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Homélies - Page 40

  • Tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui

    mantegna-rois-mages-adoration.jpgNous voici en cette fête de l’Epiphanie avec cette attitude d’adoration des mages. Déposant leurs présents, tombant à genoux après leur poursuite de l’étoile, ils se prosternent devant l’Enfant de la crèche.

    A la nuit de Noël, c’est le chant des anges qui avait attiré les bergers jusqu’au lieu de la naissance du Christ. Au jour de l’Epiphanie, c’est l’Etoile et l’Écriture interprétée par les scribes de Jérusalem qui introduisent les mages à l’adoration, à cette prosternation où ils confessent par tout leur être la divinité de l’Enfant. « Nous sommes venus nous prosterner devant lui », disent-ils à Hérode.

    Quatorze fois dans l’Evangile selon saint Matthieu, Jésus reçoit l’hommage de la prosternation de ceux qui viennent au devant de lui pour lui demander un miracle ou pour confesser leur effroi devant la puissance de sa gloire, comme après la résurrection. A chaque fois, cette attitude traduit le fait que tout l’être s’abaisse  devant celui qui est tout, infiniment puissant et glorieux, infiniment saint. Cette prosternation est belle : elle indique à quelle point l’homme se connaît petit et humble devant le Roi des rois, le Seigneur des Seigneurs.

    Nous sommes trop habitués à côtoyer, à tutoyer Dieu. Dieu est peut-être proche, plus proche à nous même que nous-mêmes, mais il n’en reste pas moins le Saint, celui qui veut être l’objet de nos louanges, parce qu’il est saint, fort, immortel. Les crèches de nos maisons et de nos églises nous montrent des étables peuplées de personnages tournés et prosternés d’une manière ou d’une autre vers l’Enfant-Dieu. Cette fête de Noël, la méditation devant nos crèches pourraient laisser monter en nous ce sens de l’adoration de Dieu, ce sens de la louange : il est Dieu, et je ne suis qu’un homme. Il est éternel et infini, et je ne suis qu’un être fini. Il est mon Créateur et je suis créature, créé par lui.

    Remarquez bien que cette adoration se fait de la part des mages, c’est à dire d’hommes qui sont étrangers à toute la tradition religieuse d’Israël. La foi juive sait à quel point, on ne peut voir Dieu sans mourir. L’effroi sacré, la crainte respectueuse ne sont pas réservées aux prêtres qui montent aux Temple ou aux prophètes qui ont une vision. Tout juif se sait sous la protection du Dieu Très-Haut, dans la main de Celui dont il se sait créé et sauvé. Hérode le confessera à sa manière en prétendant qu’il ira, lui aussi, se prosterner devant le roi des juifs qui vient de naître !

    Seulement voilà, les derniers ont été les premiers. Les bergers, mais aussi les mages, sont là pour montrer à tout Israël quelle est l’attitude juste en ce jour. Tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui. Nul besoin de discours, nul besoin de dérobade quand Dieu paraît. A genoux devant le Dieu qui nous a faits, car c’est lui notre Dieu et nous le peuple qu’il conduit, le troupeau que mène sa main, chante le psaume 94.

    Pour être plus précis, il faut noter que le plus inouï, au sens propre du terme, est ici que cette confession silencieuse de foi au Dieu vivant est faite par des hommes qui, apparemment, en était le plus loin. Des mages, des astrologues de nation et de religion païennes. En eux, chacun peut se reconnaître comme ce dernier que le Christ vient illuminer de son incarnation rédemptrice. En eux, chacun peut se prosterner et adorer le vrai Dieu, le beau Dieu.

    Pour finir, je nous laisse deux questions que me suggère l’attitude de ces mages :

    Quand nous prosternons-nous ? Notre foi laisse-t-elle place à cette louange gratuite de Dieu, parce qu’il est Dieu ? Au-delà de la prière de demande, de supplique, d’intercession ou encore d’action de grâce, laissons-nous une place à l’adoration gratuite où nous déposons tout au pied de notre Créateur et notre Sauveur ? Le psaume 22 le confesse tout simplement : Dieu, tu es mon Dieu.

