Dernier dimanche de l’année liturgique. Ultime étape de ce pèlerinage d’une année qui vient un condensé de toute l’histoire humaine. Avec l’Avent, nous nous condensons toute l’attente du salut. Avec les cycles de Noël et de Pâques, nous en contemplons le déploiement dans l’Incarnation Rédemptrice du Sauveur, et au terme de cette année, c’est le sommet : le Royaume advenu et accompli, le Roi qui donne sens à toute réalité parce qu’il les a pris en lui.
Cette fête ne va peut-être pas de soi, parce que le vocabulaire ne nous est si facilement familier. Et pourtant, c’est celui de l’Ecriture et de la Tradition. Si Jésus a pu se dérober à plusieurs reprises de ceux qui voulaient le faire roi, c’est que l’ambiguïté de leur intention était manifeste. Roi politique, Roi résistant à l’occupant, Roi triomphant. Mais depuis Pilate, le détenteur du pouvoir politique de l’époque, il est le Roi et il ne le dénie pas. « Tu le dis, je suis roi ! ». Roi des Juifs, sans doute pas, mais d’une Royauté qui vient d’en haut et qui entraîne également en haut.
Si ce vocabulaire ne nous est pas familier et si l’affirmation du Christ lui-même nous pose question, alors regardons la manière qu’a le Christ d’exercer sa royauté. 2 points pour nous aider :
Un Roi régit, c’est même sa fonction. Il régit, il gouverne. Et c’est bien ce qu’il fait en rétablissant la beauté de la création blessée, en enseignant les foules et les disciples. « Tout pouvoir m’a été donné sur la terre » pour faire entrer les aveugles dans la lumière, libérer les prisonniers, annoncer une année de bienfaits. Il gouverne, mais toujours dans une position de service. Il gouverne, mais il ne fait pas à la place de ses sujets. C’est qu’il a un respect trop important des libertés humaines. S’il a un pouvoir souverain, il consent à ce que tout homme exerce sa propre liberté, et la première qui est celle de la liberté de croire ou non. Les miracles suscitent la foi, mais il ne l’impose pas. Il régit, mais il sert.
Un Roi triomphe. Il est victorieux de ses ennemis, et surtout par là, il protège son peuple. Sur le trône de la Croix, sur l’estrade du prétoire, nous le voyons avec les yeux de la foi, déjà dans la gloire. Gloire humiliée, gloire outragée, mais gloire qui rayonne par son pouvoir attractif et surtout sa fécondité pour notre salut. Le Christ n’est jamais autant Roi que dans le mouvement où il s’abaisse par amour, aux pieds de ses disciples, quand il étend ses bras sur la Croix, où quand il vient nous toucher par sa miséricorde.
Ce Roi qui sert et qui s’offre vient convertir toutes les idoles royales que nous pouvons avoir. Il n’est pas dans le prolongement des figures d’autorité que nous connaissons, mais au contraire il vient les éclairer et peut-être même les contester.
Il conteste les tyrans et les despotes de tous bords, les grands comme les petits. Ceux qui cherche leur intérêt personnel ; ceux qui mangent leur peuple et violent la justice ; ceux cherchent leur gloire et la promotion d’eux-mêmes ; ceux qui briment la liberté d’autrui,…
Il conteste aussi nos manques de respect pour les autorités légitimes. Et il y a plusieurs manières de manquer de respect. Nous pouvons trop attendre de ces autorités, quelles qu’elles soient, ou au contraire ne plus rien attendre. Le bashing ou le mépris permanent ne sont pas plus respectueux que le fait d’attendre tout de ces autorités. Dans l’un ou l’autre cas, nous sommes des enfants immatures, et pas des membres matures du corps social.
Il conteste enfin toute prétention à penser que le Royaume des Cieux dépend de notre seule et unique initiative et qu’il ne serait qu’une œuvre d’ici-bas. Aussi belles soient nos réalisations, aussi juste et nobles nos initiatives (ce qui fait déjà du tri), elles ne sont rien au regard du Royaume qui vient et dont seul le Christ sera l’artisan ultime. Dans une semaine nous entrerons dans l’attente du retour glorieux du Christ. Il est le Roi et le Royaume qui vient. Il est celui qui seul donne raison à notre attente et à notre espérance. Et cela est libérant.
Puisse la fête de ce jour mettre cette belle espérance dans nos cœurs. Nous en avons grandement besoin et ce monde également.