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Caritas Christi urget nos ! - Page 35

  • 3 cadeaux, 3 mages, 3 peuples, 3 âges de la vie

    rois-mages.jpgNous voici à nouveau ce matin au pied de la crèche. Et il faut nous frayer un chemin parce qu’il y a du monde. Il y a avait déjà les anges et les bergers depuis la nuit de Noël. Personne de Jérusalem ne semble s’être déplacé devant la grandeur de l’évènement. Mais en ce jour de l’Epiphanie, la maison de l’Enfant de Bethléem compte de nouveaux visiteurs, ou plutôt de nouveaux adorateurs, ces mages venus de loin et qui repartiront au loin aussitôt leurs cadeaux offerts et leurs hommages présentés.

    Avouez qu’il y a quelque chose de contrasté dans cette visite, contraste entre la pauvreté de la maison et la fragilité de l’Enfant, et la multitude des visiteurs, la magnificence des cadeaux et la dignité de ces mages.

    Des mages venus d’Orient, venus de l’Est, donc venu de loin à tous points de vue : loin de leur langue, loin de leur culture, de leur représentation religieuse, loin de leur texte sacré. Venus de loin mais attirés, ou plutôt aimanté par une étoile qui les a conduits extérieurement et intérieurement à Jérusalem d’abord et à Bethléem ensuite.

    Ces mages regardons les avec ce texte, mais aussi avec ce que la tradition a pu dire d’eux, commentant et s’appropriant l’Evangile, quite à combler les silence et le faire parler d’une autre manière.

    Les cadeaux. 3 cadeaux qui ont une portée théologique. L’or au roi, l’encens au Dieu, la myrrhe à l’homme mortelle. 3 cadeaux, on a vite fait de conclure à trois mages, d’une dignité royale, les rois mages. Gaspard, Melchior, Balthasar. Les traditions arméniennes en ont même retenu 7, chiffre de perfection. Michel Tournier en invente un quatrième, Taor, prince de Mangalore qui arrivera trop tard à la crèche et cherche l’enfant Roi pendant toute sa vie, pour le rencontrer au soir du jeudi Saint, et recevant l’Eucharistie. Peu importe.

    3 cadeaux, 3 mages. 3 peuples ou 3 races. A une époque où la géographie ne connaît que 3 continents, Europe, Asie, Afrique, ces 3 mages sont chargés d’une dimension universelle. Regardons-les. Et les voici représentés dans ces santons, venant d’origine géographique si différente. En eux, ce sont tous les peuples de la terre, toutes les nations, tous les rois qui viennent se reconnaître le sauveur de l’humanité. Les prophéties universalistes des prophètes (et d’Isaïe notamment) se réalise dès ce récit de l’enfance de Jésus. Le salut déborde d’emblée le cadre d’Israël. Certes la Révélation a pointé en Judée et dans la descendance de David de Bethléem. Mais elle déborde pour rayonner sur toute l’humanité, tous les fils d’Abraham, père des croyants, tous les fils d’Adam.

    3 cadeaux, 3 mages, 3 races, 3 âges. Vous les regarderez bien vos santons. Un homme jeune, un homme d’âge mûr et un vieillard. Ils assument 3 âges de la vie, 3 âges de toute l’humanité. Ce n’est pas seulement tous les peuples qui viennent à la crèche, pas seulement tous les hommes, mais tout homme, quel qu’il soit, où qu’il en soit de son chemin. Cela dément le proverbe chinois qui affirme que « à la fin le vieillard, retourne à la pagode », proverbe qui laisse aux seules personnes âgées la pratique religieuse.

    Avec ces mages, il était déjà beau de regarder l’humanité entière venir adorer le Roi des cieux, le Prince de la Paix. Avec eux, il est encore plus beau de regarder toute l’humanité, petits et grands, jeunes et vieux, hommes et femmes, esclaves et hommes confesser que cet enfant est le Sauveur.

    Aujourd’hui venons à la crèche et faufilons nous derrière les mages. Chacun choisira le sien. Venons de là où nous en sommes. Une chaîne de restauration rapide dirait : « venez comme vous êtes ». Venons de près ou de loin. Hérode et les scribes, qui étaient au plus près, grâce à l’écriture, auraient été bien inspirés de respecter de leur promesse de se déplacer à Bethléem. Quant à nous, personne n’est loin au point de ne pas être touché extérieurement ou intérieurement par l’étoile qui a une puissance attractive. Cet aimant nous entraîne, à condition que nous ne mettions ni préalable, ni réserve.

