Ce dimanche du temps ordinaire nous sert 2 textes de vocation : vocation de Samuel, vocation des premiers disciples du Christ. L’un est appelé directement par Dieu, par la médiation ou plus précisément l’interprétation du prêtre Eli. Les autres sont aidés par la désignation de Jean Baptiste, ou tout simplement par le témoignage de l’un d’entre eux, et plus tard appelés directement par Jésus.
Restons avec cette page d’Evangile qui a toute la saveur des commencements du ministère public de Jésus. Remarquons d’abord qu’au moment où Jean le Baptiste de désigne de façon si explicite, « Voici l’Agneau de Dieu », Jésus ne fait rien, ne dit rien. Il va et vient, il marche, il se promène, il ‘bassotte’ comme on dirait en lorrain.
Alors que Jean Baptiste déploie son activité aux bords du Jourdain, mais aussi sa prédication jusqu’à la cour du roi Hérode, alors qu’il a même des disciples qui l’accompagnent, Jésus quant à lui ne fait rien, ne dit rien. La première parole de Jésus sera simplement de demander à ces disciples curieux u déjà séduits : « Que cherchez-vous ? ». Cette phrase nous traverse de façon un peu violente. Jésus demande d’abord que qu’ils cherchent, alors qu’on pourrait penser que c’est lui qui d’abord cherche l’humanité, qui cherche des disciples pour en faire des apôtres, qui cherche des cœurs écoutants, disponibles et aimants. On pourrait s’attendre à ce que lui cherche des chercheurs de Dieu et du Messie.
Jean a désigné cet homme comme l’agneau de Dieu. Nous allons réentendre dans quelques instants cette désignation, ce titre d’Agneau De Dieu, au moment où le prêtre nous montrera l’hostie consacrée : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». Comment cette désignation a-t-elle pu résonner aux oreilles de ces hommes, en attente d’un Messie triomphant, d’un Messie dont les prophètes annoncent l’arrivée sur les nuées.
Pourtant cette désignation de Jean Baptiste a suffit à les remuer au point de se mettre à la suite du Christ pour se mettre à son école. Cette simple et si magnifique désignation est à ce moment de l’Evangile l’étincelle qui allume leur cœur en désir et en attente : « où demeures-tu ? ». Question pour laquelle il ne faudrait pas se méprendre. Il ne s’agit pas d’une adresse postale à entrer dans un quelconque GPS. Le verbe demeurer a un sens beaucoup plus spirituel et constant dans l’Evangile de saint Jean. Où ton existence ? Où réside le mystère de ton identité ? Où est ton cœur ? Et il répondra plus tard : « Celui qui m’aime, mon Père l’aimera, et nous ferons chez lui notre demeure » ou encore « Demeurez en moi, comme je demeure en vous ».
Il reste la réponse du Christ encore plus surprenante : « Venez et vous verrez ». Certaines traductions gomment la différence des temps : venez et voyez. Cette différence entre venez et vous verrez peut nous être très précieuse. De fait, mettez vous en mouvement pour venir voir ensuite l’endroit où je demeure.
Mais j’y vois une distinction plus profonde : mettez vous d’abord en mouvement, acceptez de venir à ma suite, sans mettre de préalables ni de conditions, sans préjuger du chemin qui ne vous appartient pas. Ensuite vous verrez, vous vérifierez. Ensuite seulement vous pourrez voir le bien-fondé de la décision prise de se mettre en route.
Pour nos esprits occidentaux du XXIème siècle, cette inversion est déroutante. Nous pesons d’abord, par prudence ou par peur, par volonté de contrôler ou par cérébralisation excessive. Alors que la pédagogie divine se joue de tout cela. Souvenez-vous d’Abraham à qui le Seigneur dit : « Quitte ta maison et le pays de ton père et va vers le pays que je t’indiquerai ». Avec Samuel, c’est la même pédagogie : « Samuel, Samuel » et Samuel répond simplement : « Parle Seigneur ton serviteur écoute ». Et la longue liste pour suivre : Moïse, Isaïe, Jérémie, Amos, Marie, les autres apôtres. Quand Dieu appelle il n’explique pas, il ne s’explique pas ;
Les consentements, l’écoute, l’obéissance que le Seigneur attend de nous sont d’abord l’expression d’une décision profonde et propre à chacun. Il s’agit de lui faire confiance, de lui donner notre foi. Je me mets en marche à ta suite, sans préjuger du chemin ni même du terme de ce chemin. « Je m’abandonne à toi… parce que ce m’est un besoin d’amour que de me donner, sans mesure, avec une infinie confiance, car tu es mon Père » nous redit la prière d’abandon du bx Charles de Foucauld.
Dans ces récits de vocation, dans tous ces récits de commencements, c’est d’abord l’histoire d’un OUI. Un Oui généreux, un Oui franc et massif, d’un Oui qui ne pose pas de conditions, d’un Oui aimant et confiant qui permette une écoute filiale, une attitude de disciple. Le ferons-nous ? Venez à l’Agneau de Dieu et vous verrez. Venez à la table du festin des Noces de l’Agneau. Vous verrez et vous goûterez. Faites l’expérience et vous comprendrez ensuite.