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Caritas Christi urget nos ! - Page 34

  • A qui laves-tu les pieds ?

    Lavement-pieds-Rembrandt.jpgC’est la question que St Jean Chrysostome posait aux anachorètes, aux ermites de son patriarcat de Constantinople au début du Vème siècle. Je vous propose de rester avec cette question au cœur de ce Jeudi Saint, au moment où nous allons revivre ce geste du Christ au soir de sa passion volontaire.

    A qui le Christ lave-t-il les pieds ? Le Christ lave les pieds de ses Apôtres en ce soit où ils avaient déjà satisfait bain rituel, le miqvé, qui les rendait purs pour célébrer la Pâque. Jésus innove en leur lavant les pieds au moment même où il va également innover dans le repas rituel de la Pâque juive. Alors que ce pain et ce vin devaient être consommé en silence, il institue le mémorial de son Corps et de son Sang. En lavant les pieds, il institue le quasi mémorial de sa charité.

    Jésus lave les pieds de ses 12 hommes, parce qu’en ce soir de la Pâque, il lave les pieds de toute l’humanité pour laquelle il monte vers sa Passion volontaire. Devant chaque homme, il s’arrête, s’abaisse, fait couler l’eau vive de sa vie, essuie et embrasse cette humanité qu’il vient sauver. En lavant les pieds de ses disciples, il annonce par un geste prophétique le cœur même de sa mission, et donc de celle à laquelle ils participeront : servir en s’abaissant. C’est le secret de l’amour, d’un amour qui s’abaisse jusqu’au sol pour mieux relever, d’un amour qui consent à se faire petit, petit comme l’Eucharistie, petit comme ce geste du lavement des pieds

    Jésus lave les pieds de ses Apôtres pour qu’ils comprennent et vivent leur service, leur ministère apostolique, comme le Maître lui-même comprend et vie sa mission d’envoyé du Père. Il n’est pas venu pour être servi mais pour servi. En refaisant ce geste, les Apôtres de tous les temps se souviendront que pour servir, il faut s’abaisser. Quels qu’ils soient, évêques ou prêtres, les ministères à la suite des Apôtres auront à comprendre et à vivre leur ministère comme le Maître lui-même l’a compris et vécu.

    Ainsi donc, ce geste déborde largement le cadre de cette célébration, et de 2 façons. A qui laves-tu les pieds ? Ce soir, le célébrant va laver les pieds non pas de 12, mais de 6 hommes. En accomplissant ce geste que St Bernard qualifiait de sacrement de la charité, nous voici au cœur du Jeudi Saint et du ministère de l’amour de Dieu pour nous, d’un amour si proche qu’il s’abaisse pour se mettre à notre service. C’est plus qu’un rappel pour les prêtres que nous sommes, c’est presque le mémorial de la charité pastoral à laquelle nous sommes appelés pour vous.

    Par ailleurs, parce que le Christ demande de l’accomplir mutuellement, ce geste est également la clé de des relations nouvelles qu’il entend instituer entre ses disciples, et pas seulement dans la manière dont les Apôtres devront exercer leur charge. A qui laves-tu les pieds ? La question est posée à chacun de nous. Au-delà du geste, quel part de don et de service y a t-il dans tes relations avec les autres ? Dans ton couple, dans ta famille, dans ton groupe d’amis, dans ta paroisse, dans ton aumônerie, dans tes activités professionnelles, sociales et même caritatives ?

    Le geste de ce soir déborde largement le cadre strict de cette célébration. Sais-tu t’abaisser pour te mettre au service, non pour te mettre en valeur (voyez comme je suis serviable), mais par humilité pour exprimer à l’autre que tu es touché par sa détresse, par ce qu’il vit, au point d’agir pour lui, par un mot, une présence, un silence, une action.

    St Jean Chrysostome était sévère pour les ermites parce qu’il estimait qu’il avait choisi la solution de facilité : suivre Dieu en se débarrassant de la contrainte des frères et du prochain. A qui laves-tu les pieds leur demandait-il ? Ce soir, la question résonne pour chacun de nous. Ce geste t’es donné pour que tu y proportionne ta vie. Là encore le terme de proportion est un peu chiche. La mesure de l’amour est d’aimer sans mesure disait St Bernard.

    « C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous » (Jn 13,15). Pour que vous fassiez vous aussi… Nous n’échapperons pas à cet impératif de l’amour et de la charité. S’il me manque l’amour, je ne suis rien nous rappelle sans Paul. Voilà la clé unique d’interprétation de la Passion volontaire du Christ. Voilà la clé unique pour comprendre la place des ministères à la suite des Apôtres. Voici la clé de toute vie, de nos vies, quelles qu’elles soient.