    Allons à la crèche, qui que nous soyons. Le ferons-nous ?

  • Il est venu, il viendra et il vient

    bougie-de-l-avent.jpgDeuxième dimanche. Deuxième étape dans notre marche de l’Avent. Deuxième bougie d’une couronne déjà à moitié éclairée, encore à moitié éteinte, chacun choisira.

    On dit de l’Avent que c’est l’attente de la venue du Seigneur, à travers 3 venues justement : celle dans l’histoire il y a 2000 ans, ce que nous allons fêter à Noël ; celle de la fin des temps, lors de son avènement dans la gloire ; et celle de chaque instant, dans notre vie, dans celle de l’Eglise, dans les sacrements. Il est venu, il viendra et il vient. 3 venues :

    Tout d’abord la présence de celui qui est là. On va apporter le pain et le vin, ce pain et le vin de nos fêtes humaines, fruit de la terre et du travail des hommes. Ils vont être pris, bénis, rompus, donnés. Offerts pour être sacrifiés. Donnés pour être consommer. Et toute l’Eglise nous dit, ce pain, c’est le Corps du Christ. Il te faut le recevoir, pour qu’il soit ta nourriture et ta vie, pour qu’Il soit présent au plus profond de ton être comme toute nourriture qui est assimilé participe à notre vie biologique de chaque jour.

    Ce pain de l’autel, il est la présence de Celui qui le donne. Le Christ vient dans ce pain pour être là, ici et maintenant, donné et livré pour nous. Voilà l’Eucharistie, qu’aucun autre geste de fraternité, si beau soit il, ne pourra remplacé. Il est là et il vient.

    Mais c’est aussi la présence de Celui qui est déjà venu. Dans quelques semaines, la couronne de l’Avent sera entièrement illuminée, la crèche va être installée dans cette égalise, et nos chants de la nuit de Noël vont acclamé Celui qui est venu dans l’histoire de toute l’humanité dans cette nuit de Bethléem. Il est venu aux jours d’Hérode et de Ponce Pilate. Il est venu sur une terre du fin fond du Proche-Orient. Il est venu sur les rives verdoyantes d Galilée et dans les rues pavées de Jérusalem. Il est venu et les siens ne l’ont pas reçu. Il est venu dans la chair pour nous ouvrir le chemin vers Dieu. Il est venu en donnant sa chair en nourriture et son sang en boisson. Le repas de la Cène, repas du mémorial de la Pâque juive, inaugure et instaure ce mode de présence réelle et continue pour tous les temps. Mais cela n’était possible que parce qu’il est réellement venu en naissant de la Vierge Marie et en s’en offrant pour que tous les hommes aient la vie.

    C’est enfin la présence de Celui qui viendra. Il est venu, il vient, et il viendra. « Nous attendons ta venu dans la gloire ». Tu communies pour la première en ce dimanche de l’Avent où nous faisons un peu plus attention à cette présence qui vient de la fin des temps, de la fin de l’Histoire des hommes. Ce n’est pas un scénario catastrophe comme n’importe lequel des films américains récents, je pense à 2012 ou Independance Day, ou Le Jour d’après. Non, c’est la venue glorieuse de Celui qui vient tout rassembler en lui.

    Et toi, tu communies à ce pain du Ciel, qui vient justement du ciel et pas seulement de la terre ; Tu communies à celui qui vient de la fin et pas seulement du Cénacle de Jérusalem, et pas seulement de notre célébration de ce dimanche. Il vient du Royaume à venir, le Royaume qui est proche et qui s’approche un peu plus de nous à chaque jour, à chaque Eucharistie. Wait for the Lord, whose day is near. Very near, pas plus loin que l’Eucharistie qui te sera présentée tout à l’heure.

    Aujourd’hui, c’est dimanche, c’est le jour du Seigneur. Jour où l’Eglise se réunit parce qu’elle célèbre à la foi la venue de Celui qui est venu, la présence de Celui qui est là, l’attente de Celui qui vient. Dans cette petite hostie ronde, tout ton être va communier à la présence de Celui qui est venu dans la chair, à la présence de celui qui est là, à la présence de celui qui vient de la fin. Sois heureuse et nous te remercions, parce que, ce dimanche, tu nous permets de le réaliser.

    Viens Seigneur Jésus !

