Nous passons ce 3ème dimanche de l’Avent en compagnie de Jean-Baptiste, comme le 2ème, dimanche dernier. La scène que relate St Matthieu est déjà dans le ministère public de Jésus, alors que Jean-Baptiste est en prison. Et voici donc la question de Jean qu’il fait porter au Christ par ses disciples. Question qui habite ce texte et donc ce dimanche, au point qu’elle st sur la banderole de notre couronne de l’Avent.
Question surprenante, même déroutante, quand on sait qu’elle jaillit du cœur de celui qui avait pu être très affirmatif sur Jésus : Voici l’Agneau de Dieu, ou encore Il faut qu’il grandisse et que je diminue ou encore à l’ami de l’époux entend la voix de l’époux, et il en est tout joyeux. Au fond du cachot de la prison de Machéronte où il est détenu, voici la question brute de décoffrage : « Es-tu celui qui vient ou devons-nous en attendre un autre ? »
Nous sommes réduits à essayer de comprendre cette question, en l’interprétant : Jean est-il en proie aux doutes ? Veut-il conforter la foi défaillante de ses disciples ? pousse-t-il Jésus à se déclarer plus ouvertement comme Messie ? Vous choisirez votre propre hypothèse. Pour ma part, et suite à l’échange d’hier matin, je retiens le cri d’un prisonnier, qui s’interroge sur sa propre vocation.
Il a annoncé le Messie, l’Agneau de Dieu, dans une prophétie qui dépassait peut-être la compréhension qu’il en avait. Nos mots peuvent aussi dépasser de loin nos pensées. Il a annoncé le salut, la fin de toute guerre et de toute violence. Il a annoncé le jugement. Il a annoncé l’arrivée des temps messianiques, tel que tout l’Ancien Testament pouvait en porter la promesse. Et tout cela tarde à venir. Jésus est-il bien celui qui doit venir ?
La première lecture de ce jour n’est pas en reste. Isaïe prophétise la rénovation de toute la création aux jours du Messie : le désert et le pays aride fleuriront, la gloire de Dieu apparaîtra, tous seront guéris, tous reviendront à Sion avec des cris de fête. Quand cela est-il advenu ? Jésus n’a pas fait refleurir le désert, il n’a pas fait rayonner la gloire de Dieu, il n’a pas non plus fait advenir le jugement de la vengeance de Dieu annoncé par Isaïe. S’il n’est pas ce Messie triomphant et glorieux, s’il n’est pas le Juge du Jour du Seigneur, alors qui est-il ? Faut-il en attendre un autre ?
Pour Jean-Baptiste, Jésus n’est donc pas lisible. Les miracles qu’il fait ne suffisent pas à nourrir cette annonce et cette attente du Messie. Le ministère public de Jésus reste limité dans l’espace et dans le temps. Il guérit certes, mais un aveugle ici, un sourd là. Les signes sont discrets, ils ne s’imposent pas. Et finalement, tout cela finira sur la Croix, sur un échec humain qui dément toutes les attentes glorieuses. Jean-Baptiste aura à l’apprendre pour Jésus et pour le Précurseur qu’il est lui-même, jusque dans sa propre mort à la prison de Machéronte.
Jésus n’est pas lisible. Le saint cardinal Newman dit même qu’il est étrange. Il ne faudrait pas nous habituer à cette étrangeté. On annonce le Roi Sauveur, il nait dans une étable. On annonce le Sauveur de toute l’humanité, il meurt sur l’infâmie d’une Croix. On annonce un Royaume de Dieu, il le confie à 12 pécheurs, dont un le trahira. Il promet la vie éternelle à ceux qui l’écoutent et le suivent, il prend le risque que ses paroles soient confiées à des esprits humains, que sa vie soit limitée à un petit morceau de pain entre nos mains. Où est la gloire ? Où est le triomphe de Dieu ? Où est le jugement ? Où est la fin de toute guerre ? Est-il vraiment celui qui doit venir ? Beaucoup de nos contemporains demandent à Dieu se justifier ?
Vous aurez remarqué que la réponse de Jésus est sobre. S’il reprend les prophéties d’Isaïe sur les guérisons, il ajoute que « la Bonne nouvelle est annoncée aux pauvres ». Quelques versets plus loin, il précisera : « ce que tu as caché aux savants et aux savants, tu l’as révélé aux enfants et aux tout petits ».
C’est donc le moment d’y croire : croire que Jésus est étrange et qu’il nous mène par un chemin qu’il lui appartient à lui et à lui seul. Voilà la vraie joie de ce jour. Sa seule lisibilité, sa seule crédibilité suppose que nous désarmions à son égard. Tout est dans sa main. C’est pourquoi nous l’attendons dans la joie, Lui qui doit venir. Il n’y en a pas d’autre à attendre.