Nous voici avec ce long évangile, tout le chapitre 15 de l’Evangile selon saint Luc. Long évangile, 3 paraboles, qui veulent toutes les 3 répondre à l’objection qui montent dans le cœur et sur les lèvres des détracteurs de Jésus : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! ».
Jésus fait bon accueil à ceux qui sont loin, et même il mange avec eux. Les fils aînés que sont les scribes et les pharisiens manifestent par ce reproche quelque chose de leur incompréhension devant la figure et le ministère de Jésus. Incompréhension, et même peut-être aussi une obstination du cœur, une fermeture, digne de celle du peuple d’Israël dans le désert dont nous parlait le livre de l’Exode il y a un instant.
Je dis incompréhension pour ne pas dit quelque chose de l’autre du péché. Péché de jalousie peut-être. Après tout, n’est-ce pas d’abord à eux qu’il est envoyé. Pourquoi s’occupe t-il tant de ceux qui sont loin, qui sont en situation de péché public ? Nous qui servions Dieu depuis si longtemps, qui avons une vie parfaite et respectable, nous n’avons pas reçu un tel accueil de la part du Messie. Pas de vêtement de fête, pas d’anneaux au doigt. On n’a même pas tué le veau gras pour nous. Nous pouvons bien nous y retrouver.
Remarquez bien un point décisif pour la lecture de ces paraboles. Le personnage principal n’est ni la brebis perdue, ni la pièce perdue, ni le fils perdu, ni même le fils aîné. C’est celui qui retrouve ce qui était perdu : le berger, la femme, le père prodigue. Alors, de fait, ces paraboles nous parlent de la miséricorde de Dieu. Elles nous parlent d’un Dieu qui cherche sans se lasser, d’un Dieu qui accueille les bras grands ouverts, d’un Dieu qui a pleuré d’attendre. Elles nous parlent d’un Dieu qui ne se résout à la mort du pécheur, mais qui désire que tous, le plus grand nombre soient en communion avec lui. Le voudront-ils ? C’est une autre question.
Le péché du fils aîné est donc de ne pas entrer dans la logique du père et de rester dans la sienne propre, de ne pas se décentrer, de refuser au père d’être bon. « Pourquoi me regardes-tu d’un œil mauvais, alors que moi je suis bon » dit le maître de la vigne aux ouvriers de la première heure. La faute est aussi lourde que celle de quitter la maison : il refuse au père d’être père. Ce fils aîné va jusqu’à mentir et être injuste. Qu’en sait-il de la manière dont le son frère avait dépensé son argent ? Il refuse d’être miséricordieux, alors que le père n’a pas refusé de l’être. C’est même son nom : le Père de miséricorde. Refuser à Dieu d’être miséricordieux, c’est refuser qu’il soit Dieu.
Mais, et vous allez penser que je l’accable, j’y vois une autre faute à ce fils aîné : il refuse d’entrer dans la joie du père. Avez-vous remarqué que chacune des paraboles se conclut par la joie : joie du berger qu’il fête avec ses amis ; joie de cette femme qu’elle célèbre avec ses voisines ; joie du père qui se manifeste dans le festin. Joie, joie, joie.
Cette joie du père indique celle de Dieu : il est dans une joie profonde qu’il veut faire partager. Et ce fils aîné reste centré sur ce qu’il pense connaître de lui et du père. Il compte. Il mesure avec ses petites unités. Alors que la joie débordante de Dieu ne se compte. Il s’agit d’être en joie avec lui pour les raisons qui sont les siennes.
En ce dimanche de septembre, il y a une leçon d’espérance à recevoir de ces paraboles. La joie de Dieu est à portée de mains, si je puis dire, à condition de nous décentrer. Décentrement pas si simple, quand les soucis nous occupent, quand les épreuves nous font redouter chaque joue qui passent, quand la maladie ou la solitude ne donnent aucun autre horizon. Et pourtant, cette joie de Dieu est là, toute proche, offerte à nos existences injustement recroquevillées sur elles-mêmes.
Il y a un saut dans la foi à franchir. Un saut qui nous fera regarder toutes choses selon son regard à Lui, et non plus le nôtre. Regard de joie, regard bon, regard de miséricorde. Changerons-nous de lunettes en cette rentrée ?