  • Veillez

    avent_10.jpgCe dimanche, nous entrons dans l’Avent avec cette recommandation du Seigneur : Veillez. Dans l’Evangile que nous venons d’écouter, le verbe arrive pas moins de 5 fois. S’il faut veiller, c’est attendre l’arrivée, le retour du Christ, cela implique de développer la vigilance et la patience. Voilà 2 dispositions propres à l’Avent, la vigilance et la patience.

    Etre vigilant, c'est-à-dire être attentif, dirigé vers ce que nous écoutons, attendons. Notre écoute, notre vue, notre conscience, bref tout notre être sont éveillé, comme un téléphone portable prêt à recevoir une communication. Eveillé, et non pas en mode veille…

    Être patient, c'est-à-dire, souffrir d’attendre, éprouver le temps qui passe, sans perdre la mémoire de ce que nous attendons, sans se décourager, sans que l’indifférence ne nous gagne.

    Voilà notre veille de l’Avent, pas très longue, à peine 4 petites semaines, manifestées par ces 4 bougies de nos couronnes de l’Avent, par ces 4 fenêtres des lanternes des enfants. Voilà notre veille, celle de toute l’Eglise. Mais au fond, mis à part l’injonction du Christ, qui n’est pas sans rappeler celle adressée à ses apôtres au jardin de Gethsémani, qu’est-ce qui peut donner sens à notre attente vigilante ?

    Nous veillons dans l’attente du retour du Christ qu’il a promis. Vous me direz que cela 2000 ans et alors ? Les premiers chrétiens pensaient que cela arriverait de leur vivant ? Et notre génération se serait habituée à ce que ce retour tarde ? Pourtant nous le disons à chaque Eucharistie : nous attendons ton retour dans la gloire. Nous l’attendons et nous le désirons. C’est bien le sens de tout Avent. Nous l’attendons et nous le proclamons. Ce pourrait être le thème de cet Avent 2014. Il vient…

    Nous veillons pour nous-mêmes, parce que nous consentons à ce que cette attente comble notre désir. Nous veillons pour nous-mêmes parce que nous croyons que le Christ peut réaliser cette promesse, celle du ciel nouveau, celle où il viendra tout combler de sa présence, celle d’un Royaume sans fin, de justice, de paix de vérité et d’amour.

    Nous veillons avec tous ceux qui veillent. Et ils sont nombreux dans l’Eglise ceux qui veillent. Le pape a voulu que s’ouvre aujourd’hui lune année de la vie consacrée. Ces hommes et femmes proclament par leur vie concrète qu’il y a autre chose à attendre en vivant dans ce monde. Par leur style de vie, ils nous disent que l’argent ne comble pas, qu’il y a autre chose que la recherche de soi et la conquête d’un pouvoir sur les autres. Leur mode de vie veut instaurer dès maintenant des relations où la vie fraternelle peut vivre la charité, où l’autorité peut être vécue sans pouvoir. Par leur vie, ils nous montrent déjà la vie du Royaume qui vient. Au long de cette année et en veillant avec eux, nous accueillons ce Royaume à venir.

    Nous veillons pour ceux qui souffrent d’avoir trop veillé. Et ils sont nombreux ceux qui souffrent d’avoir trop attendu, seul dans leur lit d’hôpital, loin de leur maison ou de leur patrie dans des camps de réfugiés ou dans des prisons. Ceux qui ne savent plus attendre au long des nuits qui n’en finissent plus, nuits d’épreuves et d’angoisses, nuits vides, dénués de toute promesse. Et ils sont nombreux. Et il nous arrive d’être de ceux là. Dans notre Avent, nous veillerons également avec eux.

    Nous veillons pour ceux qui ne veillent plus, qui ont préféré ne pas attendre le Royaume qui vient, choisissant ce que le royaume terrestre leur offre. « Mangeons et buvons, demain nous mourrons ! » disait le prophète Isaïe à ceux qui vivent sans espérance. Les différents temples de la consommation offrent des nourritures qui vont combler tous ceux qui pourront fêter les fêtes de fin d’année comme on dit. C’est la magie de Noël, en ville, sur les publicités, dans les devantures. Il y une opulence qui est outrageante dans une société où l’accès aux biens élémentaires est si inégales. Mais il y a une surconsommation qui révèle combien il est tentant de ne plus être comblé par un autre. Même les enfants font des listes de cadeaux, qui ne sont plus qu’un dû. Veiller, c’est attendre de l’autre ce qui me comblera, quand il le voudra, comme il le voudra. Un peu de décentrement de soi ne fait pas de mal à personne.

