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Homélies - Page 34

  • Veillez

    avent_10.jpgCe dimanche, nous entrons dans l’Avent avec cette recommandation du Seigneur : Veillez. Dans l’Evangile que nous venons d’écouter, le verbe arrive pas moins de 5 fois. S’il faut veiller, c’est attendre l’arrivée, le retour du Christ, cela implique de développer la vigilance et la patience. Voilà 2 dispositions propres à l’Avent, la vigilance et la patience.

    Etre vigilant, c'est-à-dire être attentif, dirigé vers ce que nous écoutons, attendons. Notre écoute, notre vue, notre conscience, bref tout notre être sont éveillé, comme un téléphone portable prêt à recevoir une communication. Eveillé, et non pas en mode veille…

    Être patient, c'est-à-dire, souffrir d’attendre, éprouver le temps qui passe, sans perdre la mémoire de ce que nous attendons, sans se décourager, sans que l’indifférence ne nous gagne.

    Voilà notre veille de l’Avent, pas très longue, à peine 4 petites semaines, manifestées par ces 4 bougies de nos couronnes de l’Avent, par ces 4 fenêtres des lanternes des enfants. Voilà notre veille, celle de toute l’Eglise. Mais au fond, mis à part l’injonction du Christ, qui n’est pas sans rappeler celle adressée à ses apôtres au jardin de Gethsémani, qu’est-ce qui peut donner sens à notre attente vigilante ?

    Nous veillons dans l’attente du retour du Christ qu’il a promis. Vous me direz que cela 2000 ans et alors ? Les premiers chrétiens pensaient que cela arriverait de leur vivant ? Et notre génération se serait habituée à ce que ce retour tarde ? Pourtant nous le disons à chaque Eucharistie : nous attendons ton retour dans la gloire. Nous l’attendons et nous le désirons. C’est bien le sens de tout Avent. Nous l’attendons et nous le proclamons. Ce pourrait être le thème de cet Avent 2014. Il vient…

    Nous veillons pour nous-mêmes, parce que nous consentons à ce que cette attente comble notre désir. Nous veillons pour nous-mêmes parce que nous croyons que le Christ peut réaliser cette promesse, celle du ciel nouveau, celle où il viendra tout combler de sa présence, celle d’un Royaume sans fin, de justice, de paix de vérité et d’amour.

    Nous veillons avec tous ceux qui veillent. Et ils sont nombreux dans l’Eglise ceux qui veillent. Le pape a voulu que s’ouvre aujourd’hui lune année de la vie consacrée. Ces hommes et femmes proclament par leur vie concrète qu’il y a autre chose à attendre en vivant dans ce monde. Par leur style de vie, ils nous disent que l’argent ne comble pas, qu’il y a autre chose que la recherche de soi et la conquête d’un pouvoir sur les autres. Leur mode de vie veut instaurer dès maintenant des relations où la vie fraternelle peut vivre la charité, où l’autorité peut être vécue sans pouvoir. Par leur vie, ils nous montrent déjà la vie du Royaume qui vient. Au long de cette année et en veillant avec eux, nous accueillons ce Royaume à venir.

    Nous veillons pour ceux qui souffrent d’avoir trop veillé. Et ils sont nombreux ceux qui souffrent d’avoir trop attendu, seul dans leur lit d’hôpital, loin de leur maison ou de leur patrie dans des camps de réfugiés ou dans des prisons. Ceux qui ne savent plus attendre au long des nuits qui n’en finissent plus, nuits d’épreuves et d’angoisses, nuits vides, dénués de toute promesse. Et ils sont nombreux. Et il nous arrive d’être de ceux là. Dans notre Avent, nous veillerons également avec eux.