    Sommes nous des adorants ? Dans nos crèches, il y a des mages qui s’abaissent et s’agenouillent. Il y a des bergers avec des agneaux sur les épaules. Il y a le ravi. 3 figures qui peuvent nous aider en ce jour, en cette Eucharistie, en cette maison du pain, en cette crèche où l’Enfant se présente à nous dans l’hostie consacrée. Nous rendons-nous présents à Celui qui est la présence par excellence ? Serons-nous des adorants ?

  • Mon beau sapin

    sapindenoeldecore.jpgLa voici donc la nuit de Noël, celle que nous attendons depuis 4semaines, 4 petites semaines de l’Avent dont la couronne est déjà un souvenir. La voici donc la Dieu où Dieu vient nous sauver en nous donnant ce Fils. La voici celle où il prend notre humanité pour nous communiquer sa divinité.

    Pour nous aider dans notre méditation de ce soir, nous avons à la fois beaucoup de choses et pas grand-chose. Je m’explique. Pas grand-chose : parce que la réalité de la Nativité est cachée dans un cours verset de l’Evangile selon saint Luc, celui là même que je viens de chanter il y a un instant. « Elle mit au monde son fils premier né : elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire ». La réalité est là, sobre, mais réelle. Pas d’indication de date. Il y a un lieu : la ville de Bethléem. Pas d’éclair, ni de tremblement de terre, mais tout de même des anges qui déchirent le ciel pour proclamer l’évènement à des bergers qui n’en demandaient pas tant. Et plus tard des mages venus d’Orient pour y repartir.

    L’évènement est là dans sa sobriété : il est né de la Vierge Marie. Il prend notre chair. Il vient nous visiter. Du coup, on comprend que les croyants aient eu besoin de développer des traditions qui sont comme des résonances de cet évènement. Nous avons sans doute besoin de nous le repasser sous les yeux, de le commenter, de l’étirer un peu pour le comprendre, et surtout pour lui faire prendre toute sa mesure. C’est que notre imagination a besoin d’être éduquée ; notre mémoire rafraîchie ; notre intelligence alimentée et surtout notre volonté mise en mouvement.

    Et la voici, la crèche de St François, lui qui était fasciné par la réalité de l’Incarnation du Christ, par la réalité toute proche et toute simple où Dieu s’abaisse dans les profondeurs d’une existence humaine.

    Les voici les tables de nos maisons, toutes parées pour ce jour de fête. La joie de nos familles veut rejoindre celle de la Sainte Famille de Nazareth. Les cadeaux vont nous réjouir comme ceux des mages à l’Enfant, le Roi des Juifs qui vient de naître. Le repas qui nous réunit nous rappellera que le Messie a pris place à nos tables humaines, à Cana, comme à Jérusalem le jour de la Pâque.

    Et le voici, le sapin qui trône dans nos séjours ou dans nos salons. Peut-être trouverez vous que cela fait un peu trop païen, un peu trop salissant, un peu too much tout simplement. Permettez que, ce soir, je vous suggère quelques réflexions sur ce sapin.

    Un épicéa, un Norman ou un Culman, peut importe. C’est d’abord l’arbre toujours vert, dont la Bible ne cesse de nous parler. L’arbre auquel Dieu n’a pas peur de se comparer : « Je suis, moi, comme un cyprès toujours vert, c’est de moi que procède ton fruit ». A Israël qui était tenté d’aller voir d’autres dieux, d’autres cultes, notamment ceux des arbres sacrés, le Seigneur a l’audace de reprendre l’image, de se montrer comme celui qui ne passe pas, celui qui est éternel. Notre pauvre sapin vient nous le rappeler, à sa manière.

