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Caritas Christi urget nos ! - Page 52

  • Habemus papam, le film

    Enfin une séquence cinéphile !

    Nanni Moretti nous livre un film presque félinien, sauf qu'il n'est pas anti-clérical. C'est surréaliste, mais avec une belle réflexion sur l'exercice du pouvoir. C'est à voir ! Pour le moment, un apéritif.

     

  • Ne gardez aucune dette envers personne, sauf celle de l’amour mutuel

    77d61a3b3b342a3b83d653f127ee8b16Voilà que le fougueux Saint Paul nous invite à l’amour fraternel, à la dette même de l’amour mutuel. Je dis fougueux parce que l’Ecriture garde le souvenir de quelques querelles ou différents entre Paul et Pierre, ou avec le futur évangéliste Marc.

    Pourtant le conseil de l’Apôtre fait directement écho aux paroles du Christ dans l’Evangile de ce jour, qui est tiré du long discours de Jésus sur l’Eglise, où il donne quelques principes simples de vie en commun dans la communauté des croyants. Le péché, les contentieux, les querelles pouvaient malheureusement faire leur apparition entre les membres des futures communautés chrétiennes. Plutôt que l’infamie d’aller régler ces conflits devant les païens, Saint Paul conseillera d’abord aux premiers chrétiens de régler ces manquements à la charité entre eux. Pensez donc au scandale : ceux dont on dit « Voyez comme ils s’aiment », ceux-la mêmes se divisent ! Quel contre-témoignage rendu à la foi ! Quel contre-témoignage rendu au Christ. Certains pourraient avoir raison, ceux qui disent, finalement les chrétiens ne sont pas meilleurs que les autres…

    Au premier rang des principes de l’Evangile de ce dimanche : la correction fraternelle. Celle qui nous fait aller trouver un frère ou une sœur pour l’avertir, le corriger, le reprendre sur une parole, un acte, une attitude qui ne nous a pas semblée juste, ou vraie, ou belle. Lequel ou laquelle d’entre nous n’a pas été libéré(e) un jour par le fait d’avoir été repris pour telle parole ou tel acte dont il n’avait mesuré son caractère blessant ? Même si sur le moment, cela a été difficile à encaissé, quelle libération et quelle joie ensuite !

    C’est que notre foi, notre appartenance au Christ, est nécessairement ecclésiale. Le pape Benoit XVI l'a redit aux jeunes à Madrid il y a précisément 2 semaines à Madrid : « On ne peut suivre Jésus en solitaire. Celui qui cède à la tentation de marcher ‘à son propre compte’ ou de vivre la foi selon la mentalité individualiste qui prédomine dans la société, court le risque de ne jamais rencontrer Jésus-Christ, ou de finir par suivre une image fausse de Lui » (homélie de la messe du 21 août).

    Nous ne sommes pas seuls devant Dieu. Nous sommes membres d'un corps, d'un corps vivant dont les membres sont solidaires. Si un souffre, tout le corps souffre. Si un est à l'honneur, tout le corps est à l'honneur. 

    Membres de ce corps, nous recevons par lui la grâce, celle du salut, celle de la réconciliation. Les ministres de cette grâce sont, pour une part, nos frères et nos sœurs. Ils nous aident, et nous les aidons, à grandir dans ce chemin de sainteté qui nous est commun. Le pape insiste dans la même homélie aux JMJ : « Avoir la foi, c’est s’appuyer sur la foi de tes frères, et que ta foi serve également d’appui pour celle des autres ».

    Ce service de la correction fraternelle est un enjeu dans une communauté religieuse, si petite soit elle. C'est un enjeu dans un couple, dans une famille. C'est un enjeu dans un groupe d'ami et finalement dans tout groupe humain. Mais le fait que ce soit un enjeu, quelque fois difficile à faire, ne doit pas nous arrêter.

    La raison en est simple. Dans son encyclique Caritas in Veritate, le pape Benoit XVI insiste sur une raison qui est un horizon pour nous : que nos relations humaines soient l'icône des relations trinitaires. Je m'explique. Nos relations humaines sont promises à cette belle ressemblance de la Trinité. L'amour et la circularité des relations trinitaires, du père du fils et de l'esprit sont le modèle de nos relations ici-bas. Nous avons à devenir des amis. 

