C’est ce que dit Jésus à ses disciples au moment si inédit de ce geste du lavement des pieds. Lui le Maître et le Seigneur, lui le Fils de Dieu s’abaisse, se fait esclave, serviteur. Pierre ne comprend pas, pas tout de suite, tout comme lui et la plupart des disciples ne comprennent pas qu’il lui faille être arrêté, souffrir, mourir avant de ressusciter d’entre les morts. Comment le Maître et le Seigneur serait-il serviteur ? Comment serait-il souffrant ?
Gardons pour ce soir ce visage et ce geste de Jésus. Il est le Serviteur, celui qui au milieu de nous au met au service. . Il est le Serviteur du Père. Par amour, il est le serviteur des hommes. Au service de l’humanité, au service de son bonheur et de sa communion avec le Père, au service singulier de chacun de nous. On peut saisir ce service de Jésus par 2 regards complémentaires.
Le premier regard est celui du service auquel nous sommes tous appelés. Le baptême et la confirmation nous ont faits devenir des disciples de Jésus au point même d’être en quelque sorte conformés à lui. Avec lui, comme lui, en lui, nous sommes appelés à annoncer la Bonne nouvelle qu’il est ; nous célébrons le mystère de cette communion avec le Père ; nous nous mettons au service des autres. Au milieu de nous, les diacres manifestent cette mise en service de l’Eglise, partout où elle est présente. C’est bon de nous en souvenir en cette année où toute l’Eglise de France se met à l’écoute de l’Evangile pour discerner cet appel au service, à la diaconie de l’Eglise. La question se posera donc. A qui lavons-nous les pieds ? Concrètement ou symboliquement. Devant qui nous abaissons nous pour nous mettre à son service. Dans nos familles, dans les couples, dans nos quartiers, dans nos cercles amicaux, dans nos milieux professionnels, nous serons reconnus comme disciples du Christ, si nous nous mettons u peu plus au service. Non sans discernement, non sans prudence à certains moments, mais quand même, il conviendra de s’abaisser, pour manifester que le Christ s’abaisse pour livrer sa vie.
Mais il y a un autre regard, complémentaire, et même plus que complémentaire, qui fonde le premier. Le Jeudi Saint est la fête des prêtres, parce que c’est la fête de l’institution du sacerdoce. Et justement, ce geste du lavement des pieds, le Christ le donne à ses disciples, aux Douze, en leur demandant de le réitérer, comme pour l’Eucharistie. Il fonde leur autorité sur le service, comme pour lui-même, sur la disposition profonde d’être tout à tous, parce qu’ils sont tout à Lui, tout à Dieu. Aimer, c’est tout donner et se donner soi-même. Au milieu de vous, pour vous, face à vous, les prêtres sont le rappel constant que l’Eglise est fondée sur l’unique service du Christ. Par le sacrement de l’Ordre, les prêtres sont un prolongement de cette unique charité pastorale du Christ qui s’abaisse jusqu’à la mort et la mort de la Croix.
Les prêtres, vos prêtres seront vos serviteurs, sacrement de cette charité du Christ Tête et Pasteur, si 3 aspects se vérifient.
Ils sont les serviteurs de la parole de Dieu pour vous. Serviteurs d’une Parole autre et qui altère. Serviteurs d’une parole qu’ils n’ont pas produite eux-mêmes, dont ils ne sont pas la source. Ils la reçoivent, elle passe en elle et il la sème en vous, pour qu’elle porte du grain, cent pour un, soixante pour un, trente pour un. Au besoin, ils dépierrent le chemin, ils enlèvent les ronces qui étouffent, ils chassent les oiseaux qui picorent le grain. Soyez assurés, et demandez-leur, qu’ils conforment eux-mêmes leur propre vie à cette Parole qui altère et vivifie.
Ils sont les serviteurs de votre amitié avec le Christ. Par les sacrements, par la Parole, par le service, ils sont les serviteurs de la grâce en vous et pour vous. Comme Jean-Baptiste, ils sont l’ami de l’Epoux et se réjouissent d’entendre sa voix. Comme Pierre, ils n’ont ni or, ni argent à offrir, mais la grâce agissante du Christ pour vos vies, telles qu’elles sont. Comme tant et tant de prêtres qui les ont précédés, ils consolent, relèvent, fortifient tous ceux qui souffrent et qui peinent. S’ils vous paraissent à certains moments exigeants, c’est pour mieux vous aider à entrer plus personnellement et plus ecclésialement dans cette belle relation d’amitié avec le Christ. Et s’ils vous paraissent exigeants, c’est aussi parce qu’ils veulent m’être pour eux-mêmes.
Ils sont les serviteurs de votre joie. La joie de Dieu qui veut se lire sur vos visages, et surtout dans vos cœurs, même et surtout quand les raisons humaines d’être joyeux sont dissipées ou se sont envolées. Serviteurs de votre joie, parce qu’ils sont d’abord les serviteurs de la joie de Dieu, celle qu’il a en voyant des hommes et des femmes désirer et choisir la communion avec Lui. Celle que Dieu a quand il veut demeurer en vous et vous en Lui. Peut-être sont-ils maladroits, peut-être ne sont ils pas naturellement enclins à la joie, peut-être sont-ils fatigués à certains moments, et pourtant, toujours, ils veulent être les serviteurs de votre joie. Qu’elle soit pleine et parfaite.
Alors, nous comprendrons ce soir, que ces serviteurs sont entièrement conformés, jusque dans leur vie, au seul Maître et Seigneur, au Christ Tête et Pasteur, à celui qui est venu non pour servir, mais pour être servi. Alors nous comprenons le geste du lavement des pieds. Pas seulement les pieds Seigneur, mais aussi la tête. Viens nous baigner de ta charité !