Nous voici à nouveau ce matin au pied de la crèche. Et il faut nous frayer un chemin parce qu’il y a du monde. Il y a avait déjà les anges et les bergers depuis la nuit de Noël. Personne de Jérusalem ne semble s’être déplacé devant la grandeur de l’évènement. Mais en ce jour de l’Epiphanie, la maison de l’Enfant de Bethléem compte de nouveaux visiteurs, ou plutôt de nouveaux adorateurs, ces mages venus de loin et qui repartiront au loin aussitôt leurs cadeaux offerts et leurs hommages présentés.
Avouez qu’il y a quelque chose de contrasté dans cette visite, contraste entre la pauvreté de la maison et la fragilité de l’Enfant, et la multitude des visiteurs, la magnificence des cadeaux et la dignité de ces mages.
Des mages venus d’Orient, venus de l’Est, donc venu de loin à tous points de vue : loin de leur langue, loin de leur culture, de leur représentation religieuse, loin de leur texte sacré. Venus de loin mais attirés, ou plutôt aimanté par une étoile qui les a conduits extérieurement et intérieurement à Jérusalem d’abord et à Bethléem ensuite.
Ces mages regardons les avec ce texte, mais aussi avec ce que la tradition a pu dire d’eux, commentant et s’appropriant l’Evangile, quite à combler les silence et le faire parler d’une autre manière.
Les cadeaux. 3 cadeaux qui ont une portée théologique. L’or au roi, l’encens au Dieu, la myrrhe à l’homme mortelle. 3 cadeaux, on a vite fait de conclure à trois mages, d’une dignité royale, les rois mages. Gaspard, Melchior, Balthasar. Les traditions arméniennes en ont même retenu 7, chiffre de perfection. Michel Tournier en invente un quatrième, Taor, prince de Mangalore qui arrivera trop tard à la crèche et cherche l’enfant Roi pendant toute sa vie, pour le rencontrer au soir du jeudi Saint, et recevant l’Eucharistie. Peu importe.
3 cadeaux, 3 mages. 3 peuples ou 3 races. A une époque où la géographie ne connaît que 3 continents, Europe, Asie, Afrique, ces 3 mages sont chargés d’une dimension universelle. Regardons-les. Et les voici représentés dans ces santons, venant d’origine géographique si différente. En eux, ce sont tous les peuples de la terre, toutes les nations, tous les rois qui viennent se reconnaître le sauveur de l’humanité. Les prophéties universalistes des prophètes (et d’Isaïe notamment) se réalise dès ce récit de l’enfance de Jésus. Le salut déborde d’emblée le cadre d’Israël. Certes la Révélation a pointé en Judée et dans la descendance de David de Bethléem. Mais elle déborde pour rayonner sur toute l’humanité, tous les fils d’Abraham, père des croyants, tous les fils d’Adam.
3 cadeaux, 3 mages, 3 races, 3 âges. Vous les regarderez bien vos santons. Un homme jeune, un homme d’âge mûr et un vieillard. Ils assument 3 âges de la vie, 3 âges de toute l’humanité. Ce n’est pas seulement tous les peuples qui viennent à la crèche, pas seulement tous les hommes, mais tout homme, quel qu’il soit, où qu’il en soit de son chemin. Cela dément le proverbe chinois qui affirme que « à la fin le vieillard, retourne à la pagode », proverbe qui laisse aux seules personnes âgées la pratique religieuse.
Avec ces mages, il était déjà beau de regarder l’humanité entière venir adorer le Roi des cieux, le Prince de la Paix. Avec eux, il est encore plus beau de regarder toute l’humanité, petits et grands, jeunes et vieux, hommes et femmes, esclaves et hommes confesser que cet enfant est le Sauveur.
Aujourd’hui venons à la crèche et faufilons nous derrière les mages. Chacun choisira le sien. Venons de là où nous en sommes. Une chaîne de restauration rapide dirait : « venez comme vous êtes ». Venons de près ou de loin. Hérode et les scribes, qui étaient au plus près, grâce à l’écriture, auraient été bien inspirés de respecter de leur promesse de se déplacer à Bethléem. Quant à nous, personne n’est loin au point de ne pas être touché extérieurement ou intérieurement par l’étoile qui a une puissance attractive. Cet aimant nous entraîne, à condition que nous ne mettions ni préalable, ni réserve.
Allons à la crèche, qui que nous soyons. Le ferons-nous ?