    C'est bien parce que nous avons à devenir des amis que nous ne pouvons être des complices. La correction fraternelle va donc corriger ce qui manque à la charité pour nous aider mutuellement à grandir, pour honorer cette belle dette de l'amour mutuel. C'est un chantier. A nous d'en prendre les moyens. Concrètement, je vous en laisse trois :

    Nous le ferons d’abord seul à seul, comme le dit l’Evangile, et jamais d'abord en public qui nous défausserait d'une implication personnelle et surtout qui ferait perdre la face à nos frère. Les parents éducateurs le savent bien.

    Nous le ferons avec douceur et jamais avec l'ironie qui nous permet de contourner le nœud à l'estomac qui nous empêche d'être vrai. 

    Nous le ferons au moment opportun et rarement à chaud pour éviter de donner prise à la colère.

    Seul à seul. Avec douceur. Au moment opportun. Bonne correction !

  • Quel avantage un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il le paye de sa vie ?

    PorterSaCroix.jpgNous avons entendu ces deux dimanches successifs ce passage de l'Évangile selon saint Matthieu, où le Christ interroge ses disciples à Césarée de Philippe. La première partie du dialogue – qui culmine dans la profession de foi de Pierre : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant – est intimement liée à la seconde qui nous est donné en ce dimanche : la révélation que le Fils de l’homme doive souffrir ; celle des exigences de la suite du Christ.

    La révélation faite à Pierre, révélation issue non pas de la chair et du sang, mais du Père qui est aux cieux, semble s’entendre pleinement à la lumière de l’un enseignement du Christ, qui corrige l’interprétation de chair et de sang de Pierre : « Non, cela ne t’arrivera pas ! »

    Première annonce de la Passion, cette prophétie du Christ est précise : il lui faut « aller à Jérusalem, y souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être tué et, le troisième jour, ressusciter ». Comme les deux autres annonces, elle est destinée aux disciples comme un secret messianique, dont ils n’auront la clé d’interprétation qu’après les événements pascals. Et pour cause !

    Cette révélation complétée par le Christ vise sans doute à purifier leur foi messianique, emprunt de désir de chair et sang, désirs qui subsisteront peu ou prou jusqu’après la résurrection : « Nous espérions, nous, qu’il allait délivrer Israël ». Que le Fils de l’homme restaure la royauté en Israël ! Qu’il sauve magnanimement et triomphalement le peuple du péché ! Qu’il siège et que ses ennemis se dispersent ! Vanité des vanités. Ce ne sont que désirs de chair et de sang. Ces pensées « ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes »

    Messie triomphant, ou Messie souffrant ? Les plans de Dieu dépassent les projets et les représentations humaines. Ici, la volonté de Dieu quant au salut doit faire son lent chemin dans l’intelligence des apôtres. Lent chemin, à cause de l’inouï du Messie souffrant : le Fils devra souffrir, mourir et ressusciter le troisième jour, pour faire de sa vie l’unique offrande. Lente préparation que l’Esprit Saint avait déposé comme des pierres d’attente, par exemple dans le prophète Jérémie. Après la résurrection, les Apôtres sauront recueillir ces pierres pour en faire l’allée droite de l’annonce de la foi. Pour l’heure, restent à être purifiés ces désirs de chair et de sang.

    Autre purification, celle de la suite du Christ. Pour ceux qui ont répondu à l’invitation pressante de tout laisser et de le suivre, la sequela Christi se montre tout d’abord sous un jour heureux : l’eau est changé en vin, les boiteux marchent, les aveugles voient, les foules écoutent et suivent, le Maître lui-même l’affirme : « heureux…, heureux…, heureux… ».

    Or, suivre le Christ n’est pas que confortable. C’est également exigeant. La suite du Christ prend tout de celui qui s’y engage ; le jeune homme riche l’a appris tristement. Il s’agit d’abord de renoncer à soi-même : renoncer à ses projets, renoncer à être maître de soi, renoncer à son honneur, à sa réputation, à ses biens, renoncer même à se comprendre soi-même. La pauvreté de cœur ainsi décrite est radicale : elle est celle de la première des béatitudes ; elle est celle du Fils. Il est celui qui renonce à lui-même pour prendre sa croix. Par là, il fonde l’unique chemin du renoncement, ou plutôt, pour le dire autrement, chemin de l’offrande.

    Gagner pour finalement perdre ou perdre pour finalement gagner ? Cette alternative traverse encore aujourd’hui les siècles avec une actualité tout aussi frappante. Pas plus que l’homme grec ou romain, pas plus que celui de la Renaissance ou celui des Lumières, l’homme contemporain renoncerait à gagner pour accepter de perdre en offrant. Tout lui est promis. Tout semble lui sourire : l’argent qui donne le bonheur, l’amour qui rend heureux, les biens multiples et dispersés qui participent au bien recherché.

