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Prends Seigneur et reçois

rois-mages-copie-1.jpg« Ils se prosternèrent et lui offrirent leurs présents ». Nous voici à nouveau à la crèche en ce dimanche de l’Epiphanie, et il faut se faufiler parce qu’il y a du monde. Le texte évangélique est sobre en nous parlant des mages venus d’Orient. Mais avec le psaume et la première lecture, notre imaginaire prend le relais : des rois, des foules, des fils, des filles, des chameaux, des trésors sortis de cette caravane et offert au Roi des rois. Mais revenons simplement à la lettre de l’Evangile et à sa discrétion. A la pointe de ce texte, il y a ces présents offerts. L’Epiphanie, c’est donc encore le jour des cadeaux. Et d’ailleurs, en Espagne comme en Italie, les cadeaux n’arrivent qu’aujourd’hui.

Les mages sont donc porteurs de cadeaux et pas n’importe lesquels, j’y reviendrai. Mais il me semble qu’il y a un cadeau qui passe inaperçu, c’est justement celui qu’il font à Jérusalem, avec cette question toute innocente : « Où est le Roi des Juifs qui vient de naître ? ». Question qui est pleine de leur savoir, de leur science, de leur contemplation des astres et peut-être de leurs écrits sacrés. Question qui vient de loin, d’aussi loin qu’eux qui ne sont pas des Juifs, ni des grecs, mais peut-être des persans comme l’étymologie du mot « mage » semble l’indiquer. Question d’abord subversive. Comment peut-on arriver dans la capitale en demandant où est le roi des Juifs qui vient de naître, alors que celui qui est sur le trône est bien vivant, un peu trop sans doute selon l’avis de tous ceux qu’il tyrannise et persécute. Le règne d’Hérode le Grand n’est pas seulement connu pour la grandeur de ses constructions qu’on voit encore à Jérusalem. Il est connu pour être avide de pouvoir et assoiffé de vengeance. Pour éviter qu’on se réjouisse de sa mort, il donnera l’ordre du meurtre de ses proches.

Question subversive, mais question qui est un cadeau fait à Israël, au roi, au peuple, aux grands-prêtres et aux scribes. Question qui est l’annonce de cette bonne nouvelle. A Marie, à Joseph, aux bergers, ce sont les anges qui avaient annoncé la naissance du Sauveur. A Israël, ce sont les mages qui se font, sans le savoir, les messagers de la naissance du Christ. Ils sont comme les premiers disciples-missionnaires, presque sans le savoir et sans le vouloir. L’étoile avait illuminé leur curiosité, puis leur intelligence. Elle avait enflammé leur cœur et guidé leur pas. Et les voici devant Israël pour être les porte-parole prophétiques de cette présence du Messie au milieu du peuple. C’est le cadeau que nous font les catéchumènes qui viennent avec leur découverte nous annoncer que Dieu continue à agir dans le cœur de tout homme, qu’il soit près ou qu’il soit plus au loin. C’est le cadeau que nous font les enfants avec les mille questions qui prennent au défaut les intelligences des adultes trop fermées, ou trop blasées.

Mais j’avais annoncé le 2ème cadeau. En silence, ils tombent à terre et se prosternent pour offrir leurs coffrets. Ils ont beau être des hommes qui ouvrent le livre du ciel pour le lire et l’interpréter. Ils ont beau être des hommes de parole qui réfléchissent, commentent, argumentent, cherchent. Voici que remplis de joie, ils descendent de la tête au cœur, pour plier les genoux et se prosterner devant l’Enfant de la crèche. A ce moment-ci, ce n’est plus leur intelligence qui parle. Ils quittent toute discussion cérébrale pour laisser parler leurs corps et leurs cœurs. Quelle leçon pour les cérébraux que nous sommes, nous occidentaux, et français en plus ! Quelle leçon en ce jour de suivre l’exemple et le modèle de ces mages qui viennent non pour demander, supplier. Ils ne viennent pas par intérêt, mais uniquement dans cette humble attitude de louange, adoration et d’offrande.

De fait, ils offrent des biens matériels : l’or pour le roi, l’encens pour la divinité, la myrrhe pour la condition mortelle. Mais c’est eux-mêmes qu’ils offrent. Leur vie, leur intelligence, leur volonté, leur chemin, leur recherche, les méandres de leur histoire personnelle.  Le mage de la crèche qui est dans le hall de la Maison Ozanam le manifeste par ce long étirement de tout son être. Il EST offrande.

Nous sommes entrés dans cette nouvelle année avec des vœux, en souhaitant pour les autres le meilleur de ce que nous voulons pour eux, et qu’ils veulent aussi. Mais aujourd’hui, avec les mages, il s’agit de renverser la perspective. Non plus ce que nous voulons pour nous, mais ce que nous voulons et offrons au Christ. Et avec eux, ce sera l’offrande de nous-mêmes.

St Ignace de Loyola a une prière d’offrande que je vous laisse et qui pourrait être le vecteur de notre offrande de ce jour, de cette année. Je vous propose de la mettre dans la bouche des mages, mais surtout dans la vôtre et dans votre cœur en ce jour : « Prends Seigneur et reçois toute ma liberté, ma mémoire, mon intelligence et toute ma volonté. Tout ce que j’ai et tout ce que je possède, c’est Toi qui me l’as donné. Tout cela, Seigneur, je Te le rends. Tout est à Toi, disposes-en selon Ton entière volonté. Donne-moi seulement de T’Aimer, donne-moi cette grâce, elle seule me suffit ».

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