    Ensuite, il est illuminé, il resplendit dans nos nuits. Et de fait, nous ne sommes pas faits pour la nuit et les ténèbres. Ce désir de lumière qui nous habite renvoie à un désir métaphysique plus grande : nous sommes faits pour la lumière, et donc pour Dieu. Vous vous souviendrez peut-être que dans la nuit de l’Egypte, un arbre mystérieux a resplendi dans le désert où Moïse gardait les troupeaux. Au milieu de cette nuit de l’esclavage, le buisson ardent avait resplendi et du milieu du feu une voix avait appelé et promis une libération. Là encore, notre pauvre sapin vient nous le rappeler, à sa manière.

    Enfin, ce sapin porte de multiples décorations, et parmi elles des boules. Déjà au Moyen age, on avait conscience que ces décorations signifiait bien autre chose. Elles étaient les fruits : des pommes ou des hosties, parce que ce sapin renvoyait à l’arbre de vie du Paradis, celui qui donne des fruits de grâce : des pommes pour l’arbre de la Création. Des hosties pour l’arbre de la Rédemption. Ce fruit que nous allons recevoir dans quelques instants en communiant au seul arbre de vie qu’est le Christ.

    Dans quelque mois, au cours d’une autre nuit, nous fêterons celui qui se dresse debout au sortir de la nuit du tombeau. Nous l’accueillerons lui qui se donne comme cet unique fruit de vie qui veut nous vivifier. Nous n’aurons plus l’image, nous aurons la réalité. Nous lâcherons l’ombre pour saisir la proie. Merci à ceux qui nous ont précédés, ils nous ont laissés ces images qui nous aident à toujours plus désirer le Christ.

  • Me voici, Mon Dieu, je suis venu faire ta volonté

    fb.jpgQuatrième bougie, quatrième étape de notre chemin de l’Avent. Mais c’est année, tout va vite. Demain soir nous y serons. Tout y contribue : les rues illuminées, les vacances qui font se déplacer et se rencontrer les familles, les idées de cadeaux, les courses qu’il faut faire pour approvisionner les tables du 24, et du 25. Et partout on nous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année. Bref, c’est la magie de Noël, ou plutôt la grande bouffe, le grand déballage, ou plutôt le grand mensonge. Moi, je suis désolé, mais je ne peux pas.

    Je ne peux pas, parce que ce serait se piéger, s’intéresser à l’emballage, plutôt qu’au merveilleux cadeau de Noël. Ce serait rester à la surface des choses, plutôt que d’accéder à l’évènement.

    Si vous le permettez, c’est la lettre aux Hébreux qui peut nous aider à mesurer ce que nous allons vivre dans quelques heures maintenant. L’auteur y dévoile l’esprit et la mission du Messie qui vient dans le monde. Il ne parle pas de paix, de bonheur, ni même de consommation. Il fait parler le Christ, le Fils du Père au moment de sa venue dans le monde. Dans une lecture très audacieuse, il attribue au Christ cette phrase d’un psaume : « Me voici, mon Dieu, je suis venu faire ta volonté ». Vous voyez qu’on est loin de tout le faste, le decorum, l’extériorité dans laquelle nous avons emballé le mystère de Noël.

    « Me voici, mon Dieu, je suis venu faire ta volonté ». Déjà les prophètes avaient annoncé des paroles exigeantes de la part du Seigneur, le Dieu d’Israël. Ils dénonçaient tout ce qui pouvait y avoir d’extérieur dans les offrandes et les sacrifices fait au temple. Cela restera vrai au moment du Christ, puisqu’il chassera les marchands et les changeurs, pour purifier ces gestes d’offrande faits dans la maison de son Père. Ils en avaient fait leur business. Lui fait le ménage pour rendre au temple le lieu d’un sacrifice plus intérieur, plus authentique, plus personnel.

    Dans le mystère pascal, nous savons que tous les anciens sacrifices extérieurs,  de l’alliance de Dieu avec les hommes, sont abolis. C’est dans le Christ, et en lui seul, dans son unique sacrifice, dans son offrande faite une fois pour toute, que la nouvelle Alliance est scellée. Et la pointe de cette alliance, c’est ce consentement unique du Fils à la volonté du Père.

