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  • Va et fais de même

    images?q=tbn:ANd9GcRx04INVweGLZloumIszOFLKr8srSyyQUt57cJWv6FYUkYFmcKClZIH8JY6PAUn homme descendait de Jérusalem à Jérico.

    C’est le début de cette magnifique parabole du Bon Samaritain, que seul l’Evangile selon saint Luc rapporte. C’est la réponse du Christ à la mise à l’épreuve. Vous me demandez qui est mon prochain. Je vais vous dire de qui vous êtes le prochain. Retournement complet auquel le docteur de la Loi ne s’attendait pas d’autant plus que le voilà concerné. Deux fois de suite le Seigneur lui dit : « fais de même ». Retournement que nous connaissons (ou nous découvrons), retournement auquel il ne faudrait pas nous habituer, parce qu’évidemment cela nous concerne et cela concerne celui qui livre cette belle parabole. Cela Le concerne parce que la parabole parle d’abord de Lui, avant de parler de nous. Mais n’anticipons pas.

    C’est donc l’histoire de 4 hommes. Le premier est à demi-mort au bord du chemin. Rien ne ressemble plus à un mort qu’un demi-mort, c’est important pour la suite. Le deuxième est un fils d’Aaron, un prêtre. Les règles de pureté rituelle l’empêchent d’avoir le moindre contact avec un mort. Mort, à demi-mort, dans le doute il change de trottoir, avec une certaine énergie sportive quand on connaît les lieux, et celui qui raconte le récit connaît les lieux, tout comme ceux qui écoutent. Le troisième, un lévite, c'est-à-dire un fils de la vaste tribu de Levi. Même règles pour lui. Même observance. Même prudence. Circulez, il n’y a rien à voir.

    Et le quatrième : un Samaritain. Que vient-il faire sur cette route de coupe-gorge, dans la vallée étroite du Wadi Kelt, loin de sa terre refuge de Samarie. Voyage improbable pour une rencontre improbable. Voyageur improbable parce qu’il n’a rien à faire en Judée. Voyage improbable, parce que ce n’est pas le chemin de sa patrie. Or dans cette épopée improbable, il rencontre un demi-mort et il voit un demi-vivant. Il panse ses plaies. Il le porte sur sa monture. Il le mène à l’auberge et il paie pour deux jours supplémentaires.

    Là où la Loi voit un demi-mort, il voit un demi-vivant. Et un demi-vivant, c’est un vivant. Le texte ajoute qu’il fut saisit de pitié. Traduction bien misérable pour une expression forte de la tendresse et de la compassion : il fut remué jusqu’au entrailles. Ce mot doit nous arrêter. A plusieurs reprises dans l’Evangile, il est utilisé soit pour le Christ, soit pour un personnage central d’une parabole, comme le père dans celle du fils prodigue. Remué dans ses entrailles de miséricorde. Profondément blessé d’amour et de tendresse devant la situation de cet humanité blessé, laissé à demi-mort, mais dont le demi-vivant aspire à ressusciter. L’Ancien Testament rayonne de cette expression de la tendresse de Dieu pour les hommes, et en particulier pour Israël. Dieu proche qui s’abaisse. Dieu, le Très-Haut, qui attire ses enfants sur ses genoux ou contre sa joue. Dieu qui écoute et répond aux prières. Dieu qui se laisse fléchir.

    C’est ici que les traits de ce voyageur improbable s’éclaircissent. Jésus se met en scène dans cette parabole, qui parle de sa mission. Dans l’Incarnation, et par miséricorde, le Très-Haut se fait se fait Très-Bas. Il descend, c'est-à-dire qu’il s’abaisse vers notre humanité, de la Jérusalem céleste à la Jérico de notre condition humaine. Il prend la route de l’homme pour se pencher vers lui, déployer sa tendresse et sa miséricorde, soigner ses plaies par l’huile et le vin des sacrements, le porter sur sa propre monture, et enfin l’emmener à l’auberge de l’Eglise.

    Paraphrasant l’Evangile selon saint Matthieu, on pourrait ajouter : « Venez à moi vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, vous les demi-morts. Vous êtes des demi-vivants que je veux soulager, par ma tendresse et ma miséricorde ».

    On pourrait ajouter une dernière chose. Le Très Haut qui devient le Très bas accepte même d’être de devenir cette humanité blessée au bord du chemin. Il y aura un jour où le Seigneur deviendra ce demi-mort. Sauf qu’il ne fera pas semblant. Il sera un vrai mort dont tous se détourneront, sauf quelques hommes et femmes qui lui prodigueront la miséricorde qui lui est due. Au pied de la Croix, Marie, Jean, Marie Madeleine, Joseph d’Arimathie panser ses plaies, le déposeront au tombeau pour les 3 jours à venir.

