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"Ne nous laisse pas entrer en tentation"

ciric_253509-300x200.jpgCe 1er dimanche, nous entrons dans l’Avent avec cette recommandation du Seigneur : Veillez. Dans l’Evangile que nous venons d’écouter, le verbe arrive pas moins de 5 fois. La prière fait partie de la veille, de la vigilance dans la foi, d’une attitude profonde d’attente, d’éveil d’un cœur tourné vers, vers notre Père. C’est bien le sens de la prière du Notre Père que le Christ a donné à ses disciples quand ils lui demandaient de leur apprendre à prier.

Ce dimanche, nous sommes renvoyés à cette prière si familière, celle que nous avons apprise enfants, et qui rythme notre prière communautaire et notre prière personnelle. Et voici que la 6ème demande du Notre Père change ! En 1966, une traduction œcuménique avait déjà changé la formulation de cette demande. Au lieu de « ne nous laisse pas succomber à la tentation », les évêques avaient tranché pour « ne nous soumets pas à la tentation ». Traduction imparfaite qui ne satisfaisait pas vraiment, pour une raison simple : elle laissait penser que Dieu avait une part active dans notre rapport à la tentation. D’où cette nouvelle traduction : « ne nous laisse pas entrer en tentation ». Il reste à accueillir ce changement pour qu’il habite notre prière. Accueillir suppose de le comprendre...

« Entrer en ». Nous demandons au Père des cieux qu’il ne nous laisse pas entrer… Le verbe est presque du mot à mot avec le texte original grec, bien que le Christ parlait araméen. On entre dans un lieu, mais on entre également dans une situation sociale, ou personnelle, ou morale, ou spirituelle. On entre en Bourgogne, on entre dans la vie active, on entre en résiste ou dans l’espérance. On entre également dans l’épreuve ou en tentation.

Dans la foi, nous nous appuyons sur le fait que Dieu prend soin de nous. Je sais bien et vous aussi, que nos vies ne sont pas téléguidées par Dieu. Mais tout de même, le Dieu de l’Alliance s’implique dans nos existences, à commencer par nous donner la vie, le mouvement et l’être. Dieu s’implique dans nos existences au point qu’il intervient pour m’éduquer, me consoler, me reprendre, me protéger, bref pour mon salut et mon bonheur. Le psaume 90 affirme qu’il « a donné mission à ses anges de te garder sur tous tes chemins ». Cela ne supprimera pas notre liberté, dont les hommes et les femmes usent pour le meilleur et quelque fois pour le pire : l’actualité nous en donne malheureusement l’illustration quotidienne. Mais cette formule du Notre Père demande avec confiance : ne nous laisse pas entrer… fais que nous n’entrions pas là où nous pas nous mènent… là où les circonstances, les autres et nous-mêmes semblent nous mener… Au fait, où donc ? En tentation !

« … en tentation ». Autant vous le dire tout de suite. Le mot est compliqué. Parce qu’il semble que cela ne soit pas seulement la petite tentation de la tarte à la framboise dont vous prendriez bien une 4ème part.  Cette tentation-là est grossière, elle crève l’écran.

Le mot grec parle autant de tentation que d’épreuve. « Priez pour ne pas entrer en tentation » demande le Christ à ses disciples à Gethsémani. Et là encore l’épreuve a de multiples visages, certains moments positifs : c’est l’épreuve scolaire ou sportive qui nous donne une échéance et nous aide à grandir, épreuve d’un certain combat où nous allons avec un mélange de crainte et de courage. D'autres plus négatifs : c’est l’épreuve d’un évènement, d’une maladie, d’un deuil qui nous éprouvent dans notre chair et notre esprit. C’est l’épreuve collective où la société est mise en difficulté. C’est l’épreuve aux multiples visages qui nous apportent inconfort, insécurité. C’est enfin la grande épreuve dont parle la Révélation : épreuve de la persécution, épreuve de la domination du Mal. Dans l’Ancien Testament, cette épreuve, cette tentation porte un lieu. Elle a même son lieu au désert, à Massa et Mériba, lieu dans l'exode, lieu de la révolte contre Dieu, celui du refus ultime de se laisser conduire par Lui.

« Ne nous laisse pas entrer en tentation ». Par cette demande, nous laissons Dieu être Dieu. Nous confessons qu’il est le Maître de nos vies qui peut, parce qu’il le veut, nous donner le pain quotidien, pardonner nos offenses et nous préserver de l’épreuve. Il le fera dès maintenant, parce qu’il est le même hier, aujourd’hui et demain. Il le fera en vue du Royaume à venir.

« Ne nous laisse pas succomber à la tentation, ne nous soumets pas à la tentation, ne nous laisse pas entrer à la tentation ». Peut-être votre prière personnelle aura-t-elle besoin de temps pour intégrer ces différents changements. Et c’est bien légitime. Par cette décision de changements, les évêques francophones ont sans doute eu une intention tout autant pastorale que théologique : nous faire mieux comprendre combien Dieu nous conduit. Sans rien ôter à notre liberté, mais en laissant le Père des miséricordes déployer envers nous sa présence et son action paternelle.

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