Voici revenu le cycle du temps ordinaire, avec la lente méditation du ministère public de Jésus. Il va et vient en Galilée et dans les régions environnantes. Ici il guérit, là il pardonne, ailleurs, il enseigne ; bref, il passe en faisant le bien comme dira St Pierre dans les Actes des Apôtres.
Et après avoir guéri le serviteur d’un Centurion à Capharnaüm, au bord du lac de Galilée, voici Jésus à une trentaine de km au SO, au pied du mont Thabor, à deux pas de Nazareth, en vue de la ville de Naïm, qui existe toujours.
La foule qui entoure Jésus rencontre une autre foule sortant de la ville. Les louanges des uns rencontrent les pleurs des autres. Au milieu de ce brouhaha, le regard de Jésus scrute tout de suite l’enjeu de cette rencontre. Une femme, une veuve qui enterre son fils unique. Scène dramatique humainement, qui pourrait alimenter tous les reproches possibles. Pourquoi le sort s’abat-il sur elle ? Pourquoi Dieu ne fait-il rien ? Pourquoi tant d’injustice ?
Le texte est précis : il fut saisi de compassion. En cette année de la Miséricorde, nous sommes habitués à cette manifestation de la miséricorde divine dans le cœur du Christ. Une miséricorde qui sait regarder, qui est littéralement prise aux tripes parce qu’elle est touchée par la misère d’autrui au point d’agir. C’est la modalité la plus haute par laquelle Dieu manifeste son amour pour son peuple. C’est celle du bon Samaritain en voyant l’homme à demi-mort au bord du chemin ; c’est celle du père du fils prodigue quand il voit son enfant au loin et qu’il court vers lui ; c’est celle de Jésus voyant les foules affamés et sans berger ; c’est celle de Dieu pour vous et pour moi.
Il voit et il agit. Parce qu’en Dieu il n’y a pas de distance. A la différence de cette distance qui habite nos cœurs. Nous voyons, quand nous voyons et il reste encore tout un débat intérieur sur ce qu’il faut faire. Parce qu’il est Seigneur, il agit, avec une simplicité déconcertante. Il s’approche, il touche le cercueil ou le brancard et il parle. Je dit simplicité, je devrais plutôt dire avec autorité, l’autorité de celui qui commande au ciel et à la terre, à la mer et aux vente. Je te l’ordonne. Il est le Seigneur des vivants et des morts, il est le Maître de la vie qui peut commander à la mort. Il le fera 3 fois en tout dans l’Evangile et surtout il le fera pour lui-même au matin de Pâques. La mort croyait avoir raison de ce Maître, et c’est bien elle qui a été muselée.
En attendant, pour redonner cet enfant unique à cette femme qui reste silencieuse dans tout l’épisode, Jésus manifeste sa puissance de salut. Au paralytique de Capharnaüm, il avait rendu la santé mais à lui seul, manifestant que le miracle n’est qu’un signe du Royaume, qu’une parabole de ce qui est à venir. Ici encore, il ne ressuscite qu’un mort ou plutôt il le réanime, ce qu’il ne fera que si peu, parce que le miracle reste ce signe de la victoire à venir, du triomphe de la vie de Dieu sur toute mort spirituelle.
En attendant, les louanges, la rumeur de la foule, tout cela enfle et va gagner la région et même au-delà. Pensez donc : un mort a été ressuscité ! Et la phrase qui a servi de chant d’entrée mérite d’être rappelée : « Un grand prophète s’est levé parmi nous, et Dieu a visité son peuple »
Comme souvent, il y a du bon grain et de l’ivraie dans cette louange de la foule au sujet de Jésus. Oui Dieu a visité son peuple, à cause de son trop grand amour pour lui. Oui, en Jésus, et dans le prolongement de son Incarnation que sont les sacrements, Dieu ne cesse de nous visiter de sorte qu’il vient habiter une terre qui serait bien vide et solitaire sans cette expression de sa miséricorde. Mais non, Jésus n’est pas un grand prophète, il ne peut être cela. L’Ancien Testament a connu ces figures qui viennent et qui repartent le temps des paroles et des actes que Dieu leur suscite. Jésus ne peut être regardé comme un grand prophète, pas plus qu’un guérisseur, ou qu’un roi, ou qu’un Messie triomphant. Jésus Christ est Seigneur, parce qu’il est fils de Dieu.
Il ne nous guérira pas de nos infirmités, ni de nos maladies. Il ne nous ressuscitera pas de nos morts physiques. Il vient pour faire de nous enfants de Dieu, promis à la vie éternelle. Et cela nous suffit.