« Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres ». Jn 13,35
Pour être bien sûrs que nous ayons compris l’enseignement du Christ, la liturgie nous le fait réentendre ce 5ème dimanche de Pâques. Aimer Dieu, et aimer son prochain comme soi-même, voilà le cœur de la foi, le noyau irréductible de ce qui fait l’identité chrétienne. La citation de ce jour prend place après le lavement des pieds, après que le Christ se soit expliqué sur le sens de ce geste, après qu’il ait annoncé la trahison d’un des apôtres, après que Judas ait interrogé « serait- moi ? », et finalement après qu’il soit sorti.
C’est que ce groupe des Apôtres, cette Eglise naissante est tout sauf un groupe de bons amis. Il n’y a pas beaucoup de raisons humaines qu’il soit ensemble. Des pharisiens et des publicains, des pécheurs et un collecteur d’impôts, des juifs de langue araméenne, et d’autre de langue grecque. Un groupe de disciples du Seigneur, certes, mais qui n’est réunit pour aucune raison humaine. Seule le Christ les réunit. Et il en est ainsi de l’Eglise. Seule la charité du Christ nous réunit. D’où l’insistance du commandement du Seigneur, au long de son ministère public, et encore plus aux heures brûlantes de la Passion, au soir du lavement des pieds.
« Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres ». Les uns les autres. Retenons bien cette expression. Belle expression de réciprocité, de circularité, comme l’amour qui circule et s’échange entre les personnes de la Trinité. Les uns les autres. Dans les écrits du Nouveau Testament, spécialement dans les lettres de St Paul, l’expression se fait encouragement, exhortation même, appel vibrant à l’unité et à la charité dans les communautés chrétiennes qu’il a fondées.
De façon très positive, comme un encouragement : « Accueillez-vous les uns les autres » (Rm 15,7), « Exercez l'hospitalité les uns envers les autres » (1 P 4,9), « Soyez pleins d'affection les uns pour les autres » (Rm 12,10), « Ayez soin les uns des autres » (Ep 4,32).
De façon plus sévère, parce que ces chrétiens ont besoin d’être repris : « Ne vous jugez pas les uns les autres » (Rm 14,13), « Ne parlez point mal les uns des autres » (Jc 4,11), « Ne mentez pas les uns aux autres » (Col 3,9), « Ne vous provoquez pas les uns les autres » (Ga 5,26), « Ne vous enviez pas les uns les autres » (Ga 5,26)
Enfin de façon exigeante : « Pardonnez-vous les uns les autres » (Ep 4,32), « Portez les fardeaux les uns des autres » (Ga 6,2), « Supportez-vous les uns les autres » (Ep 4,2), « Édifiez-vous les uns les autres » (1 Th 5,11)
La vie commune dans la maison Eglise est exigeante, si l’on entend la leçon des premiers disciples du Christ. Parce que l’amour mutuel, la charité nous pousse à sortir de notre singularité, pour tout convertir en nous, jusqu’à nos relations interpersonnelles. Le commandement de l’amour fraternel, de la charité belle et dense envers nos prochains, est le test ultime de notre vie de foi. Nul ne peut penser en être dispensé. Nul ne peut penser être arrivé.
Dans les célébrations de mariage, il arrive souvent que les fiancés choisissent le très bel hymne à la charité de St Paul, qui est, à sa manière, une belle présentation de cette charité à l’œuvre dans l’amour humain. Reste à le mettre en œuvre, avec son exigence quotidienne. Humblement, jour après jour, reprendre les moyens simples et les chemins que ceux que les apôtres ont eux-mêmes arpentés.
Une question : pourquoi cet effort ? Une réponse simple. Parce que le Christ nous le demande. Si cela ne vous suffit pas, relisons l’Evangile de ce dimanche. C’est pour le témoignage de notre foi au Christ. « Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres ». Certains non croyants de nos familles, de nos amis, de nos quartiers sont choqués de voir que les croyants ne sont pas meilleurs que les autres. En un sens, c’est compréhensible. Mais surtout ils sont choqués, que les disciples de Jésus ne fassent pas plus d’effort. La manière de vivre nos relations humaines, en couple, en famille, dans les groupes d’amis, dans une communauté paroissiale, ou d’autres réalités ecclésiales, sont un contre-témoignage au Christ. Nos murmures, nos mensonges, nos divisions, nos refus d’accueillir, discréditent les beaux discours que nous avons aux lèvres. Je le dis également pour moi-même.
Loin de nous accabler, il s’agit d’entendre cet encouragement fort du Christ en ce jour. De le réentendre, et d’en reprendre le chemin. Bon courage.