    Nous veillons pour ceux qui ne veillent plus, qui ont préféré ne pas attendre le Royaume qui vient, choisissant ce que le royaume terrestre leur offre. « Mangeons et buvons, demain nous mourrons ! » disait le prophète Isaïe à ceux qui vivent sans espérance. Les différents temples de la consommation offrent des nourritures qui vont combler tous ceux qui pourront fêter les fêtes de fin d’année comme on dit. C’est la magie de Noël, en ville, sur les publicités, dans les devantures. Il y une opulence qui est outrageante dans une société où l’accès aux biens élémentaires est si inégales. Mais il y a une surconsommation qui révèle combien il est tentant de ne plus être comblé par un autre. Même les enfants font des listes de cadeaux, qui ne sont plus qu’un dû. Veiller, c’est attendre de l’autre ce qui me comblera, quand il le voudra, comme il le voudra. Un peu de décentrement de soi ne fait pas de mal à personne.

    Nous veillons ce dimanche et pendant tout cet Avent. Que le Seigneur entende la douce mélodie de notre veille. Que cette attente ranime et réveille nos cœurs tournés sur eux, pour qu’il se tourne vers ce Dieu qui vient.

  • Ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes

    vie-fraternelle-ciric-daniele-colarieti-cpp.jpgNous l’avons entendu dans la 2ème lecture. Saint Paul exhorte cette communauté de Philippes à la communion fraternelle. Il les aime bien cette poigne de juifs devenue chrétiens, sans doute embrasés par le témoignage passionné de Lydie une marchande de pourpre qui avait accueilli Saint Paul chez elle.

    Dans une lettre où l’affection pastorale se mêle aux recommandations exigeantes, voici qu’il les exhorte à la communion, à la charité fraternelle. Ayez les mêmes dispositions, le même amour, les mêmes sentiments. Recherchez l’unité. Ne soyez jamais intrigants, ni vantards, mais ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes. Et la finale : que chacun ne soit pas préoccupé de lui-même, mais des autres.

    Ainsi donc, ils les exhorte à l’unanimité de cœur, il les invite à être au diapason les uns des autres. Pas de division, pas de médisante, pas de susurration, pas plus de mesquinerie ni de parole malveillante. Cette exhortation faite à une communauté qui avait peut-être perdu sa ferveur première rejoint toutes les communautés chrétiennes quelles qu’elles soient. C’est vrai d’un couple, c’est vrai d’une paroisse, d’une communauté religieuse, d’une aumônière ou d’une conférence.

    Le pape François rappelait le 27 août dernier combien ce démon de la médisance pouvait faire des ravages dans une communauté de disciples du Christ. Tout ce qui rassemble et unit vient de Dieu. Tout ce qui sépare et divise vient d’un autre. Et il nous faut reconnaître lucidement et humblement que nous y contribuons, d’une manière ou d’une autre. Les différences de générations qui l’objet de critiques réciproques : les jeunes pas assez ceci… les anciens trop cela… Les différences de sensibilité. On se regarde : comment communie-t-il ? comment chante-t-elle ? Les différences sociales qui sont importées dans la communauté chrétiennes et qui restent des liens de démarcation. Et les multiples différents qui empêchent la joie de se rencontrer en frères et sœurs d’un Christ qui est venu partager notre condition humaine, au point de s’y abaisser jusqu’à la mort et la mort de la croix. Voilà le point où Saint Paul propose à toute communauté chrétienne de se rencontrer, de se retrouver. « Ayez en vous les dispositions que l’on doit avoir dans le Christ »

    Comment avoir les dispositions qui étaient dans le Christ. C’est précisément celles que je citais au début : ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes. La vraie communion fraternelle est donc celle qui ne nous met pas en surplomb par rapport aux autres, au contraire. Bien au contraire. Saint Vincent de Paul que nous honorons tout particulièrement aujourd’hui, avec les conférences fondées par le Bx Ozanam insistait sur le fait que les pauvres sont nos maîtres, au service desquels nous ne sommes mêmes pas dignes d’être.

    Ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes. C’est dans un couple, et d’ailleurs c’est une des lectures proposées pour la célébration du sacrement mariage. Et c’est également vraiment dans toute communauté chrétienne. Nos relations humaines peuvent être compliquées à cause de nos peurs, de nos a priori, de nos colères, de nos jalousies, ou de tout ce qui les encombrent et altèrent. A cause du Christ, elles seront élevées et ennoblies si nous entrons dans une relation plus simple et plus humble. Et pourquoi pas ?

