preferisco-il-paradiso-175442.jpg« Un grand prophète s’est levé parmi nous ! » (Lc 7,16)

    A la vue du miracle où le Christ ressuscite le fils de cette veuve, la foule jubile et laisse exploser sa joie. Dans la ferveur, les mots fusent. C’est lui le grand prophète, celui qui apporte enfin la consolation d’Israël. Et puis le grand prophète changea de village, il pris la route de Jérusalem. Qui de Naïm l’a suivi ? Qui a reconnu le Fils de Dieu ? Aujourd’hui même, il n’y a plus un seul chrétien dans ce petit village au pied du Mont Thabor.

    Cette lecture est choisie en cette messe votive de St Philippe. Elle est directement choisie en référence au miracle du 16 mars 1583 où St Philippe a ramené le jeune Paolo Massimi à la vie pour quelques instants. Ce miracle comme tant d’autres, sans compter ceux que nous découvrirons au Ciel, sont là pour attester l’incroyable source de grâce qui déborde la les gestes et les paroles de notre saint. Et les litanies composées par le bx John Henry Newman ne sont pas en reste pour nous faire regarder le Socrate romain comme on regarde un diamant, face par face : Père très doux, Martyr de la charité, Perle du sacerdoce, Modèle d’humilité, Apôtre de Rome, Voix prophétique.

    Et justement. Voix prophétique. Par sa vie, par son ministère, Philippe a exercé une fonction prophétique. De lui également les romains ont pu s’exclamer avec ferveur : un grand prophète s’est lever parmi nous !  Il est le prophète qui avertit, qui tance ou qui exhorte. Il est le prophète qui accomplit les hauts faits de Dieu en guérissant, ressuscitant ou nourrissant. Il est le prophète qui montre le chemin de la ferveur et de la conversion.

    Nous voici donc aujourd’hui réunis à Paray le Monial pour rendre grâce au Seigneur d’avoir donné à son Eglise ce prophète. Voici 500 ans que cette grâce a été donnée. Voici 500 ans qu’elle rayonne au milieu de tant d’autres figures avec lesquelles il aura contribué à raviver la ferveur éteinte au cœur même de l’Eglise romaine. Et depuis 500 ans, ses disciples ne cessent de regarder en lui cette grâce prophétique pour y trouver une source puissante d’action dans le génie de chaque époque et de chaque culture.

    Je vous laisse 3 facettes de ce diamant prophétique qui m’ont particulièrement touché : Elisée, Jérémie et Jean Baptiste

    Tel Elisée, mais aussi comme le sera le Seigneur Jésus lui-même, il est saisi de pitié, remué aux entrailles pour les détresses humaines et spirituelles qu’il croise. Il est remué aux entrailles au point d’agir pour elles. Parce que la charité le brûle et le pousse, il ne se regarde pas. Dans ce mouchoir de poche qu’est la Rome du XVIème, il va et il vient au gré de la grâce, sans se regarder, sans regarder l’œuvre de ses mains. Voilà qui fonde le dynamisme de l’Oratoire qu’il a fondé malgré lui. Nos Oratoires n’auront pas plus à se regarder, et encore moins à se célébrer. Pour nos Oratoires, comme pour chacun de nous, la charité urge, et elle nous pousse là où l’Esprit mène notre sollicitude communautaire et pastorale. A notre porte, dans nos quartiers, dans nos villes, partout et à chaque fois que l’Esprit nous remue aux entrailles.

    Pourtant, pas plus que pour le prophète Jérémie, la parole dont il est le serviteur ne lui est consolante. « Mon cœur s’agite en moi » (Jr 4,19) ; « Pourquoi ma souffrance est-elle continue, ma blessure incurable ? (Jr 15,18). Quand St Philippe se regarde, c’est dans la lumière implacable de celui qui l’a blessé d’amour. S’il se regarde, c’est pour laisser monter en lui les larmes de la contrition. Oui, sans la grâce divine il n’est rien. Oui, sans l’aide du Seigneur Jésus, il pourrait même le trahir. Ses oraisons jaculatoires nous ouvrent son cœur de disciple et de prophète. Cœur habité certes, mais cœur inquiet, sans repos tant que le Christ n’a pas pris toute sa place. 500 ans plus tard, la charité urge et elle nous pousse à nous convertir, parce que justement l’Oratoire et une école de charité, là où nous continuons à apprendre encore et encore. Une école : c’est bien ce que disent nos constitutions. L’Oratoire n’est pas un plage où l’on se prélasse, ni un hôpital où l’on attend une guérison, ni un salon où l’on cause, mais une école où l’on apprend à se convertir. Vivre, c’est changer dit le bx John Henry Newman. Vivre, c’est donc apprendre.

