Nous voici avec ces 3 paraboles de la miséricorde qui nous sont si familières, surtout la 3ème, celle du fils prodigue. Le contexte de ces paraboles ne doit pas nous méprendre sur la visée du Christ.
Jésus accueille les publicains et les pécheurs, il leur fait bon accueil et même il mange avec eux. Et voilà qui est source de murmure, de scandales de la part des pharisiens et des scribes. Ces derniers auraient pu se souvenir qu’il avait déjà prévenu sur le sens de sa mission : « je suis venu non pas pour les bien-portants ni pour les justes, mais pour les malades et les pécheurs ». ils auraient pu se souvenir de la sollicitude de Dieu dans tout l’Ancien Testament qui désire la conversion et la vie du pécheur. Au lieu de cela, ils récriminent, ils murmurent, ils regardent d’un œil mauvais et au final, ils neutraliseront ce Dieu qui dérange.
Et voici l’enseignement des 3 paraboles, avec ce leitmotiv : ce qui était perdu est retrouvé et il faut s’en réjouir. La brebis perdue est retrouvée et il faut se réjouir avec le berger qui est allé la chercher. La pièce perdue est retrouvée et il faut s’en réjouir avec celle qui a déployé tant d’énergie pour la retrouver. Le fils perdu, mort est revenu, retrouvé et il faut se réjouir avec le père.
Ces paraboles sont habituellement appelées parabole de la miséricorde, parce qu’elles nous dévoilent quelque chose de la tendresse de Dieu, de sa sollicitude pour l’humanité, de sa bonté. Elles nous ouvrent le cœur de Dieu qui non seulement vient chercher cette humanité perdue, mais qui se réjouit de l’avoir retrouvé, à cause de son trop grand amour pour nous. Elles nous ouvrent le cœur de ce Dieu qui n’a de cesse d’établir et de rétablir une relation d’amitié avec lui, selon ce qu’en dit St Thomas d’Aquin. Dieu ne veut pas seulement être servi, il veut être aimé. Et l’amour se fait miséricorde. Il se fait quête inlassable, il se fait pardon inconditionnel.
Voilà qui renverse un peu notre perspective habituelle. Je m’explique. Nous sommes facilement tenté de regarder la miséricorde de Dieu à notre mesure. A la mesure de notre chemin, à la mesure de nos avancées et de nos reculs. A la mesure de nos chutes, de nos infidélités, de notre péchés. Nous sommes tentés de réduire la miséricorde à une réponse de Dieu à notre propre chemin, alors que c’est bien l’inverse qui est manifesté ici. Et je voudrais vous le montrer en 3 points.
La miséricorde de Dieu est première. Parce que son amour est premier. C’est son amour qui est intervenu en premier en nous créant et en nous sauvant, sans aucune démarche, ni initiative de notre part. C’est peut-être bluffant, c’est peut-être confondant, mais c’est ainsi. « Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu en premier, c’est lui qui nous a aimé le premier » nous dit St Jean. Cette grâce de Dieu vient toujours d’abord. Elle nous précède dans chacune de nos journées. Elle nous devance, nous enserre, nous poursuit. Elle nous sollicite, elle nous prévient. D’un certain point de vue, cela devrait nous soulager, nous qui sommes soucieux des efforts tendus que nous voulons faire pour nous tourner vers Dieu, et qui n’y arrivons que peu. La grâce est première.
La miséricorde est agissante. Les paraboles manifestent cette action de Dieu, avec 2 images l’une masculine, l’autre féminine. Celui qui va chercher cette brebis égarée pour la ramener sur ces épaules. Celle qui va tout retourner pour retrouver la pièce égarée. Et le père qui court au devant de son fils pour le rétablir dans sa dignité. Toute l’histoire du salut nous montre cette initiative de Dieu qui ne cesse d’intervenir en faveur d’une humanité laissée à demi-morte au bord du chemin. Et nous allons encore lui demander son aide et son action miséricordieuse dans un instant dans la prière universelle, comme dans notre propre prière personnelle.
La miséricorde a le dernier mot. « Viens, tout est pardonné ». Dans une très belle poésie écrite presqu’au terme de sa maladie, « Comment je veux aimer », Ste Thérèse de l’Enfant Jésus évoque la pointe de sa relation avec son Sauveur dont elle a perçu très tôt la miséricorde.
Divin Sauveur, à la fin de ma vie
Viens me chercher, sans l’ombre d’un retard
Ah ! montre-moi ta tendresse infinie
Et la douceur de ton divin regard
Avec amour, oh ! que ta voix m’appelle
En me disant : Viens, tout est pardonné
Repose-toi, mon épouse fidèle
Viens sur mon coeur, tu m’as beaucoup aimé.
Voilà ce que le père miséricordieux a pu dire a son fils perdu et retrouvé. Voilà ce que Dieu veut dire à chacun de nous, pas seulement à la fin de notre vie, mais à chaque jour, à chaque instant. L’amour a le dernier mot sur toute réalité humaine, sauf un refus ultime de notre part. L’amour veut avoir le dernier, parce qu’il n’y a rien de plus grand, sauf notre liberté de l’accueillir ou non. Les pharisiens et les scribes n’ont pas accueilli cet amour inconditionnel qui venaient les visiter. Ils ne sont pas entré dans la joie de Dieu qui se réjouissaient que tous viennent à son Fils. Quant à nous, nous entrerons dans cette joie. Nous répondrons à cette miséricorde qui nous précède et qui aura le dernier mot.