Après leur avoir parlé, le Seigneur Jésus fut enlevé au ciel et s'assit à la droite de Dieu.
Presqu'au terme de ce temps pascal, la liturgie nous place sous nos regards le Christ enlevé au ciel pour s'asseoir à la droite de son Père. Et nous sommes un peu comme les Apôtres regardant le ciel, attendant d'entrer dans l'intelligence du cœur de ce mystère de l'Ascension.
L'Ancien Testament connaît quelques figures qui ont été enlevés au ciel. Et pas des moindres, puisque parmi eux il y a Élie. Élie le grand prophète, celui qui doit venir comme précurseur du Messie. Et la liturgie juive attend toujours cet Élie qui précédera de peu le Messie de Dieu. L'enlèvement d'Élie sur son char de feu nous est familier. Pour lui, c'est une glorification. Comme dit un des livres des Maccabées, c'est pour avoir brûlé du zèle de la Loi, qu'il fut enlevé au ciel. Ainsi glorifié il est mis en réserve pour annoncer les temps messianiques où tous partageront la gloire destiné jusqu'alors à un seul.
Notre Seigneur Jésus, lui le Verbe qui était auprès de Dieu, remonte à la droite de Dieu en ce jour. Lui, la lumière véritable qui éclaire tout homme avait été mis sur le lampadaire de la Croix pour éclairer les ténèbres du péché. Aujourd'hui, Il remonte auprès de la lumière éternelle, non sans illuminer et enflammer nos cœurs obscurcis. L'Église à partir d'aujourd'hui attend cet embrasement que donnera l'Esprit-Saint pour porter au monde cette flamme brûlante. La lumière du cierge pascal vient nous éclairer de l'intérieur.
Comme le dit saint Jean, la Vie s'est manifestée. Nous l'avons vu et nous en rendons témoignage. Cette Vie qui était auprès du Père et qui remonte vers le Père nous a communiquée cette vie éternelle. Nous ne sommes donc pas rendus en arrière, avant l'Incarnation. Non, la grâce de l'Incarnation continue à se déployer dans tout le corps du Christ alors même que son corps ressuscité est enlevé au ciel.
Aujourd'hui, se réalise ce que le Christ avait dit de lui : Moi, Je suis le chemin, la vérité, la vie. La vie avait triomphé de la mort au matin de Pâques. La vérité avait triomphé du mensonge dès les premiers mots du Verbe incarné. Aujourd'hui le chemin nous entraîne vers le Père.
Si le Christ est le chemin du Père, alors il nous montre aujourd'hui le terme de notre destinée : être avoir lui auprès du Père. Et son Ascension nous prend déjà avec lui, puisqu'il remonte avec toute son humanité à la droite de Dieu. Son humanité que le Christ porte plutôt qu'il ne l'endoisse, à laquelle il est profondément unit, cette humanité est désormais en Dieu. Notre humanité demeure désormais en Dieu, parce que Dieu est demeuré parmi nous, en nous. Pour tout homme, pour chacun de nous, une patrie est proposée : demeurer en Dieu, comme le Fils demeure auprès du Père. Saint Augustin ne dit pas autre chose quand il confesse : Tu nous as faits pour Toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu'il ne demeure en Toi.
En disant cela, je pense à cette fameuse icône de la Trinité de Roublev. Vous vous souvenez qu'elle représente les trois anges accueillis par Abraham au chêne de Mambré. Andrei Roublev. Les trois personnes divines sont autour de la table trinitaire. Mais cette table a 4 côtés, elle est ouverte vers celui qui contemple l'icône, vers le croyant attendu à cette table trinitaire. Voilà frères et sœurs, le terme de notre chemin, le terme du chemin ouvert aujourd'hui par le Christ qui monte vers son Père. Mais dans ce chemin, nous sommes déjà saisis par l'humanité glorifié du Verbe incarné qui se présente au Père. Nos pauvres corps sont précédés par ce corps glorieux en attendant que nous le voyons face à face.
Alors, Il essuiera les larmes de nos visages ; nous lui serons semblables et nous le chanterons éternellement. Je vous laisse pour finir cette finale de l'Oratorio de l'Ascension de Bach. Le dernier choral lance comme une prière ce cri de l'âme :
Quand cela arrivera-t-il, quand viendra l'heureux temps où je le verrai dans sa gloire ? Ô jour, quand viendras-tu, où nous saluerons le Sauveur, où nous embrasserons le Sauveur ? Viens présente-toi enfin !