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  • Quel avantage un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il le paye de sa vie ?

    PorterSaCroix.jpgNous avons entendu ces deux dimanches successifs ce passage de l'Évangile selon saint Matthieu, où le Christ interroge ses disciples à Césarée de Philippe. La première partie du dialogue – qui culmine dans la profession de foi de Pierre : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant – est intimement liée à la seconde qui nous est donné en ce dimanche : la révélation que le Fils de l’homme doive souffrir ; celle des exigences de la suite du Christ.

    La révélation faite à Pierre, révélation issue non pas de la chair et du sang, mais du Père qui est aux cieux, semble s’entendre pleinement à la lumière de l’un enseignement du Christ, qui corrige l’interprétation de chair et de sang de Pierre : « Non, cela ne t’arrivera pas ! »

    Première annonce de la Passion, cette prophétie du Christ est précise : il lui faut « aller à Jérusalem, y souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être tué et, le troisième jour, ressusciter ». Comme les deux autres annonces, elle est destinée aux disciples comme un secret messianique, dont ils n’auront la clé d’interprétation qu’après les événements pascals. Et pour cause !

    Cette révélation complétée par le Christ vise sans doute à purifier leur foi messianique, emprunt de désir de chair et sang, désirs qui subsisteront peu ou prou jusqu’après la résurrection : « Nous espérions, nous, qu’il allait délivrer Israël ». Que le Fils de l’homme restaure la royauté en Israël ! Qu’il sauve magnanimement et triomphalement le peuple du péché ! Qu’il siège et que ses ennemis se dispersent ! Vanité des vanités. Ce ne sont que désirs de chair et de sang. Ces pensées « ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes »

    Messie triomphant, ou Messie souffrant ? Les plans de Dieu dépassent les projets et les représentations humaines. Ici, la volonté de Dieu quant au salut doit faire son lent chemin dans l’intelligence des apôtres. Lent chemin, à cause de l’inouï du Messie souffrant : le Fils devra souffrir, mourir et ressusciter le troisième jour, pour faire de sa vie l’unique offrande. Lente préparation que l’Esprit Saint avait déposé comme des pierres d’attente, par exemple dans le prophète Jérémie. Après la résurrection, les Apôtres sauront recueillir ces pierres pour en faire l’allée droite de l’annonce de la foi. Pour l’heure, restent à être purifiés ces désirs de chair et de sang.

    Autre purification, celle de la suite du Christ. Pour ceux qui ont répondu à l’invitation pressante de tout laisser et de le suivre, la sequela Christi se montre tout d’abord sous un jour heureux : l’eau est changé en vin, les boiteux marchent, les aveugles voient, les foules écoutent et suivent, le Maître lui-même l’affirme : « heureux…, heureux…, heureux… ».

    Or, suivre le Christ n’est pas que confortable. C’est également exigeant. La suite du Christ prend tout de celui qui s’y engage ; le jeune homme riche l’a appris tristement. Il s’agit d’abord de renoncer à soi-même : renoncer à ses projets, renoncer à être maître de soi, renoncer à son honneur, à sa réputation, à ses biens, renoncer même à se comprendre soi-même. La pauvreté de cœur ainsi décrite est radicale : elle est celle de la première des béatitudes ; elle est celle du Fils. Il est celui qui renonce à lui-même pour prendre sa croix. Par là, il fonde l’unique chemin du renoncement, ou plutôt, pour le dire autrement, chemin de l’offrande.

    Gagner pour finalement perdre ou perdre pour finalement gagner ? Cette alternative traverse encore aujourd’hui les siècles avec une actualité tout aussi frappante. Pas plus que l’homme grec ou romain, pas plus que celui de la Renaissance ou celui des Lumières, l’homme contemporain renoncerait à gagner pour accepter de perdre en offrant. Tout lui est promis. Tout semble lui sourire : l’argent qui donne le bonheur, l’amour qui rend heureux, les biens multiples et dispersés qui participent au bien recherché.

    Vanité des vanités, crie encore aujourd’hui Qohélet. Pour le Christ, comme pour l’apôtre, ou le disciple, le chemin reste celui de l’offrande : offrande sans réserve et sans mesure, l’offrande entière et sans retour, parce qu’il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir. Le suivre, signifiera entrer dans un chemin de liberté qui implique cette offrande de soi. « Quel avantage un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il le paye de sa vie ? »Le Bx Charles de Foucault avait écrit cette phrase sur les murs de sa cabane à Nazareth. Il l’a vécu dans l’acte d’abandon que nous connaissons. Oui, Seigneur, tout ma vie, je vais te bénir. Dans cet offertoire, accueille l’offrande de ma vie.