    Tel St Jean Baptiste dont il eut une apparition, il se tient légèrement de côté pour attirer au Christ ceux qu’il prend dans ses filets. Mener au Christ par tous les moyens d’un pédagogie qui n’a pas de méthode, on l’a souvent dit. Mener au Christ par la joie, la ferveur, la bonhomie, la simplicité, le chant, bref par tout ce qu’il y a de bon et de beau dans le cœur humain. Mener au Christ pour faire goûter une expérience qui a enflammé son cœur de florentin parachuté au cœur de Rome. Il aura toujours conscience de n’être que la voix au service de la Parole. Pour ses disciples, de quelque état de vie qu’ils soient, voilà bien une méthode : se tenir à la juste place de celui qui désignera toujours le seul Maître, le seul Epoux, le seul Christ. Que faire d’autre, que même désirer d’autre ?

    Saint Philippe, « du haut des cieux regarde et vois » tes enfants qui sont en France. Ils ont l’accent chantant de l’hyérois, rocailleux de Bourgogne, traînant de Lorrain, ou même un peu parigot. Regarde cette vigne que tu as plantée de l’autre côté des Alpes. Continue à exercer pour eux ta figure prophétique et donne-leur d’y conformer leur vie, leur attachement communautaire et leur apostolat. Sois leur voix, que l’on puisse à nouveau s’exclamer de toi : « un grand prophète s’est levé parmi nous ! »

  • "C'est bien moi !"

    jesus-ressuscite-apotres-ii.jpgPour ce troisième dimanche de Pâques, nous voici à nouveau au soir de la résurrection, avec cette apparition du Christ ressuscité à ses disciples. Nous sommes au Cénacle, dans la chambre haute. Résumé des épisodes précédents : les femmes étaient allés de grand matin au tombeau qu’elles avaient trouvé vides. A leur retour les disciples ne les ont pas cru. Il apparaît à ceux qui repartent vers Emmaüs, mais ils ne le reconnaissent pas enfermés qu’ils sont dans leur tristesse et leurs espoirs humains démentis. Leurs yeux ne s’ouvriront qu’à la fraction du pain. A leur retour, ils sont comme confirmés par la joie des apôtres qui témoignent d’une apparition à Simon-Pierre. Le fait de la résurrection leur est acquis, semble-t-il, mais la réalité, la présence du Christ ressuscité, pas encore. C’est qu’ils n’ont pas encore fait l’expérience de cette présence.

    Et enfin, toutes portes closes (nous dit l’Evangile selon st Jean), voici Jésus qui se tient là au milieu d’eux. Pas besoin d’un portier, pas plus qu’au tombeau pour rouler la pierre. Le corps glorieux du Christ ressuscité échappe au temps et à l’espace et le voici qui se tient devant eux, au milieu d’eux. A eux qui vont devenir des témoins, le Christ leur fait ce cadeau, cette miséricorde du don de sa présence. Présence glorieuse certes, mais présence tout aussi réelle. Ce n’est pas un fantôme, ni un esprit, ni un hologramme. C’est bien moi. Les plaies, les mains, les pieds, et même le poisson grillé grillé qu’il demande en nourriture sont là pour convaincre les Apôtres à la réalité de ce corps. Le Corps ressuscité est bien ce corps humain qu’il ont connu, même s’il est déjà du côté de la gloire. C’est que la gloire assume l’humanité du corps. « C’est bien moi ».

    Et commencent donc ces 40 jours de présence intime et familière du Christ ressuscité avec ses apôtres. Je dis intime et familière, parce que l’Evangile reste discret sur le contenu de ces 40 jours. 40 jours d’instruction et d’enseignement où il ouvre les yeux de leur intelligence sur le mystère de sa vie publique, de son identité : « il fallait que s’accomplisse tout ce qui est écrit de moi dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes » leur dit-il. 40 jours de retraite préparatoire au don intérieur de l’Esprit Saint qui les lancera sur les chemins du témoignage jusqu’au don de leur vie dans le martyre. 40 jours de cœur à cœur, dont ils font l’expérience, dont ils goûtent la présence.

    Et voilà qui peut nous intéresser ce matin, à la suite de ce que les enfants ont médité hier soir à propos de la prière. Vous avez appris une méthode pour prier : bonjour, merci, pardon, s’il te plait, je t’aime. 5 mots, comme 5 doigts de la main qui donnent un chemin pour faire l’expérience du cœur à cœur avec le Seigneur, avec le Christ ressuscité.

    Bonjour. Pour les apôtres, comme pour nous, il s’agit d’accueillir la présence personnelle du Christ ressuscité. Il n’est pas une idée ou un concept, il est une personne qui attend établir une relation de personne à personne avec chacun de nous.

