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"Donne-moi à boire"

1398189862_86638_1200x667x0.jpg?v=2022022101Il est midi. Nous sommes au Nord de Jérusalem, à peu près vers la ville actuelle de Naplouse en Cisjordanie. Il est midi et la chaleur du jour se fait sentir, surtout qu’on a marché, sans vraiment trouver l’ombre d’un mur ou d’un arbre pourtant si nombreux dans cette région de collines. Il est midi et Jésus est fatigué. Il est seul. Et il s’assoit au bord d’un puits. Jésus est fatigué de la marche. Il est fatigué parce qui le serait pas tant de telles circonstances. Mais sur cette fatigue humaine pèse d’autres fatigues : il est fatigué de se dépenser pour le salut. Il est fatigué de ne pas être reçu par les siens. Il est fatigué de l’ingratitude humaine qui le paie si mal en retour. Et le voici, tel quel, assis au bord d’un puits, où il n’y a même pas de quoi puiser l’eau. Contrairement à la coutume orientale, les propriétaires n’ont pas laissé de quoi s’abreuver par soi-même lorsqu’on est simplement de passage. Quelle indélicatesse si caractéristique ! 

 

Il est midi et Jésus demande à boire à cette femme. Si l’on ne peut refuser un verre à l’un de ses petits qui sont ses frères à lui, comment refuser un verre d’eau au Maître lui-même ? Jésus a soif et il s’agit de le désaltérer, comme plus tard à la Croix, quand il criera sa soif, et que de façon dérisoire on lui apportera une boisson mélangée de vinaigre. Il a soif, et pourtant, s’instaure ce dialogue improbable avec cette femme étrangère, avec laquelle il ne devrait pourtant pas entrer en relation, parce qu’elle est samaritaine et que lui est juif, parce qu’elle est une femme et parce qu’il est un homme. Dialogue improbable où peu à peu, se révèle une autre soif, dont la préface parlera tout à l’heure : « il manifesta une telle soif qu’il fit naître en elle le feu de l’amour de Dieu ».

Revenons à ce dialogue. Il a soif et elle vient puiser de l’eau. Vous avez entendu les échanges. Au début elle se défile, elle semble même le prendre un peu de haut : « Comment ! Toi, un Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ? », « Seigneur, tu n’as rien pour puiser, et le puits est profond. D’où as-tu donc cette eau vive ? Serais-tu plus grand que notre père Jacob », « Seigneur, donne-moi de cette eau, que je n’aie plus soif, et que je n’aie plus à venir ici pour puiser. », « Seigneur, je vois que tu es un prophète !... » Peu à peu elle baisse la garde. Peu à peu elle se laisse être apprivoisée par cet homme qui va lui révéler le fond de son cœur, le fond de son désir et en fait de sa soif à elle : elle a soif de vérité sur elle-même dans sa vie si chaotique, elle a soif d’adorer Dieu en vérité, elle a soif de Dieu.

Dans l’Ancien testament, les puits ne sont pas seulement le lieu où l’on vient s’approvisionner en eau, c’est aussi le lieu des rencontres et des échanges, c’est le lieu des alliances et même des mariages. Ici, le Christ qui vient faire alliance avec elle, parce qu’elle en porte le désir enfoui. Il vient desceller en elle une source enfouie, la source de la foi, la source du feu de l’amour de Dieu.

Pourquoi nous fait-on lire cet évangile en ce 34ème dimanche de Carême, presque à la mi-Carême ? Nous avons regardé Jésus être tenté au désert, solidaire de notre humanité. Nous l’avons contemplé dans sa gloire sur la montagne de la Transfiguration. Aujourd’hui, nous le voyons avoir soif d’une réponse de foi de la part de ceux qu’il rencontre. Il a soif de notre présence, de notre réponse d’amour et de foi. Mère Teresa de Calcutta avait inscrit cette phrase dans toute les chapelles de sa congrégation des Missionnaires de la Charité : j’ai soif. Jésus a soif de ton amour, de ton offrande, mais aussi de ton service, il a soif que tu donnes un sourire et un verre d’eau à tous ses petits qui sont ses frères. Il a soif de toi. C’est précieux de l’entendre en ce Carême. Il n’a pas simplement soif de tes petits efforts si héroïques, un peu de beurre ou de Nutella ou de Facebook en moins. Il a soif de ta présence dans la prière et le service. Il a soif de l’offrande de ta vie là où tu es, tel que tu es.

Reste une question. Ai-je soif de Jésus ? Tant et tant de manières de me désaltérer, de me remplir ailleurs ont-elles gardé en moi une soif de jésus. « Mon âme a soif du Dieu vivant, quand le verrai-je face à face ? » demande un psaume. Un proverbe persan peut nous servir de sérieux examen de conscience à mi-Carême : ce n’est pas l’eau qui me manque, c’est la soif. Reconnaissons que l’eau ne manque pas. Nous sommes abreuvés, voire enivrés par mille choses dans notre société de surconsommation et d’abondance. Cette surabondance n’étouffe-t-elle pas notre soif de Dieu ? Et même dans notre Carême, nous recevons tant et tant de nourriture spirituelle, de livrets, de parcours en ligne, de proposition de formation, de rencontre. L’eau ne manque pas, mais la soif… ? Où en est notre appétit, notre soif, notre désir. 

Il est midi. Jésus s’arrête et s’assoit au bord de notre cœur et de notre vie. Et il nous demande à boire. 

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