    Et pourquoi pas puisque c’est bien ainsi que le Dieu trois fois saint est venu nous sauver. Il n’est pas venu d’en haut, mais d’en bas. Les pauvres pécheurs que nous sommes ont été approchés par celui qui c’est fait le très bas, jusqu’à la mort et la mort de la Croix. Il s’est fait le serviteur, le rejeté crucifié en dehors de la ville. Le Fils a d’abord vu en nous la beauté de l’image divine que Dieu avait façonnée en nous. Il n’a eu de cesse que de la restaurer par quelques miracles, pour que son œuvre de rédemption nous remette sur le chemin de la ressemblance.

    Chers amis, nous sommes les disciples d’un Dieu humble, qui s’est abaissé et humilié pour nous. Avant de l’imiter, avant d’en faire la règle de notre vie, il s’agit de le regarder, le contempler et de le confesser. A la prière de Monsieur Vincent, demandons que ce regard transperce notre cœur, pour que nos yeux et nos mains s’ouvrent.

  • La vie n’est pas un long fleuve tranquille

    le-quesnoy.jpgCe n’est pas un scoop, contrairement à la finale du film en question. Décidément non, la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Vous et moi en faisons l’expérience quotidienne. Les vacances ont pu nous le faire oublier un temps, mais la réalité de nos vies est là pour nous le rappeler. Nos vies telles qu’elles sont, vies familiales, vies professionnelles, vie sociale au sens large du terme, sans compter les drames du monde qui arrivent chez nous chaque soir à 20h. Nous pourrions rêver autre chose, mais la réalité est là, rude et éprouvante à certains moments.

    La foi se présente à nous d’une façon curieuse par rapport à cette vie. D’un côté, le Seigneur nous invite à venir à lui, à nous reposer en lui, à nous décharger en lui de toutes nos peines, de tous nos soucis, de toutes nos épreuves. Et l’espérance que les miracles qu’il fait dans l’Evangile ne sont pas des moindres. Après tous, il guérit, libère, console et restaure une humanité blessée qui lui crie de venir à son secours, et non sans résultat.

    D’un autre côté, il y a l’Evangile d’aujourd’hui. Si nous voulons être son disciple, il faut prendre notre croix et le suivre, là où il va, c'est-à-dire traversant la souffrance et la passion, jusqu’à la mort et la mort de cette croix infamante. Saint Pierre n’est pas en reste du côté de l’incompréhension. Suivre un Messie triomphant, le Fils de l’Homme qui vient de la fin des temps pour sauver et restaurer toute l’humanité blessée, voilà qui est bien enthousiasmant. Mais suivre le Messie souffrant, celui qui descend dans ces profondeurs dont nous souhaiterions bien être délivrés, voilà qui est bien déconcertant. Comme peut-on suivre celui qui, à vue humaine, va perdre ? Comme peut-on suivre cet homme qui annonce qu’il va à l’échec de sa mission, démentant ainsi tant et tant d’espoirs humains mis en lui. Ces paroles sont dures, qui peut les comprendre, précisera l’évangéliste Saint Jean, ajoutant que beaucoup le quitteront, cessant justement de le suivre.

    Ce dimanche, il nous faut entendre que la suite du Christ n’est pas confortable. Pour deux raisons. Elle n’est pas confortable parce que c’est bien un Messie souffrant qui nous sauve. Souffrant, défiguré, réduit à l’impuissance sur la Croix. C’est le mystère pascal qui nous sauve. La prédication de Jésus nous y prépare. Les miracles viennent susciter notre foi au Maître de la vie. Mais ultimement, c’est le mystère pascal qui nous sauve. Et cela nous est rappelé par nos crucifix. Ils sont le rappel permanents de ce qu’il y a de fou dans le monde, comme dit Saint Paul. Nous sommes sauvés par ce Fils de Dieu qui a à ce point partagé les méandres de nos existences humaines, sauf le péché, qu’il descend jusqu’à l’impasse de la vie humaine, cette mort là. L’esthétique et l’histoire de l’art nous montrera des Christ romans ou des Christ baroques, des Christs mourant ou des Christ morts, mais toujours le rappel de ce qu’il y a d’incontournable, nous demandant de lever les yeux vers celui qui a été transpercé.

