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Confier, rendre compte, entrer

TALENT-PARABLE-shutterstock_749997577.jpgIl y a quelque dimanche, nous avions l’histoire d’une pièce d’argent, le salaire d’une journée de travail. Et nous voici aujourd’hui avec un talent, cette somme d’argent, cette rente confiée à des serviteurs par un maître parti en voyage. C’est un récit, une histoire, une parabole que nous donne le Christ qui veut nous faire comprendre quelque chose dans notre relation à Lui et au royaume de Dieu. 2 serviteurs semblent avoir la préférence, à la différence du dernier. Mais que veut nous dire cette parabole ? Permettez que je réponde à votre question avec 3 verbes de la parabole.

Premier verbe : confier. Le verbe revient près de 5 fois dans le texte. Des talents ont été confiés à ces serviteurs. Le talent est une mesure de capacité et également monétaire. Il deviendra le thaler allemand, puis le dollar. C’est environ 25 kg de métal précieux, c’est-à-dire le salaire d’à peu près 15 ans de travail. Voilà donc des rentes de 75, 30 ou 15 années confiées en gérance, en intendance à l’ingéniosité de ceux qui les reçoivent.

C’est donc toute une vie entière qu’il leur est proposé de recevoir, et surtout demandé de faire fructifier. Une vie plus ou moins longue, mais une vie dense, qui a son poids, sa richesse et sa noblesse. En français, le jeu de mot joue à plein, puisque le talent désigne toutes les aptitudes que nous avons et que nous cultivons : un talent artistique ou pédagogique, une compétence relationnelle ou une aptitude au bricolage. Tout ce que nous avons reçu, dont ce que notre éducation nous a fait découvrir et travailler pour avancer dans l’existence. Le talent reçu s’est aussi la vie elle-même, mais aussi la foi et la grâce donnée au baptême, petite parcelle du Royaume que nous avons à faire fructifier tout au long de notre vie. Le talent reçu c’est aussi la création qui nous a été confiée, comme à des intendants, et non comme à des prédateurs.

La parabole manifeste que le maître fait confiance à ses serviteurs en confiant ces rentes à leur ingéniosité. Dès lors, il s’agira de s’engager, d’être partie prenante, d’oser avec audace et créativité. Il s’agit de faire fructifier, parce que la vie est devant, et qu’elle est mouvement. Vive la créativité ! Il faut relire la 1ère lecture pour découvrir combien la Bible fait l’éloge de cette énergie, cette activité, cette inventivité. C’est bien ce qui sera loué par le maître pour les 2 premiers serviteurs. 

A l’inverse, et comme en contre-point, le 3ème serviteur dit avoir eu peur. En fait, il n’a rien fait. Il a préféré la défiance. Il s’est enfermé dans la paresse, englué qu’il était dans une image faussée du maître.

Deuxième verbe : rendre compte. Le maître demande des comptes de la gestion de ses talents, attendu qu’il en espérait des fruits. L’expression ‘rendre compte’ fait peut-être violence, à l’adolescent qui sommeille en nous, il faudra se demander pourquoi. Notre culture contemporaine, pétrie d’individualisme, n’est guère à l’aise avec cette réalité de la redevabilité. Pourtant, la gérance implique de rendre des comptes au regard de ce qui a été confié. 

Pour les serviteurs de la parabole, cela implique de ne pas agir en free lance, ni en mercenaires, mais en fondés de pouvoir ? Ils ne sont que des intendants qui s’occupent de bien confiés et qui ont à rendre des comptes. L’Evangile de dimanche prochain, celui du jugement à la fin des temps, nous mettra devant cette redevabilité ultime. Qu’as-tu fait des dons et des talents que je t’ai confiés. Qu’as-tu fait de ton frère ? Qu’as-tu fait de la lumière de ton baptême ? Qu’as-tu fait de la création ? Qu’as-tu fait de l’amour déposé en toi ? Au soir de notre vie, c’est sur l’amour que nous serons jugés, dit St Jean de la Croix.

Troisième et dernier verbe : entrer. Il s’agit d’entrer dans la joie du Maître. Le Christ ne parle ni de développement, ni d’épanouissement personnel. La récompense du Royaume, c’est d’entrer dans la joie du Maître, c’est d’entrer dans le Royaume de Dieu lui-même. Le discours sur la montagne, et notamment les 8 béatitudes nous l’avaient déjà annoncé. Heureusement les pauvres de cœur, qui n’amassent pas pour eux-mêmes, mais qui oeuvrent pour le maître, le Royaume est à eux. Ils entrent dans la joie du Maître. 

Dans la perspective de la fin de l’année liturgique, et notamment annonçant l’Evangile du jugement dernier de dimanche prochain, il faut entendre un point qui est difficile à entendre : il y a quelque chose de définitif. Tant que nous sommes en chemin, les choses peuvent changer, et nous l’expérimentons et c’est une grande source d’espérance pour nous et pour les autres. Mais au terme du chemin, celui de toute l’histoire humaine, quand Dieu voudra, il y aura un moment où une parole définitive, celle que nous espérons tous pour nous et pour tous. Nous l’espérons justement. 

Cette parabole des talents nous heurte peut-être, tant mieux, parce qu’elle nous invite à la lire et à la relire, plutôt qu’à tourner pudiquement la page en attendant l’Evangile de dimanche prochain. Elle sollicite notre admiration devant l’ampleur de ce qui nous est confié. Elle sollicite notre responsabilité à mettre en œuvre tous ces dons pour que le Royaume de Dieu, royaume de justice et de paix,  d’amour et de miséricorde se diffuse sur la terre comme au ciel. Elle sollicite notre humilité pour que nous acceptons d’en rendre compte avant d’entrer dans la joie de notre Seigneur

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