Le ton de ce soir est un peu solennel. C’est l’appel du prophète Michée qui a retenti tout à l’heure. C’est que Dieu parle, et il se fait demandeur ; il se fait suppliant, mendiant. Revenez à moi de tout votre cœur. Et il ajoute, revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux. Qui aura envie de se dérober à une telle invitation, à une telle demande ? Voilà qui peut éclairer la liturgie de ce soir.
A un moment que personne d’entre nous n’aurait choisi, nous voici 40 jours (46 en fait...) avant Pâques. C’est donc le début d’un chemin qui va nous acheminer tous à la nuit de Pâques, cette merveilleuse nuit où nous allons solennellement fêter la victoire du Christ sur la mort et en même temps, la restauration profonde de notre communion avec Dieu. Voilà le terme, voici la cible.
Entre temps, il faut bien avancer sur ce chemin avec les moyens qui nous sont donnés. La palette est vaste, vous la connaissez suffisamment pour que je n’y revienne pas : le jeûne, la prière, le partage. Le jeûne, parce qu’il faut bien désidolâtrer notre rapport aux biens matériels et en particulier à la nourriture ; la prière, parce qu’il faut bien prendre du temps pour Dieu et avec Lui ; le partage, parce qu’il faut bien que nos mains et nos cœurs s’ouvrent pour vivre au diapason d’autrui, de tout autre.
Mais ce soir, il s’agit de prendre la route. Et c’est sur ce point que je voudrais insister. Prendre le chemin du Carême pose 3 questions :
1. Qu’attendons-nous du Carême ? Ou plutôt qu’attendons-nous de ce Carême 2013. Pour certains ce sera le premier vrai Carême. Pour d’autres le deuxième, pour d’autres le 20ième, le 40ième, le 60ième,… Les Carêmes se suivent. On a entendu des homélies, des enseignements. On a un des listes de petits efforts, ou de grandes résolutions. Certaines ont tenu 40 jours, d’autres à peine 4 heures. On a eu de nombreuses initiatives en matière de jeûne, de prière, de partage, et au fond, rien n’a vraiment changé, ni en nous, ni autour de nous.
En sommes-nous si sûrs ? Pourquoi faudrait-il le voir ? Qu’est-ce qui importe le plus dans ce chemin : qu’il nous fasse avancer dans la communion avec Dieu et nos frères ? Ou que nous nous regardions en plus grande communion avec Dieu et nos frères ? D’où ma première question : qu’attendons-nous de ce Carême 2013 ?
2. Qu’attendons-nous de ce Carême 2013 ? Vous avez entendu St Paul relayer cette invitation pressante du Seigneur : c’est aujourd’hui le moment favorable, c’est maintenant le jour du salut. Aujourd’hui. Ste Thérèse de Lisieux disait la même chose à sa manière : « Ma vie n’est qu’un seul jour qui m’échappe et qui fuit Tu le sais, ô mon Dieu ! pour t’aimer sur la terre Je n’ai rien qu’aujourd’hui ! » (poésie 'Rien que pour aujourd'hui'). Rien qu’aujourd’hui. Notre liberté ne porte que sur cet aujourd’hui. Cet aujourd’hui qui nous appartient et qui est dans la main de Dieu. Cet aujourd’hui où je peux désire que quelque chose change, pour me présenter à Pâques avec ces petits moyens qui auront contribué à faire advenir ce désir, avec sa grâce et son aide.
Qu’attendons-nous de ce Carême 2013 ? La réponse appartient à chacun. Je puis vous dire quelle est l’attente du seigneur : voir des cours libres et adultes se tourner vers Lui, pour une relation personnelle qui gagne en profondeur, en intimité, en abandon, en coopération. Bref, une vraie relation de cœur à cœur en attendant de le voir face à face. Le voulez-vous ?
3. Que ferons-nous de ce Carême ? Concrètement, nous allons recevoir les Cendres sur notre front. Avec humilité et aussi avec fierté, nous allons nous dire les uns aux autres que nous désirons nous convertir. Nous pourrons nous ne rappeler mutuellement au long de cette quarantaine. Mais, ce soir, quand nous aurons déjà effacé la marque de ces cendres, demain pour cette 2ème journée de Carême (aïe, encore 39… 45 en fait…), et après-demain… que ferons-nous ? Les 3 piliers que sont le jeûne, la prière et le partage ne sont pas inutiles. Une petite résolution dans chacun nous aidera à être fidèle. Le but visé n’est pas la performance ; non, le but visé est cette lente disposition où nous nous mettons ensemble à l’écoute de la Parole de Dieu, où nous nous offrons au travail de la grâce en nous. Je ne demande pas à voir les horizons lointains, un seul pas à la fois c’est assez pour moi.
Convertissez vous et croyez à l’Evangile. L’invitation de celui qui nous impose les cendres est sans maquillage. Aujourd’hui, on ne prend pas de gants. Aujourd’hui, un chemin nouveau s’ouvre. Nous commençons à devenir ce que nous sommes. Et c’est aujourd’hui.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, les Evangiles, et les 4 cette fois ci, nous parlent, chacun à leur manière du baptême du Christ. Non pas celui qu’il donnerait, ou celui qu’il instituera plus tard. Non, du baptême d’eau, du baptême de purification et de conversion en vue de la rémission des péchés. Baptême que donnait Jean et d’autres d’ailleurs au bord du Jourdain, bien loin du lieu traditionnel pour les Juifs pour la rémission des péchés, à savoir le Temple et ses sacrifices.
Nous voici en cette fête de l’Epiphanie avec cette attitude d’adoration des mages. Déposant leurs présents, tombant à genoux après leur poursuite de l’étoile, ils se prosternent devant l’Enfant de la crèche.
La voici donc la nuit de Noël, celle que nous attendons depuis 4semaines, 4 petites semaines de l’Avent dont la couronne est déjà un souvenir. La voici donc la Dieu où Dieu vient nous sauver en nous donnant ce Fils. La voici celle où il prend notre humanité pour nous communiquer sa divinité.
Quatrième bougie, quatrième étape de notre chemin de l’Avent. Mais c’est année, tout va vite. Demain soir nous y serons. Tout y contribue : les rues illuminées, les vacances qui font se déplacer et se rencontrer les familles, les idées de cadeaux, les courses qu’il faut faire pour approvisionner les tables du 24, et du 25. Et partout on nous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année. Bref, c’est la magie de Noël, ou plutôt la grande bouffe, le grand déballage, ou plutôt le grand mensonge. Moi, je suis désolé, mais je ne peux pas.