    Mais la suite du Christ n’est pas confortable pour une seconde raison. Il s’agit de le suivre dans ce chemin. Il le dit lui-même : porter soi-même sa propre croix, ou encore renoncer à sa vie, à son propre confort, à son amour propre, à sa volonté propre. C’est donc qu’il nous entraîne dans ce chemin qui n’est pas confortable pour lui-même. C’est qu’il y a une fécondité à donner et à se donner. Il y a une vraie fécondité à accepter ce travail de dépouillement, de conversion, comme chaque Carême nous le rappelle. Il y a également, et c’est sans doute le plus difficile à entendre, une fécondité à espérer de nos souffrances, de nos épreuves, tant qu’elles sont vécues avec lui. Je ne dis pas de les chercher, mais de les vivre avec lui.

    Un psaume affirme : dans ta lumière, nous voyons la lumière. En le paraphrasant, on peut dire : dans ta souffrance, nous voyons nos souffrances. Si ton mystère sauve nos vies, il sauvera tout de nos vies, parce que tout a été assumé. Certes la vie n’est pas un long fleuve tranquille, mais par Lui, avec Lui et en Lui, nous savons que nous ne sommes plus seuls, et nous portons sur nos vies et sur celles des autres, le regard que le Dieu plein d’amour et de vérité porte.

  • La paix soit avec vous

    Divine.jpg« La paix soit avec vous » dit le Ressuscité. Une phrase de salutation et de bienvenue qui prend un sens et une portée toute particulière. Vous avez remarqué que le Christ le dit 2 fois, à chaque apparition à ses disciples réfugiés dans la chambre haute, où la peur et la crainte les tenaient enfermés.

    En ce 2ème dimanche de Pâques, en ce jour si particulier que le pape Jean-Paul II, saint Jean-Paul II a voulu consacré à la miséricorde divine, nous voit donc avec ce don de la paix que le Christ ressuscité apporte à ces disciples. Le don de la paix, mais de quelle paix s’agit-t-il ?

    D’abord, la paix pour ceux qui sont enfermés. Saint Jean-Paul II avait commencé son ministère pontifical avec cette autre salutation du Christ : « n’ayez pas peur ! ». Au soir du 1er jour comme au jour du 8ème jour, Celui qui a franchit les portes de la mort vient communiquer une paix bien consolante et surtout une paix du cœur qui chasse toute crainte, toute inquiétude, toute appréhension. De quoi avaient-ils peur ? D’être mis à mort à la suite du Maître ? D’être dénoncés comme agitateurs ? Peur de perdre ? Mais peur de perdre quoi d’autre, au moment où leur Maître semblait leur avoir été définitivement retiré. Avaient-ils encore réellement quelque chose à perdre ? N’ayez pas peur, recevez ma paix, leur dit le Seigneur ressuscité. Vous n’avez plus rien à perdre, au contraire tout à gagner : recevoir la paix, l’Esprit Saint, la miséricorde.

    Ensuite la paix de l’Esprit Saint. Recevez l’Esprit Saint dit-il en soufflant sur eux, comme le Créateur avait insufflé à l’homme un souffle de vie au matin de la création. Au soir de la création nouvelle, le Dieu paisible et pacifiant vient mettre au plus profond d’eux l’Esprit de puissance et de paix, l’Esprit Consolateur, l’Esprit miséricordieux. Première Pentecôte, avant l’heure. Avant de souffler sur eux, le Christ présente son côté ouvert, ses mains et ses percés. Voici une source ouverte qui ne se tarira pas, jamais, jusqu’à aujourd’hui. Source dynamique de paix et de miséricorde. Il souffle sur eux, et il ouvre en eux cette source. En cet instant, il se fait torrent pour ces cœurs lents à croire mais tout disponibles à la grâce de la résurrection.