    Vanité des vanités, crie encore aujourd’hui Qohélet. Pour le Christ, comme pour l’apôtre, ou le disciple, le chemin reste celui de l’offrande : offrande sans réserve et sans mesure, l’offrande entière et sans retour, parce qu’il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir. Le suivre, signifiera entrer dans un chemin de liberté qui implique cette offrande de soi. « Quel avantage un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il le paye de sa vie ? »Le Bx Charles de Foucault avait écrit cette phrase sur les murs de sa cabane à Nazareth. Il l’a vécu dans l’acte d’abandon que nous connaissons. Oui, Seigneur, tout ma vie, je vais te bénir. Dans cet offertoire, accueille l’offrande de ma vie.

  • Dieu est silence

    9632-vacances-2006-coucher-soleil-neguev-img.jpgAu cœur de l’été, je vous fais une confidence : Dieu est silencieux. Confidence qui vous rassure, ou qui vous surprend. Dieu est silencieux. J’en veux pour preuve l’apparition à Elie dans cette magnifique première lecture que nous avons entendu tout à  l’heure. Il est silencieux, ne fait pas de bruit, il se tient dans le silence, alors que l’homme l’attend dans les manifestations grandioses, deus ex machina, comme on dit en mise en scène.

    Relisons : Et voici que le Seigneur passa. Le Seigneur n’était pas dans l’ouragan, pas dans le tremblement de terre, pas dans le feu, mais dans le murmure d’une brise légère. A Moïse et au peuple hébreu, Dieu s’était manifesté de façon aussi grandiose et sensible. Pensez donc : des éléments aussi tempétueux, voilà qui nous parle de al grandeur de Dieu, de sa force, et donc voilà qui peut rassurer le peuple : ce Dieu là c’est du solide. Il est fort et grand, il saura nous protéger.

    Or à Elie, il se révèle dans le murmure d’une brise légère. Le traducteur liturgique a un peu simplifié le texte original. Ne pensez pas que je sois spécialement pédant, mais le texte hébreu ne dit pas tout à fait cela : la voix d’un silence ténu. Dieu est dans la voix d’un silence ténu.

    D’un point de vue biblique, nous retrouvons ce Dieu qui vient à la brise du soir pour être avant Adam et Eve. Dieu est dans le silence de l’intimité d’un entretien avec son prophète. Dieu est dans le silence d’une complicité, où il parle cœur à cœur. Dieu est dans le silence amoureux avec son peuple, pour l’éduquer en plaçant au plus profond de lui son amour et sa Loi.

    Mais allons plus loin. Dieu est dans un long silence ténu, parce qu’il convient que l’homme se taise, pour entrer dans le dialogue. Dieu se tait pour amener l’homme à ce recueillement, cette paix du cœur. Dieu est dans le silence, parce que c’est là que le croyant doit venir le rencontrer. Dieu amène l’homme sur son terrain. Dieu est tranquille, et il veut amener l’homme dans cette paix.

    Pour ceux qui rentrent de vacances, vous en avez peut-être fait l’expérience. Le silence des grands espaces, de la montagne, ou du littoral, ce sont des lieux où que nous aimons, que nous recherchons, parce qu’il nous semble que ce silence permet de nous rejoindre, de mieux coïncider avec nous-mêmes, alors que dans le tumulte de l’année, le bruit, les activités, apporte leur lot de dispersion.

    Ah, ce silence, la grandeur de ces instants, où il nous semble que nous sommes rejoints par celui qui nous épie et nous cherche dans le silence. Evidemment, je parle de ce silence, qui n’est pas seulement celui des paroles, mais aussi un certain silence intérieur, où les listes de courses, le bricolage, où les soucis du travail n’ont plus leur place. Vous avez droit à ce silence, où cette paix du cœur, où Dieu vient vous rejoindre.

    Nous y avoir droit : voilà un maître mot. Dès lors, il faudra le protéger, parce que ce silence n’a pas bonne presse dans un monde où le bruit, au sens propre comme au sens figuré règne en maître. Sacré concurrent à Dieu, que ce bruit omniprésent. Concurrent coriace et indolore. Concurrent sournois et efficace. Oui, nous avons droit à ce silence, dans nos maisons, dans nos liturgies, dans nos voitures,…

    Si nous y avons droit, ce sera également un devoir. Rien ne se fait sans silence : un certain retrait, une certaine silence, une certaine siponibilité. Silence de la langue (hé oui !), silence de l’activité naturelle et légitime par ailleurs (attention à l’activisme, aux distractions qui ne construisent pas, à la frénésie des yeux ou des oreilles…), silence intérieur (des pensées, des facultés). Bref c’est un devoir pour nous d’être en silence, seul avec le Seul, comme dit la Bse Elisabeth de la Trinité.