    Vous vous demandez peut-être pourquoi je parle de cet aspect aujourd’hui, alors que nous nous préparons encore à Noël, et même pas à Pâques. Eh bien, ce qui est merveilleux, c’est que la seconde lecture nous dévoile le mystère intérieur de l’âme et de la mission du Mission : ce Oui donné sans réserve et sans condition. Ce Oui qui fonde tous les autres : celui de Marie à l’Annonciation, celui de Joseph  au sortir du songe où l’ange lui apprend la conception virginale de Marie ; le Oui des apôtres qui suivent le Christ ; le Oui des saints connus ou inconnus ; le Oui des époux, le Oui de ceux qui choisissent de suivre radicalement le Christ, dans le célibat ou le sacerdoce ; les grands Oui de nos vies et nos petits Oui de chaque jour. Mais toujours des Oui et des consentements à la volonté du Père.

    Pour le Christ, l’homme qui a dit Oui, c’est un unique Oui : à la crèche comme à la Croix. C’est bien ce que nous chanterons dans la nuit demain soir : « De la crèche au crucifiement, Dieu nous livre un profond mystère, De la crèche au crucifiement, Il nous aime inlassablement »

    « Me voici, Mon Dieu, je suis venu faire ta volonté ». La justice et l’amour de Dieu sont exigeantes. Elles imposent de descendre profondément dans le cœur de l’homme, parce que justement Dieu est descendu profondément dans l’existence humaine pour y placer un germe de paix, de réconciliation, une semence de justice et d’amour. Les fruits naîtront, certes, et sûrement. Mais en attendant, il nous faut nous rendre le plus attentifs à cette intériorité, à cette offrande libre et intérieure de Celui qui seul la rend efficace ; l’offrande qui, seule, porte un fruit de grâce. Et quel fruit !

    Ce dimanche, ce petit 4ème dimanche, voulez-vous que nous le réservions à la contemplation de cette offrande du Christ au moment où il entre dans le monde. Voulez-vous que nous soyons un peu réservés dans notre frénésie habituelle de Noël, que nous soyons plus attachés au contenu qu’au contenant ? Voulez-vous que, pour la première fois, nous nous préparions à Noël ?

  • Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas

    05beaun.jpgDans ces derniers dimanches de l’année liturgiques, nous touchons le terme de ce que la liturgie veut nous faire entrevoir du mystère du Christ. Dimanche prochain, la fête du Christ-Roi clôturera notre année liturgique, en nous faisant méditer la figure royale du Christ dans sa Passion, dans le mystère de l’accomplissement de la volonté du Père.

    Aujourd’hui, nous voici devant cet enseignement du Christ lui-même, à propos de sa venue. C’est la conclusion qui retient mon attention en ce dimanche ; elle sonne comme une promesse : « Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas »

    Le Christ annonce donc une fin, la fin du ciel et de la terre, la fin d’une création dont le moment initial a été voulu par Dieu. « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre ». Souvenez-vous du récit de la création, quand au terme des 6 jours de l’œuvre créatrice Dieu contemple sa création et se repose de toute l’œuvre entreprise. Cette création est devenue comme un écrin : écrin de la vocation de l’homme, écrin de l’incarnation du Verbe, écrin du salut réalisé par le Fils. Cette création, ce ciel et cette terre, doivent passer. De même que le commencement appartient à Dieu, il faut entendre qu’il y a une fin et qu’elle appartient également à Dieu : « Quant au jour et à l'heure, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père »

    Mais qu’est-ce que cette fin ? Nul ne le sait. Ne croyons pas trop rapidement en avoir une description dans l’Evangile de ce jour : « Après une terrible détresse, le soleil s’obscurcira et la lune perdra son éclat. Les étoiles tomberont du ciel et les puissances célestes seront ébranlées ». L’Ecriture elle-même parle en des termes qui sont et qui restent dans l’univers de celui qui écrit ou du destinataire premier de ces lignes. Ils sont nombreux sont qui ont annoncé la fin du monde, parce qu’ils interprétaient ainsi des évènements catastrophiques advenus ou à venir. C’était vrai au moment de la chute du Temple en 70, c’était vrai lors de la grande peste du XIVème siècle, c’était encore vrai au moment de l’an 2000 et de son grand bug annoncé, ou de l’éclipse du soleil en 2001. Que n’a-t-on pas entendu ! Et que dire du 21 décembre 2012 ?