    Va et fais de même, dit le Christ au docteur de la Loi qui pensait le mettre en défaut. Fais de même. Imite-moi. Ce que je fais, je le fais pour que vous le fassiez les uns aux autres (cela ne vous rappelle rien ?). Consents à descendre vers le demi-mort qui reste un demi-vivant. Communie à son état intérieur et montre le lui par un geste, une parole, une présence, que sais-je encore. C’est le sacrement de l’amour par excellence, celui d’une charité qui descend et qui consent. Qui s’abaisse devant celui qui en a besoin et qui consent à agir pour lui. C’est cette fresque qu’on retrouve au dessus du tombeau de Frédéric Ozanam. Le Bon Samaritain, c’est le Christ. C’est toi si tu le veux. Va et fais de même.

  • Il prit avec courage la route de Jérusalem

     marche%20pt.pngAprès les miracles qui guérissent les corps, après les enseignements qui enflamment les cœurs, après les foules qui le suivent en Galilée et dans toute la région, voici une nouvelle étape dans l’Evangile. Jésus monte à Jérusalem. Avec noblesse, avec détermination, peut-être avec gravité, il prend résolution le chemin de Jérusalem. C’est le chemin de la Croix, celui de la Passion et de la Résurrection. Il le sait. Il le prend. N’avait-il pas dit que pour le suivre il fallait renoncer à soi-même, prendre sa croix et le suivre ?

    Jésus prend avec courage la route de Jérusalem. Littéralement, il durcit sa face. C'est-à-dire qu’avec détermination, il consent et emprunte ce chemin, et ce sans regarder en arrière. L’enseignement arrive tout de suite. Vous avez entendu chacun de ses trois hommes présenter des objections légitimes à cette suit du Christ.

    Le premier confesse généreusement qu’il ira partout où Jésus ira. Les disciples n’en diront-ils pas autant à la Passion. Le Christ prévient : Le Fls de l’homme n’a pas d’endroit où reposer sa tête, tout au plus le linteau d’une Croix, où la pierre d’un tombeau. Partout où il ira ? En est-il encore sûr cet homme téméraire ?

    Le deuxième veut remplir son devoir de fils en honorant la sépulture de son père. Tobie n’en faisait-il pas autant quand il enterrait les morts au risque même de sa réputation et de sa propre vie ? Pourtant, l’urgence est posée. Laisse les morts enterrer leurs morts. C’est la vie du règne de Dieu qui urge. La vie des pécheurs qui attendent un pardon, la vie des malades qui attendent une guérison, la vie des possédés qui espèrent une délivrance. Bref, la vie de tous ceux qui attendent le salut.

    Le troisième demande un peu de temps pour embrasser les siens. Elisée n’en a-t-il pas fait autant, exerçant la patience d’Elie, qu’il a rejoint ensuite. Et la remarque tombe, cinglante : Celui qui regarde en arrière n’est pas fait pour le Royaume de Dieu. Dieu l’avait dit à Lot et sa famille qui fuyait Sodome. Sa femme a été changée en statue de sel pour avoir désobéi à l’ordre divin. Les Hébreux eux-mêmes ont connu cette tentation au désert.

    Alors, comment comprendre cette exigence radicale que pose le Seigneur Jésus, au long de ce chapitre 9 ? Exigence de le suivre sans condition, sans préalable, dans une obéissance, une pauvreté et une disponibilité sans réserve, ni retour sur soi ?

    Après tout, ceux qui, dans l’Eglise, vivent une vie consacrée ne sont-ils pas les premiers et les seuls concernés ? Les vœux qu’ils prononcent ne réalisent-ils pas cette radicalité de la condition du disciple par excellence, celle du Christ lui-même ? Qu’ils vivent cette exigence au milieu de nous. Qu’ils en témoignent, et cela rayonnera dans l’Eglise.

    Non, non. Il n’est pas possible que cet Evangile nous laisse indemnes, qui que nous soyons. Il n’est pas possible que cet Evangile ne nous altère pas un peu.

    Il y a en nous quelque chose de ce premier téméraire en nous, qui veut bien suivre Jésus, mais qui rebroussera chemin dès que cela ne sera plus confortable, dès que cette suite suppose une conversion : aller où Jésus veut nous emmener. Quand tu seras vieux,…

    Il y a en nous quelque chose de ce second, qui dit oui et qui dit non, qui ne voit pas l’urgence parce qu’il est tiraillé intérieurement par ses différents devoirs et qui n’entend pas l’imminence de l’appel du Christ à le suivre et à se mettre au service d’une vie plus grande que les petites morts quotidiennes.

    Il y a en nous quelque chose de ce troisième, qui exerce la patience de Dieu, alors que cela urge. Cœur lent et partagé, cœur double et nostalgique, cœur attaché à ce qui est vieux et connu, alors que ce qui est neuf et inconnu lui fait peur.

    Prendras-tu avec courage la route du Christ, sans te soucier du respect humain, même dans ta famille, dans ton groupe d’ami, dans ton milieu professionnel. Prendras-tu avec courage la suite du Christ, qui t’appelle à infiniment plus que tu ne sauras te donner à toi-même ?