Au cours de cet été, nous voici au bord du lac de Galilée, avec l’Evangile selon St Jean. Pendant 5 dimanches, nous lisons et méditons ce long chapitre 6, la multiplication des pains au bord du lac et le discours du pain de vie dans la synagogue de Capharnaüm.
Voici Jésus au milieu des disciples, rattrapée par une foule nombreuse qui le suit et attend de lui des prodiges, en particulier des miracles. Voici Jésus qui semble être maître d’une situation un peu dramatique sur le plan de la logistique des pèlerinages. Pensez-donc : ils sont près de 5.000 hommes, sans compter les femmes et les enfants et ils n’ont rien à manger pour le soir, si ce n’est 5 pains d’orge et 2 poissons. Il est maître de la situation parce qu’il savait ce qu’il allait faire. Et le miracle le voici : il nourrit et il en reste. Déjà le prophète Elisée avait nourrit 100 personnes avec 20 pains d’orge, et il en était resté. Miracle important sur l’on sait qu’un pain, ce n’est jamais qu’une galette cuite sur des pierres chaudes. Ce n’est pas le gros pain d’une livre de nos boulangeries.
« On mangera et il en restera » prophétise Elisée, et c’est bien ce qui se réalisera. On mangera et il en restera. Et c’est bien ce qui se réalise à nouveau sur les bords du lac, pour cette foule qui ne lâche plus le Maître. Il les a enseigné, il fait des guérisons, il a même chassé des démons. Voici qu’il les nourrit.
On mangera et il en restera. Voilà qui dévoile quelque chose de la pédagogie de Dieu à l’égard de l’humanité. Il pourrait se contenter de nourrir une foule, cela suffirait. Mais en plus de ce miracle, il ajoute celui de la surabondance. Dieu ne compte pas. Dieu ne donne pas chichement. Dieu est large, magnanime. Le Seigneur l’enseigne lui-même : « Donnez, il vous sera donné : une mesure bonne, bien tassée, secouée, débordante on donnera dans votre tablier. Car la mesure par laquelle vous mesurez, il sera mesuré en retour pour vous » (Lc 6, 38). Il l’enseigne et il le fait lui-même. Il est le Maître de l’impossible, de l’excès, du débordement.
Il aurait pu créer le monde. De son point de vue, cela nous aurait suffit. Il aurait pu donner restaurer la Création par le don de la Loi. Cela nous aurait suffit. Il aurait pu permettre l’Incarnation de son Fils, cela nous aurait suffit. Il aurait pu permettre la mort et la mise au tombeau de son Fils, cela nous aurait suffit. Il aurait pu le ressusciter pour l’élever à sa droite, cela nous aurait suffit. Mais il a voulu que nous soyons associer à cette amour débordant. Voilà l’immense cohérence de l’amour débordant de Dieu. Voilà ce mouvement inouï de Dieu qui nous sauve et nous libère. Voilà cet amour fou dont nous sommes bénéficiaires en le recevant à mains ouvertes.
Et où le recevons nous à main ouvertes, sinon dans ce pain partagé et multiplié. Vous avez peut-être remarqué que Jésus nourrit cette foule en prenant le pain, rendant grâce et le donnant. Geste eucharistique avant l’heure. Geste qui annonce le geste débordant d’amour du Fils qui se donne en nourriture. On a beau le consommer, il reste principe actif de vie en nous. On en mangera et il restera. Depuis 2000 ans, la consommation de l’Eucharistie vient en nous produire ses fruits de grâce. Sans cesse, cette nourriture, ce pauvre pain d’orge est multiplié par les paroles eucharistiques. Il est distribué. Il est consommé dans ce beau geste du partage et de la communion. Et il en reste, parce qu’il ne cesse de grandir en nous. Il n’a de cesse de nous communiquer sa vie et sa grâce.
En Galilée, c’était la Pâque, c’était le printemps pour l’amour débordant de Dieu. L’été, le sommet, ça a été ce mystère pascal où s’est réalisé tout ce qui était en germe jusqu’alors. Mais, à la différence des saisons et du cycle du soleil, il n’y a ni automne, ni hiver. Par l’eucharistie, c’est l’éternel été de Dieu, l’éternel été du Christ, le pain qui est mangé et qui reste, qui demeure, pour que nous demeurerions en lui et par lui.