Nous voici ce 3ème dimanche avec la figure de Jean le Baptiste. Et voilà qui pourrait nous arrêter, puisque déjà dimanche dernier, 2ème dimanche de l’Avent, cette même figure du Précurseur nous était donné à regarder et à entendre.
L’importance de St Jean Baptiste semble inversement proportionnelle à la place que nous lui laissons dans nos crèches. Vous avez peut-être remarqué qu’il brille par son absence. Ce qui est un peu injuste par rapport à sa place dans l’histoire d’u salut. C’est tout de même le dernier prophète, celui dont tout l’Ancien Testament prévoit l’arrivée annonçant celle du Messie. Il annonce le Christ par sa naissance miraculeuse. Il annonce le Christ par sa prédication au désert. Il annonce le Christ par ce baptême dans l’eau, baptême de pénitence et de conversion. Il annonce le Christ par sa mort ;
Ses paroles et ses actes parlent de façon éloquente. Tout ce qu’il dit et fait sont des medias, des supports par lesquelles Dieu délivre un message à son peuple, message de joie et de paix, qui prépare l’imminence de la manifestation du Sauveur. Et nous comprenons bien la place centrale, avec la Vierge Marie, que Jean le Baptiste peut avoir dans notre Avent. Il faudrait le mettre au centre de nos crèches, l’honorer d’une façon plus juste.
Restons avec le Baptiste. Dans l’Evangile de ce jour, les envoyés de Jérusalem viennent au désert pour le harceler de questions : qui es-tu ? que dis-tu de toi-même ? pourquoi baptises-tu ? J’ai été frappé que Jean ne dérobe à ces questions, en ne donnant pas de réponse si claire, ni si nette. Il n’est pas Elie, il n’est pas le grand prophète annoncé par Moïse, il n’est pas le Messie, il est la voix qui crie dans le désert, annonçant celui qui se tient au milieu de ses siens, quelqu’un qu’ils ne connaissent pas. Peut-être lui-même ne le connaît pas encore.
Sans doute pour Jean le Baptiste, la prédication et les actes prophétiques sont étonnamment parlants pour les autres. Pensez aux foules qui se déplacent pour ce baptême de conversion. Pensez à la frénésie messianique qui les saisit. Pensez à l’effroi des envoyés des grands prêtres, comme plus tard à l’effroi d’Hérode qui le fera mettre à mort.
Mais par ailleurs, c’est comme si la conscience même de Jean Baptiste, son intelligence humaine n’était pas complètement informée de la portée et du sens de ses paroles et de ses actes prophétiques. J’en veux pour preuve la question qu’il posera du fond de sa prison au Christ, son propre cousin selon la chair : « es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? »
L’œuvre de la grâce dans le cœur de Jean Baptiste, comme dans ls nôtres, est sans nul immense, unique. Elle est proportionnée à sa mission de prophète et de Précurseur. Et pourtant, si son intelligence humaine collabore, se met au service de cette irruption de Dieu en lui, Cette intelligence, sa conscience n’épuise pas cette grâce ; elle ne coïncide peut-être pas complètement à cette œuvre de Dieu en lui.
C’est la grâce divine qui vient saisir notre humanité quand elle fait cette douce irruption, comme nous le voyons pour Jean Baptiste, comme nous le verrons à Noël, comme cela rayonne dans chacun des sacrements que nous célébrons. Et ce n’est pas l’inverse, ce n’est pas l’humanité qui viendrait se saisir de la grâce pour la comprendre, la maîtriser, ou l’arraisonner.
Jean Baptiste prêche et pose les actes prophétiques selon l’inspiration de Dieu. Cela dépasse son intention et sa conscience. Cela excède, et de loin, l’intelligence qu’il peut en avoir sur le moment. Cela lui sera révélé plus tard dans un travail de mémoire et de contemplation. Il reçoit cette grâce prophétique et la comprend ensuite.
Pour les français toujours un peu cérébraux et réflexifs que nous sommes (je n’ai pas dit cartésiens et rationalistes), c’est un peu déroutant. Et pourtant, il faut nous habituer aux manières de Dieu. Il nous donne d’abord et nous fait comprendre ensuite. Dès lors, il s’agit d’entrer dans ce mystère de Noël qui vient avec cette belle disposition au cœur. Quelle disposition ? celle de la disponibilité à celui qui vient. Nous l’accueillions les mains pauvres et ouvertes, l’esprit libre et hospitalier. Cette grâce, ce cadeau de Dieu fera son œuvre en nous. Et nous aurons le temps de nous l’approprier, de le faire fructifier et même de le comprendre.