    La paix de la miséricorde. Nous l’avons rappelé dans la prière d’ouverture. Dieu est d’une miséricorde infinie. Le mystère de Pâques que nous avons traversé n’a pas fait que nous le rappeler. Il nous l’a fait vivre. Et ce n’est pas rien que cette miséricorde de Dieu, sensible à notre misère, communiant à notre situation et à notre détresse, plein d’amour et de tendresse. Par miséricorde pour nous, il s’est incarné. Par miséricorde pour nous, il s’est abaissé, il s’est offert, il a traversé la mort. Pour nous et notre salut, il n’est que miséricorde.

    La paix de Pâques, c’est donc la paix de la miséricorde et du pardon donné à tout homme. Quand il souffle sur ces apôtres, il leur donne ce pouvoir miséricordieux de remettre les péchés.

    Le 30 avril 2000, saint Paul II a canonisé la jeune religieuse Faustyna Kowalska, l’apôtre de la miséricorde divine. Au fond de son petit couvent de Cracovie, elle avait reçu cette apparition du Christ qui est miséricorde. De son côté ouvert, les rayons blanc et rouge dévoilent le déversement de grâce promis à ceux qui se confient à Lui.

    Nous sommes comme cette petite religieuse, comme les apôtres reclus au Cénacle, nous sommes les destinataires de cette paix. Dans cette Eucharistie comme dans chaque instant de nos vies, il y a à portée de main et de regard, cette paix, cette miséricorde du Christ ressuscité. Elle vient frapper à la porte de nos vies, comme de toute vies. Elle vient discrètement se faufiler comme une eau vivifiante. Elle vient nous rénover. Elle vient rénover toute l’humanité.

    C’est ce qu’affirmait saint Jean-Paul II lors de cette canonisation : « Comme les Apôtres autrefois, il est toutefois nécessaire que l'humanité d'aujourd'hui accueille elle aussi dans le cénacle de l'histoire le Christ ressuscité, qui montre les blessures de sa crucifixion et répète:  Paix à vous! Il faut que l'humanité se laisse atteindre et imprégner par l'Esprit que le Christ ressuscité lui donne. C'est l'Esprit qui guérit les blessures du coeur, abat les barrières qui nous éloignent de Dieu et qui nous divisent entre nous, restitue la joie de l'amour du Père et celle de l'unité fraternelle »

    Merci à Dieu de nous avoir manifesté sa paix. Merci pour sa miséricorde. Merci pour les apôtres de sa miséricorde qu’il nous donne. Merci pour saint Jean XXIII, pour saint Jean-Paul II

  • Jésus passe de ce monde au Père

    lavement_pieds_fanous.jpg« Avant la fête de la Pâques, Jésus, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu'au bout ». (Jn 13,1)

    Ce soir, nous voici donc au cœur de l’incarnation du Christ. C’est cette Heure tant annoncée. C’est le moment de son passage, de sa Pâques. Et saint Jean insiste, l’heure de passer de ce monde à son Père. Jésus passe. En cette nuit de la Pâque juive, nuit de la sortie d’Egypte, nuit du passage de la Mer Rouge, Jésus lui-même passe de ce monde à son Père. Et il y passe par amour, dans un acte extrême d’amour inconditionnel.

    Jésus passe. Il avait passé en faisant le bien, rappelons-nous, sur les routes de Galilée et de Judée, guérissant et soulageant, réconfortant et enseignant. Il a passé en faisant le bien, et il est plutôt bien passé. Les foules ont suivi, elles ont été séduites, retournées. Ont-elles été converties ? C’est autre chose. Plus largement, tout le mystère de l’incarnation du Christ est dans ce passage de Dieu parmi les hommes. Comment le Dieu-Emmanuel pouvait il rester insensible à la misère de ceux qu’il a créés et qu’il aime ? En Jésus, Dieu a passé trente longues années. Il a aimé avec un cœur d’homme, il a travaillé avec des mains d’homme.