    Nous veillons ce dimanche et pendant tout cet Avent. Que le Seigneur entende la douce mélodie de notre veille. Que cette attente ranime et réveille nos cœurs tournés sur eux, pour qu’il se tourne vers ce Dieu qui vient.

  • Ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes

    vie-fraternelle-ciric-daniele-colarieti-cpp.jpgNous l’avons entendu dans la 2ème lecture. Saint Paul exhorte cette communauté de Philippes à la communion fraternelle. Il les aime bien cette poigne de juifs devenue chrétiens, sans doute embrasés par le témoignage passionné de Lydie une marchande de pourpre qui avait accueilli Saint Paul chez elle.

    Dans une lettre où l’affection pastorale se mêle aux recommandations exigeantes, voici qu’il les exhorte à la communion, à la charité fraternelle. Ayez les mêmes dispositions, le même amour, les mêmes sentiments. Recherchez l’unité. Ne soyez jamais intrigants, ni vantards, mais ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes. Et la finale : que chacun ne soit pas préoccupé de lui-même, mais des autres.

    Ainsi donc, ils les exhorte à l’unanimité de cœur, il les invite à être au diapason les uns des autres. Pas de division, pas de médisante, pas de susurration, pas plus de mesquinerie ni de parole malveillante. Cette exhortation faite à une communauté qui avait peut-être perdu sa ferveur première rejoint toutes les communautés chrétiennes quelles qu’elles soient. C’est vrai d’un couple, c’est vrai d’une paroisse, d’une communauté religieuse, d’une aumônière ou d’une conférence.

    Le pape François rappelait le 27 août dernier combien ce démon de la médisance pouvait faire des ravages dans une communauté de disciples du Christ. Tout ce qui rassemble et unit vient de Dieu. Tout ce qui sépare et divise vient d’un autre. Et il nous faut reconnaître lucidement et humblement que nous y contribuons, d’une manière ou d’une autre. Les différences de générations qui l’objet de critiques réciproques : les jeunes pas assez ceci… les anciens trop cela… Les différences de sensibilité. On se regarde : comment communie-t-il ? comment chante-t-elle ? Les différences sociales qui sont importées dans la communauté chrétiennes et qui restent des liens de démarcation. Et les multiples différents qui empêchent la joie de se rencontrer en frères et sœurs d’un Christ qui est venu partager notre condition humaine, au point de s’y abaisser jusqu’à la mort et la mort de la croix. Voilà le point où Saint Paul propose à toute communauté chrétienne de se rencontrer, de se retrouver. « Ayez en vous les dispositions que l’on doit avoir dans le Christ »

    Comment avoir les dispositions qui étaient dans le Christ. C’est précisément celles que je citais au début : ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes. La vraie communion fraternelle est donc celle qui ne nous met pas en surplomb par rapport aux autres, au contraire. Bien au contraire. Saint Vincent de Paul que nous honorons tout particulièrement aujourd’hui, avec les conférences fondées par le Bx Ozanam insistait sur le fait que les pauvres sont nos maîtres, au service desquels nous ne sommes mêmes pas dignes d’être.

    Ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes. C’est dans un couple, et d’ailleurs c’est une des lectures proposées pour la célébration du sacrement mariage. Et c’est également vraiment dans toute communauté chrétienne. Nos relations humaines peuvent être compliquées à cause de nos peurs, de nos a priori, de nos colères, de nos jalousies, ou de tout ce qui les encombrent et altèrent. A cause du Christ, elles seront élevées et ennoblies si nous entrons dans une relation plus simple et plus humble. Et pourquoi pas ?

    Et pourquoi pas puisque c’est bien ainsi que le Dieu trois fois saint est venu nous sauver. Il n’est pas venu d’en haut, mais d’en bas. Les pauvres pécheurs que nous sommes ont été approchés par celui qui c’est fait le très bas, jusqu’à la mort et la mort de la Croix. Il s’est fait le serviteur, le rejeté crucifié en dehors de la ville. Le Fils a d’abord vu en nous la beauté de l’image divine que Dieu avait façonnée en nous. Il n’a eu de cesse que de la restaurer par quelques miracles, pour que son œuvre de rédemption nous remette sur le chemin de la ressemblance.

    Chers amis, nous sommes les disciples d’un Dieu humble, qui s’est abaissé et humilié pour nous. Avant de l’imiter, avant d’en faire la règle de notre vie, il s’agit de le regarder, le contempler et de le confesser. A la prière de Monsieur Vincent, demandons que ce regard transperce notre cœur, pour que nos yeux et nos mains s’ouvrent.