    Notre curiosité, ou plutôt notre inquiétude, la nôtre et celle de nos contemporains est grande à ce sujet. Elle est quelquefois insatiable, et même tellement fébrile qu’elle devient irrationnelle. Le succès et la séduction des sectes, des gnoses, des comportements extrêmes de tout genre n’est pas loin.

    Le service que nous pourrions nous rendre, et le rendre à nos contemporains serait de convertir notre rapport à la fin des temps, à l’eschatologie comme on dit. Trois points peuvent nous y aider.

    Dieu qui est la cause première de tout, n’est pas la cause unique de tout. En particulier, il n’est pas la cause de toutes les catastrophes qui arrivent dans l’humanité, dont en plus les medias se délectent, attisant par là le sentiment que nous sommes à la fin du monde chaque soir à 20h. L’imprévisibilité des éléments, la folie et le péché des hommes ne sont pas sans lien avec nombre de catastrophes, parce que Dieu n’empêche pas sa création d’exister dans son dynamisme, il n’empêche pas l’homme au milieu d’elle d’être libre. Arrêtons de pleurer comme des enfants en pensant que Dieu est perpétuellement en colère et qu’il nous punit par mille et une catastrophe. Sinon nous en serions à prier Toutatis pour que le ciel ne nous tombe pas sur la terre !

    « Le ciel et la terre passeront ». La réalité de cette affirmation doit nous habiter. Elle doit habiter notre prière, notre existence. Le quand et le comment ne nous appartiennent pas. Ce peut être ce soir ou dans 100 ans. Peu importe. La réalité de la remise de ce monde à Dieu est une certitude dans la foi. Et donc l’enjeu de la remise de moi à Dieu est entière. Je passerai à Dieu. Voilà la Pâque à venir pour chacun de nous et pour toute la création. Il s’agira donc désormais de vivre avec cette garde du cœur, cet appel profond à passer de ce monde au Père.

    « Mes paroles ne passeront pas ». Quand bien même l’écrin qu’est la création passe, le Verbe, la Parole du Dieu vivant, la personne même du Christ elle ne passe pas. Elle demeure la même hier, aujourd’hui et dans l’éternité. Le visage lumineux et miséricordieux de Dieu ne saurait pas. Voilà une autre certitude de foi. Voilà une certitude qui doit nous habiter également. Si nous passons comme cette création, nous passons en lui. Notre Pâque à venir sera un passage à ce qui ne passe pas. L’Eucharistie que nous allons recevoir en est comme les arrhes, comme une avance. Recevons-la avec confiance. Tout passe. Lui et nous avec lui, ne passeront pas.

  • Jésus, Fils de David, aie pitié de moi !

    P1090955x.jpgNous connaissons bien ce passage de l’Evangile (Mc 10, 46-52). La montée de Jésus à Jérusalem passe par la ville de Jéricho. Après la dernière annonce de la Passion, dans le climat passionné qui précède son entrée triomphale à Jérusalem, le voici sortant de Jéricho, et prenant résolument la route de la Passion, la route du dépouillement, la route du salut, qui n’a rien de la gloire humaine, et encore moins d’un long fleuve tranquille. C’est le moment où ce qu’il vient apporter se dévoile, le moment où le salut vient en pleine lumière.

    Et voici cet aveugle, suffisamment bien repéré, puisque même son nom a été gardé jusqu’à aujourd’hui. Bartimée, lui qui croupissait au bord de la route à mendier ; lui on écarte, qu’on ne voit plus ; lui qui ne voit plus. Et la rencontre est fulgurante pour cet homme. Jésus qui passe, pressé d’en découdre, pressé que son heure advienne, voici qu’il est rencontré par cet homme qui ne lui demande tout et rien. Rien de précis, mais tout : aide pitié de moi. Et il le demande, non pas au fils de Joseph, non pas au Nazaréen dont on connaît l’oeuvre de thaumaturge. Non, il le demande au fils de Dieu, le Messie Roi, celui qui vient instaurer un règne de justice et de paix. Celui là même que les foules vont acclamer à l’arrivée à Jérusalem.

