Ce dimanche a les saveurs des commencements. L’appel de Samuel, l’appel des disciples. C’est la grâce. C’est la grâce de toute vie, celle de suivre le Christ. C’est la grâce de toutes les Eglises, celle de revenir au Christ.
Ce matin, je vous propose 3 verbes issues de ces lectures, 3 verbes qui expriment à leur manière cette suite du Christ qui est notre horizon. 3 verbes qui viendront quand même nous interroger sur notre suite du Seigneur.
Écouter. Il s’agit d’abord d’écouter. Samuel entend la voix du Seigneur, il écoute le conseil l’Eli et finalement il se rend tout disponible à la parole de Dieu qui vient à lui. « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute ». L’écoute est le cœur de l’expérience d’Israël, celle dont on fait mémoire continuellement : « Écoute Israël, le Seigneur est notre Dieu, le Seigneur est un ». Les disciples de Jean-Baptiste ne sont pas en reste, eux qui entendent la désignation qu’il fait de Jésus et qui vont se mettent à la suite du Messie. Pierre lui-même entendra et écoutera le témoignage d’André. Et de récepteur d’une information, il se fera disciple.
Il s’agit donc d’écouter la voix de Dieu. La discerner au milieu du bruit ambiant : le bruit que nous entendons, mais aussi le bruit que nous faisons. Le bruit du monde, des médias, du journal de 20h, de la surinformation, des émotions dominantes. Mais aussi le bruit de nos flots de paroles, pas toujours bienveillantes ni constructives ; le bruit de nos anxiétés, de nos gesticulations, de nos potins. Arrêtons là la litanie. Où écoutons nous cette parole ? Comment recevons nous cette parole qui est autre et qui veut encore aujourd’hui nous altérer ? Il s’agit d’écouter. Écoutons donc.
Regarder. A deux reprises, l’Évangile mentionne ce regard posé, sur Jésus, puis sur les disciples. L’Évangile est riche de ces échanges de regards. Mais des œillades, mais des vrais regards. Celui de Jésus sur le jeune homme riche, « et il l’aima ». Celui de Jésus sur Pierre après son reniement, « et il pleura amèrement ». Jésus qui regarde les foules et qui est saisi de compassion. Jésus qui regarde ses détracteurs. Regards profondément vrais, profondément aimant, qui renvoie chacun à ce qu’il est.
A 150 km d’ici, un curé de campagne avait remarqué qu’un paysan restait longtemps assis au fond de l’église du village. St Jean-Marie Vianney lui avait demandé ce qu’il faisait. « Je prie ». Comment priez-vous. Je le regarde, et il me regarde. Ou plutôt je l’avise, et il m’avise. En langage de maquignon de la Dombe, c’est le terme pour jauger, évaluer une bête. Je l’avise et il m’avise. En parlant du regard, je parle de la prière, de cette relation d’écoute silencieuse, où ne subsiste que cet échange intérieur de regard Après les paroles, après les textes, après les multiples distractions, vient le temps de cet échange intérieur de regard. Il me regarde en avisant ma valeur, ma beauté, mes talents. Et je le regarde en avisant sa valeur, le fait qu’il existe et soit là : regard apaisé, regard confiant, mais surtout regard aimant.
Question : où en sommes nous dans cet échange de regard. Nous parlons de Dieu, et nous savons faire. Nous lisons sur Dieu. Nous servons au nom de Dieu. Et cet échange de regard. Jusqu’à quel point le laissons le nous regarder ? Acceptons nous encore de le regarder ? Acceptons nous d’être émerveillés par lui ?
Demeurer. « Et il demeurèrent auprès de lui ce jour-là ». Pour ces disciples, la rencontre a été suffisamment transformante pour qu’ils décident de changer de Maître, de suivre celui qu’ils cherchaient et qu’ils venaient de trouver. La finale du ps 22 dit même « J’habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours ». Il ne s’agit pas de squatter l’église. Il s’agit de demeurer auprès de Lui, de demeurer en Lui, comme le dit St Augustin au début de son livres des Confessions. « Tu nous as faits pour Toi Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en Toi ». Phrase étonnante, surtout qu’à la fin du livre, St Augustin parle d’une demeurer réciproque. Nous trouverons notre demeure et notre repos en Dieu, de la même manière que Dieu trouvera sa demeure et son repos en nous.
Il s’agit de demeurer en Dieu. Demeurer suppose de prendre du temps. Le prenons-nous ? Demeurer suppose de durer. Acceptons nous de durer ? Demeurer suppose d’y consentir au Christ. Y consentons-nous ? Ne nous payons pas de mots. Il s’agit de demeurer vraiment en Dieu, dès maintenant. C’est une autre manière de regarder la foi au Christ. Plus impliquante certes. Mais qu’avons-nous à perdre ?