A première vue, l’Evangile que nous venons d’entendre aurait de quoi nous surprendre. Le Christ quitte la Galilée pour des régions au nord, régions non-juive. Et la rencontre avec cette femme qui attend un miracle se révèle incompréhensible : Jésus lui refuse dans un premier temps ce qu’elle demande, pour se raviser dans un deuxième temps.
L’enjeu semble être celui du salut. A qui est destiné le salut apporté par Dieu dans la personne du Christ lui-même. Pour qui, la promesse de Dieu doit-elle se déployer. Et la réponse est donnée par le Christ lui-même : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël ». Et voilà bien qui est surprenant parce que ce n’est pas tout à fait la première fois que le Christ rencontre des non-juifs, jusqu’à agir pour eux : le démonique de l’autre côté du lac de Galilée, ou le centurion romain de Capharnaüm.
Permettez que je n’ai pas de réponse à vous proposer. Dans sa pédagogie, veut-il que cette femme accède intérieurement à cette foi qu’elle devra exprimer, ce qu’elle fera d’ailleurs ? Doit-il dans son intelligence humaine comprendre le projet universaliste de Dieu qui veut sauver tout les hommes ? Veut-il faire comprendre, avec une pédagogie un peu rêche, ce projet de Dieu à ses propres disciples ?
Permettez que je m’arrête simplement sur ce projet de Dieu, ce dessein d’amour miséricordieux qui veut que tous les hommes soient sauvés. Tous, quelle soit leur origine, leur langue,… Dans la Bible, on appelle cela la dimension universelle du salut. Dimension que les prophètes découvrent peu à peu, et de façon presque provocante pour Israël. Après tout, si Israël est le peuple choisi par Dieu pour qu’il l’éduque, lui donne l’Alliance, lui manifeste son amour, lui témoigne de son action salviique dans toute son histoire, qu’est-ce que les autres peuples auraient à voir avec cela. C’est que le peuple juif aura à découvrir que cet amour inconditionnel de Dieu pour Israël, n’est qu’en résumé celui de l’amour inconditionnel pour toute l’humanité.
Et c’est bien ce que le Christ vient apporter, que sans doute il lui faut aussi s’approprier dans son intelligence humaine, et apprendre aux futurs apôtres au moment où ils seront envoyées sur les routes de l’annonce de l’Evangile : le salut est pour tous.
Tous ont vocation à entrer dans l’Alliance. Tous ont vocation à accéder à la table où le pain est rompu et partagé. Tous ont vocation à recevoir et à répondre à cet amour inconditionnel du Dieu ami des hommes.
Cette dimension universelle traverse la Bible pour nous rejoindre ce dimanche. Et de fait, la diffusion de l’Evangile depuis 20 siècles nous apprend à réaliser ce que signifie cette dimension universelle, pas seulement romaine, pas seulement européenne, mais universelle. Et ce n’est pas qu’une contingence géographique ou historique, c’est une réalité nécessaire à l’Eglise. C’est en ce sens qu’elle est catholique, universelle. Nous le redirons dans un instant.
Si le salut est pour tous, l’Eglise catholique est pour tous. Et il est bon de le réentendre cet été. Comment le percevoir concrètement pour nous ici ? Je vous propose 2 marqueurs tout simples pour vérifier cette universalité de l’Eglise qui reste à vivre.
Le premier marqueur. L’Eglise qui est pour tous, n’est jamais l’Eglise d’un groupe. Les hommes et les femmes, c’est une réalité humaine bien connue, ont une propension naturelle à se rassembler, à établir des relations de groupes, de réseau. L’amitié, la proximité, les affinités sont légitimes. Mais pour l’Eglise, ces motifs ne suffisent pas, ils peuvent même être piégeants. Le critère premier n’est jamais celui du choix, comme on choisit ses amis ou ses affinités, mais de l’hospitalité où chacun est reçu en frère. L’Eglise, et toute cellule d’Eglise, est une réalité ouverte, mais large que les groupes d’amis, d’affinités, plus large que les tribus humaines quelles qu’elles soient. C’est vrai pour une paroisse, pour une aumônerie, pour une communauté religieuse.
Le second marqueur. Parce que l’Eglise est un peuple, un tout, il rassemble des individus, des personnes. Mais aucune personne, aucun individu, membre particulier de cette Eglise ne peut à lui seul, ou à elle seule, ne résumer à lui seul les caractéristiques de l’ensemble. Comme le dit le pape François, le tout est supérieur à la partie. De sorte que chacun de nous mettons notre énergie, nos talents, mais aussi notre fragilité, au service de l’ensemble, au service du corps qu’est l’Eglise, dont nous ne sommes que des membres. Chacun de nous, comme chacun des groupes, des tribus ecclésiales, ont à entrer dans une logique de service. Parce que nous ne sommes que des membres, que des invités à la table du salut, parce que nous ne faisons que passer.