    Restons quelques instants avec ce sympathique Bartimée. Encore en cet instant, son apostrophe peut nous aider.

    D’abord, il reconnaît son indigence et sa fragilité. A la question du Christ : Que veux-tu que je fasse pour toi, la réponse fuse, évidente pour les témoins de la scène : Que je voie ! Réponse égoïste dirons certains. Et alors. Il est aveugle. Il présente au Seigneur, le Maître de la vie, son manque, sa souffrance. Il veut vivre ! Il veut voir ! Que présentons-nous d’autre dans notre prière, sinon ces manques, ces souffrances, nos désirs de vivre

    Ensuite, il confesse que seul son interlocuteur pourra le sauver. Il l’a fait pour tant d’autres, ne le fera-t-il pas pour lui ? Et quand bien même, si Jésus est le Fils de David, le Messie attendu par les prophètes, alors il réalisera ce que Dieu a promis : les aveugles verront la lumière, les sourds entendront, les boiteux marcheront, bref, tout homme verra le salut de Dieu. Le salut et non pas la santé. La foi qui ouvre le chemin de la communion avec Dieu et de la divinisation, et pas le chômage des médecins.

    C’est que le miracle suppose la foi et la suscite. Il suppose la foi de celui qui demande la guérison. Il suscite la foi de ceux qui en sont témoins. Bartimée ne va-t-il pas suivre le Christ, dans sa montée à Jérusalem, dans Passion, et pourquoi pas plus vu l’affinité ?

    Au début de ce miracle si déroutant, où la lumière se fait pour cet homme,  où il devient un homme debout, où le mendiant se fait disciple, il y a cette phrase, cette prière instante qui est une confession de foi. « Fils de Dieu, aie pitié de moi ! » Il y a l’audace d’un priant qui crie vers son Seigneur.

    Vous savez peut-être que cette prière a largement inspiré son développement dans la tradition de nos frères d’Orient. « Seigneur Jésus Christ, fils du Dieu vivant, prends pitié de moi pécheur ! », ce qu’on appelle la prière du cœur. Elle tient lieu de chapelet pour tous les pèlerins des routes d’Orient. Elle est le bréviaire de ceux qui travaillent dans les champs ou dans les bibliothèques. Elle est le souffle des malades et des mourants. Elle est l’âme de tous ceux, jeunes et vieux, hommes et femmes, qui quémandent de Dieu, et de Dieu seul, le salut et la paix qu’Il veut donner à ceux qui le suivent et se confient en Lui.

    « Seigneur Jésus Christ, fils du Dieu vivant, prends pitié de moi pécheur ! ». C’est la prière du cœur, qui vient reconnaître ce besoin existentiel d’être sauvés. Mais nous avons besoin d’être sauvés, n’est-ce pas ? C’est la prière qui vient consentir à ce que Dieu seul nous sauvera. Mais nous ne cultivons plus l’illusion que nous nous donnerons le bonheur à nous-mêmes, n’est-ce pas ? C’est la prière qui reconnaît en Jésus plus qu’un prophète, plus qu’un thaumaturge, plus que Jonas, plus que Salomon, mais le Christ le Fils du Dieu vivant. C’est bien de lui dont nous parlons, n’est-ce pas ?

    Ce même Fils de David, Fils du Dieu vivant continue de passer dans les profondeurs de notre petite Jéricho, cette ville située bien au dessous du niveau de la mer. Il passe en nous, pour monter à Jérusalem et nous mener à sa suite. Ce cri de Bartimée, cette prière du cœur est plus qu’une invitation pieuse. Elle est notre bouée, notre respiration. A une et une seule condition, celle de crier vers Lui.