    Pour Élisabeth, afin de pouvoir vivre avec Dieu une ascèse du silence est nécessaire : en effet tous les bruits extérieurs ou intérieurs (l’imagination, la sensibilité ou l’intellectualisme) sont autant d’obstacles à la présence de Dieu « Si mes désirs, mes craintes, mes joies, mes douleurs, si tous les mouvements provenant de ces quatre puissances ne sont pas parfaitement ordonnés à Dieu, je ne serais pas solitaire : il y aura du bruit en moi » (dernière retraite, 10ème jour).

    Il est tranquille, lui qui tranquilise tout, c’est au autre bourguignon, St Bernard, qui l’affirme. Dans le silence, il apaise tout, il habite de sa présence. C’est une promesse, à nous de la saisir.

  • La grâce ne pose pas de condition

    babett10.jpg"Le diner de Babette", nouvelle de Karen Blixen, pourrait rejoindre les lectures de ce dimanche pour qui accepte d'y voir l'irruption de la grâce dans l'ordinaire d'une vie. L'irruption se fait au cours d'un repas, où douze convives (tiens, tiens) sont rassasiés par un festin où la servante (tiens, tiens) a tout donné (tiens, tiens). Le discours du général viendra déchirer le voile sur ce que les convives et peut-être même lecteur n'ont pas encore vu de la grâce. C'est que la grâce ne pose pas de condition...

    Alors, le général comprit que le moment était venu de faire un discours. Il se leva très droit dans son bel uniforme.. Nul autre parmi les convives ne s’était levé pour faire un discours. Les vieux membres de la communauté ouvrirent tout grands leurs yeux, dans une joyeuse attente. Ils s’étaient accoutumés à voir des marins et des vagabonds ivres morts par l’effet de la grossière eau-de-vie du pays, mais ils ne reconnurent pas chez le brillant soldat, qui fréquentait les cours princières les traces de l’ivresse due au plus noble vin de ce monde. “ La clémence et la foi se sont rencontrées mes amis! dit le général; la justice et la grâce s’embrassent. ” Il s’exprimait d’une voix forte, entraînée sur les champs de manoeuvres, et qui avait éveillé d’harmonieux échos dans des salons royaux. Cependant, il s’entendait parler d’une façon nouvelle pour lui, et si étrangement émouvante, qu’il dut faire une pause après la première phrase, car il  avait l’habitude de préparer ses discours avec soin, conscient du but qu’il se proposait. Ici, au milieu de la simple congrégation du pasteur, il semblait que le personnage du général et sa poitrine constellée de décorations ne servaient que d’agents de transmission à un message. A un message de la plus haute importance. “ L’homme, mes amis, poursuivit le général est fragile et manque de bon sens. On nous a dit à tous que la grâce se trouve dans tout l’univers. Mais notre sottise humaine et nos connaissances bornées nous font croire que la grâce divine a des limites, et c’est pourquoi nous tremblons. ” Jusqu’à présent, le général n’avait jamais reconnu qu’il pût trembler, et il fut sincèrement surpris, voire choqué, en entendant sa propre voix déclarer le fait.“ Nous tremblons avant d’avoir fait notre choix dans la vie, et après, quand ce choix est fait, nous tremblons encore, de peur d’avoir mal choisi. Mais l’heure arrive où nos yeux s’ouvrent et nous voyons alors que  la grâce n’a pas de bornes.La grâce, mes amis ne nous demande rien: il nous faut seulement l’attendre avec confiance et la recevoir avec gratitude. La grâce, mes frères, ne nous impose pas de conditions et ne distingue en nous rien de particulier; elle nous annonce une amnistie générale. Et, voyez, ce que nous avons choisi nous est donné, et ce que nous avons refusé nous est accordé en même temps. En vérité, ce que nous avons rejeté nous est déversé en abondance. Car la clémence et la foi se sont rencontrées, la justice et la grâce ont échangé un baiser. ”

    Karen Blixen, le diner de Babette

    En prime, l'interprétation par l'auteur elle-même :