    Ce soir où le Christ laisse sa vie s’écouler en offrande d’amour, nous laisserons le Père recueillir cette offrande. A sa suite et à son invitation, nous consentirons à l’imiter en lavant les pieds de ceux qui nous sont proches.

  • Qui seras-tu dans cette Semaine Sainte ?

    Rameaux.jpgUn hymne de la fête de ce jour dit : « Voici que s'ouvrent pour le Roi les portes de la Ville : Hosanna ! Béni sois-tu, Seigneur ! Pourquoi fermerez-vous sur moi  la pierre du tombeau, dans le jardin ? »

    La fête de ce jour est déconcertante si l’on y regarde bien. Les portes s’ouvrent pour le Roi et finalement le tombeau se ferme sur le Crucifié. Au début nous avons chanté avec les foules en liesse : Vive le Roi ! Hosanna au Fils de David. Et finalement nous avons entendu les foules, peut-être mêmes que sont les mêmes, crier : A mort, crucifie le !

    Même le Rouge dominant de ce jour est bien ambigu : le rouge triomphant du Roi, le rouge écarlate du crucifié. Même nos palmes posent question : acclament-elle le Messie triomphant ou sont elles l’instrument de la flagellation du Messie souffrant ? Et c’est bien avec ces deux figures qu’il nous faut entrer dans la semaine sainte, celle de l’onction à Béthanie, celle du dernier repas, celle de Gethsémani, du Golgotha et du jardin du tombeau.

    Le Christ triomphant qui entre à Jérusalem voit sans doute la gloire à portée de mains. Les disciples joyeux entrevoient déjà l’avènement du Messie tant attendu. Ils seront les premiers dans le Royaume des Cieux, eux qui l’ont suivi et qui participent à cet instant à sa victoire. Mais Jésus ne veut ni de cette gloire, ni de cette victoire. L’entrée à Jérusalem n’est que le prélude éphémère à la victoire de la Croix. Pour nous faire entrer dans le royaume de Dieu, il faut que le Christ se fasse serviteur jusqu’au bout. Pour nous introduire dans la gloire du Père, il faut que le Messie se fasse non seulement pauvre, mais qu’il s’abaisse dans cette semaine sainte, qu’il s’abaisse jusqu’à la mort et la mort de la Croix. Nous venons d’entendre que peu le suivent sur ce chemin. Quelques femmes, quelques hommes. Qui serons-nous dans cette semaine ? Joindrons-nous nos voix à la foule ambiguë qui l’acclament en ce jour ? Nous faufilerons nous dans le petit cercle des disciples qui célèbrent en secret la Pâque et son dernier repas ? Oserons-nous porter la croix comme Simon de Cyrène ? Joindrons-nous notre prière à celle du bon larron ? Comme Nicodème ou Joseph d’Arimathie ou ces femmes témoignerons-nous d’un peu de tendresse au corps crucifié descendu de la Croix ? Ou serons-nous des spectateurs, des badauds de plus ?

    Cette fête nous déconcerte, parce qu’elle ouvre une semaine qui nous déconcerte. Mieux, elle va nous altérer, nous changer, en fait elle va nous sauver.

  • « Celui-ci est mon Fils bien-aimé… Il intercède pour nous »

    En-Egypte-devoilement-de-la-premiere-icone-des-21-martyrs-coptes-de-Libye_article_main.jpgCe sont les deux phrases de l’Ecriture de ce dimanche qui sont mises en exergue pour nous aider à recevoir ce que Dieu veut nous montrer ce 2ème dimanche de Carême. L’Alliance avec Abraham occupe une place de choix, après celle avec Noé méditée la semaine dernière et avant celle avec Moïse et le peuple hébreu dimanche prochain.

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  • Au matin, Jésus se leva

    belle-mere.jpgNous voici dans une journée de Jésus. Elle avait commencé la veille tout au long de cette longue journée de sabbat, à la synagogue de Capharnaüm où il a enseigné mais aussi expulsé un esprit mauvais. Puis la maison de Pierre à 2 pas et la guérison de sa belle-mère, puis la nuit tombée l’activité de guérison de nombreux malades et d’exorcisme, puis la prière solitaire de grand matin, puis une nouvelle journée avec la prédication en paroles et en actes du Royaume.

