Chaque année, au seuil de l’hiver, alors que l’automne rayonne encore de mille feux, nous voici avec cette fête de tous les Saints. Alors que, comme tous les ans, toute la nature semble se préparer à une longue hibernation, alors que nous mesurons peu à peu la diminution de la lumière du jour, alors que l’hiver s’est installé sur l’heure de nos pendules et de nos montres, voici que la liturgie nous fait regarder plus haut et plus loin que ce monde créé.
De la fête de Tous les Saints, un voile semble s’entrouvrir et vient une autre lumière, un autre temps, un autre ciel et une autre terre, celle du monde à venir où les saints nous précédent. Oui, la liturgie de ce jour nous l’affirme d’une façon finalement prophétique : ils nous précèdent.
Un voile s’entrouvre. C’est bien ce que nous pressentons quand nous accompagnons un défunt de nos famille ou dans nos amis. Il, elle quitte ce monde visible, pour un autre monde. Il ou elle nous précède dans ce monde à venir, après un pèlerinage terrestre. C’est ce que nous allons commémorer demain en priant pour tous nos fidèles défunts, en demandant à Dieu qu’il les accueille, comme nous espérons qu’Il nous accueillera au soir, à l’hiver de notre vie terrestre.
Pour ces saints, canonisés ou connus de Dieu, ce n’est plus l’hiver, c’est l’éternel été de la vie sans fin, de la gloire de Dieu à laquelle ils sont associés, la vie sans fin du face à face avec Dieu dont ils font leur nourriture et leur louange sans fin. Oui, nous avons raison de nous réjouir de les voir nous précéder dans ce monde invisible où la lumière a pris toute la place, et pour cause ! Aujourd’hui, nous avons donc un moment de nous réjouir : le voile qui nous sépare de ce monde invisible s’entrouvre légèrement pour nous faire regarder ceux qui y ont déjà part.
Mais il y a plus : les saints ne font pas que nous précéder, nous laissant entrevoir ce qui pourra être notre propre destinée. Ils nous attendent, ils nous invitent à leur suite, et ils y nous entraînent. Saint Bernard le dit dans une belle homélie pour ce jour : « Elle nous attend, cette Eglise des premiers nés, et nous n’y prêtons pas attention. Ils nous désirent, les saints, et nous n’en faisons guère de cas. Ils comptent sur nous, les justes et nous restons indifférents ». Voilà qui nous interroge en ce jour : les saints qui nous précèdent, nous invitent, un peu comme des premiers de cordée qui nous aident dans ce pèlerinage de la vie, lente ascension dans une course en haute montagne. Dans cet éternel été de la vie éternelle, ils sont présents à toutes les saisons de notre vie. Présents à tous les magnifiques printemps de nos débuts ; présents à tous les étés de nos progressions ; présents à tous les automnes et les hivers de nos piétinements ou de nos épreuves. Bref, ils nous sont un appui, des frères et des sœurs qui nous accompagnent. Dans une audace inouïe, nous les prions pour qu’ils nous aident à vivre déjà de ce monde invisible, en attendant d’y vivre avec eux.
Pour être fidèle à la citation de Saint Bernard, il faut dire plus. Ils nous précèdent, certes. Ils nous accompagnent certes. Mais ils nous attendent et nous désirent ! L’amour qui les illumine veut se communiquer. Saint Bernard insiste : « Ce n’est pas seulement la compagnie des saints, c’est aussi leur bonheur qu’il nous faut souhaiter pour nous, de manière à ambitionner avec une extrême ferveur leur gloire, tout comme déjà nous désirons leur présence ».
Ils nous attendent, et nous n’y prêtons pas attention. Chers amis, l’horizon de notre vie, n’est pas uniquement cet aujourd’hui fugace qui demain ne sera déjà plus. Il n’est pas non plus le mur froid et hivernal d’une mort physique que nous devrons bien vivre d’une manière ou d’une autre. L’horizon de notre vie est cette magnifique compagnie des saints, foule immense que nul ne peut dénombrer.
Ils comptent sur nous ces justes, et nous resterions indifférents… Et pourquoi cela ? Pourquoi nous priver de ce cadeau de leur présence et de leur aide, alors que nous pouvons dès aujourd’hui vivre de cette lumière du monde invisible, de cette joie des Béatitudes. Dès aujourd’hui, l’éternel été s’offre à nous. Dès aujourd’hui, la lumière à venir éclaire nos pauvres existences. Dès aujourd’hui, Dieu fait de nous des saints en puissance. Pourquoi tarder à devenir ce que nous sommes depuis l’éternel printemps de notre baptême ?
Commentaires
Pas mal, mais maintenant j'attends la suite : "Comment devenir ce que nous sommes ?"