« Dieu monte parmi l’acclamation le Seigneur aux éclats du cor », c’est ce que le psaume 46 nous faisait chanter il y a un instant.
Le Christ s’élève donc en ce jour de l’Ascension, 40 jours après Pâques selon St Luc, le soir même de la Résurrection selon St Marc. Peu importe. C’est cette belle réalité de l’exaltation du Christ dans sa résurrection que nous fêtons aujourd’hui, exaltation qui a pour achèvement immédiat le don de l’Esprit Saint, 50 jours après Pâques selon St Luc, ou le soir même de la Résurrection selon St Jean.
Le Christ s’élève, alors que le mouvement de l’Incarnation avait été un mouvement d’abaissement, de sollicitude à l’égard d’une humanité qu’il vient sauver en prend même notre condition humaine, en la prenant, en l’épousant. Nous sommes suffisamment habitués à ce mouvement, qui nous ravit chaque année dans la fête de Noël : il se fait proche, présent, l’un de nous. Il est vraiment l’Emmanuel, Dieu avec nous.
Et voici qu’aujourd’hui, il s’élève. Il semble s’évader de notre condition humaine, s’absenter nous laissant à une nouvelle attente, celle de son retour dans la gloire. Et les anges eux-mêmes ne sont pas en reste quand ils annoncent ce retour aux apôtres qui en sont encore à fixer le ciel où Jésus se dérobe à leur yeux après 3 ans de fréquentation intime et 40 jours de communion avec le Ressuscité.
Aujourd’hui il nous faut apprivoiser une autre forme de présence du Christ ressuscité. Dans son incarnation, il était comme voilé par son humanité. Depuis l’Ascension, il faut le chercher dans ses différents modes de présence. Ne cherchez pas un Christ cosmique qui serait réfugié dans une quelque conque galaxie, ou disséminé dans le cosmos, dans la nature et dans l’air ambiant. Je plaisante à peine, parce que des courants ésotériques ou gnostiques l’affirment par ailleurs.
Par son Esprit, celui du Père et du Fils, il est présent à nous et en nous qui sommes son Corps. Saint Augustin a pour cette fête une belle affirmation : « Lui, alors qu’il est là-haut, est aussi avec nous ; et nous, alors que nous sommes ici-bas, sommes aussi avec lui… Lui ne s’est pas éloigné du ciel lorsqu’il en est descendu pour venir vers nous ; et il ne s’est pas éloigné de nous lorsqu’il est monté pour revenir au ciel… Il a parlé ainsi en raison de l’unité entre lui et nous : il est notre tête, et nous sommes son corps ». C’est que la réalité de l’Incarnation se prolonge, non pas physiquement, mais spirituellement, sacramentellement dans son Eglise. Elle est son Corps, sa présence avec toute l’efficacité de son action.
Il y a un lien décisif entre les 4 fêtes que sont la Nativité, la Résurrection, l’Ascension et la Pentecôte. 4 fêtes du Corps du Christ. 4 fêtes de sa présence, parce qu’elles déploient cette présence pour nous, pour notre salut et celui de ce monde. Présence dans l’humanité, présence glorieuse, présence cachée et présence dans et par son Eglise.
Aujourd’hui, l’humanité du Fils entre dans la gloire du Père, c’est un fait. Mais aujourd’hui, et plus encore dans 10 jours, nous découvrons que nous sommes ce Corps du Christ dans la réalité sacramentelle qu’est l’Eglise. Et Dieu sait que nous avons à devenir ce que nous sommes. La vie et le dynamisme de l’Esprit saura nous façonner de l’intérieur pour que se manifeste de plus en plus notre identité ecclésiale.
2 conséquences pratiques pour la fête de ce jour :
La première est de ne pas chercher le Christ là où il n’est pas. Il est dans l’Ecriture, il est dans les sacrements, il est dans notre prière, dans les gestes de charité que nous posons. Il habite son Corps, son Eglise, large, plus grande même que l’Eglise visible. Plus que jamais, il est le Dieu Emmanuel, qui manifeste sa sollicitude pour son peuple. Sollicitude et même sa solidarité la plus intérieure.
La seconde est de regarder l’Eglise pour ce qu’elle est : le mystère du Corps du Christ dont il est la Tête, et pas l’association des amis de Jésus, ou une organisation multinationale. Convertir notre propre regard sur l’Eglise, malgré les fautes hélas trop humaines de ses membres quels qu’ils soient. L’Eglise n’est pas une boutique à faire fonctionner, elle est un mystère à contempler. Elle n’est pas le miroir de ce que nous sommes ou voudrions être, elle est le Corps du Christ, elle est celle qui nous enfante à la vie.