    Et nous regardons cette journée de Jésus en ce jour où avec toute l’Eglise nous prions pour les malades. Cette activité de guérison de jésus évidemment nous parle, surtout quand nous le voyant si simplement aller au devant de toutes ces détresses pour les soulager. Cette femme alitée, cet infirme de naissance, ce lépreux, cet aveugle et tous les autres malades à qui il rend la santé, qu’ils restaurent dans leur intégrité physique, mais aussi sociale. Il est le Dieu ami des hommes qui veut le bien, parce qu’il est profondément touché, remué jusqu’aux entrailles au point d’agir pour ceux qui en ont besoin.

    Je dis que c’est une journée de Jésus, et pour être plus précis c’est une journée de sabbat, puis un premier jour de la semaine. Le passage retenu est précisément ce soir de sabbat, et ce matin du premier jour. Il y eut un soir, il eut un matin, ce fut le premier jour de la semaine. C’est au soir du sabbat qu’il relève cette femme lui permettant d’exercer toute son activité domestique pour la prière de clôture de sabbat à la maison, parce que selon la liturgie juive elle est la lumière de la maison, elle est la vie, l’âme de la maison. C’est dans la nuit de ce sabbat qu’il se débat avec toute sorte de maladies et les démons au point de les faire taire avant de les expulser. Et c’est au matin de ce premier jour de la semaine qu’il se lève, qu’il sort pour prier son Père et semer en paroles et en actes la semence du Royaume de Dieu.

    L’activité de guérison et d’annonce du Royaume par Jésus est comme éclairée par ce WE inaugural, par ce sabbat et ce premier jour. Un autre sabbat, le grand sabbat qui suivra sa mise à mort et sa mise au tombeau, il sera à l’œuvre avec toute sorte de maladie, et toutes sortes de démons. Descendant aux enfers il les fera taire à jamais avant de les congédier et les neutraliser. Un autre premier jour de la semaine, celui du tombeau et de la clarté de Pâques, de grand matin avant le lever du soleil, il se lèvera ou se réveillera (les deux verbes sont utilisés pour parler de la Résurrection) pour diffuser la lumière de sa victoire. Il aurait pu faire le miracle d’éviter la souffrance, la Passion et la mort, non il a accepté de la traverser pour nous donner l’espérance que nous la traverserons avec lui.

    Je dis cela pour que cette journée de prière pour les malades soit éclairée de la lumière de cette espérance. La réalité de la maladie nous rappelle la vulnérabilité de notre condition humaine. Elle nous renvoie à notre pauvreté. Elle nous blesse et nous fait souffrir, qu’il s’agisse de nous, de nos proches ou de toute personne rencontrée. Pour eux ou pour nous, nous désirons la santé, la guérison. Nous la demandons à Dieu, dans l’angoisse et les larmes. Et souvent nous ne sommes pas exaucés. Demandons-nous trop au Seigneur ? Demandons-nous de façon déplacée ? Demandons-nous ce qu’il veut donner ?

    On appelle le sacrement des malades un sacrement de guérison, et de fait, il vient pour donner un signe et un instrument efficace de la tendresse de Dieu pour les malades qui le reçoivent. Soulagement et salut. Soulagement dans la maladie du corps. Salut de la personne pour communier plus intimement au Christ. C’est que la santé n’est pas le salut. Dans l’Evangile, les miracles sont presque toujours liés à la foi : la foi de celui qui demande ou de celui qui reçoit. Mais le Christ lui-même en fera de moins en moins en montant vers sa Passion. Et il n’esquivera même pas sa Passion par un quelconque miracle. Il traverse cette épreuve pour qu’au matin du premier resplendisse la lumière de l’Homme debout, le Ressuscité. Comme Jacob qui traverse la nuit du combat avec l’ange et qui en sort vainqueur mais à jamais blessé à la hanche. Comme Job qui traverse l’épreuve de sa souffrance et qui en sort affermi dans sa fidélité.

    En priant pour tous les malades, ceux de nos familles, ceux de nos amis, ceux de notre paroisse, nous prions pour que le Christ traverse avec eux cette épreuve. Qu’il leur donne la force nécessaire, la patience également, en attendant le matin du premier jour où la lumière viendra tout éclairer.

  • Ecouter, regarder, demeurer

    Regard_due_Jesus.jpgCe dimanche a les saveurs des commencements. L’appel de Samuel, l’appel des disciples. C’est la grâce. C’est la grâce de toute vie, celle de suivre le Christ. C’est la grâce de toutes les Eglises, celle de revenir au Christ.