    Jésus passe et il passe par amour pour nous. L’évangéliste utilise un mot pour caractériser cet amour : jusqu’au bout. C’est le même mot que nous entendrons demain dans le récit de la Passion, quand au moment de mourir, Jésus dit que « tout est accompli ». C’est un sommet, sommet de son amour pour nous, qui que nous soyons, où que nous en soyons. Ce soir nous voyons des destinataires un peu confus d’un tel cadeau : l’amour inconditionnel de Dieu pour nous.

    C’est que, en Jésus, Dieu ne fait pas que visiter de l’extérieur notre condition d’homme, il la transforme, parce que Dieu ne passe pas sans contaminer notre humanité par sa présence. Quand Dieu passe, il est contagieux. Et ce soir, nous commençons à pressentir ce que cette contagion implique. Il transforme notre humanité, il emporte notre chair. Par amour pour nous, il prend avec lui nos pauvres existences pour que nous recevions sa vie à Lui.

    Ce soir, plus rien n’est comme avant. Au point que l’on pourra dire, avant Jésus-Christ et après Jésus-Christ. Plus rien n’est comme avant, parce que Jésus vit sa Pâque en notre faveur et à notre place. Les discours sont finis, il reste les gestes. Et ce soir, 2 gestes nous sont laissés comme mémorial de ce passage par amour : le lavement des pieds et l’Eucharistie.

    Les Apôtres n’étaient sans doute préparés ni à l’un, ni à l’autre de ces gestes. Tant de fois ils avaient pris le bain rituel avant la Pâque. Tant de fois, le serviteur du maître de maison leur avait lavé les pieds. Tant de fois ils avaient célébré la Pâque juive. Tant de fois, ils avaient consommé ces ingrédients du repas rituel. Voilà que le geste de l’esclave devient le commandement de l’amour. Voici que la consommation en silence devient le geste d’une communion avec la vie même du Christ. Deux gestes où la réalité toute humaine, toute simple est transformée.

    Ce soir, un peu d’eau versé sur les pieds de quelques hommes, va nous rappeler à tous l’amour inconditionnel d’un Dieu qui passe parmi nous et vit sa propre Pâque. De même, un peu de pain et un peu de vin, béni, rompu, partagé, vont nous rappeler cet amour de Dieu qui passe parmi nous et nous emporter avec lui. Nous rappeler seulement ? Pas seulement nous rappeler, mais aussi nous interpeller : comment aimes-tu ? comment sers-tu ? comment vis-tu ? Pas seulement nous rappeler, pas seulement nous interpeller, mais surtout mettre en nous ce germe de Pâque qui sème en nos existences cet amour conditionnel. Tout devient possible, pour qui l’accueille avec gratitude et avec responsabilité

    Jésus passe et nous ne passerions pas avec lui ? Ce soir, à notre tour, nous sommes invités à passer. C’est la fin des discours sur Dieu. C’est le moment de lui parler, comme Jésus parle à son Père dans la longue nuit de Gethsémani. C’est le moment où nous sommes invités à quitter notre place à la fenêtre pour entrer dans la procession qui va vers le Père. C’est le moment où nous décroisons les bras pour ouvrir les mains. Ce soir, commence notre Pâque, celle où nous recevons avec sérieux, avec gravité, avec exigence cette injonction du Christ : « c’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous » ou  plus loin « vous ferez cela en mémoire de moi ».

    Je renouvelle ma question : Jésus passe et nous ne passerions pas avec lui ? Serait-il seul dans ce chemin ? Ne trouverait-il aucun compagnon ? Si ce soir, chacun de nous accepte de passer avec lui,  alors vraiment le Christ vivra sa Pâque en nous. Alors l’amour ne passera pas.