    Merci. Avant toute autre demande ou supplication, nous lui exprimons notre gratitude. Merci d’être là. Merci d’être ressuscité. Merci d’être la vie et la lumière de nos vies. Merci de ce qui est déjà donné. Toute notre fraction du pain de ce jour, est action de grâce, un merci adressé au Père.

    Pardon. Les Apôtres ont du passer par cette demande de pardon pour leur incrédulité, pour leur nuques raides et leur fuite au moment même de la Passion. Nous ne sommes pas plus valeureux qu’eux. Nous avons besoin de demander ce pardon pour nos absences.

    S’il te plait. Alors le temps de la demande : demande simple et directe, demande audacieuse.

    Je t’aime. Un peu, beaucoup, passionnément. Le Christ ressuscité posera cette question à Pierre au bord du lac. Et il s’agit de faire nôtre sa propre réponse. Pour Pierre, elle vient assumer son triple reniement en lui confiant la charge pastorale. Pour nous, notre réponse d’amour sera réponse à Celui qui sollicite notre liberté et notre propre présence. Ce sera comme le point d’orgue de cette présence du Christ ressuscité que nous goûtons.

    Bonjour, merci, pardon, STP, je t’aime. Voilà le chemin qui nous fera faire le pèlerinage de notre vie, les 30 cm qui séparent notre front de notre cœur. Nous passerons de l’idée à la présence, du concept de résurrection à l’expérience du ressuscité.

  • A qui laves-tu les pieds ?

    Lavement-pieds-Rembrandt.jpgC’est la question que St Jean Chrysostome posait aux anachorètes, aux ermites de son patriarcat de Constantinople au début du Vème siècle. Je vous propose de rester avec cette question au cœur de ce Jeudi Saint, au moment où nous allons revivre ce geste du Christ au soir de sa passion volontaire.

    A qui le Christ lave-t-il les pieds ? Le Christ lave les pieds de ses Apôtres en ce soit où ils avaient déjà satisfait bain rituel, le miqvé, qui les rendait purs pour célébrer la Pâque. Jésus innove en leur lavant les pieds au moment même où il va également innover dans le repas rituel de la Pâque juive. Alors que ce pain et ce vin devaient être consommé en silence, il institue le mémorial de son Corps et de son Sang. En lavant les pieds, il institue le quasi mémorial de sa charité.

    Jésus lave les pieds de ses 12 hommes, parce qu’en ce soir de la Pâque, il lave les pieds de toute l’humanité pour laquelle il monte vers sa Passion volontaire. Devant chaque homme, il s’arrête, s’abaisse, fait couler l’eau vive de sa vie, essuie et embrasse cette humanité qu’il vient sauver. En lavant les pieds de ses disciples, il annonce par un geste prophétique le cœur même de sa mission, et donc de celle à laquelle ils participeront : servir en s’abaissant. C’est le secret de l’amour, d’un amour qui s’abaisse jusqu’au sol pour mieux relever, d’un amour qui consent à se faire petit, petit comme l’Eucharistie, petit comme ce geste du lavement des pieds

    Jésus lave les pieds de ses Apôtres pour qu’ils comprennent et vivent leur service, leur ministère apostolique, comme le Maître lui-même comprend et vie sa mission d’envoyé du Père. Il n’est pas venu pour être servi mais pour servi. En refaisant ce geste, les Apôtres de tous les temps se souviendront que pour servir, il faut s’abaisser. Quels qu’ils soient, évêques ou prêtres, les ministères à la suite des Apôtres auront à comprendre et à vivre leur ministère comme le Maître lui-même l’a compris et vécu.

    Ainsi donc, ce geste déborde largement le cadre de cette célébration, et de 2 façons. A qui laves-tu les pieds ? Ce soir, le célébrant va laver les pieds non pas de 12, mais de 6 hommes. En accomplissant ce geste que St Bernard qualifiait de sacrement de la charité, nous voici au cœur du Jeudi Saint et du ministère de l’amour de Dieu pour nous, d’un amour si proche qu’il s’abaisse pour se mettre à notre service. C’est plus qu’un rappel pour les prêtres que nous sommes, c’est presque le mémorial de la charité pastoral à laquelle nous sommes appelés pour vous.

    Par ailleurs, parce que le Christ demande de l’accomplir mutuellement, ce geste est également la clé de des relations nouvelles qu’il entend instituer entre ses disciples, et pas seulement dans la manière dont les Apôtres devront exercer leur charge. A qui laves-tu les pieds ? La question est posée à chacun de nous. Au-delà du geste, quel part de don et de service y a t-il dans tes relations avec les autres ? Dans ton couple, dans ta famille, dans ton groupe d’amis, dans ta paroisse, dans ton aumônerie, dans tes activités professionnelles, sociales et même caritatives ?