    Ce matin, je vous propose 3 verbes issues de ces lectures, 3 verbes qui expriment à leur manière cette suite du Christ qui est notre horizon. 3 verbes qui viendront quand même nous interroger sur notre suite du Seigneur.

    Écouter. Il s’agit d’abord d’écouter. Samuel entend la voix du Seigneur, il écoute le conseil l’Eli et finalement il se rend tout disponible à la parole de Dieu qui vient à lui. « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute ». L’écoute est le cœur de l’expérience d’Israël, celle dont on fait mémoire continuellement : « Écoute Israël, le Seigneur est notre Dieu, le Seigneur est un ». Les disciples de Jean-Baptiste ne sont pas en reste, eux qui entendent la désignation qu’il fait de Jésus et qui vont se mettent à la suite du Messie. Pierre lui-même entendra et écoutera le témoignage d’André. Et de récepteur d’une information, il se fera disciple.

    Il s’agit donc d’écouter la voix de Dieu. La discerner au milieu du bruit ambiant : le bruit que nous entendons, mais aussi le bruit que nous faisons. Le bruit du monde, des médias, du journal de 20h, de la surinformation, des émotions dominantes. Mais aussi le bruit de nos flots de paroles, pas toujours bienveillantes ni constructives ; le bruit de nos anxiétés, de nos gesticulations, de nos potins. Arrêtons là la litanie. Où écoutons nous cette parole ? Comment recevons nous cette parole qui est autre et qui veut encore aujourd’hui nous altérer ? Il s’agit d’écouter. Écoutons donc.

    Regarder. A deux reprises, l’Évangile mentionne ce regard posé, sur Jésus, puis sur les disciples. L’Évangile est riche de ces échanges de regards. Mais des œillades, mais des vrais regards. Celui de Jésus sur le jeune homme riche, « et il l’aima ». Celui de Jésus sur Pierre après son reniement, « et il pleura amèrement ». Jésus qui regarde les foules et qui est saisi de compassion. Jésus qui regarde ses détracteurs. Regards profondément vrais, profondément aimant, qui renvoie chacun à ce qu’il est.

    A 150 km d’ici, un curé de campagne avait remarqué qu’un paysan restait longtemps assis au fond de l’église du village. St Jean-Marie Vianney lui avait demandé ce qu’il faisait. « Je prie ». Comment priez-vous. Je le regarde, et il me regarde. Ou plutôt je l’avise, et il m’avise. En langage de maquignon de la Dombe, c’est le terme pour jauger, évaluer une bête. Je l’avise et il m’avise. En parlant du regard, je parle de la prière, de cette relation d’écoute silencieuse, où ne subsiste que cet échange intérieur de regard  Après les paroles, après les textes, après les multiples distractions, vient le temps de cet échange intérieur de regard. Il me regarde en avisant ma valeur, ma beauté, mes talents. Et je le regarde en avisant sa valeur, le fait qu’il existe et soit là : regard apaisé, regard confiant, mais surtout regard aimant.

    Question : où en sommes nous dans cet échange de regard. Nous parlons de Dieu, et nous savons faire. Nous lisons sur Dieu. Nous servons au nom de Dieu. Et cet échange de regard. Jusqu’à quel point le laissons le nous regarder ? Acceptons nous encore de le regarder ? Acceptons nous d’être émerveillés par lui ?

    Demeurer. « Et il demeurèrent auprès de lui ce jour-là ». Pour ces disciples, la rencontre a été suffisamment transformante pour qu’ils décident de changer de Maître, de suivre celui qu’ils cherchaient et qu’ils venaient de trouver. La finale du ps 22 dit même « J’habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours ». Il ne s’agit pas de squatter l’église. Il s’agit de demeurer auprès de Lui, de demeurer en Lui, comme le dit St Augustin au début de son livres des Confessions. « Tu nous as faits pour Toi Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en Toi ». Phrase étonnante, surtout qu’à la fin du livre, St Augustin parle d’une demeurer réciproque. Nous trouverons notre demeure et notre repos en Dieu, de la même manière que Dieu trouvera sa demeure et son repos en nous.

    Il s’agit de demeurer en Dieu. Demeurer suppose de prendre du temps. Le prenons-nous ? Demeurer suppose de durer. Acceptons nous de durer ? Demeurer suppose d’y consentir au Christ. Y consentons-nous ? Ne nous payons pas de mots. Il s’agit de demeurer vraiment en Dieu, dès maintenant. C’est une autre manière de regarder la foi au Christ. Plus impliquante certes. Mais qu’avons-nous à perdre ?