Beau programme, bel appel du Seigneur à l’imiter, à le suivre, à devenir conformes à ce qu’il nous appelle à être. Dans l’Evangile de ce jour, une phrase presque semblable du Christ clôt le long discours du chapitre 5 commencé avec les Béatitudes : « Soyez parfaits, comme votre père céleste est parfait ».
« Soyez saints, car moi je suis saint » est un appel finalement assez simple : maîtriser sa violence, ne pas se venger, ne pas garder de rancune bref aimer son prochain comme soi-même. La Loi de Moïse amène cette 2ème partie du Décalogue, après la 1ère : aimer le Seigneur de tout son cœur.
Dans le discours sur la montagne, le Christ reprend et accomplit ce commandement d’amour donné au Sinaï. Déjà la loi du talion donnait une régulation de la violence inhérente au cœur de l’homme. Un œil pour un œil, une dent pour une dent, pas plus. Régulation du désir de vengeance, limite à la violence individuelle et sociale. C’était déjà un bel objectif. Mais le Christ se fait un peu plus exigeant, carrément plus exigeant. Ne pas répondre. Ne pas riposter. Tendre la joue gauche. Présenter un autre visage. Là où il y a la haine, que je mette l’amour.
On raconte que St Maximilien Kolbe, dans le bunker de la faim où il était enfermé à Auschwitz, non est mort le dernier, mais qu’en plus il a exhorté ses compagnons de martyre à rester joyeux et à sourire à leur bourreaux. Le gardien a raconté plus tard que son regard était insoutenable jusqu’au bout. Il a tendu l’autre joue. Il a présenté un visage d’amour là où la haine l’avait giflé.
Et en ce sens, A cet instant, St Maximilien Kolbe, qui a offert sa vie à la place de ce père de famille qui devait être exécuté, vit pleinement cette loi nouvelle, la loi d’amour du Christ. « On vous a dit : tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. Moi je vous dis : tu aimeras ton ennemi ». Il n’y a rien de plus facile que d’aimer ses amis. Aimer ceux qui nous ressemblent, aimer ceux de nos groupes humains, ceux avec lesquels nous avons des affinités, des connaturalités. Je dis que c’est facile, mais pas tant que cela ; dans nos familles, dans nos immeubles ou nos quartiers, dans une paroisse, ou dans une entreprise, l’enjeu de cette charité de base n’est pas si simple. Les différences de tempérament s’en mêlent. Les problèmes de communication, les différents, les envies, les jalousies, les petits potins ou les grandes calomnies,… Tout cela fait obstacle et tôt ou tard, nous devenons l’ennemi d’autrui, à moins que cela ne soit l’inverse.
L’ennemi, c’est celui qui en veut à ma vie. Le Christ vit cet amour des ennemis au pied de la lettre. Il ne répond pas, il ne riposte pas. Dans 2 mois, au moment de la passion, nous le contemplerons monter vers le trône de sa Croix, dignement, présentant sa joue et son dos à ses ennemis, et même demandant au Père du Ciel de les pardonner, à eux pour lesquels il donne sa vie. Ni plus, ni moins. Là où il y a la haine, que je mette l’amour.
Nous avons peu d’ennemi, au sens où il y a peu de personnes qui en veulent à notre vie. Et pourtant, si je reprends la petite litanie des manques de charité qui encombrent nos relations les uns avec les autres, nous sommes facilement mis en défaut, pour ne regarder les choses que du point de vue de notre responsabilité. Et finalement, les choses sont assez simples, il s’agit de laisser l’Esprit d’amour envahir nos relations et guérir toute cette torpeur qui envahit nos vies. Je prends 3 points concrets pour finir et pour me faire comprendre :
Ne pas se venger. Que de fois, nous avons été victime d’une injustice, d’une médisance, d’une indélicatesse. Tant que nous n’avons pas pardonné dans notre cœur, il reste une trace dont l’envie de venger est le signe. Soyons magnanimes, abandonnons cette envie.
Se réconcilier. Les rencontres avec les familles en deuil sont souvent, très souvent le lieu où, comme pasteur, nous sommes témoins de profondes divisions dans les familles. Un problème banal devient l’occasion d’un contentieux, puis d’un conflit, puis d’une rupture. Et personne ne veut faire de premier pas. Soyons humbles, acceptons de perdre la face pour se réconcilier.
Changer de regard. Le soleil se lève sur les bons sur les méchants. Sur chacun de nous et sur notre voisin ou notre collègue acariâtre. La pluie arrose les bourreaux et les victimes. Sans doute avons-nous à regarder nos petits ennemis comme le Seigneur les regarde, avec miséricorde pour leur personne. La beauté est dans l’œil de celui qui regarde dit le proverbe chinois. L’amour est dans le cœur de celui qui aime, ami ou ennemi. Peu importe.