    Le geste de ce soir déborde largement le cadre strict de cette célébration. Sais-tu t’abaisser pour te mettre au service, non pour te mettre en valeur (voyez comme je suis serviable), mais par humilité pour exprimer à l’autre que tu es touché par sa détresse, par ce qu’il vit, au point d’agir pour lui, par un mot, une présence, un silence, une action.

    St Jean Chrysostome était sévère pour les ermites parce qu’il estimait qu’il avait choisi la solution de facilité : suivre Dieu en se débarrassant de la contrainte des frères et du prochain. A qui laves-tu les pieds leur demandait-il ? Ce soir, la question résonne pour chacun de nous. Ce geste t’es donné pour que tu y proportionne ta vie. Là encore le terme de proportion est un peu chiche. La mesure de l’amour est d’aimer sans mesure disait St Bernard.

    « C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous » (Jn 13,15). Pour que vous fassiez vous aussi… Nous n’échapperons pas à cet impératif de l’amour et de la charité. S’il me manque l’amour, je ne suis rien nous rappelle sans Paul. Voilà la clé unique d’interprétation de la Passion volontaire du Christ. Voilà la clé unique pour comprendre la place des ministères à la suite des Apôtres. Voici la clé de toute vie, de nos vies, quelles qu’elles soient.

    Ce soir où le Christ laisse sa vie s’écouler en offrande d’amour, nous laisserons le Père recueillir cette offrande. A sa suite et à son invitation, nous consentirons à l’imiter en lavant les pieds de ceux qui nous sont proches.

  • Qui seras-tu dans cette Semaine Sainte ?

    Rameaux.jpgUn hymne de la fête de ce jour dit : « Voici que s'ouvrent pour le Roi les portes de la Ville : Hosanna ! Béni sois-tu, Seigneur ! Pourquoi fermerez-vous sur moi  la pierre du tombeau, dans le jardin ? »

    La fête de ce jour est déconcertante si l’on y regarde bien. Les portes s’ouvrent pour le Roi et finalement le tombeau se ferme sur le Crucifié. Au début nous avons chanté avec les foules en liesse : Vive le Roi ! Hosanna au Fils de David. Et finalement nous avons entendu les foules, peut-être mêmes que sont les mêmes, crier : A mort, crucifie le !

    Même le Rouge dominant de ce jour est bien ambigu : le rouge triomphant du Roi, le rouge écarlate du crucifié. Même nos palmes posent question : acclament-elle le Messie triomphant ou sont elles l’instrument de la flagellation du Messie souffrant ? Et c’est bien avec ces deux figures qu’il nous faut entrer dans la semaine sainte, celle de l’onction à Béthanie, celle du dernier repas, celle de Gethsémani, du Golgotha et du jardin du tombeau.

    Le Christ triomphant qui entre à Jérusalem voit sans doute la gloire à portée de mains. Les disciples joyeux entrevoient déjà l’avènement du Messie tant attendu. Ils seront les premiers dans le Royaume des Cieux, eux qui l’ont suivi et qui participent à cet instant à sa victoire. Mais Jésus ne veut ni de cette gloire, ni de cette victoire. L’entrée à Jérusalem n’est que le prélude éphémère à la victoire de la Croix. Pour nous faire entrer dans le royaume de Dieu, il faut que le Christ se fasse serviteur jusqu’au bout. Pour nous introduire dans la gloire du Père, il faut que le Messie se fasse non seulement pauvre, mais qu’il s’abaisse dans cette semaine sainte, qu’il s’abaisse jusqu’à la mort et la mort de la Croix. Nous venons d’entendre que peu le suivent sur ce chemin. Quelques femmes, quelques hommes. Qui serons-nous dans cette semaine ? Joindrons-nous nos voix à la foule ambiguë qui l’acclament en ce jour ? Nous faufilerons nous dans le petit cercle des disciples qui célèbrent en secret la Pâque et son dernier repas ? Oserons-nous porter la croix comme Simon de Cyrène ? Joindrons-nous notre prière à celle du bon larron ? Comme Nicodème ou Joseph d’Arimathie ou ces femmes témoignerons-nous d’un peu de tendresse au corps crucifié descendu de la Croix ? Ou serons-nous des spectateurs, des badauds de plus ?

    Cette fête nous déconcerte, parce qu’elle ouvre une semaine qui nous déconcerte. Mieux, elle va nous altérer, nous changer, en fait elle va nous sauver.