Dans l’histoire du peuple juif, il y a une date charnière qui est à retenir, celle de 587 avant notre ère. C’est la date du drame de l’Exil. Les armées babyloniennes du roi Nabuchodonosor avaient fini de réduire le Royaume de Juda. Ils ont détruit le Temple et toute la ville de Jérusalem. Ils ont déporté toute la population pour la réduire en esclavage à Babylone.
Le peuple de l’Alliance avait tout perdu : la terre donnée par Dieu, le Temple sanctuaire de sa présence. L’Alliance semblait avoir être mis en miettes. Tout cela alors que les prophètes n’avaient cessé d’avertir le peuple et ses chefs sur l’imminence de la catastrophe, non pas politique, mais plutôt spirituel. C’est que l’infidélité à l’Alliance régnait en maître. Infidélité à la Loi de Dieu, au culte du Dieu unique. Infidélité à la loi d’amour du prochain, du respect des petits et des faibles. Infidélité chronique et récurrente, comme un péché tapi sans cesse à la porte du cœur.
Jérémie est de ces prophètes là. Il proclamera haut et fort la lamentation de Dieu qui se plaint contre l’infidélité du peuple : mon alliance, c’est eux qui l’ont rompue ». Elle est loin, la mémoire de l’Alliance avec Noé au sortir de l’arche, la mémoire de l’Alliance de sang avec Abraham et des promesses de Dieu ; il est loin l’attachement à l’Alliance de feu avec Moïse et la fidélité à cette Loi de vie. Jérémie le dira à temps et à contre-temps, et pour cela, il sera même persécuté. On voudra le neutraliser, le condamner au silence, le mettre à mort.
Et pourtant, Dieu ne se résout pas à l’infidélité du cœur humain. Voici qu’il annonce une alliance nouvelle. « Quand ces jours là seront passés, je conclurai une alliance nouvelle ». Inlassablement, Dieu renouvelle sa promesse et sa miséricorde. Gratuitement et inconditionnellement, il restaure ce contrat si précieux qu’il veut établir avec son peuple et finalement avec toute l’humanité.
Comment le fait-il ? A la Loi extérieure, il ajoute une Loi intérieure, inscrite au plus profond d’eux-mêmes, au fond des cœurs. Il annonce une inhabitation de cette Loi qui fait que chacun pourra la découvrir en lui-même, sans même avoir besoin d’être enseigné par un autre. Un autre prophète précisera : « je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau ; j’enlèverai votre cœur de pierre, je vous donnerai un cœur de chair
Devant un tel cadeau, une telle promesse, on a envie de courir. Donne-nous cette Loi là Seigneur. Enseigne-nous directement. Renouvelle nos cœurs. Dirige-nous enfin résolument vers toi. Quand cela nous sera-t-il donné ? Quand, Seigneur ?
Au soir du Jeudi saint, le Christ annoncera la réalisation de ce renouvellement. Et nous allons à nouveau entendre ses propres paroles pendant le récit de la consécration : « Prenez, et buvez-en tous, car ceci est la coupe de mon Sang, le Sang de l’alliance nouvelle et éternelle qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés »
En lui, en son corps et en son sang, sont conclus cette alliance nouvelle et éternelle. Il ne fait pas que l’annoncer, il la réalise au lui. Et nous comprenons mieux le parcours que les lectures de Carême nous a fait faire cette année. Il nous mène au seuil du mystère pascal, dans lequel nous entrerons la semaine prochaine avec l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem et le récit de la Passion. Il s’agit de regarder Jésus, qui scelle cette Alliance en son sang, donc en son offrande volontaire.
Lui le grain de blé déposé en terre, lui seul peut donner ce fruit nouveau auquel nous avons part. Lui ce grain de blé qui meurt, peut seul donner la vie. Et de fait, il nous donne la vie, cette vie qui sera déposé au plus intime de nous-mêmes, au plus profond de nos coeurs
En ces semaines de Carême, qui dure et qui dure, nous avons eu le temps de faire l’inventaire de tout ce qui est vieux et ancien en nous et dans notre relation aux autres et à Dieu. Nous avons mesuré notre infidélité à l’Alliance. C’est le moment de le regarder lui, le promoteur de l’Alliance nouvelle. Lui seul peut rénover nos cœurs. Lui seule peut restaurer en nous la joie et le bonheur. Lui seul peut nous donner la vie à laquelle nous aspirons.
Tout à l’heure, nous chanterons ce chant familier du grain de blé. Je nous invite à redire avec beaucoup de cœur la 2ème strophe : « Qui a Jésus s’abandonne trouve la vraie vie. Heureux l’homme qui se donne, il sera béni ». Ce n’est pas un chant de plus, servie par une douce mélodie agréable. C’est un chant dont les paroles disent une vérité profonde de nos vies, de notre existence d’enfants de Dieu. La vraie vie, la vie nouvelle est devant nous : et c’est lui qui seul peut la donner, parce qu’il en est le maître et Seigneur. Parce qu’il est la Vie
Voulez-vous en ce Carême 2024 cette vie ? Voulez-vous être renouvelés ?