  • Dieu est silence

    9632-vacances-2006-coucher-soleil-neguev-img.jpgAu cœur de l’été, je vous fais une confidence : Dieu est silencieux. Confidence qui vous rassure, ou qui vous surprend. Dieu est silencieux. J’en veux pour preuve l’apparition à Elie dans cette magnifique première lecture que nous avons entendu tout à  l’heure. Il est silencieux, ne fait pas de bruit, il se tient dans le silence, alors que l’homme l’attend dans les manifestations grandioses, deus ex machina, comme on dit en mise en scène.

    Relisons : Et voici que le Seigneur passa. Le Seigneur n’était pas dans l’ouragan, pas dans le tremblement de terre, pas dans le feu, mais dans le murmure d’une brise légère. A Moïse et au peuple hébreu, Dieu s’était manifesté de façon aussi grandiose et sensible. Pensez donc : des éléments aussi tempétueux, voilà qui nous parle de al grandeur de Dieu, de sa force, et donc voilà qui peut rassurer le peuple : ce Dieu là c’est du solide. Il est fort et grand, il saura nous protéger.

    Or à Elie, il se révèle dans le murmure d’une brise légère. Le traducteur liturgique a un peu simplifié le texte original. Ne pensez pas que je sois spécialement pédant, mais le texte hébreu ne dit pas tout à fait cela : la voix d’un silence ténu. Dieu est dans la voix d’un silence ténu.

    D’un point de vue biblique, nous retrouvons ce Dieu qui vient à la brise du soir pour être avant Adam et Eve. Dieu est dans le silence de l’intimité d’un entretien avec son prophète. Dieu est dans le silence d’une complicité, où il parle cœur à cœur. Dieu est dans le silence amoureux avec son peuple, pour l’éduquer en plaçant au plus profond de lui son amour et sa Loi.

    Mais allons plus loin. Dieu est dans un long silence ténu, parce qu’il convient que l’homme se taise, pour entrer dans le dialogue. Dieu se tait pour amener l’homme à ce recueillement, cette paix du cœur. Dieu est dans le silence, parce que c’est là que le croyant doit venir le rencontrer. Dieu amène l’homme sur son terrain. Dieu est tranquille, et il veut amener l’homme dans cette paix.

    Pour ceux qui rentrent de vacances, vous en avez peut-être fait l’expérience. Le silence des grands espaces, de la montagne, ou du littoral, ce sont des lieux où que nous aimons, que nous recherchons, parce qu’il nous semble que ce silence permet de nous rejoindre, de mieux coïncider avec nous-mêmes, alors que dans le tumulte de l’année, le bruit, les activités, apporte leur lot de dispersion.

    Ah, ce silence, la grandeur de ces instants, où il nous semble que nous sommes rejoints par celui qui nous épie et nous cherche dans le silence. Evidemment, je parle de ce silence, qui n’est pas seulement celui des paroles, mais aussi un certain silence intérieur, où les listes de courses, le bricolage, où les soucis du travail n’ont plus leur place. Vous avez droit à ce silence, où cette paix du cœur, où Dieu vient vous rejoindre.

    Nous y avoir droit : voilà un maître mot. Dès lors, il faudra le protéger, parce que ce silence n’a pas bonne presse dans un monde où le bruit, au sens propre comme au sens figuré règne en maître. Sacré concurrent à Dieu, que ce bruit omniprésent. Concurrent coriace et indolore. Concurrent sournois et efficace. Oui, nous avons droit à ce silence, dans nos maisons, dans nos liturgies, dans nos voitures,…

    Si nous y avons droit, ce sera également un devoir. Rien ne se fait sans silence : un certain retrait, une certaine silence, une certaine siponibilité. Silence de la langue (hé oui !), silence de l’activité naturelle et légitime par ailleurs (attention à l’activisme, aux distractions qui ne construisent pas, à la frénésie des yeux ou des oreilles…), silence intérieur (des pensées, des facultés). Bref c’est un devoir pour nous d’être en silence, seul avec le Seul, comme dit la Bse Elisabeth de la Trinité.

    Pour Élisabeth, afin de pouvoir vivre avec Dieu une ascèse du silence est nécessaire : en effet tous les bruits extérieurs ou intérieurs (l’imagination, la sensibilité ou l’intellectualisme) sont autant d’obstacles à la présence de Dieu « Si mes désirs, mes craintes, mes joies, mes douleurs, si tous les mouvements provenant de ces quatre puissances ne sont pas parfaitement ordonnés à Dieu, je ne serais pas solitaire : il y aura du bruit en moi » (dernière retraite, 10ème jour).

    Il est tranquille, lui qui tranquilise tout, c’est au autre bourguignon, St Bernard, qui l’affirme. Dans le silence, il apaise tout, il habite de sa présence. C’est une promesse, à nous de la saisir.