Depuis quelques semaines, nous sommes habitués à un climat tendu entre le Christ et ses contemporains. Les pièges sont tendus par les uns, les controverses sont alimentées par les autres. Et le reproche du Christ résonne comme un refrain : vous n’accueillez pas le Royaume en ma personne, vous n’êtes pas disponibles à mon enseignement. Et la menace, la sanction se fait précise : les premiers seront les derniers.
Aujourd’hui, le coup porté aux pharisiens n’est pas direct, puisque Jésus s’adresse aux foules et à ses disciples au sujet de l’enseignement des pharisiens. Voilà pourtant un enseignement qui vise une certaine perfection dans la pratique de la Loi, un enseignement qui est déjà un effort louable pour comprendre la Loi de Dieu et la met en pratique au quotidien pour qu’elle irrigue toute la vie. Pourtant, le regard et le discernement du Christ relèvent 2 défauts majeurs qui sont à écouter avec attention.
« Ils disent et ne font pas ». Voilà bien un constat rude dans sa lucidité. Ce qu’ils enseignent a pourtant de la valeur, au point que le Christ conseille d’en suivre les préceptes. Mais le contre exemple, le contre témoignage n’en est que plus violent. Le Christ pointe ici la cohérence intérieure qu’implique toute attitude croyante.
Cette cohérence entre l’enseignement et la pratique, entre les paroles et les actes reste un enjeu, un combat. C’est l’expérience des parents dont les enfants savent bien déceler les contradictions entre l’éducation donnée et leur propre pratique. C’est l’expérience en général de tout éducateur qui est mis tout au tard devant ses propres petites ou grandes infidélités quant aux valeurs qu’ils professent et veut transmettre.
Le cœur de l’homme est compliqué et malade dit le prophète Jérémie. Cette imperfection du cœur humain révèle un désordre, manque profond d’unité. Seule la grâce unifie notre cœur. Seule la grâce, et notre collaboration à son œuvre en nous, rétablit cette pauvreté de cœur, dont les Béatitudes nous dévoilait le visage dans l’Evangile de la Tousaint. Heureux les pauvres de cœurs, heureux les cœurs, ils verront Dieu, le Royaume des Cieux est à eux. Quel horizon pour nos cœurs compliqués et malades, à condition d’accepter de nous présenter comme des pauvres et des pécheurs devant Celui qui est venu rétablir toutes choses.
« Toutes leurs actions, ils les font pour être remarqués des gens ». Non seulement ils ne font pas ce qu’ils disent, mais ils font d’autres choses, avec une intention qui reste imparfaite, c’est le moins que l’on puisse dire. Remarquez bien que le Christ ici juge de l’intention qui est dans le cœur de ses contemporains, de ces pharisiens qu’il a sous les yeux. Il est le seul à pouvoir le faire, parce qu’il est Dieu, parce qu’il connaît les pensées des hommes. A nous, cela ne nous est pas permis, ce serait un jugement téméraire, parce qu’au fond, nous ne connaissons pas et nous n’avons pas à scruter et encore moins à juger les intentions des autres. La nôtre si.
Et c’est justement à l’intention de nos actes que nous sommes à nouveau renvoyés avec cet Evangile. Non seulement la cohérence entre nos paroles et nos actes, qui implique une certaine liberté intérieure. Mais aussi l’intention, le pour quoi de nos actes, ce qui implique une certaine connaissance de soi.
Se connaître avec suffisamment de lucidité pour reconnaître ce qui nous motive et nous met en mouvement. Se connaître avec suffisamment d’humilité pour reconnaître toutes ces scories de notre agir, chacun reconnaîtra les siennes. Se connaître avec suffisamment d’humour pour ne pas être dupe de ses plis, de ses imperfections, de toutes ses pentes savonneuses que nous entretenons au quotidien.
Toutes mes actions, je les fais pour… Chacun répondra pour lui-même. Pour être remarqué des gens, pour être aimé, par sens du devoir, par obéissance ou par désobéissance… L’Evangile de ce dimanche nous amène à la racine de nos actes pour notre salut et notre bonheur. Ce ne sera peut-être pas confortable, mais il en va du déploiement de al charité, de l’amour de Dieu en nous.
Aujourd’hui, ne fermons pas notre cœur, mais écoutons la voix du Seigneur, chantons-nous si souvent. Ce dimanche, laissons tout nos êtres, nos pensées, nos actions, être à nouveau informés par la grâce, par cette présence de Dieu au milieu de nous, qui ne nous sauve pas de l’extérieur, mais de l’intérieur, à condition que nous y consentions.