Aussi surprenant que cela puisse paraître, les Evangiles, et les 4 cette fois ci, nous parlent, chacun à leur manière du baptême du Christ. Non pas celui qu’il donnerait, ou celui qu’il instituera plus tard. Non, du baptême d’eau, du baptême de purification et de conversion en vue de la rémission des péchés. Baptême que donnait Jean et d’autres d’ailleurs au bord du Jourdain, bien loin du lieu traditionnel pour les Juifs pour la rémission des péchés, à savoir le Temple et ses sacrifices.
Je dis surprenant, parce que le Christ semble désobéir à la loi juive qui justement faisait du Temple le seul lieu de pardon des péchés. Il semble donner raison à ces prophètes qui contredisent la religion instituée par Dieu lui-même, dans la loi donnée à Moïse. Mais surprenant à un autre titre : lui qui est Fils de Dieu, lui qui vient renouveler l’Alliance entre Dieu et les hommes, lui qui justement est la Saint de Dieu, l’Agneau sans péchés, voilà qu’il descend dans les eaux du Jourdain, comme les autres le font en signe de conversion.
Plusieurs éléments pour nous aider à comprendre :
1. L’endroit où se passe la scène n’est pas neutre du tout. C’est la vallée du Jourdain, située à près de 200 m sous le niveau de la mer. La dépression du rift africain. C’est l’endroit le plus bas de la planète. Lui qui est le Fils de Dieu, qui s’est abaissé pour prendre notre nature humaine, voilà qu’il s’en fait solidaire au point de descendre au plus bas, physiquement, mais surtout spirituellement. Au plus bas de nos détresses, au plus bas de nos souffrances, au plus bas de nos péchés.
Autrement dit, si Jésus consent à descendre dans les eaux du Jourdain, c’est sans doute pour manifester sa profonde solidarité avec tout l’humanité, telle qu’elle est, séparée, désunie, souffrante et oppressée. Telle elle est. Telle il l’assume. Il s’est fait péché pour nous dira St Paul à propos du mystère pascal que ce baptême anticipe.
2. Ensuite, il faut noter que Jean Baptiste annonçait un baptême de repentir pour se préparer à la venue du Messie. Nous avons lu ses enseignements vigoureux pendant l’Avent. Préparer les chemins du Seigneur, du Messie, de l’Envoyé du Père. S’y préparer par une attitude résolument neuve, purifiée, convertie. Or, Jésus descend dans les eaux du Jourdain, pour se présenter à Jean Baptiste. Sans parole, avec sa seule présence, il vient annoncer au Précurseur que les temps messianiques sont arrivés. Il est le Messie annoncé et attendu. Il est celui dont ces foules ont préparé la venue.
3. Dernier point : Jésus reçoit le baptême de Jean Baptiste et la voix du ciel se fait entendre. Elle déchire les cieux. Celui qui a parlé au buisson ardent et au Sinaï, voilà qu’il fait entendre sa voix à Jésus, le fils de Marie, le Messie : « Tu es mon Fils en qui j’ai mis tout mon amour ». Le psaume 2 l’avait prophétisé, mais voici en ce jour du baptême la réalisation, l’authentification. Dans son humanité, Jésus reçoit ce sceau qui le consacre au début de son ministère public. Toute son humanité est unie à sa divinité au moment où il début cette œuvre de prédication, de guérison, de miracle et finalement de salut. Toute son humanité en est consacrée. Et déjà, c’est toute notre humanité qui en lui en sera consacrée. Notre humanité, telle qu’elle est promise à cette consécration. Ce baptême annonce le nôtre. Cette consécration annonce la nôtre, mais à quel prix, au prix de son baptême à lui, baptême dans le feu du mystère pascal. Baptême dans le feu de la Passion, de la Croix et du tombeau. Baptême de la mort et de la résurrection. C’est en celui là que nous avons été plongés, pour notre vie, et quelle vie !
La fête de ce jour parle du baptême du Christ, mais il parle déjà du nôtre. Et c’est là que je voudrais en terminer. Où en sommes nous de notre baptême ? Où en sommes nous de cette conscience d’être des enfants bien-aimés du Père ? Si nous ne l'avions pas été au matin de notre vie, demanderions-nous aujourd'hui le baptême ?