  • La vie n’est pas un long fleuve tranquille

    le-quesnoy.jpgCe n’est pas un scoop, contrairement à la finale du film en question. Décidément non, la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Vous et moi en faisons l’expérience quotidienne. Les vacances ont pu nous le faire oublier un temps, mais la réalité de nos vies est là pour nous le rappeler. Nos vies telles qu’elles sont, vies familiales, vies professionnelles, vie sociale au sens large du terme, sans compter les drames du monde qui arrivent chez nous chaque soir à 20h. Nous pourrions rêver autre chose, mais la réalité est là, rude et éprouvante à certains moments.

    La foi se présente à nous d’une façon curieuse par rapport à cette vie. D’un côté, le Seigneur nous invite à venir à lui, à nous reposer en lui, à nous décharger en lui de toutes nos peines, de tous nos soucis, de toutes nos épreuves. Et l’espérance que les miracles qu’il fait dans l’Evangile ne sont pas des moindres. Après tous, il guérit, libère, console et restaure une humanité blessée qui lui crie de venir à son secours, et non sans résultat.

    D’un autre côté, il y a l’Evangile d’aujourd’hui. Si nous voulons être son disciple, il faut prendre notre croix et le suivre, là où il va, c'est-à-dire traversant la souffrance et la passion, jusqu’à la mort et la mort de cette croix infamante. Saint Pierre n’est pas en reste du côté de l’incompréhension. Suivre un Messie triomphant, le Fils de l’Homme qui vient de la fin des temps pour sauver et restaurer toute l’humanité blessée, voilà qui est bien enthousiasmant. Mais suivre le Messie souffrant, celui qui descend dans ces profondeurs dont nous souhaiterions bien être délivrés, voilà qui est bien déconcertant. Comme peut-on suivre celui qui, à vue humaine, va perdre ? Comme peut-on suivre cet homme qui annonce qu’il va à l’échec de sa mission, démentant ainsi tant et tant d’espoirs humains mis en lui. Ces paroles sont dures, qui peut les comprendre, précisera l’évangéliste Saint Jean, ajoutant que beaucoup le quitteront, cessant justement de le suivre.

    Ce dimanche, il nous faut entendre que la suite du Christ n’est pas confortable. Pour deux raisons. Elle n’est pas confortable parce que c’est bien un Messie souffrant qui nous sauve. Souffrant, défiguré, réduit à l’impuissance sur la Croix. C’est le mystère pascal qui nous sauve. La prédication de Jésus nous y prépare. Les miracles viennent susciter notre foi au Maître de la vie. Mais ultimement, c’est le mystère pascal qui nous sauve. Et cela nous est rappelé par nos crucifix. Ils sont le rappel permanents de ce qu’il y a de fou dans le monde, comme dit Saint Paul. Nous sommes sauvés par ce Fils de Dieu qui a à ce point partagé les méandres de nos existences humaines, sauf le péché, qu’il descend jusqu’à l’impasse de la vie humaine, cette mort là. L’esthétique et l’histoire de l’art nous montrera des Christ romans ou des Christ baroques, des Christs mourant ou des Christ morts, mais toujours le rappel de ce qu’il y a d’incontournable, nous demandant de lever les yeux vers celui qui a été transpercé.

    Mais la suite du Christ n’est pas confortable pour une seconde raison. Il s’agit de le suivre dans ce chemin. Il le dit lui-même : porter soi-même sa propre croix, ou encore renoncer à sa vie, à son propre confort, à son amour propre, à sa volonté propre. C’est donc qu’il nous entraîne dans ce chemin qui n’est pas confortable pour lui-même. C’est qu’il y a une fécondité à donner et à se donner. Il y a une vraie fécondité à accepter ce travail de dépouillement, de conversion, comme chaque Carême nous le rappelle. Il y a également, et c’est sans doute le plus difficile à entendre, une fécondité à espérer de nos souffrances, de nos épreuves, tant qu’elles sont vécues avec lui. Je ne dis pas de les chercher, mais de les vivre avec lui.

    Un psaume affirme : dans ta lumière, nous voyons la lumière. En le paraphrasant, on peut dire : dans ta souffrance, nous voyons nos souffrances. Si ton mystère sauve nos vies, il sauvera tout de nos vies, parce que tout a été assumé. Certes la vie n’est pas un long fleuve tranquille, mais par Lui, avec Lui et en Lui, nous savons que nous ne sommes plus seuls, et nous portons sur nos vies et sur celles des autres, le regard que le Dieu plein d’amour et de vérité porte.