C’est le cri du prophète Joël dans la 1ère lecture. Un appel plein de solennité, mais aussi un appel qui se veut persuasif. Au seuil de notre Carême, voici donc ce appel qui retentit dans cette église, pour chacun de nous présents ce soir. Et finalement, il n’y a pas grand-chose d’autre à dire, sinon qu’à répéter de mille manières cet appel pour qu’il perce peu à peu la carapace de notre cœur.
Il s’agit de revenir vers Dieu notre Père. La parabole du fils prodigue et du père miséricordieux nous est connue. On y découvre non pas un mais 2 fils qui ont d’une manière ou d’une autre quitté la relation avec le Père. Un qui est parti loin, mais qui revient. Un qui est resté mais qui ne pense qu’à lui et qui refuse d’entrer dans la joie du Père.
Ce fils cadet comme ce fils aîné sont comme 2 images de notre être, de notre existence. Une partie de nous qui s’est passé de Dieu, qui a choisi de faire son bonheur ailleurs, qui n’en fait qu’à sa tête selon ses sentiments, ses émotions, son propre jugement. Et une partie de nous qui extérieurement donne toutes les bonnes garanties, mais qui intérieurement n’a pas mis son cœur dans cette relation avec le Père. Une partie est éloignée de Dieu. L’autre est apparemment tout proche, mais en fait, c’est ce n’est qu’un masque.
Et voici cet appel à revenir que nous entendons pour la 1ère fois, ou pour la 20ème, la 40ème, la 60ème fois. Mais c’est aujourd’hui, 10 février 2016, environ 40 jours avant Pâques, que nous l’entendons et qu’il sollicite de nous ce retour vers la Maison du Père, vers cette étreinte avec le Père plein de miséricorde.
Miséricorde : le mot se trouve dans l’appel de Joël. C’est le motif même de l’appel. Car il est tendre et miséricordieux. En cette année si particulière voulue par le pape François, ce Carême a une saveur particulière. Ce chemin de retour, cet effort qu’il s’agit d’entreprendre, cette discipline de prière, de jeûne et de partage, les voici soudain tirés par cette miséricorde du Père.
Et c’est une miséricorde active où Dieu lui-même vient à notre rencontre ! Le pape François le rappelait dans son texte ouvrant le jubilé : « La miséricorde, c’est l’acte ultime et suprême par lequel Dieu vient à notre rencontre… C’est le chemin qui unit Dieu et l’homme, pour qu’il ouvre son cœur à l’espérance d’être aimé pour toujours malgré les limites de notre péché » (VM 2). Cela veut dire qu’aujourd’hui, au moment où s’ouvre notre Carême, au moment où nous recevons les cendres sur nos fronts en signe de pénitence, notre chemin de Carême est déjà éclairé par cette rencontre que Dieu veut faire avec nous. N’oublions pas la rencontre du fils cadet de la parabole avec son père : « alors qu’il était encore loin, son père l’aperçut, courut vers lui le pris dans ses bras et le couvrit de baiser ».
Ce mercredi des Cendres est donc illuminé par l’attente de Dieu qui nous veut et nous désire. Il est illuminé par la miséricorde de Dieu qui prend ce chemin du Carême pour venir à notre rencontre. Pourquoi se lamenter et s’effrayer de ces 40 jours ?
Et le pape François ajoute : « Puisse le Carême de cette Année Jubilaire être vécu comme un temps fort pour célébrer et expérimenter la miséricorde de Dieu (VM 17). Célébrer et expérimenter. Il s’agira donc de lever les yeux vers Celui qui est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour.
Fortifier par ce regard de contemplation, nous pourrons jeûner, prier, partager selon ce que Dieu lui-même attend de ce Carême. Très concrètement, les œuvres de miséricorde nous donnent de la matière. Et le pape François insite dans son message pour ce Carême 2016 : « Pour tous, le Carême de cette Année jubilaire est donc un temps favorable qui permet finalement de sortir de notre aliénation existentielle grâce à l’écoute de la Parole et aux œuvres de miséricorde. Si à travers les œuvres corporelles nous touchons la chair du Christ dans nos frères et nos sœurs qui ont besoin d’être nourris, vêtus, hébergés, visités, les œuvres spirituelles, quant à elles, - conseiller, enseigner, pardonner, avertir, prier - touchent plus directement notre condition de pécheurs ».
Qui pourrait rester insensible à un tel appel ? Qui pourrait rester immobile et les bras ballants tel un badaud indifférent quand les bras de Dieu nous attendent pour nous étreindre ? Dans 40 jours, les bras de Dieu seront grands ouverts sur la Croix. Alors ce sera à nous de témoigner de la miséricorde à son égard. Nous le ferons sans peur, sans respect humain, sans nous regarder. Parce que nous serons convertis, heureux et joyeux d’être des enfants bien aimés du Père, de libres disciples du Fils, des demeures purifiées et habitées par l’Esprit.